Les "Ok Games" : Et pourtant... ils tournent !!!

[Les Basses Terres][Pulsar 2849][Race to New Found Land][Tokyo Ghoul Bloody Masquerade (+ réédition 2022)][Xi’An]

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Ou “Chroniques d’un gâchis de jeux !”

Septembre 2018, quelque part à l'Officine :

"Ils étaient là... sur mon bureau... et pour certains, depuis un certain temps, voir même un temps certain... seulement voilà :

- Comment vous en parler ?

Faut-il, suivant le temps disponible, n'écrire que quelques lignes au risque de passer l'intérêt du jeu sous silence sous une apparente "rapidité" de traitement mariée à un "voilà, c'est fait" ?... Attendre jusqu'à avoir le temps de le faire correctement ? Et puis qu'est-ce que "traiter correctement un jeu" à une époque où l'on peut lire sur les réseaux sociaux des "je viens d'acheter ce jeu, il est comment ? Vous en pensez quoi ?... euh, ben... joues-y, non ?" réduisant l'activité ludique partagée à sa partie congrue et consommatrice ?... Et puis surtout :

- Quand vous en parler ?

En sachant qu'il y a des obligations, des impondérables... et des paramètres parfois contradictoires : Faut-il attendre la TTTV pour avoir du concret en vidéo à présenter ? Faut-il présenter un jeu en avance alors que l'intérêt de la découverte via l'article peut se trouver complètement effacé par quelques semaines, que dis-je, quelques jours de nouveautés en boite "encore plus nouvelles" ? Donc il vaut mieux attendre de se rapprocher de la sortie du jeu ? Ah ben non, parce que là, d'autres en auront parlé et la fonction de "perroquet puéril" n'a, me semble-t-il, d'autre intérêt que sauter tel l'Âne dans Shrek pour dire "moi aussi, j'y ai joué... moi aussi, j'y ai joué" et ça n'est pas du tout un rôle à la vaine gloire qui est agréable à endosser...

Mais alors, peu importe, il faut en parler lorsque le temps d'y jouer, d'avoir un avis sur la question est là... au bon moment quoi !... Et bien non, toujours pas... entre rythme de sorties, rythme de tournages et surtout fenêtre d'existence d'un jeu, il est possible que ce bon moment n'ait en fait jamais existé, faisant d'un jeu une boite morte-née..."

- Finalement, pourquoi vous en parler ?

Octobre 2018, dans une cafétéria d'un hall allemand :

Nous étions en interview avec Vincent Dutrait lorsqu'Antoine Bauza est arrivé. Ces petits moments géniaux, impromptus, font que nous glissons d'une interview de Vincent à une interview à deux voix pour finir sur une discussion avec Antoine... Excellent ! Et là, Antoine me donne la phrase d' Eric Lang (oui, ça commence à faire du beau monde tout ça) qui fait que tout s'illumine :

"OK" Games, they are the new "bad" games !

Eric Lang

Vers 31'30 pour le passage sur les Ok Games

La voilà, la situation bien résumée ! Je m'explique : Dans une offre pléthorique, et quantitativement surdimensionnée, être un "bon" jeu (et par "bon", nous entendrons un jeu correctement développé et équilibré pour le dire rapidement) ne suffit plus, c'est une Lapalissade maintenant ! Être un "beau" jeu (et par "beau", nous entendrons ici un jeu bien illustré, avec une direction artistique, une ergonomie, un matériel, tout ceci pensés et réfléchis) ne suffit plus non plus, c'est une Lapalissade en devenir.

Maintenant, il faut également que les joueurs y trouvent un "supplément d'âme", ce "petit quelque chose" qui fait qu'on s'attache au jeu... sans forcément que ce soit une innovation à proprement parlé, ni un élément matériel à effet "wahoo/Kinder surprise" qui, s'il ne fait que cacher l'inanité (ou la fainéantise) du développement, ne fera que souffler sur les braises de la déception future.

Voyons un peu (et vraiment un tout petit peu, la liste est bien plus longue) quelques exemples de "ok games", de "bons jeux... mais bon... juste bons, quoi...", de ces jeux auxquels, après avoir fait une ou deux premières parties, on se rend compte que : "on s'en refait une ?... euh... ben... en fait, non !"

Race to New Found Land

Race to the New Found Land : L'auteur d'Hélios, Martin Kallenborn, nous a proposé, avec son co-auteur Jochen Scherer, un "petit" jeu avec de multiples ingrédients : gestion de ressources, que ce soit pour améliorer votre port, votre flottille ou encore livrer des commandes ; programmation grâce à vos bateaux et leurs caractéristiques propres permettant de récupérer des ressources, coloniser Terre-Neuve pour y emporter des majorités, livrer pour chopper d'autres majorités en villes et explorer des nouveaux territoires insulaires.

Tout ça teinté d'un aspect course aux points de victoire puisque sur la piste de score, le premier à atteindre tel marqueur aura plus de choix d'avantages que les suivants mais dans le même temps, le marqueur recule de trois cases, le rendant ainsi plus accessible ! L'ensemble tourne bien, avec néanmoins des aspects de "déjà vu" ici et là... mais à la fin de la partie, reste un questionnement : Entre la direction artistique et l'ensemble mécanique, à la fin d'une partie, que reste-t-il ? L'envie d'y rejouer ? Pas sûr... et pourtant


Tokyo Ghoul - Bloody Masquerade : Pour le premier jeu de Florian Grenier chez Don't Panic Games, l'univers de l'anime, assez fort en terme d'histoires et d'antagonistes, donne lieu à un jeu à rôle caché. Ceux qui connaissent les hérauts du genre seront en terrains connus. Trois équipes s'affrontent et chacun, y compris au sein d'une même équipe, peut avoir des objectifs spécifiques : victoire instantanée, élimination d'un autre type de personnages ou être encore en vie en fin de partie... Et pour ce faire, il devra utiliser ses talents de déduction par les cartes d'Indices qui passeront de main en main et dont la combinaison permet de remplir ses objectifs, tout ceci en se déplaçant en ville pour activer (et rendre inaccessible pendant un laps de temps) tel ou tel lieu.

Bien sûr, les capacités des différents lieux conduisent au dévoilement d'une partie des cartes en main des joueurs, plaçant ainsi des jetons soupçons sur tel ou tel endroit du plateau individuel des joueurs. Entre ce que vous savez, ce que vous avez vu, ce qui est révélé mais qui pourrait être du bluff à l'instant "i", sans oublier les brouillages de pistes, l'ambiance monte peu-à-peu jusqu'à une attaque mettant fin à la partie (pas d'élimination longuette) ou une victoire instantanée du joueur actif.

Les fans du manga pourraient trouver que le vernis "Tokyo ghoul" est un peu léger. Que ce soit du côté des lieux (plutôt générique dans leur capacité) ou de l'échange de cartes "mono-couleur" n'apportant rien dans le thème, il y manque un aspect surnaturelle et horrifique propre à la série. Ceci étant, le jeu est plus intéressant qu'il n'y parait au premier abord, aussi bien dans la gestion des déplacements (et donc la désactivation des lieux) que dans la réussite de son objectif personnel tout en essayant d'empêcher celui des autres... une idée de "collaboration mais pas trop". L'objectif était là et pourtant, il manque un petit enjeu d'importance, quelque chose qui dynamise chaque joueur pour éviter d'être dans l'attente de l'attaque finale ou du dispatchage de tous les pions indice. Et si les deux variantes "Masque" et "Soutien" ajoutent des éléments permettant de renouveler les parties, ce dynamisme et le raccord au thème se cherchent encore un peu. Il y avait quelque chose, une idée directrice... mais où sont les Kagune ? Le sanglant affrontement entre CCG et l'Arbre Aogiri ?... Allez, je ferme ma goule !


Dans la parfaite lignée des jeux d'Uwe Rosenberg, qui se ressemblent, sans se ressembler, et qui font la joie de ceux qui aiment jouer en terrain connu en leur proposant des petites touches de ci et de ça en changement pour leur donner malgré tout le goût de la nouveauté, voici Les Basses Terres de Claudia et Ralf Partenheimer : Pose d'ouvriers améliorables par des laboureurs pour construire des clôtures pour vos pâturages afin d'y placer des moutons pour ensuite les vendre... Et surtout construire des bâtiments ou des équipements à l'aide de cartes Ressource. 46 bâtiments différents pour essayer des stratégies différentes et une semi-collaboration mâtinée d'un peu de majorité autour de la construction de la digue "thématique" qui empêche l'inondation ! et collaborer un peu (avec de la majorité dedans)... Voilà, voilà...

Les Basses Terres


Et continuons avec du placement d'ouvriers à la sauce Points d'action avec un matériel qualitatif, des diverses figurines aux villes dont les bâtiments s'emboitent pour former une capitale sur un grand plateau de jeu. C'est du CMON (Simone pour les intimes et Cool Mini Or Not pour les autres) ! Vous allez à la fois gérer vos gardes et vos points d'action avec une contrainte intéressante : Sur le plateau des actions, vous pourrez choisir, à moins de rester sur place ce qui est onéreux, uniquement des actions plus à droite ou plus basses que celle choisie précédemment, donnant une réflexion et un tempo particulier, surtout que l'action est plus chère si d'autres l'ont choisies avant.

Tout ceci se concrétise en déplacement de ses champions (trois différents) sur le plateau qui combattront les ninjas présent sur les routes ; Construction des bâtiments ; augmenter la force de ses champions en les équipant ou partir en quête ; esquiver ou éliminer des ninjas supplémentaires ou marquer directement des PVs. Et à la fin, un dernier calcul des scores avec des PVs supplémentaire par un système de multiplication, "forçant" à équilibrer les développements de nos champions pour maximiser ce retour.

Des pandas, quoi ! Avec des ninjas en plus... et des capitales qui s'érigent peu-à-peu pour un rendu sympa comme tout à la fin... Pourtant, passé la découverte, lorsque le jeu est proposé, c'est toujours un autre qui est choisi au final !


Continuons encore ce petit tour d'horizon avec le spatial Pulsar 2849, là aussi d'un auteur connu également : Vladimir Suchy et d'un éditeur surveillé en son temps : CGE, le tout rendu disponible en français via les services de Iello. Ne serait-ce que 5 ans en arrière, c'eût été une petite révolution à qui y jouerait le plus pour en sortir les stratégies fines, la substantifique moelle ludique, exemple typique d'un jeu à "salade de points" avec en plus, des propositions ludiques intriquées de façon originale dans les mécanismes de jeu : 8 manches de 3 phases, à raison de 2 à 3 actions par manches... il va falloir être rigoureux dans son exploration de l'univers et les constructions ou améliorations technologiques que vous allez faire ! D'autant que la sélection des dés, puisque ce sont des dés qui vous permettront de faire tout ça, tourne autour d'un très malin système de médiane, et influencera les déplacements de vos marqueurs sur la piste Initiative ou la piste Ingénierie.

Ces dés vous permettront depuis votre QG de déplacer votre navette dans l'espace intersidéral via et vers des portes quantiques, des pulsars à développer ou des systèmes planétaires à explorer. Des recherches technologiques à effectuer, des réseaux de transmission d'énergie à établir, quelques objectifs plus tard, et le décompte final arrive. Un soupe de PVs doté d'une forte "distinction" des parties (nous réserverons la "rejouabilité" sur l'envie de rejouer et non pas sur des parties différentes à chaque fois) et d'un plateau à la charte graphique très spatiale et donc un peu froide, mais qui a aussi un côté attirant, plaisant entre le traitement de son thème et ses formes... Pourtant, si certains joueurs n'hésitent pas à le qualifier de "pépite ludique", pourquoi ne se retrouvent-ils pas dans les différentes tops, régulièrement conseillé et acheté, avec plusieurs tirages ? Trop classique ? Pas assez buzzant ?... non mais il est bien, hein, je t'assure !... Ça ne suffira pas !


Dernier exemple, autre éditeur, autre style de jeu : Xi'an, l'Armée de Terre Cuite chez Matagot : 12 phases de jeu par joueur à raison de 2 pendant chacun des 6 tours de la partie. Pendant chaque phase, deux cartes de notre main seront jouées en choisissant également laquelle est au dessus. Ce couple donnera l'ordre de jeu par la carte du dessous, la carte du dessus indiquera quelle action est réalisée avant de déplacer un de nos Maîtres-Bâtisseurs pour faire une action Bâtiment : Modeler des soldats en terre cuite, fidèlement à cette tombe incroyable commencée en 246 avant JC : "Le Grand Mausolée" ; Peindre ces soldats avec les bons pigments de peinture ; Forgez des équipements ou Déplacer le superviseur.

En fin de partie, dans chacune des trois sections de fosse, les soldats peints rapporteront des points en fonction des majorités, les cartes Équipement en rapporteront également ainsi que quelques autres éléments. Celui qui a le plus de points de prestige l'emportant. Une fois encore, ça tourne, c'est fluide et les réflexions induites collent bien à la durée de la partie. Oui mais là encore, le ratio investissement/plaisir ludique ne semble pas lui avoir permis de passer le cap avant que de retomber dans l'immense tombe des jeux dont on ne parlera quasiment plus !


Outch, j'ai mal aux jeux... au "je" ?... non, non, aux jeux !

Il est terrible de constater que des jeux, plaisants au demeurant - et ce "plaisants" dit du bout du clavier est presque déjà glaçant, tellement lourd de sens, de sentences - sont tombés dans un oubli... mortel. Il n'est nullement, ici, question de se la raconter façon spécialiste "es-Game Design", de se "gonfler la tête et les chevilles" juste parce que "ça fait six mois qu'on joue à des jeux de société" ou que "c'est le 420ème jeu auquel on joue" (ce ne sont pas des propos imaginaires, voyez sur les rezossocios...). L'objectif n'est pas non plus de dire que ces jeux n'auraient pas dû être développés... ou pas comme ci ! Ni de dire que les éditeurs ou les distributeurs auraient dû communiquer dessus comme ça ! Pas plus que de viser les boutiques qui ne les ont pas particulièrement mis en avant ou les joueurs qui n'ont pas compris le génie de tel ou tel jeu ! Absolument pas !

Il y a juste un test sans équivoque que chacun, ici, peut faire : De combien de jeux vous souvenez-vous de Essen 2017 ? De combien de jeux vous souvenez-vous de cette année passée ? Et même, pire, de combien de jeux vous souvenez-vous du dernier Essen 2018, il y a trois mois, là où, avant ces SpielTage, les listes d'intérêts, résumant donc déjà les 1400 boites présentées, se limitaient déjà à une ou deux "petites" centaines de jeux ?

Chroniques Oubliées, le jeu de rôle sur un plateau...On joue à quoi, déjà ?

Beaucoup de ces jeux sont "oubliés", ils étaient donc "oubliables" ?... et "oublieux" est peut-être actuellement la pire sentence qui peut être faite à un jeu !... Ces jeux dont, quelques semaines plus tard, nous avons quasiment oublié que nous y avons joué...

Trop de culturation alors ?

Parfait ! La conclusion est évidente dans ce cas ? "Il y a trop de jeux !" ?... Et bien non ! Et ce pour plusieurs raisons. La première de ces raisons est juste une mise en relation quantitative : Par rapport à la population mondiale, cette production est loin d'avoir atteinte une "masse critique", même si, comme le soulignait Florent Toscano dans son article/voeux/retro-introspective, l'impact n'est pas non plus à négliger.

Il est aussi possible d'aller voir ce qui se fait, du côté culturel, en films, bouquins, Bds ou même jeux vidéos... cette profusion est là également, et peut-être même encore plus largement. On ne va pas prendre un argument d'un niveau proche de la cours de récré, certes, mais dans ces domaines, certains n'ont pas les yeux plus gros que le ventre et savent qu'ils s'adressent à une niche dans la niche (ouah ouah) et donc produisent en conséquence... et éventuellement en rétractation par rapport à leur désir profond.

Du coup, dans le jeu, cette grosse production... et bien chacun estime faire les meilleurs choix, les meilleurs jeux, les meilleurs chances de s'en sortir... de son point de vue ! Oui, mais pour quelles conséquences ?... Sur les créateurs, sur le secteur économique, sur la planète ? Qui est prêt à s'auto-restreindre pour que tous puissent vivre ludiquement ? Et à qui s'adresse telle ou telle partie de cette profusion ? Et pour quelles raisons ? "je veux exister", et sa déclinaison du "pourquoi pas moi ?" ; "je veux ma part du gâteau" ; "j'ai un message à faire passer" ; "je veux en vivre", etc. Vaste et passionnant champ d'étude ethno-socio-(et autre trucs en -o sur le biocosme humain) économique... et aucun système de régulation ou de réglementation ne saurait prendre en compte correctement tout cela... Si c'est humain, c'est imparfait, contournable et viciable !

Il faut cultiver son j... eux

Une autre raison est qu'il faut, aussi, prendre en compte la "culture ludique", aussi bien celle des médias du jeu que celle des joueurs. Il est aisé de comprendre que le référentiel n'est pas le même entre "jouer à un 350ème jeu de gestion de ressources" et "découvrir le jeu kubenbois"... quand bien même, nous l'avons déjà dit, la "culture ludique", impliquant une prise de recul et une réflexion, ne va pas automatiquement de pair avec une ludothèque de plus de 1000 jeux. Lorsque, dans ces 350 jeux de ressources, il y a déjà de belles et bonnes grosses pointures, c'est bien logiquement que d'autres productions ludiques peuvent faire pâle figure à côté. Et quand bien même, sans cela, les exigences de "renouvellement", d' "originalité" ou simplement "ce petit supplément d'âme" attendu d'un Xième nouveau jeu n'est pas comparable à celui d'un innocent "commençant dans le jeu de société" à la naïveté touchante et qui s'émerveillera en découvrant l'un ou l'autre de ces titres... qui pourraient même, nostalgie quand tu nous tiens, devenir ses propres "belles et bonnes grosses pointures à lui"...

Prendre en compte tout cela rend l'exercice et le choix d'informations potentiellement compliqués : Vouloir rester disponible et ouvert aux nouveaux jeux, sans se mentir à soi-même, tout en restant capable d'empathie avec ceux qui n'ont pas le même background, en gardant à l'esprit qu'il s'agit d'un secteur économique avec tous les travers que cela comporte et engendre dans le genre humain... quelle gageure !... Ces éléments, cette capacité de tenir en main toutes ces "rênes", cette "culture ludique", ce recul, sont peut-être encore plus importants actuellement où un individu ne peut pas tout suivre, tout voir et tout savoir quant à la production ludique. Seraient-ce des pré-requis pour ceux qui, commande de projecteurs en main, mettent en lumière tel ou tel jeu ? Non, même pas... Ces "prescripteurs", comme ils sont appelés, légitimes ou auto-proclamés, ceux qui, par l'aura et/ou la culture ludique justement et/ou la passion et/ou d'autres intérêts plus ou moins occultes, feront, par leur choix, vivre ou mourrir un jeu peuvent tout aussi bien les avoir ou les ignorer royalement.

Donc nous ne changeons rien et nous continuons ainsi ? Chacun tente sa chance ludique en espérant tirer le gros lot à la loterie des "Ok Games" ? Peut-être... après tout, les "Bad Games" de certains sont les "Ok Games" d'autres ! Donc derechef, toute cette logorrhée pour rien ? Non, pas plus... parce que le débat est ouvert, les réflexions lancées, et il est bon de rêver, à l'aube d'une nouvelle année, à une prise de conscience... Et peut-être que demain, les auteurs, les éditeurs, les distributeurs seront plus attentifs à se poser, en question de mire crucial avant d'appuyer sur le bouton "print" : N'est-ce pas un "Ok Games" de plus ?

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Étrange, vraiment très étrange…
Excusez-moi mais, qu’est-ce qui est étrange ?
Simplement le fait que je me retrouve dans pas mal de points de cet article et que cela fait appel à beaucoup de questions que je me pose moi-même dans mon travail, et ce de façon tout à fait quotidienne. Ces jeux que l’on “oublie” ne sont-ils pas aussi sujet à une volonté de collectionnite aiguë des joueurs, de vouloir avoir le top du top ? Beaucoup de personnes donnent leur avis sur un jeu sans même avoir fait ne serait-ce que deux parties. Sans avoir au moins essayé de “tuer” le jeu.
Et en effet qu’en est-il des novices ? Un excellent jeu peut faire extrêmement peur à certains et ils se prendront d’affection pour des jeux qui n’aurait pas eus la place dans notre conscience s’il n’y avait pas ces joueurs pour nous les faire découvrir.
Et cet effet de collectionnite, de sorties calendaires (hashtag Cannes, hashtag Essen), de “Je sors moi éditeur mille jeux par an” ne pousse en effet pas à l’excellence de la production bien que parfois, le succès d’un jeu n’est pas compréhensible pour le commun des mortels. L’éternel réussite de Monopoly, Trivial Pursuit et caetera s’explique-t-il simplement par la communication de son éditeur, leur emplacement dans des magasins “grand public” ou l’apparente simplicité de leur fonctionnement ?

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Article vraiment très intéressant et tellement actuel, qui s’applique à tellement de domaines : cinéma, série, jeux vidéo …
En plus, avec le temps qui passe, certaines “grosses pointures” peuvent devenir des “Ok Games”, pour de nombreuses raisons : supplantés par d’autres jeux davantage dans l’air du temps ou mécaniques / graphismes / matériel un peu old school …
De même, quand nos amis/famille nous demandent conseil, difficile de leur conseiller un jeu “Ok”, passé sous le radar alors que tellement de jeux “piliers”, connus et reconnus, leur plairont à coup sur …
Merci pour l’article en tout cas, ça a suscité une réflexion personnelle :slight_smile:

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"A une époque où l’on peut lire sur les réseaux sociaux des “je viens d’acheter ce jeu, il est comment ? Vous en pensez quoi ?.. euh, ben… joues-y, non ?” Ah ah, j’adore cette phrase, c’est tellement vrai Monsieur Guillaume. Je me dis exactement la même chose à chaque fois que je lis cette question. Et son corollaire, “mais tu l’as acheté ce jeu, donc c’est qu’il t’a fait envie ?”

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Très chouette article, encore une fois.
Moi, je pense que tout ces Ok games mérite d’exister. Car sans doute pour qqs personnes ce sont des “Super games”. Même s’ils n’ont pas un succès de masse, cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas un succès d’estime. Il me semble que Pulsar 2948 a bien cartonné à sa sortie US.

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Beaucoup de ces “OK games” auraient été, il y a une dizaine d’années, considérés comme des chefs d’œuvre et seraient devenus des classiques. La culture ludique, c’est celle des joueurs, mais c’est aussi celle des auteurs, qui s’est fantastiquement enrichie. Du coup, le problème n’est peut-être pas qu’il y a des jeux moyens, même s’il y en a, mais surtout qu’il y a tellement de bons, voire d’excellents jeux, que ce ne sont plus nécessairement les meilleurs qui sortent du lot - il n’y en a pas qui soient vraiment meilleurs - mais une douzaine chaque année plus ou moins au hasard.

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Il y a, encore aujourd’hui, des jeux qui proposent quelque chose de nouveau, une mécanique, une sensation. Ce ne sont pas des « ok games ». Ils peuvent être bons ou mauvais, mais rarement ok.

Le « ok game » se retrouve surtout dans ce qui va de paire avec la pléthore d’offre, la redite.
De nombreux jeux ne font que réarranger les mêmes mécaniques. Parfois c’est pour le meilleur, parfois c’est pour le « ok », ça tourne.
Ce n’est pas nouveau, il y a quelques années (une dizaine au moins) j’avais été estomaqué par un compte rendu d’auteur, tout heureux d’avoir enfin une règle « qui tourne ». Le fait que le jeu tourne était suffisant pour éditer. Le plaisir de jouer n’etait pas une question. Nous avions déjà un « ok game ».

Est il possible de prévoir qu’un jeu n’est qu’un « ok game » quand on est éditeur ? Un jeu qui n’est que redite peut être excellent, Concordia, Ganymede… Un arrangement nouveau qui donne un bon résultat… Toutes les mélodies sont faites avec les memes notes…

Les « ok games » de maintenant qui auraient été dés coup de génie il y a 10 ans ne sont ils pas simplement des redites ?
Il y a 10 ans, les ficèles et mécaniques qu’utilisent ces jeux n’etaient pas encore connues et encore moins usées jusqu’a la corde.
Faire le premier jeu de pose d’ouvriers, c’est génial, c’est nouveau, c’est une création, c’est un chef d’oeuvre par la nouveauté aussi. Faire le 3543 ieme jeu de pose d’ouvrIers est bien plus facile, mais il a peu de chance d’etre Génial et de proposer quelque chose de nouveau.
Quelque soit le talent d’un peintre contemporain, s’il fait dans le style impressionniste, même génialement, ses créations ne seront pas considérées comme des chef d’oeuvre.

Oui, c’est bien le sens de mon propos… le « ok game » est multi-factoriel… et multi-modal !

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Je n’ai par contre absolument pas dit qu’il n’y avait plus rien d’original. Par contre je dis que l’originalité n’a rien à voir avec la qualité du jeu… en fonction de la culture ludique des joueurs. Ce n’est pas une Vérité ! Et ce n’est pas possible de prévoir au final ce que sera le jeu, non, et c’est bien ce que je dis, il ne peut y avoir de régulation à cause de ça !

Moi non plus je ne dis pas qu’il n’y a plus rien d’original, nous sommes bien d’accord là dessus.

Par contre, je pense que la plupart des « ok games » ne sont pas originaux. Ils sont des redites sur toujours les memes mécaniques. Bien sûr, il y a 10 ou 20 ans ils auraient été géniaux. Mais le type qui aujourd’hui invente la clef USB ne peut pas se réfugier derrière « ha mais y’a 20 ans ça aurait été génial », pas plus que celui qui propose un jeu de pose d’ouvriers aujourd’hui ne peut dire « ha mais y’a vingt ans cela aurait été génial ! ». Aujourd’hui, faire un bon jeu de pose d’ouvrier, c’est plus compliqué qu’il y a 20 ans.

Les jeux originaux peuvent plaire ou déplaire, mais je ne pense pas qu’ils laissent indifférent, comme le fait un « ok game ».

Alors il va falloir que nous définissions ce que nous mettons derrière “originalité” parce que je ne suis pas non plus pour la “originalité/jamais vu avant” dans la créativité. Être créatif, faire preuve d’originalité peut, à mon sens, être dans la manipulation, réutilisation et dosage “original” d’éléments par ailleurs connus. Donc un jeu original peut être une “redite apparente” mais le dosage et le mariage des mécanismes est original.
Enfin, les redites des mêmes mécanismes ne sont des redites que pour ceux qui ont joué aux anciens. Quelqu’un qui découvre un jeu de pose d’ouvriers, alors même que c’est une redite pour vous, sera une “nouveauté” pour lui… et il n’y a rien à redire à cela, d’où la notion de “culture ludique”…

C’est vrai, merci, Bruno… il y a aussi la culture ludique des auteurs. Mais attention, je n’ai pas prétendu que les “Ok games” étaient des jeux “moyens”, aucunement… ce sont des jeux qui peuvent être bons, voire excellents… mais en fonction de sa culture ludique, de son exigence et autres paramètres situationnels, ben… à la fin de la partie, j’ai effectivement juste envie de dire “ok… voilà, voilà… c’était cool…”

Ça fait déjà quelques années que j’ai constaté que “publier de bons jeux ne suffit plus”.
Il en faut plus pour impressionner les joueurs (et les boutiques).

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On est plutot d’accord pour ce qu’est l’originalité et la créativité. Je trouve five tribes très créatif, pourtant des jeux d’egrenage j’en connaissais déjà. Un mécanisme ancien, une sensation, une réflexion, nouvelle, pas de sensation de rejouer à un truc plus ou moins connu et peut être vaguement oublié. Et c’est pour cela que je dis qu’il est plus difficile aujourd’hui d’etre Créatif, d’apporter quelque chose de nouveau, avec un jeu de pose d’ouvrier.
Et en effet, il n’y a pas de redite pour quelqu’un qui n’a pas connaissance de l’Histoire, tout comme il n’y a pas de « ok game » pour qui ne connais qu’un jeu. Ce phénomène de « ok game » ne concernent que le public « connaisseur ». Il ne concerne pas les personnes qui connaissent 10 jeux et en découvrent un onzième.

Voilà… une des conclusions de cet article ! Content de voir que nous sommes d’accord !

Très chouette article!

Mes cents avec un peu de Hors -sujet peut-être.
Je pense que nous sommes passé d’une société de consommation à une société de sur-consommation… “je consomme donc je suis”
que le plaisir dans les jeux a pour une majorité (?) pas mal dévié est qu’actuellement en schématisant un peu il est plutôt dans la course à la nouveauté, au shot de dopamine, couplé à la crainte de louper quelque chose (l’effet smartphone? une notification fesse bouc / mail / twitter… toutes les 6 secondes)
Chaque semaine / séance de jeux un nouveau jeu à tester (parmi les 14 pas encore depunché) que l’on a acheté / qu’un autre joueur a amené, pas le temps (la bonne excuse?) de rejouer à un jeu

Pour avoir joué à 4 de ces OK games je dirais que leur autre point commun est d’appartenir à cette “catégorie familial + expert-”. c’est à dire que ce ne sont pas des jeux aussi accessibles que les succès comme Azul ou Kingdomino mais qu’ils procurent aux joueurs confirmés moins de plaisir que Great Western ou Projet Gaïa.
Ils tentent le grand écart entre les joueurs occasionnels et les gros joueurs et ce compromis les rend plutôt tièdes, pas désagréables mais pas extraordinaires.
A vouloir plaire au plus grand nombre on fait face à l’indifférence.
Je n’aime pas The Mind et je n’aime pas Teotihuacan mais ce sont deux jeux que je conseille souvent car ils ont leur public et chacun dans son genre réussit plutôt bien commercialement.

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j’adore ces discussions , vraiment ! et ce d’autant plus qu’elles peuvent être transposées à l’identique sur bien des sujets :wink:

Cette phrase de Bauza m’a aussi bien marqué quand j’ai vu l’interview il y a quelques mois.
Je me demande si le délai entre la conception et la commercialisation d’un jeu (1an1/2 à 2 ans d’après mon expérience) ne joue pas un peu aussi sur cette sensation, comme si la culture ludique se développait dorénavant plus vite que le processus d’édition lui-même.

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