Non je ne me suis pas trompé de blog, vous ne rêvez pas. Si dans le milieu du jeu de société le retrogaming n’est pas connu ou n’a carrément pas encore émergé, dans les jeux vidéo c’est devenu un vrai courant depuis déjà de nombreuses années. Fait amusant juste après avoir écris cet article un article de andda38, allant plus ou moins dans l’autre sens était publié sur TricTrac, ce qui donne deux avis différents sur le même sujet, ce que je trouve assez intéressant. Bien entendu je vous recommande chaudement la lecture de cet article nommé : Nostalgie, collection et autres passions tristes
Le retrogaming, c’est le fait d’apprécier et de jouer à des jeux anciens, datant souvent des années 80 et 90, même si cette limite avance au fil des années. On parle souvent d’ère 8 ou 16 bits. Si je vous en parle aujourd’hui c’est pour plusieurs raisons, la première depuis plus de 10 ans j’aime le retrogaming (et ai participé à sa vulgarisation à travers le magazine Retro Player), la seconde raison c’est que je pense que cette « mode » permet également de sortir de terre de vieux titres méconnus ou oubliés, qui valent le coup que l’on s’y attarde. Et enfin ultime raison, qui risque d’en faire sauter plus d’un (désolé d’avance), je pense que le jeu de société et les jeux vidéo sont très proches, et à ce titre il serait dommage de passer à côté d’un tel phénomène.
J’essaie par le biais des articles Rétro Ludo sur le site Jedisjeux de parler et de donner envie de découvrir d’anciens jeux, de voir comment ils ont influencé les titres d’aujourd’hui. Le but de cette rubrique est donc de partir d’un ancien titre pour ensuite parler de ceux qui l’ont précédé et de ceux qui s’en sont inspirés, une sorte de chronologie ludique. De même qu’ici j’essaie de revenir sur l’histoire des jeux avec des dossiers comme “Les jeux de carte au japon”.
Les ancêtres
Car parmi ces anciens jeux ils existent des titres qui sont aujourd’hui oubliés de tous, et qui restent pourtant de très bons jeux. Cependant, il est assez compliqué de parler d’anciens jeux à proprement parlé, car si nous sommes d’accord pour dire que le jeu vidéo a environ 40 ans, cela est plus compliqué pour le jeu de société, car celui existe depuis des millénaires. Par exemple, le jeu de Go a plus de 4000 ans, un jeu de Semet a été retrouvé dans le tombeau d’un pharaon, des pièces dans une fouille archéologique en Turquie qui daterait de plus de 5000 ans. À ce jour nous n’avons encore jamais retrouvé de joypad dans les pyramides, ou de console dans la muraille de Chine. Cette longue période que couvre le jeu de société est donc bien plus large, et parler de rétro dans ce cas est assez complexe. Le jeu de société a ensuite connu différentes « périodes » avec des jeux qui ont marqué l’histoire, comme les dés (très vieux jeu), les cartes qui ont investi les cours des différents rois ou le Japon (je vous invite à découvrir le dossier sur l’histoire des cartes au Japon), ou encore le jeu de l’oie. A la fin du XIX siècle différents jeux sont apparus, des jeux d’adresse, des casses tête et d’autres que j’oublie. Puis le jeu a continué sa route à travers le XX siècle, voyant quelques nouveautés apparaitre après les années 50 : Risk, le 1000 bornes, mastermind, etc. Ce fut une sorte de renouveau pour le monde du jeu de société (quelque années plus tard, dans les années 80 cela donnera naissance au magazine Jeux & Stratégies), c’était l’émergence des nouvelles technologies, bref le monde était fébrile ! Puis cette pulsion s’est tassée, s’appuyant sur ses titres vieillissants, ne prenant plus beaucoup de risque et cela jusqu’aux années 90, où l’on vit apparaitre de nouveaux jeux, ayant des mécaniques novatrices, c’est l’époque des colons de Catane, Jungle Speed et autres gros succès que l’on nomme aujourd’hui jeux modernes.
La fracture entre moderne et rétro pourrait donc se situer ici, à ce moment, dans les années 90, où de nouveaux jeux dits moderne (nom tout aussi étrange que le fait de nommer les nouvelles consoles next gen) ont vu le jour. Pour ma part c’est ce point que j’ai choisi de prendre, de manière totalement arbitraire pour parler des jeux rétro. Sans pour autant évincer les jeux encore plus anciens.
Il faut se rendre à l’évidence, tout comme dans les jeux vidéo, les jeux de société d’aujourd’hui doivent beaucoup aux anciens jeux, et tout comme il est agréable de faire une partie de Super Mario Bros de nos jours, il est tout aussi agréable de ressortir son plateau de jeu du moulin de temps en temps. Il serait dommage de passer à côté de toute cette production, devenue parfois désuète certes, mais qui a permis de poser les bases de mécaniques encore utilisées aujourd’hui. C’est donc pour redécouvrir ces titres et ainsi mieux comprendre l’évolution de notre univers ludique qu’il est intéressant de se pencher sur ces anciens jeux et de les décortiquer, car étudier le passé permet de mieux comprendre son avenir.
Quelques problèmes se profilent à l’horizon
Tout ceci part donc d’une bonne volonté, pourtant contrairement aux jeux vidéo, les jeux de société se heurtent à un écueil assez problématique : la disponibilité des jeux. Il n’est pas rare de râler contre la non-réédition d’un titre. Pourtant, ce dernier est souvent assez récent, cela m’est arrivé il y a peu avec Oddville, que j’ai eu beaucoup de mal à trouver. Il y a le marché de l’occasion certes, mais cette méthode n’est pas infaillible ou peut être onéreuse parfois. Alors que dire de jeux ayant plus de30 ans, édités par des maisons d’édition ayant déposé le bilan depuis. Cela devient presque impossible. Pour les jeux vidéo, ce problème est contourné par l’émulation, qui permet de faire tourner des versions numériques des anciennes consoles sur PC, Linux ou Mac, et donc de pouvoir jouer à l’ensemble du catalogue des anciennes machines. Une véritable aubaine qui est toutefois illégale. Le jeu de société n’a pas cette chance. C’est un premier frein.
La solution à ce problème serait alors de convertir ces jeux sur supports numériques, de les retranscrire sur des logiciels comme Vassal par exemple ou de les proposer sur des sites comme BoardGameArena, les mettant ainsi à la disposition de tous. Mais cela pose de nouveau quelques soucis, le premier : la question des droits, inhérents à toute mise à disposition publique d’un produit commercial. Le second souci est l’intérêt que susciteraient ces jeux. Qui aura envie de jouer à ces anciens jeux, s’il ne le connait pas depuis son enfance, et donc de passer du temps à apprendre les règles (chose qui n’existe pas dans les jeux vidéo rétro) ? Peu de personnes je pense, car on sait que ces jeux ont malheureusement des défauts. À cela s’ajoute donc le temps nécessaire à la réalisation de telles adaptations, qui rend donc la chose encore plus complexe. Faut-il alors en faire des remakes ? Les revoir ? Mais dans ce cas, nous ne sommes plus devant des jeux rétro, mais des jeux récents remis au goût du jour et ce n’est pas le but de la manœuvre. C’est ce que l’on a vu avec Asmodée et Hotel qui est ressorti l’année dernière sous le nom Hotel Deluxe, le remake relooké d’un ancien jeu, qui est au final presque un nouveau jeu ou tout du moins pas une réédition originale du jeu initial. On pourrait dire la même chose des jeux adaptés sur tablette qui sont souvent retouchés au passage. Risk a été porté sur console il y a quelques années, il se nomme Risk factions, celui-ci en a profité pour subir un léger lifting et quelques adaptations pour le support. La frontière entre jeu vidéo et jeu de société sur tablette ou tout support numérique est donc très mince, est-ce que le portage de Smallworld sur tablette et autre fait de celui-ci un jeu de plateau ou un jeu vidéo ? Et que dire des jeux vidéo qui empruntent les codes graphiques des jeux de société : plateau, pion, carte, etc. ?
L’avenir ou du moins l’envie de faire du retrogaming dans les jeux de société est donc complexe, pourtant ne pas la faire sortir de terre, viendrait à renier nos origines, à passer à côté de ces jeux qui ont fait nos jeux d’aujourd’hui, et donc d’oublier simplement qui ils étaient. Si le fait de faire perdurer des héritages, de connaitre son passé est une volonté importante dans beaucoup de domaines, pourquoi ne devrait-il pas en être de même pour les jeux de société ?
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