Copyright le bien nommé vient de paraître

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Transparence et polémique

Copyright le bien nommé vient de paraître

Voici un petit jeu qui vient de sortir chez Ferti et qui fait déjà parler de lui sur les rezossossios et vous allez vite comprendre pourquoi.

Voyons plutôt de quoi il s’agit.

“Copyright” est un jeu casse-tête constitué de cartes transparentes représentant des ronds, des carrés ou des croix réparties sur un damier de 3x3.

On commence

On commence toujours un tour de jeu en constituant un modèle aléatoire. On pioche 4 cartes qu’on superpose.

10 cartes sont distribuées ensuite aléatoirement à chaque joueur et chacun va devoir empiler certaines de ses cartes pour reproduire le modèle présenté.


On peut les tourner dans tous les sens et même les empiler sans qu’elles ne se recouvrent complètement pour faire coïncider les figures aux bons endroits.

Dès qu’un joueur parvient à reproduire le modèle, il l’annonce et plus personne ne peut poser de carte.
Enfin si, une seule : la carte spéciale qui forme le cadre qui définira la zone qui représente le modèle. Il se peut que des bouts de cartes dépassent de ce cadre.

Il est temps de compter les points de la manche.

Des bons points !
Le joueur qui a bien reproduit la composition modèle marque 10 points. (1 point pour chaque case identique au modèle +1 de bonus)
Les autres joueurs aussi marquent des points de la même manière : 1 point par case identique. (mais pas de bonus)

Des mauvais points !
Comme nous l’avons vu, il est possible de poser ses cartes en décalé pour faire rentrer plus facilement une figure à la bonne place.
Par contre, si cela facilite le jeu, il va vous en coûter des points : Pour chaque colonne qui dépasse le cadre à gauche ou à droite vous marquez -1 point. De même pour chaque ligne qui dépasse dessus ou dessous.

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On recommence ainsi jusqu’à ce qu’un joueur atteigne ou dépasse 20 points de victoire cumulés.

Le jeu propose une variante minutée et une variante éclair et l’éditeur en proposera d’autre sur son site.

Tout est dans la transparence !

Alors d’où vient ce petit air de scandale qui a agité la toile lors de l’annonce officielle de parution ?

Certains l’ont déjà compris : la ressemblance avec “Vitrail”, un jeu de Dominique Bodin paru en 2006 chez Cocktail Games, désormais épuisé mais qui devrait reparaitre sous le même boîtage et le même nom que sa version US : “On the Dot”.

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Une ressemblance qui a vite fait sortir le mot “plagiat” dans le vocabulaire des intervenants.

Alors qu’en est-il exactement ? Plagiat ou pas ?

La première chose particulièrement évidente est la similarité des cartes transparentes. Et plus encore les objectifs du jeu qui sont exactement les mêmes : reproduire un modèle donné avec ses cartes transparentes.

Il faut tout d’abord être prudent avec le terme de plagiat qui ne comporte pas les mêmes nuances dans le langage et dans le juridique. je laisse le juridique à plus compétent que moi.
Pour l’usage langagier, il faut savoir que le plagiat recouvre un champs assez large de notions qui vont de la pure contrefaçon (qui possède donc sa propre dénomination) à la forme moins ouvertement brigande qui est de s’inspirer fortement d’un modèle et où l’on omet délibérément ou par négligence de désigner sa source.

On peut imaginer qu’un auteur puisse ignorer cette source et la recréer. Il n’en reste pas moins que le processus éditorial peut permettre de prendre en compte cette information et d’en faire mention.

Pour prendre un exemple récent, il est possible de comparer un jeu comme “Dominion” qui offre un processus de deck-building* innovant. “Thunderstone” qui suivra de peu reprend ce même processus et ce ne sera pas le seul.
Peut-on parler de plagiat ? Le langage coutumier nous y autorise dès lors que sur l’ouvrage n’apparait pas une filiation visible d’évidence par ceux qui connaissent le sujet.

De fait, il reste ensuite que la perception de ces filiations, honnêtes ou pas, sont très différentes si l’on se place du côté du public ou des créateurs.

Côté public, pour reprendre l’exemple du duo “Dominion”/“Thunderstone” certains préfèrent le deuxième jeu pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’aspect novateur ou pas.
Se pose alors la question de savoir si les suites très inspirées infligent des préjudices à la création initiale. Inversement, on peut se demander si la restriction de la protection des idées, des mécanismes et autres propriétés intellectuelles n’empêcherait pas une évolution naturelle vers de “nouvelles” nouveautés et des variations qu’on peut même imaginer “supérieures” à la mère créatrice.
Vaste problème.

Alors Copyright ? Un simple calque ?

Oui et non donc. Oui parce que “Copyright” par quelques bouts qu’on le prenne reprend le même mécanisme de superposition et transparence et le même objectif de reproduire un modèle donné le plus rapidement.
On peut donc parler de plagiat dans sa forme la moins aiguë. Un rappel de l’existence de “Vitrail” aurait été à la fois plus élégant et respectueux.

Une fois ceci constaté, il s’agit maintenant de distinguer les différences entre les deux jeux et celles-ci ne sont pas forcément visibles au premier coût d’œil mais bien présentes.

“Copyright” avec ses 10 cartes par joueur, ses superpositions qui ne se recouvrent jamais (une couleur de “Vitrail” posée sur une autre la cache) et le fait de pouvoir décaler les cartes en fait un jeu plus simple.
Le challenge intellectuel est plus grand dans “Vitrail”. Celui-ci met l’accent sur la résolution et son challenge.

Ce même décalage va ensuite entrainer une dynamique de jeu différente puisque l’on pourra chercher soit l’excellence soit la rapidité avec moins de points de victoire dans ce dernier cas avec les malus.

Voilà donc les amateurs devant un choix puisque “Vitrail” devrait se voir rééditer bientôt sur le nom de “On the dot”.
Du plus simple où tout le monde peut grappiller des points ou du plus corsé où un seul remporte des points à la fois ? Alors désormais ce choix là vous appartient.

Humour toujours !

Reste maintenant que ce nom de “Copyright” est quand même bien amusant au vue de la situation. Et si je vous dis que le slogan de “Copyright” est “Qui parviendra à reproduire l’original ?”, on se peut même se demander si les deux éditeurs ne sont pas entendus avant pour organiser un buzz commun.
Oui c’est très complotiste comme idée mais avouez que ce serait drôle !

Désormais vous savez tout ou presque.

“Copyright”
Un jeu de Julien Sentis
Illustré par Stéphane Poinsot
Publié chez Ferti
Pour 2 à 6 joueurs dès 8 ans
Tout public
Durée moyenne estimée de partie : 15 min
Disponible depuis peu dans les 12€

* Système de répartition des cartes limitant le hasard

Cher docteur, une fois de plus, chapeau bas.

C'est d'autant plus surprenant que l'auteur, Julien sentis, génial inventeur de "Déclic", est également l'auteur d'Illico, qui vient de sortir chez ... Cocktail Games !

Voilà quelqu'un qui n'aime pas quand c'est tiède ;-p

Et franchement, Mr et Mme Ferti, ce coup-là est vraiment vilain !

Cedric de Ferti m'a adressé une boîte de Copyright et nous venons d'y jouer. Les sensations de jeu sont très proches : On tourne et retourne les cartes, on essaye de reproduire une figure prédéterminée et ce si possible plus vite que les autres. La différence c'est effectivement le fait que l'on a le droit de déborder du cadre initial et d'accélérer le tour de jeu en y mettant un terme quitte à prendre des points négatifs... Voilà. On va arrêter la polémique là car Cédric de Ferti n'est pas un voyou et n'avait manifestement pas le sentiment de mal faire et Julien Sentis est quelqu'un de charmant et, même s'il connaissait Vitrail, il n'avait absolument pas l'impression de faire une copie du jeu. Pour moi, Copyright n'a pas la pureté, l'élégance et l'originalité d'un jeu comme VITRAIL. Malheureusement, avec le flot de sorties actuellement, il est probable que ce genre de cas se produise de plus en plus.

Matthieu d'Epenoux (CocktailGames)

Très honnêtement, en proposant "Copyright" à Ferti, je considérais que le jeu était suffisamment éloigné de "Vitrail" (que je possède et que j'apprécie beaucoup). Sinon, par respect pour l'auteur et l'éditeur, je ne l'aurais jamais fait.

Pour moi, je trouve que c'est différent car :

- on associe des formes géométriques ;

- on peut décaler les cartes, ce qui entraîne des points négatifs ;

- on reçoit des cartes différentes à chaque fois, ce qui permet de donner une multitude de solutions.

Le plus surprenant dans tout ça, c'est que je suis plutôt doué à "Vitrail" et... très mauvais à "Copyright" !!!

Julien Sentis

??!!

Cette histoire est de plus en plus surréaliste !

Mais si tout se passe de manière civilisée et courtoise, respect aux protagonistes.