Le secteur du jeu devient un secteur économique de premier plan. Il y a 1 an quasi jour pour jour, nous annoncions l’entrée d’Eurazeo dans le capital d’Asmodee. Ce n’était pas une mince annonce pour ceux que l’économie pure intéresse. Depuis, la société dirigée par Stéphane Carville avance à grands pas, suivant un plan de développement précis et travaillé avec réflexions. C’est un épisode pour le moins renversant que nous vivons aujourd’hui. En tout cas pour tous ceux qui sont un peu au fait de la chose ludique…
De la stratégie d’acquisition
Il y a peu, nous annoncions l’acquisition de Days of Wonder par Asmodee. Une société franco-américaine de belle ampleur qui intégrait le plan de développement de l’entreprise. La chose paraissait évidente puisque les liens entre ces deux entités, Asmodee / Days of Wonder, étaient clairs. Du reste, personne n’a vraiment été surpris, étonné. L’idée est de grossir le catalogue avec des jeux devenus des succès, certes, mais surtout de mettre un pied plus large à l’internationale. Tout cela sans négliger la partie numérique, partie bien implantée chez les joueurs aux USA. L’annonce faite au moment de l’entrée d’Eurazeo est assez claire, “le digital constitue également un axe fort de développement”. Ce rachat avait tout sons sens.
Mais la nouvelle qui vient de tomber va sans doute avoir un écho tout autre. Assurément. Asmodee vient de d’entrer dans le capital de l’un des plus grand des éditeurs américains. Oui. En tout cas dans le ludique tel qu’on en parle sur Tric Trac. Elle va bousculer l’image que certains se font du secteur et de la taille des marchés.
Aux côtés des équipes d’Asmodee, Eurazeo a l’ambition de faire du groupe un acteur mondial de l’édition et de la distribution de jeux. Les objectifs de transformation sont clairs : aider cette entreprise en forte croissance à poursuivre son expansion en France, à passer de la distribution à l’édition et à s’internationaliser. Le digital constitue également un axe fort de développement.
Eurazéo
Fantasy Fligth Asmodee
Ici, tout le monde connait Fantasy Fligth Games, dit FFG. FFG c’est le numéro un mondial des jeux à l’américaine, des jeux dits Améritrash, avec des figurines, du background à foison et, surtout, d’énormes licences. Une entreprise qui tient le haut du pavé du secteur Core chez nos voisins d’outre-Atlantique. Et bien Asmodee vient de faire l’acquisition de FFG, de fusionner. Vous avez bien lu. C’est l’annonce la plus extraordinaire que j’ai eu a écrire en 15 ans de Tric Trac.
Quoi ? Comment ?
Cette acquisition ne s’est pas faite sauvagement, agressivement. Nous ne sommes pas face à un ogre à l’appétit débordant qui ne pense qu’à absorber les plus petits que lui pour devenir aussi gros que le boeuf. Non. En tout cas, quand on analyse la chose à plat, quand on discute avec les têtes pensantes, ce n’est pas ce qui semble ressortir. L’idée est de combiner les ressources, les savoirs pour aller plus loin, pour développer le jeu, l’idée du jeu tel que nous l’aimons ici.
Premier élément, le patron de FFG, Christian T. Peterson, reste dans l’entreprise. Il a empoché de l’argent puisqu’il a vendu sa société, mais il a remis des billes dans le capital, donc il a encore des parts et restera au final très impliqué dans tous les processus éditoriaux. L’idée n’est pas d’avaler et digérer la boite américaine, mais bel et bien de mixer les compétences et analyses que FFG possède à celles d’Asmodee. En gros, FFG sait faire des jeux très typés, ils connaissent le marché américain, ils savent toucher le core-Market, mais Asmodee sait comment vendre au-delà. Ils l’ont démontré en France et dans toute la francophonie. L’idée est donc de reproduire sur le continent américain le modèle qui a conduit la francophonie à une vitalité débordant sur un public plus large que la cible d’origine. Nul doute que cette situation sera bénéfique à tout le secteur. FFG devenant une espèce de studio Asmodee, comme Days of Wonder, comme Libellud, GameWorks, Ystari, etc. Si on est un peu imaginatif, on devrait avoir un large sourire de satisfaction.
Je suis ravi d’accueillir Christian et son équipe au sein du groupe Asmodee » déclare Stéphane Carville, Président du groupe Asmodee. « Fantasy Flight Games est un éditeur très réputé auprès de la communauté des joueurs. Il a prouvé sa capacité à créer des jeux formidables et à établir de solides relations aussi bien avec les acteurs du marché des hobby games qu’avec les grandes sociétés d’entertainment. Ensemble, nous entendons continuer à proposer des jeux uniques, innovants et de grande qualité aux joueurs du monde entier.
Stéphane Carville
Pour Fantasy Flight Games, l’idée est de compter sur l’expertise d’Asmodee pour répandre ses jeux dans le reste du monde en s’appuyant sur le réseau du leader Européen de la distribution. Car l’idée est là, la motivation de ces entreprises tient dans l’envie que les communautés des joueurs, nous donc, grandisse. L’objectif clairement affiché est que ces univers forts, très tendance, révèlent leurs beautés à un monde incrédule qui, il y a 15 ans, ne savait pas ce qu’était un Troll, un Elfe ou un Marine aux armes destructrices… Cet envie de faire avancer notre hobbies est l’assurance d’avoir de nouveaux jeux, de nouveaux joueurs… Jouer, c’est bien pour le corps, pour l’esprit et l’offre étant maintenant aussi riche que la littérature ou le cinéma, il faut en informer le plus de monde. Il y en a pour tous les goûts, tous les joueurs et le monde doit le savoir !
« Fantasy Flight Games a connu une croissance fulgurante au cours des dix années » ajoute Christian T. Petersen, CEO et Fondateur de Fantasy Flight Games. « En joignant nos forces à celles d’Asmodee, nous serons en mesure de poursuivre cette croissance, d’accroître nos moyens marketing à l’international, et de créer de nouvelles opportunités de carrière pour nos équipes. Plus important encore, nous pourrons le faire tout en restant fidèle à notre vision : créer d’excellents produits pour le marché mondial des hobby games.
Christian T. Petersen
Du doute levé ?
Je sais que l’annonce peut en surprendre quelques-uns. Ils imaginaient FFG comme une entreprise énorme. Oui, elle l’est. Mais Asmodee est bien plus gros. Beaucoup plus gros. En juillet 2014, de retour de Berlin après la remise du Spiel des Jahres, j’écrivais un billet d’humeur, une espèce d’édito où j’expliquais à qui voulait bien le lire que la France, la francophonie étaient, en fait, le vrai « pays » du jeu. Je disais que les auteurs, illustrateurs, éditeurs, distributeurs, et même les joueurs francophones avait une volonté de structurer le secteur, de le faire grossir comme aucun autre. Le tout étant parti d’un fantasme cultivé depuis la fin des années 90, fantasme qui mettait l’Allemagne sur un piédestal, l’érigeant en modèle, alors que non. Cet article a rencontré un vrai succès, une vraie résonance, et ce jusqu’aux États-Unis de l’Amérique puisque des tweets d’Éric Martin (rédacteur chez BGG) rebondissaient sur mes propos. Cet article a, forcément, aussi suscité quelques réactions moqueuses de-ci de-là, des gens qui émettait l’hypothèse que tout cela était dicté par de la rancoeur suite au prix loupé par « Splendor » et « Concept », une réaction bassement chauvine. Et bien cette nouvelle devrait retirer le sourire moqueur des septiques. Les francophones sont bel et bien sacrément leaders.
Stéphane Carville, Président d’Asmodee
Monopole.
Bien sûr, nous sommes tous en droit de nous inquiéter d’un potentiel monopole, d’une main mise générale, d’un contrôle total du secteur par Asmodee. Je ne pense pas qu’une situation hégémonique puisse s’installer demain. D’abord parce qu’il restera toujours le financement participatif et Kickstarter n’est pas près de disparaitre. Ces méthodes de financement, c’est la liberté totale pour qui veut entreprendre avec un projet qui trouve du sens et de l’écho auprès d’un public. Ensuite parce qu’il y a encore du respect et l’envie de maintenir un secteur chez la plupart des acteurs d’importances et donc chez Asmodee. Par exemple, on peut se demander légitimement comme Edge va supporter cette nouvelle. Eh oui, Edge est un concurrent d’Asmodee et Edge a un lien très particulier avec FFG puisqu’ils font toutes les VF et qu’ils distribuent les jeux via Millennium. Et bien j’ai posé la question à Stephane Carville, le grand patron du Groupe Asmodee, il m’a répondu qu’il y allait avoir un arrangement, des accords avec Gilles Garnier, grand patron de Edge. Parce qu’il y a toujours eu respect entre ces entreprises et qu’il n’y a pas de raison que cela cesse. D’ailleurs, il suffit de fouiller le catalogue Millenium pour se rendre compte qu’en France quelques “produits” core d’Asmodee sont distribués par Edge et que quelques produits Edge passent par le réseau Asmodee pour atteindre les grandes surfaces spécialisées.
Et puis, il y aura toujours les éditeurs qui veulent travailler avec des distributeurs moins « ambitieux », qui voudront avoir affaire à des structures plus intimes, et nous, chez Tric Trac, nous serons toujours là pour leur ouvrir nos colonnes et notre antenne. Oui. Alors nous, ici, on trouve la chose vraiment intéressante, parce que l’air de rien, aux US, il y en a des choses à faire. Je crois l’avoir déjà légèrement abordée quand je parle à qui veut m’écouter de l’écart qu’il y a entre une Gen Con à Indianapolis et une Toy’Fair à New-york…
Quelques liens internes
► L’annonce du rachat d’Asmodee par Eurazeo, c’est par là !
► L’annonce du rachat de Days of Wonder par Asmodee, c’est par ici !
► L’édito d’humeur sur le marché et l’Allemagne, c’est par là !
Quelques liens externes
► Le site de Fantasy Flight Games, c’est par là !
► Le site Asmodee, c’est par ici !
► Le site d’Eurazeo, c’est par là !
► Le communiqué de presse en pdf, c’est par là !