Comment préparer un entretien avec un éditeur?

Les choses commencent à bouger de mon côté et j'en viens à avoir des entretiens avec des éditeurs de façon plus régulière. Cela me fait forcément me poser des questions sur le sujet. :)

Or je remarque que sur le fofo on n'en parle pas?! :shock:

Je propose qu'on commence ici une sorte d'aide aux entretiens en wiki. :mrgreen:

Pour ma part, je me prépare en:

:arrow: m'entrainant à présenter mes jeux
C'est tout bête mais les entretiens étant parfois courts (sur un salon notamment), il faut savoir présenter son jeu rapidement et efficacement.
Ca signifie par exemple élaguer l'explication du thème, parler mécanismes essentiels, commencer d'abord par l'intérêt du jeu puis du comment on gagne avant de parler vraiment mécanismes [...]

Pendant les protonights, j'apprends à expliquer les règles (long travail) mais pour les entretiens je dois apprendre à les résumer et les présenter en 5-10 minutes. Pas évident.

:arrow: ciblant les éditeurs et cernant leurs intérêts
Les éditeurs veulent de plus en plus qu'on leur mâche le travail. Quand on passe un entretien, il faut savoir quels jeux sont plus susceptibles de les intéresser et savoir mettre en relief les éléments qu'ils peuvent rechercher.

C'est une démarche de commercial qu'il faut savoir faire. Ce n'est pas naturel chez moi, mais c'est pourtant ce qu'il faut faire.

Maintenant, il faut être un peu psychologue. Certains éditeurs sont plus "coups de coeur" qu' "intérêt commercial". Beaucoup même. D'autres sont plus "intérêt" que "coups de coeur".

:arrow: me préparant à des questions et des demandes surprenantes.
J'ai été surpris quelques fois par les questions des éditeurs. "Qu'est ce que ton jeu peut apporter de neuf pour nous?" "C'est ce que cherchent les joueurs ou ce que cherchent les éditeurs?"

Un entretien c'est un peu comme un entretien d'embauche. Il faut se préparer à des surprises et à des justifications.

Dans le rayon surprise, j'ai aussi eu le droit à "tu nous expliques les règles et tu casses jusqu'à ce qu'on t'appelle. Nous préférons tester sans l'auteur." On m'a dit un jour qu'un jeu n'était pas livré "avec l'auteur dedans" alors il est sain que le jeu soit testé pour sa valeur "absolue".
Si ça vous arrive, ne soyez pas surpris.

:arrow: apprenant à répondre aux questions sur les mécanismes.
La question du "pourquoi comme ça et pas comme ça?" apparait régulièrement. N'hésitez pas à dire si vous avez essayé ou non l'alternative évoquée. Pourquoi vous l'auriez écartée ou non.

Je pense que les éditeurs ont besoin de voir que vous avez des réponses, ou qu'au moins vous êtes ouverts à leurs questions. Il faut une bonne dose d'humilité pour donner des réponses avec le ton juste. C'est pas évident.

:arrow: apprenant à écouter.
Un entretien est destiné à être le premier pas d'une collaboration, mais pas seulement. Que ça marche ou pas, il est important que vous écoutiez ce que l'éditeur dit.

Pour ma part, j'ai eu des refus de protos très intéressants. Les propositions des éditeurs sont parfois très utiles, que vous reteniez ou non leurs propositions à terme. Il est important que vous vous montriez ouverts et que vous acceptiez la critique sans vous sentir blessé. Ca permettra à l'éditeur de se sentir en confiance avec vous.

:arrow: apprenant à me détendre.
Et c'est là le plus difficile au départ. Un éditeur est souvent surtout un joueur et un commercial (dans le sens communicatif). Il n'attend pas que vous le montiez sur un piédestal et que vous soyez mielleux.

Si vous vous stressez, ça risque de déranger l'éditeur qui risque de se fermer dans une seule optique "travail à finir rapidement". C'est jamais évident de réagir au stress des gens, alors on va à l'essentiel dans ces cas-là.

N'hésitez pas à prendre une demi-heure avant un entretien pour marcher un peu ou inviter un pote à rigoler autour d'un verre. Il faut aborder l'entretien avec sourire et légèreté. Sans ça c'est la pression de l'enjeu risque de peser et de vous rendre lourd par conséquent.

Voilà, ce sont des premières propositions. N'hésitez pas à réagir ou à apporter vos propositions et commentaires. J'ai encore pas mal d'entretiens devant moi, et je serais ravis d'apprendre d'autres trucs sur le sujet :pouicok:

Tu as oublié soudoyer des oreilles de l'épouse attentive :mrgreen:

Intéressant, comme sujet... bon après, il servira peut-être pas tous les jours à tout le monde, mais pour le cas où, c'est bien. Content de voir que les choses avancent pour toi, après tout le mal que tu t'es donné. Bon courage !! :)

Sympa ton retour d'expérience, même si perso je n'ai absolument aucun prototype sous le coude. :roll:
Courage pour la suite!
Cheers

TS Léodagan dit:"Nous préférons tester sans l'auteur." On m'a dit un jour qu'un jeu n'était pas livré "avec l'auteur dedans" alors il est sain que le jeu soit testé pour sa valeur "absolue".
Si ça vous arrive, ne soyez pas surpris.

;)

Très sympa comme sujet, merci de l'avoir fait. :pouicok:

Même si mes entretiens avec des éditeurs se comptent sur le doigt d'une demi main je crois que ce qui reste le plus difficile pour moi du moins c'est ce qu'il me semble, c'est le point cibler les éditeurs et cerner leurs intérêts ...

Parce que bon à moins de coller à l'actualité ludique avant même quelle soit dévoilée et se taper toutes les manifestations pour être dans le secret des dieux (du jeu) c'est quand même pas super simple de savoir ce qu'attendent les éditeurs.
Surtout que j'ai le défaut d'avoir la démarche inverse et penser que si le jeu est vraiment bon alors il trouvera un éditeur même si ce n'est pas ce qu'il recherche.
Bon l'expérience me prouve le contraire mais j'ai la tête dure :D (ou alors les jeux ne sont pas bons :roll: )

Un must absolu, c'est la fiche de présentation du jeu.

Une feuille A4, avec le titre, une image du matériel (photo du proto ou une image 3d si vous êtes doués), une courte description du thème, une courte description des mécanismes, et les données techniques : liste du matos, nombre de joueurs, âge, durée d'une partie.

Ca permet de gagner un max de temps, de présenter son 'elevator pitch' en une minute tout au plus, et si l'intérêt est la alors on peut sortir le proto et expliquer en détails.
Les éditeurs, qui apprécieraient beaucoup d'avoir des journées de 48h, vous seront gré de ce gain de temps et de cette approche pro.

Pour Batt'l Kha'os, ca donnait ceci :

batt’l kha’os
A game from Eric Hanuise and Frederic Moyersoen
(photo du proto)
N° of players : 2
Age : 10+
Duration : 20 min.
Target group : Core and casual player
Difficulty : Easy
Tactics vs luck : 8/2
Theme : Fantasy
Objective : Control towers
Game idea : Orcs and knights clash in a chaotic melee on the battlefield.
Each turn, you play a tile from your hand and draw a replacement tile. You may also play a Power token, which adds a special ability.
In this way, you try to get an advantage in numbers to control a corner of a tower. Whoever controls the most corners, gets the control of the whole tower.
Key features : Simple rules, high replayability, challenging game play, very tactical, suited for tournament play.
game components (chaque point illustré par une petite image)
• Rules of play
• 65 tiles
• 58 battlefield tiles
• 7 tower tiles
• 50 tokens :
• 30 control tokens in green (orcs), yellow (knights) and grey (neutral)
• 10 'power' tokens for each side
• 2 game aids

Je rajouterai aussi :

Choisir le bon moment (pas trop tard le soir :wink: ), pas en fin de journée sur un salon où la capacité de discernement est mise à rude épreuve.

J'ai demandé l'année dernière à Christian d'Hutter Trade comment il arrivait à enchaîner à Essen des rdv ttes les 1/2 heures et malgré cela avoir encore des capacités pour identifier un beau projet de jeu. Celui-ci m'a dit que toutes les 3 heures il sortait de son stand pour jouer à un vrai bon jeu ce qui permettait par la suite de mieux hiérarchiser les propositions reçues

Tres bonne synthèse. Pour ma part j'ajouterais deux petits points :
1) Ne pas hésiter à communiquer sur son jeu : le faire jouer en conventions, en associations, en bar à jeux, etc. L'information circule vite dans ce petit milieu. Je pense qu'un éditeur sera plus enclin à s'attarder sur un proto dont il a déjà entendu parlé (en bien) par un tiers.
2) Ne pas hésiter à faire jouer la concurrence. J'imagine en effet qu'il doit être terriblement frustrant pour un éditeur d'avoir eu en main, et refusé, le prototype d'un jeu devenu par la suite un succès... chez un autre (mais ce n'est peut être qu'une prénotion, Matthieu serait plus à même de la confirmer ou l'infirmer).

En ce qui me concerne, je dirais

1) Communiquer sur son jeu (primordial)
2) Une fiche synthètique présentant le jeu, le matos,...
3) Pas de rentre dedans (surtout pas)
4) Attendre que je vous recontacte.
5) Ne pas être fermé à la discussion sur les aspects du jeu

Les questions que je pose fréquemment :

1) Quel est l'intérêt de tel ou tel point de règle ?
2) Pourquoi ce thème ?

Sinon, je fonctionne beaucoup au coup de coeur avec parfois une vision un peu différente du jeu proposé (plus léger, plus lourd,...) sans que cela remette en cause l'âme du jeu.

Voili...

Surveiller sa proie d'un oeil alerte et lui sauter au cou dès qu'il se relâche...
L'éditeur ainsi à terre ne perd plus une miette de ce que vous lui présentez!

Ben sinon, pour les démos en salon, il y a aussi l'idée d'entrainer l'éditeur à une table pas loin ou le matériel est déjà prêt et où il est sorti de son stand et donc plus à l'écoute (en théorie).

La fiche est une bonne idée...que je vais utiliser! :pouicok:

Matthieu.CIP dit:Je rajouterai aussi :
Choisir le bon moment (pas trop tard le soir :wink: ), pas en fin de journée sur un salon où la capacité de discernement est mise à rude épreuve.

:wink:
Bon la situation était spéciale. Mais ça m'avait fait une très bonne répétition :pouicok:
Matthieu.CIP dit:J'ai demandé l'année dernière à Christian d'Hutter Trade comment il arrivait à enchaîner à Essen des rdv ttes les 1/2 heures et malgré cela avoir encore des capacités pour identifier un beau projet de jeu. Celui-ci m'a dit que toutes les 3 heures il sortait de son stand pour jouer à un vrai bon jeu ce qui permettait par la suite de mieux hiérarchiser les propositions reçues


De mon côté c'est un auteur qui me disait qu'il cumulait les rdv toutes les demi-heures à Nuremberg. Il prenait pléthore de rdv pour le salon et les enchainait à la volée. Pareil, il préparait des fiches en plusieurs langues et tout et tout. :D

Pour les rdv à Essen, je ne pourrai pas le faire. Par contre, faire des fiches multilingues pour quelques éditeurs, oui. Je compte bien tenter crânement ma chance. :P

Pour l'anecdote, j'ai eu un rdv ce soir et il s'est très bien passé. Rien n'est fait pour l'avenir, mais je commence à me sentir bien dans ces expériences de rdv. :)

Apprendre à connaître l'éditeur
- Trouver l'éditeur correspondant à son type de jeu fait gagner du temps.
- Trouver ensuite la bonne personne. Envoyez dans le vide ne sert à rien.

Puis, la première règle lors d'un salon et de se faire tout petit et de demander à l'éditeur s'il a quelques minutes à vous accorder. S'il est occupé et qu'il prend sur lui de regarder votre prototype, il sera surement très négatif à votre égard. Car le contact est très important aussi. S'il n'a pas de temps, ce n'est pas la peine de s'acharner. Il a autre chose à faire. Acceptez les règles de l'éditeur. Il veut que vous envoyer, envoyer. Il veut tester sans vous, envoyer.....

Savoir présenter son jeu est important tout en restant le plus modeste possible. Vous n'êtes pas la star et d'autres sont passés bien avant vous. Commencer à dire que son jeu est le meilleur du monde ne vous fera jamais bonne presse et vous fera passer pour un pédant.

Enfin, si l'éditeur vous sort des choses qui vous semblent incorrects (parce que parfois il veut vous en mettre plein la vue), laisser le dire pour lui faire croire que vous êtes novice en la matière. Vous pourrez remettre le sujet sur le tapis ultérieurement s'il vous paraît important d'en discuter ensuite.

Ne relancer pas l'éditeur toutes les trois semaines, aussi prenez votre mal en patience.

fred henry dit:Ne pas hésiter à faire jouer la concurrence. J'imagine en effet qu'il doit être terriblement frustrant pour un éditeur d'avoir eu en main, et refusé, le prototype d'un jeu devenu par la suite un succès... chez un autre



Non c'est pas frustrant... C'est simplement la vie.

Pour moi, il y a :

- des jeux qu'il faut bloquer tout de suite (CRAZY DANCING par exemple) parce que le risque d'édition ailleurs est fort ;

- d'autres où l'on va prendre plus notre temps (quitte à se les faire souffler) ;

- Et d'autres enfin qui sont formatés pour nous (jeux d'expression dans un petit format) et où le risque de se le faire souffler est plus faible.


Certains auteurs sympathiques nous donnent une priorité à condition bien sûr qu'on leur donne une réponse rapide.

J'aime beaucoup ces petits conseils Cedric. :pouicbravo:

Mais bon, même en les connaissant, je ne peux m'empécher de stresser et de tout faire de travers quand je présente un proto à un éditeur.

J'ai une question à ce sujet.

A quelle stade d'évolution du jeu faut-il le présenter ?

La réponse évidente serait : Quand le jeu est prêt.
Mais tout le monde sait qu'il ne l'est jamais, il y a toujours des choses à rajouter, des règles à améliorer, des nouvelles idées à tester. A quoi correspond un jeu prêt ?

Une autre réponse est : Quand on rencontre un éditeur.
Quand on habite dans les montagnes comme moi, on n'en croise pas tous les jours. Est-ce que ça vaut le coup de présenter quelque chose pour profiter de l'occasion alors qu'on sait qu'on n'est pas prêt ?

Pas plus tard qu'hier, un éditeur m'a dit ce qui suit : "un éditeur a du mal à se repencher sur un jeu". Autrement dit, si c'est non la première fois, il risque de ne pas accepter de regarder à nouveau. :!:

Donc une seule réponse possible: présente un jeu que quand tu penses être arrivé au bout de ton cheminement et que tu ne comptes plus rien changer. :D

En fait, c'est justement parce que les occasions sont rares qu'il ne faut pas les limoger. :pouicok:

Je sais que tu vas à la rencontre des créateurs en Suisse chez le génial Sébastien Pauchon. C'est un événement exceptionnel et une vitrine excellente pour toi. A mon avis, il faut te focaliser sur cette date et t'assurer d'y présenter tes jeux vraiment aboutis. Profite de l'occasion pour contacter les éditeurs sur place. :mrgreen:

Je confirme, tu n'auras probablement pas deux occasion de présenter ton jeu, donc il faut que la premièe soit la bonne!

Matthieu.CIP dit:
Certains auteurs sympathiques nous donnent une priorité à condition bien sûr qu'on leur donne une réponse rapide.


Je suis tout à fait d'accord avec ce procédé.
Lorsque je parle de "faire jouer la concurrence" j'entends qu'il est parfois nécessaire pour les auteurs sans notoriété (c'est mon cas) de rompre avec la dyssimétrie qui fondamentalement caractérise la relation auteur/éditeurs (dailleurs la comparaison faite plus haut avec un entretien d'embauche est assez évocatrice sous ce rapport : on est dans de nombreux cas proche d'une relation implicite de supérieur à subordonné, quand bien même tous les acteurs de cette relation sont formellement égaux). Les éditeurs font constament jouer la concurrence dans la mesure où l'offre (de prototypes) qui leur est soumise est relativement pléthorique (elle dépasse en tout cas largement la demande (leurs propres besoins éditoriaux)). Dans la mesure où les éditeurs ne s'interdisent pas de regarder d'autres prototypes (ils ne donnent pas d'exclusivité à un auteur) je pense qu'il est juste/équitable qu'un auteur ne se ferme pas de portes à priori. Ce point de vu est purement moral et j'imagine qu'en pratique il est parfois rédhibitoire pour un éditeur de savoir qu'un proto qu'il voudrais étudier sereinement demeure "sur le marché".

TS Léodagan dit:Pas plus tard qu'hier, un éditeur m'a dit ce qui suit : "un éditeur a du mal à se repencher sur un jeu". Autrement dit, si c'est non la première fois, il risque de ne pas accepter de regarder à nouveau. :!:


Je ne remets malheureusement pas en cause cette affirmation, mais je trouve ça regrettable. :?

En effet, les entrevues que j'ai eu avec des éditeurs ont été véritablement profitables pour les jeux qui ont été critiqués et aussi pour mes compétences de jeune auteur.

Aussi, même s'ils n'en ont pas le temps je pense que les éditeurs jouent un rôle formateur pour les auteurs débutants et que s'ils refusent de se repencher sur un jeu qu'ils ont auparavant critiqué.
Ca nous prive de la possibilité de bénéficier de leurs critiques de peur de se voir fermer la porte pour une hypothétique présentation suivante ...