De la vraie création ludique

Chers Seigneurs,
En tant que modeste créateur de jeu, avec Jarjais qui sort bientôt, je me faisais la réflexion suivante: rares sont ceux qui proposent de nouvelles mécaniques, réellement novatrices et originales.
Souvent, la création résulte plus d'une synthèse de mécaniques préexistantes, ce qui n'enlève rien au final à l'identité d'un jeu ou à son originalité, certes.
B.Faidutti évoquait tout cela dans un édito, me semble-t-il.
Avec des œufs, du lait, du sucre....on peut concevoir des crêpes, mais aussi une multitude de bonnes petites recettes gourmandes...
Avec de la négociation, du bluff, des enchères, de la déduction j'ai imaginé Jarjais. Je crois objectivement le jeu fun, et original.
Ai-je pour autant créé? Pas sûr...
Ainsi, les vrais créateurs sont rares àmha, et je ne verrai récemment guère qu C.Koeniczka (dont j'écorche toujours l'orthographe), Vlad. Chvaatil, et peut être W. Attia.
En citeriez-vous d'autres?
Merci
Oscar

Amusant, je pensais lancer un sujet similaire.

Christophe Boelinger est très attentif à cet aspect du processus créatif: il me fait souvent rire parce qu'il apprécie avant tout un jeu lorsque celui-ci est original par rapport à ce qui a été fait avant. Alors du coup, les jeux qu'il crée sont aussi souvent originaux d'une façon ou d'une autre.

Les rotations de salles dans Dungeon Twister, les points de rotation pour pivoter les cartes dans Tannhauser Field Ops, le système SAGS et les interruptions dans Earth Reborn, etc.

Je suis pas sûr que tout ça soit absolument sans précédent, mais peu importe: je ne suis pas sûr non plus que l'originalité dans la création soit quelque chose qu'il faut nécessairement rechercher.

Je veux dire par là qu'un jeu peut être diablement bon tout en s'inspirant d'autres jeux qui l'ont précédé et en en faisant une synthèse intelligente, tout comme un jeu original et plein de mécaniques jamais vues auparavant peut être parfaitement barbant...

Je repense à Tannhaüser et son système de cercles de couleurs pour les déplacements et les lignes de vue. Original? Sans aucun doute. Simple? Absolument. Jouable? Non.

oscardejarjayes dit:Ainsi, les vrais créateurs sont rares àmha, et je ne verrai récemment guère qu C.Koeniczka (dont j'écorche toujours l'orthographe), Vlad. Chvaatil, et peut être W. Attia.
En citeriez-vous d'autres?


William Attia, c'est sûr. Avec Caylus (et le worker placement), il a tout simplement révolutionné le jeu de gestion. Il faut voir le nombre de jeux qu'il a directement inspiré. A mes yeux, cela en fait un auteur bien plus important que Koeniczka ou Chvaatil.

Parmi les auteurs qui ont émergé il y a moins de 5 ans, derrière Attia, je citerais Donald X. Vaccarino pour le deck building. Un système de jeu tout simplement génial et qui prend le même chemin que le worker placement (avec de nombreux émules édités ou en préparation).

Après dans une bien moindre mesure, un autre auteur qui me vient à l'esprit : Mac Gerdts pour le système de la roue. Aucun autre auteur n'a encore osé reprendre ce mécanisme à son compte. Mais c'est une idée brillante.

MOz dit:Après dans une bien moindre mesure, un autre auteur qui me vient à l'esprit : Mac Gerdts pour le système de la roue. Aucun autre auteur n'a encore osé reprendre ce mécanisme à son compte. Mais c'est une idée brillante.

Le jeu Finca s'en inspire et y apporte de l'interaction.

Chvatil a notamment essayé d'intégrer le « temps réel » dans ses créations (Galaxy Trucker et Space Alert en particulier), ce qui n'est pas neuf dans l'absolu (on peut penser à Space Dealer, Squad Seven, ou même les Échecs ou le Go en temps limité), mais c'est la première fois que c'est foncièrement réussi dans un jeu qui n'est ni abstrait, ni d'ambiance. On peut aussi évoquer le système « préparation, réalisation » qu'on trouve dans Galaxy Trucker ou Dungeon Lords sans pour autant être des jeux de programmation.

À l'opposé, on peut trouver des précurseurs à Caylus (Bus, Morgenland ou même Puerto Rico dans une certaine mesure), tout comme le deckbuilding de Dominion trouve ses sources dans le JCC.

À mon avis, c'est un peu comme en sciences : il est vain de vouloir une révolution dans chaque article scientifique, qui a toujours avancé à (relativement) petits pas : une thèse ou un article scientifique sans section bibliographique n'a aucune crédibilité.

De même, une simple innovation mécanique ne suffit pas : le concept de temps réel n'a pas suffi à faire de Space Dealer un classique, mais il a ouvert la voie.

oscardejarjayes dit:
En citeriez-vous d'autres?

La tour dans Shogun (D.Henn) : à mes yeux la plus élégante des alternatives pour générer du hasard.
Le déclin dans Vinci (P.Keyaerts)
Le draft dans Verräter (M.A.Casasola-Merkle) repris dans Citadelles
Le système d'ordre inversé dans Starcraft (C.Konieczka), ou celui des ordres miroirs dans Rise of Empires (M.Wallace)

Un peu plus anciennement : dans les années 1990, Knizia a quand même révolutionné la manière de traiter un thème, en restituant plus une ambiance et un état d'esprit qu'une simulation, et en montrant ainsi qu'il était possible de s'affranchir des contraintes simulationnistes pour faire de meilleurs jeux. Les exemples les plus frappants sont sans doute Tigre & Euphrate et le Seigneur des Anneaux. Plus récemment, je pense que c'est Friedmann Friese son meilleur successeur dans la veine du détournement de thème.

D'un pur point de vue mécanique, il a aussi introduit le principe de hand management (qui trouve peut-être ses sources dans le Rami).

oscardejarjayes dit:En citeriez-vous d'autres?

Oui, je pense aussi à Hem X, avec son concept original de ****** dans son super prototype nommé ***** !

(Hem, qui a hâte de rejoindre Oscar dans le box des créateurs ludiques pour lui serrer la pince mais que c'est pas prêt d'arriver car rien que cette semaine le jeu ne peut être testé qu'un jour seulement sur les 7 parce que ses amis sont des gros nuls à l'emploi du temps blindé...)

scand1sk dit:De même, une simple innovation mécanique ne suffit pas : le concept de temps réel n'a pas suffi à faire de Space Dealer un classique, mais il a ouvert la voie.

En même temps, le concept n'a jamais été repris et améliorer.

Personnellement, il y a des jeux (même récent) que j'ai trouvé très bon mais que ont été remplacés par d'autres jeux qui ont su améliorer et rendre plus fluide les mécanismes. Je trouve qu'il y a des évolutions logique qui sont très bonne et d'autres jeu qui sont tellement bons qu'ils n'ont jamais trouvés de successeurs.

Le système de jeton d'ordre à coût incertain mis en place dans Vasco de Gama rentre-t-il dans la définition de "création" ?

Mark Herman, le père de tous les Card Driven Games avec We The People.
Rien que ça.

aTomm dit:Mark Herman, le père de tous les Card Driven Games avec We The People.
Rien que ça.


Et puis surtout, c'est un humoriste belge positivement hilarant...

http://www.marcherman.be/

Bon, ok, je sors...

:mrgreen:

MOz dit:
Après dans une bien moindre mesure, un autre auteur qui me vient à l'esprit : Mac Gerdts pour le système de la roue. Aucun autre auteur n'a encore osé reprendre ce mécanisme à son compte. Mais c'est une idée brillante.


Je pense que c'est difficile de reprendre ce système à son compte car je le classerai plutôt comme un "meta-système" (oui je sais c'est ronflant) dans le sens ou c'est un système qui n'est pas directement une des mécaniques du jeu, mais qui permet d'y accéder. On pourrait par exemple parfaitement imaginer que ce système se greffe sur du Puerto Rico pour accéder aux rôles (ou sur Amyitis aux personnages ou à la caravane ; c'est déjà un peu le cas, bien qu'il n'y ait pas vraiment de rapport)...

Bref, c'est tellement "marqué" que c'est difficile de le reprendre à son compte...

  • Gary Gygax pour l'invention du jeu de rôle, discipline qui a une influence non négligeable sur le jeu de plateau type "américain".
    - Richard Garfield pour le JCC, avec Magic the Gathering.
    (ou peut-être plutôt Panini pour le JCC)

Je suis personnellement impressionné par la créativité de Wallace, même s'il n'y a pas forcément un système et un mécanisme à reprendre à chaque fois (la programmation en miroir a été déjà mentionnée, le système est génial pour simuler l'inertie des orientations et ça fonctionne très bien pour un jeu de civ'; le poids des investisseurs et financiers est bien rendu dans Age of Steam; les petites subtilités d'After the flood m'avaient bien plu aussi, etc.) : là où Knizia sait parfaitement mettre à jour le squelette dans sa substantifique moelle, Wallace donne chair dans toute la diversité possible.

Mais je le suis encore plus par celle de l'équipe de Splotter : les "rôles" de Bus (1999) (et l'horloge qui arrête le temps), le "zoom in" de la ville à Antiquity (2004) et la notion d'entropie, le "tout n'est à personne" de Roads and Boats (1999), le "la fin de course est au bord de table" de D'r Af (1999) , l'ennemi intérieur qui contamine les autres joueurs à Beest (2001)...

Bref, De la Création... :china:

Sherinford dit:
aTomm dit:Mark Herman, le père de tous les Card Driven Games avec We The People.
Rien que ça.

Et puis surtout, c'est un humoriste belge positivement hilarant...
http://www.marcherman.be/
Bon, ok, je sors...
:mrgreen:


Evidemment bien moins fun je pensais forcément à celui-là:
http://www.boardgamegeek.com/boardgamed ... ark-herman
Bon par contre il porte mieux la cravate que ton belge :mrgreen: :mrgreen:

Moi je suis fan boy de Richard Halliwell, Steve Jackson (le ricain, pas l'anglais) et Chad Jensen pour l'ensemble de leur oeuvre.

CROC

Biohazard dit:Moi je suis fan boy de Richard Halliwell, Steve Jackson (le ricain, pas l'anglais) et Chad Jensen pour l'ensemble de leur oeuvre.
CROC


Bon bah j'avais pas osé Chad Jensen même si j'y avais pensé très fort... donc je double la mise de Croc: +1 pour Chad (et vivement Fighting Formations!!)

MOz dit:
William Attia, c'est sûr. Avec Caylus (et le worker placement), il a tout simplement révolutionné le jeu de gestion. Il faut voir le nombre de jeux qu'il a directement inspiré. A mes yeux, cela en fait un auteur bien plus important que Koeniczka ou Chvaatil.

ds Way Out West de Wallace, il n y a pas un système de worker aussi ?

Karis dit:Je pense que c'est difficile de reprendre ce système à son compte car je le classerai plutôt comme un "meta-système" (oui je sais c'est ronflant) dans le sens ou c'est un système qui n'est pas directement une des mécaniques du jeu, mais qui permet d'y accéder. On pourrait par exemple parfaitement imaginer que ce système se greffe sur du Puerto Rico pour accéder aux rôles (ou sur Amyitis aux personnages ou à la caravane ; c'est déjà un peu le cas, bien qu'il n'y ait pas vraiment de rapport)...


Oui, tout à fait. C'est ce que j'appelle un système d'actions (pour le distinguer d'un simple mécanisme) comme peuvent l'être le "worker placement" de Caylus, la sélection de rôle de Puerto Rico, les points d'action de Full Metal Planete (je ne sais pas quel jeu à la paternité de ce système), le "card driven" de We the People...

Par contre, je ne pense pas que ce soit parce qu'il s'agit d'un système d'actions que la roue n'a été reprise par aucun autre auteur, puisque précisément les système d'action de Caylus et des autres jeux cités ont été repris de multiples fois. Cela se fait tout le temps de reprendre des systèmes d'action. Je pense plutôt que c'est parce que la roue est un système particulièrement élaboré qui est profondément marqué de l'empreinte de son auteur. Autant on peut réinventer un système de points d'action tout seul dans son coin, autant réinventer la roue parait compliqué. Si un auteur reprend la roue pour un de ses jeux, il devra forcément payer un tribu à Mac Gerdts (je ne parle évidemment pas d'argent).