The Majority, ou comment préférer être second ! (Kickstarter)

Une fois n’est pas coutume, j’ai décidé de vous présenter un jeu hors et dans l’actualité ! Qu’est-ce que j’essaie donc de dire, me demanderez-vous ? Et bien, je vais parler d’un jeu qui a vécu sa courte existence ludique il y a quelques années au Japon et qui aura peut-être l’opportunité de voir le jour ailleurs… s’avançant timidement vers des horizons lointains et continentaux. The Majority, et sa suite, sans l’être en fait, The Majority 2, sont des jeux publiés chez 操られ人形館, la maison d’édition de Muneyuki Yokouchi.

Muneyuki fait partie de ces auteurs japonais qui tracent leur route créative depuis plusieurs années maintenant. Il est toujours présent lors des Game Market et, le plus souvent, propose des jeux aux mécaniques originales et intéressantes. The Majority compte parmi ses premières réalisations et est, selon moi, l’un de ses meilleurs jeux. Il a aussi réalisé les jeux Road to the Palace et Age of Assassins, dont les règles sont disponibles grâce à Sathimon.

Alors, pourquoi ai-je donc cette idée saugrenue de parler d’un jeu difficile à trouver au Japon aujourd’hui alors qu’Essen fait bouillonner nos esprits de consommateurs ? Tout simplement parce que se la jouer consommateur avarié peut aussi avoir ses charmes. Oui, bon, ça ne veut pas dire grand chose, mais le dimanche, j’ai un peu plus de mal à faire rêver les moutons électriques qui sautillent dans mon esprit.

Kickstarter ou Go Fund Yourself :

Pour ceux qui auront vu le premier épisode de la 18ème saison de Southpark, vous comprendrez la référence.

Ninja Star Games a décidé de proposer les deux jeux de Muneyuki Yokouchi sur la plateforme de crowdfunding la plus célèbre par delà l’Atlantique. Ce nouvel éditeur propose ainsi de financer les deux jeux d’un coup, dans une seule et même boîte. Ce choix est tout à fait pertinent dans la mesure ou les deux jeux se complètent. The Majority 2 n’est pas à voir comme une version 2.0 du premier titre mais comme une sorte de variation sur thème. Du coup, les deux jeux conservent leur intérêt propre et ça, c’est un choix très malin.

Lorsque je présente des jeux japonais sur TT ou ailleurs, une des remarques qui revient le plus souvent, c’est la difficulté de se procurer le jeu. Cette fois-ci, vous ne pourrez guère vous plaindre parce que le jeu sera disponible en version anglaise et les envois internationaux ne sont pas excessifs. Il vous en coûtera 35 dollars (profitez, l’euro est fort ! Le yen, par contre… je l’appelle la roupie japonaise depuis deux ans), frais de port inclus pour vous procurer les deux jeux. Il existe même une boîte deluxe qui me ferait de l’œil si je n’avais pas déjà les deux jeux.

Il semblerait que les règles françaises n’existent pas encore… mais je pense que je me proposerai pour les traduire. Au niveau de l’indépendance linguistique, sachez que le premier jeu n’a aucun texte et que les effets spéciaux des cartes sont explicités par des symboles très simples à comprendre, une fois la première partie terminée. Pour The Majority 2, il y a pas mal de texte, mais là aussi, je pourrais très bien traduire les effets de cartes si certains d’entre vous me le demande.

The Majority, ouat emsque ? (copyright, le Mops)

Comment ce jeu se joue-t-il ? C’est là que vous allez enfin pouvoir comprendre le titre étonnant de cet article. Dans The Majority, vous allez essayer de gagner le plus d’argent possible. Le joueur qui aura réussi à récolter le plus de pièces en carton à la fin de la partie l’emportera.

Le jeu se joue de 3 à 4 joueurs à partir de 13 ans pour des parties d’environ 45 minutes. Il n’est composé que de cartes.

A 4 joueurs, le jeu ne se joue pas exactement de la même façon qu’à 3. A 4 joueurs, le jeu se joue en équipe tandis qu’à 3, c’est chacun pour soi. Je vais vous parler des parties à 4 parce qu’elles impliquent quelques petites modifications de gameplay. Mineures. Dans ce jeu, les joueurs vont jouer les cartes qu’ils ont en main de manière à former des partis politiques. Oui, ça ne fait pas forcément rêver mais la politique est ici aussi bien intégrée que le commerce des pierres précieuses dans Splendor.

Les cartes ont des valeurs différentes qui indiquent leur force dans le parti auquel elles appartiennent. Elles sont aussi déclinées en plusieurs couleurs différentes : rouges, jaunes et bleues. Certaines des cartes ont aussi une capacité spéciale qui s’applique dans un ordre imposé par leur valeur… J’entends par là que la carte jouée dont la valeur est la plus faible appliquera son effet la première. Ce point est important dans la mesure où l’effet peut s’appliquer sur les cartes de valeurs supérieures et ainsi les empêcher d’être enclenchées.

Une partie se joue en 4 manches. A la fin de chaque manche, on résout et calcule le score (le nombre de pièces reçu) de chaque joueur. Au début d’une manche, les joueurs reçoivent 6 cartes de la pioche. Avant de pouvoir commencer à poser des cartes devant soi, les joueurs vont, selon un système de draft, constituer leur main. Une fois leur main constituée, chaque joueur va échanger une de ses cartes avec son coéquipier.

On peut maintenant commencer à poser ! Chacun son tour les joueurs vont poser une carte devant eux et les révéler en même temps. Si une des cartes a un effet à appliquer, on l’applique immédiatement, dans l’ordre de résolution précédemment expliqué. A partir de la deuxième carte jouée, si un joueur pose une carte d’une couleur déjà existante devant lui, il va la poser sur la précédente, pour former une colonne. Les joueurs continuent ainsi jusqu’à ce qu’ils aient joué leurs 6 cartes.

Vient le moment de la troisième phase : celle des “débats”, que je qualifierai plutôt de phase de résolution. C’est sur le calcul des scores que le jeu montre vraiment ses qualités. En effet, les majorités, bien qu’elles apportent 2 points de victoire à chaque fois, sont parfois moins rentables que la place de second ! Petit exemple : vous avez la majorité en jaune avec 18 points (joli !). Vous remportez donc 2 pièces, ou 2 points, c’est comme vous le sentez. Un autre joueur arrive second avec 12 points. On pourrait penser qu’il ne gagnera rien mais si ! Il recevra 1/5ème du score majoritaire en pièces… ici, 18 divisé par 5 : 3 pièces ! Le second gagner donc plus de pièces ! Imaginez maintenant que vous soyez parvenu à réaliser ce joli coup avec votre partenaire ! Double peine pour l’équipe adverse. Mouhaha.

Le jeu se poursuit ainsi avec les trois phases : draft, pose et résolution pendant 4 manches !

The Majority 2, le plaisir à 2

Même si The Majority 2 reprend en partie l’univers du premier, le gameplay est très différent. Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un jeu qui se joue de 3 à 4 joueurs, mais d’un jeu à 2. Et oui, rien qu’à deux.

Le jeu est décomposé en plusieurs phases, 6 pour être précis. La première, celle de ressources, vous permet de réactiver les pièces que vous avez utilisées pendant le tour précédent. La seconde est celle d’échange, qui vous permet de réaliser un mulligan. Au début de la manche, vous avez une main de 6 cartes ainsi que 4 cartes posées devant vous dans une zone appelée “la réserve”. Si vous décidez d’effectuer l’action “échange” (optionnelle, vous l’aurez compris), vous devrez dire adieu aux 6 cartes que vous aviez en main pour les remplacer par les cartes que vous avez en réserve. Remplacer certaines cartes n’est pas autorisé. C’est tout ou rien !

Dans la phase 3, vous avez la possibilité de prendre une ou plusieurs cartes de la pioche pour les ajouter à votre main. Le nombre de cartes que vous pourrez piocher sera défini par le nombre de factions présentes dans le camp de votre adversaire. Lors de la première manche, comme votre adversaire n’a encore aucune carte/faction posée devant lui, vous ne pourrez prendre que 2 cartes de la pioche. Autre effet impliqué par la pioche de cartes, votre adversaire recevra lui aussi une carte. Piocher vous offre plus de choix, mais votre adversaire lui aussi en profitera !

Vient ensuite la phase 4, dite “phase de pose gratuite”. Pendant cette phase, les joueurs pourront jouer une carte de leur main sans en payer le coût. Très utile ! Attention cependant, certaines cartes, dont l’effet est particulier, ne peuvent pas être jouées pendant cette phase. Autre désavantage de jouer une carte pendant cette phase, c’est que la gratuité implique vous en perdiez l’effet spécial ! On ne peut pas tout avoir. Il vous faudra donc faire des choix, souvent douloureux.

Dans la phase 5, vous pourrez jouer autant de cartes que vous le souhaitez, à condition d’avoir suffisamment d’argent pour en payer le coût de pose. La pose des cartes est soumises à quelques règles. Les cartes seront posées devant vous, en colonnes, de manière à former des factions… politiques, toujours ! Vous pouvez constituer jusqu’à 3 factions différentes. Une fois qu’une de vos colonnes atteint 5 cartes, la colonne est immédiatement résolue. Si votre colonne est composée d’au moins trois cartes de couleur identique, vous gardez l’une des cartes (appelée “représentant”) qui sera scorée à la fin de la partie et qui vous permet aussi de gagner immédiatement une pièce de plus, posée d’abord face cachée. Cette pièce sera activée lors de la phase “ressource” de la manche suivante. Si vous parvenez à composer une colonne de 5 cartes de couleur identique, vous gagnerez 2 pièces au lieu d’une. Evidemment, vous conserverez aussi une carte “représentant”.

Attention, par contre… si votre faction ne présente pas au moins 3 cartes de même couleur, toute la colonne est retirée du jeu et vous ne gagnerez ni argent ni points de victoire potentiels.

La phase 5 est probablement la plus importante pour parvenir à engranger assez d’argent pour ensuite jouer plus de cartes… qui vous permettront d’engranger plus d’argent. Et ainsi de suite. Money engine en somme.

Une fois toutes ces phases jouées, on arrive à la phase dite de “nettoyage”, elle aussi particulièrement intéressante. En effet, une fois la phase de pose terminée, vous allez donner toutes les cartes qui restent en main à votre adversaire ! Il vous faudra donc bien observer les choix qu’il a effectués et ne pas lui laisser trop d’opportunités. De vos choix naîtront les opportunités de votre adversaire. Oui, ça pique un peu.

Dès que l’un des deux joueurs est parvenu à former 5 factions (avec 5 représentants posés dans la zone qui leur est consacrée), la partie s’arrête et on compte les points de victoire. Le joueur qui en a le plus l’emporte.

Le score est calculé comme suit : vous remportez les nombre de PV indiqués par les étoiles sur les cartes personnages ainsi qu’un PV par pièce disponible.

Ce qui est aussi intéressant quand on observe les cartes des différentes factions de plus près, c’est que chacune d’entre elle propose des effets qui peuvent s’enchaîner, créant des combos particulièrement efficaces. Il faudra donc que vous fassiez des choix de ce point de vue là aussi. Partir dans toutes les directions peut, à terme, vous faire perdre la partie, surtout si votre adversaire a mieux planifié sa conquête.

En guise de conclusion…

Les deux jeux, même s’ils partagent le même univers, proposent des mécaniques très différentes. Leur thématisation, tout à fait artificielle, laisse cependant vivre une univers graphique original et à forte tendance japonaise. Ninja Star Games a pris le parti de les conserver et c’est un choix courageux.

Je ne saurais trop vous encourager à soutenir cette campagne. Ce sera peut-être l’occasion de voir plus souvent des jeux japonais trop rares s’aventurer des des contrées plus occidentales. Les règles sont simples mais malines. Jouant très souvent à deux, je favoriserais The Majority 2 mais dans la mesure où les deux sont accessibles à un prix très correct, pourquoi hésiter ?

Pour en savoir plus sur les effets des cartes, je vous renvoie vers la page du projet : Kickstarter.

Il reste encore 24 jours pour aider le projet à atteindre son objectif, modeste, de 10 000 dollars. Il y a certes moins de zombies en plastique dedans, mais bon, pour une fois qu’un jeu japonais se la joue crowdfunding, ce serait dommage de passer à côté. Et puis, parole d’Izo, c’est bien meilleur que la resucée d’UNO proposée par Seiji Kanai il y a quelques temps.

The Majority, 1 et 2, des jeux qui sont bien pour votre corps et votre esprit !

Izobretenik

3 « J'aime »

Je suis content que tu en parles, ils méritent vraiment de l'attention les jeux de Muneyuki !

Pour les trad j'ai promis à Muneyuki de les faire avant la fin du KS.

Je fini pour Essen et ensuite j'enchaîne sur ces deux là.

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Mon cochon-tirelire te déteste!

Et un grand merci pour tes articles!

2 « J'aime »

Idem que Yakusoku.

Mon portefeuille est plus léger depuis que j'ai lu l'article d'Izobretenik.
J'ai pas pu résister. Je suis un backer de Majority.

Merci de m'avoir fait connaître ce projet. :)

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je ne suis pas fan de kickstarter, mais j apprécie le recul que tu as encore vis à vis des jeux et des auteurs. je vais suivre ton conseil et prendre le risque

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Merci Morlockbob, ça me fait plaisir ! Et, un peu plus à l'auteur :)

Je viens de recevoir le jeu.

Je n'ai pas encore fait de partie, mais ca ne saurait tarder.

En tout cas, Ninja Star Games a réalisé un produit de qualité.

Merci.