Cet article a été originalement posté sur mon blog GeekMate.
Si le Monopoly reste le classique inusable du jeu de société, au grand désespoir de nombreux joueurs réguliers, Catane reste celui qui lui a redonné ses lettres de noblesses grâce à une certaine forme de modernité. Fluidité du tour, interactions fortes entre les joueurs, renouvellement des parties sont devenus des qualités indispensables pour qu’un jeu puisse espérer avoir un minimum de succès aujourd’hui. Minivilles se propose, lui, d’associer l’idée de la construction d’un empire sous forme de ville, avec des mécaniques à la Catane. Un pitch qui ne pouvait qu’éveiller ma curiosité.
Minivilles est donc un jeu de construction crée par Masao Suganuma, dans lequel chaque joueur devra créer la plus belle ville possible. Il se joue en 30 minutes et à partir de huit ans. Ce qui marche beaucoup mieux qu’en huit minutes et à partir de 30 ans.
Le but du jeu est de réussir à construire les quatre monuments distribués à chaque joueur au début de la partie. Pour cela, il faut réussir à s’enrichir suffisamment, parfois au dépend de vos adversaires, pour pouvoir en payer le coût. Vous commencez donc la partie avec quatre chantiers (vos monuments) et deux établissements pré construits : le Champs de Blé et la Boulangerie.
Les cartes établissements que vous allez pouvoir construire sont disposées au milieu de la table, à la portée de chacun, et classées en pile qui correspondent à chaque établissement. Chacun d’entre eux arbore un numéro compris entre 1 et 12 et un coût de construction signifié en pièce.
Votre tour commence par le lancer d’un dé à 6 faces. Le résultat permet d’activer les établissements qui affichent ce numéro. En fonction de leur couleur, vos établissements vous font gagner une ou plusieurs pièces uniquement durant votre tour, durant le tour de n’importe quel joueur ou permettent d’aller voler des pièces à vos adversaires. Votre moteur économique est en marche. Avant de passer la main au joueur suivant, vous pouvez construire un (et un seul) nouvel établissement : soit un de vos monuments en chantier, soit prendre une carte du centre de la table. Dans tous les cas, vous devez payer le coût de construction. Notez aussi le symbole sur chaque carte qui définit le type d’établissement (Agriculture, Usine, Commerce, etc.) qui permet avec les cartes les plus puissantes de réaliser des combos pour multiplier vos revenus de manières conséquentes.
Lorsqu’un monument est construit, il vous accorde un avantage supplémentaire : lancez deux dés au lieu d’un pour tenter d’activer les établissements les plus puissants, relancer les dés pour augmenter vos chances de sortir les nombres qui vous intéressent ou rejouer un tour lorsque vous faites un double par exemple.
Le Feeling
Finalement, Minivilles n’emprunte qu’assez peu de mécaniques au Monopoly. La référence se situe plus dans la construction d’un empire urbain illustré par une direction artistique plutôt mignonne qui donne l’impression de jouer à un Sim City pour enfant. Mon sentiment de départ était plus similaire à un Dominion où les achats de cartes engendrent de nouveaux achats de cartes plus puissantes jusqu’à pouvoir construire ses monuments. Mais contrairement à Dominion, toutes les cartes de la boite sont placées sur la table, ce qui limite quand même pas mal le renouveau de chaque partie. Le jeu reste néanmoins assez rapide et le nombre d’établissements est suffisant pour que toutes les parties ne soit pas vraiment les mêmes non plus. En fonction de votre groupe de joueurs (gentils ou méchants), les cartes rouges peuvent être plus ou moins utilisées et cela change radicalement l’ambiance autour de la table. Comme à Dominion avec les cartes d’attaque ou à 7 Wonders avec les cartes de guerre, elles ont un effet contaminant, car dès qu’un joueur en utilise, il donne envie aux autres joueurs de faire de même. Le seul moyen de se défendre est alors de dépenser le plus d’argent possible à son tour pour éviter que vos pièces finissent chez l’adversaire.
Si le jeu reste très simple à comprendre et à jouer, il est difficile d’élaborer une stratégie gagnante, car l’incertitude des tirages de dés vient souvent se mettre en travers de votre chemin. Si je me diversifie au maximum, j’augmente mes chances de gagner quelques pièces par tour, mais il m’est impossible de toucher le pactole qui me permettra de faire la différence avec les autres. En plus, il est difficile de faire du cumulatif (gagner quelques pièces chaque tour) car les joueurs qui possèdent des établissements rouges vont régulièrement venir voler ma réserve et vont m’empêcher de me développer correctement. Si je choisis de me concentrer sur quelques numéros uniquement, j’ai le risque de ne jamais toucher un kopeck, ou alors trop tard. D’ailleurs, il est notable que 2 joueurs élaborant exactement la même stratégie peuvent se retrouver avec des résultats complètement différents, les dés faisant leur œuvre, tour après tour.
Le jeu a incontestablement du charme, mais il lui manque une couche mécanique qui aurait permis de mieux maîtriser le hasard et ainsi la possibilité de créer des stratégies plus pérennes. Les monuments ont sans doute été conçus dans ce but, mais leur pouvoir ne se déclenche souvent qu’en fin de partie interdisant d’en bénéficier trop longtemps.
Ceci dit, avec une telle direction artistique, il s’agit avant tout d’un jeu pour enfant, ou tout du moins d’un jeu léger qui lorgne plus du côté du jeu occasionnel. Et dans ce cadre-là, Minivilles à sans aucun doute son mot à dire. Il peut s’avérer un très bon premier jeu pour introduire des joueurs peu expérimentés à des mécaniques un peu plus élaborées et leur donner le goût du jeu de société moderne. Surtout que le sentiment d’injustice qu’il établit fréquemment au cours d’une partie peut être interprété de manière beaucoup plus cocasse par des enfants qui se feront une joie de pouvoir battre des adultes sur la foi de quelques lancers de dés.
Conclusion
Minivilles se révèle finalement beaucoup plus marrant dans un rôle d’initiation aux jeux de société moderne que comme un produit auquel tout le monde pourrait adhérer. Sous cette forme, Minivilles n’offre pas assez de stratégies et manque trop de choix tactiques pour satisfaire les gros joueurs. Cependant, il jouera surement une fonction très intéressante au sein d’une famille, permettant aux enfants, parents et grands-parents de se retrouver autour d’une table, chacun ayant sa chance de remporter la victoire.
Minivilles
Un jeu de Masao Suganuma
Illustré par Noboru Hotta
Publié par Moonster Games
2 à 4 joueurs
7 à 109 ans
Langue de la règle: Française
Durée: 30 minutes
Prix: 25,00 €