Projet 3 ans avec Luma, Chapitre I : A l'origine des Légendes

Prologue

En un peu plus d’un an, j’ai interviewé 45 invités du monde ludique. Par envie, par curiosité, pour le kif tout simplement. Mais l’envie d’aller plus loin s’est dessinée lors d’une longue conversation téléphonique avec Ian Parovel.

Ce dernier n’arrivait pas pour des raisons personnelles à aller au bout de son entretien avec moi et puis il souhaitait en savoir plus, sur moi, mes motivations, du pourquoi du comment. Nous avons parlé ensemble de longues heures durant 2 soirées.

Il finit par m’évoquer un projet sur lequel il bossait depuis plusieurs mois mais qui devait rester secret à l’époque : Le projet Luma.

Un projet ambitieux, dont il parlait avec passion, intensité, talent comme toujours.

Ian Parovel fait partie de ces petits génies agaçants, incroyablement talentueux, complément égocentriques comme il l'avoue lui-même mais pour mieux cacher ses doutes. Le projet Luma ne pouvait qu'être intéressant pour qu'il y consacre 3 ans de sa vie avec les Ludonautes.
Les Ludonautes, 2 profs qui en apparence ne payent pas de mine mais qui après avoir crée leur maison d'éditions ont réussi à décrocher le grall, le double grall... l'As d'or suivi du Spiel Des Jahres, une double récompense incroyable pour un couple ayant pendant longtemps travaillé seuls, ayant appris de leurs premiers jeux, de leurs demi-réussites, ils ont continué, persévéré et puis Colt Express arriva...

Ce jeu leur a permis de voir plus loin, plus haut, de devenir ambitieux, très ambitieux... Ian devenait le troisième homme idéal pour tenter une incroyable aventure... une série de 6 jeux basés sur la même histoire, un univers complet, des illustrations incroyables, une aventure, une vraie aventure, celle que je vais vous conter :
 

Les Légendes de Luma.

Ce soir là, Ian connaissant mon envie de pousser encore plus loin mon approche du monde ludique me proposait de suivre le projet durant les 3 ans qui suivraient, de les accompagner pas à pas. Le projet bien que prenant ne se refusait pas, suivre l'épopée d'un éditeur sur 6 jeux allait demander du temps, de l'énergie, leur demander de l'énergie, un regard sur leur façon de travailler, leurs forces, leurs faiblesses, leurs doutes....

Je vous présente donc aujourd'hui la première partie de cette aventure qui se déroulera ainsi : 
A chaque sortie d'un nouveau tome des Legends de Luma, vous pourrez comprendre ce qui s'est passé pour l'histoire du jeu précédent, je vous conterai au mieux leurs espoirs, leurs craintes, leurs réussites et parfois leurs échecs. A cela s'ajoutera l'interview de l'auteur du jeu précédent, vous aurez donc la possibilité de lire demain, l'interview de Florian Sirieix, auteur de Oh Capitaine.
A la sortie du 3ème tome en 2018, vous aurez l'interview de l'auteur de Nomades, Gary Kim. Etc....
Cette aventure se veut technique mais surtout humaine. 

Voici le Chapitre premier de cette aventure....


Chapitre I : A l'origine des légendes....

 

Ce qu'il faut avant tout savoir c'est que les Ludonautes ont toujours rêvé plus ou moins de cette aventure.
Dès la création de leur maison d'édition, Anne-Cécile et Cédric avaient la volonté de créer un jeu mêlant ludique et récit. La rencontre avec Ian eue lieu en 2010 lors d'un festival à Val d'Isère où ils se retrouveront tous les 3 nus dans la neige à cause d'un immeuble en feu (True story), à partir de cet instant, Ian travaillera avec les Ludonautes sur plusieurs projets: Le petit prince 2, Colt Express...
L'envie devient vraiment forte en 2014 justement au moment de la sortie de Colt Express.

Le succès du jeu de Christophe Raimbault aura trois conséquences :

1) Surfer légitimement sur le succès du jeu en créant des extensions attendus par le public et qui donc leur prendront un certain temps.
2) Leur permettre un réel confort financier et donc d'avoir les moyens de leurs ambitions.
3) Avoir l'envie d'un réel nouveau challenge

 

 

La malédiction du Spiel Des Jahres

Cédric m'avouera que le Spiel Des jahres aura de nombreuses conséquences, pour Les Ludonautes comme pour l'auteur.
Lorsque tout le monde vous acclame et vous félicite, le succès peut avoir un goût amer.
Comment pourrait t-on se plaindre d'un mal être ou d'un simple problème de la vie quotidienne alors que l'on vient d'obtenir le sacre du monde ludique ?
Pourtant Cédric concède que discuter avec des financiers de business plan plutôt que parler mécanique avec des joueurs ne l'intéresse pas. « Je voulais simplement m'amuser moi à la base ! » me lance t-il lors une interview audio.

Le Spiel donnera donc cette envie tel Rocky après un match gagné de remonter sur le ring pour affronter un adversaire plus fort malgré la peur que cela peut engendrer. Pour cela, il ne fallait pas un mais six jeux afin de tenir l'échelle aussi haute que Colt.

 

Florian, Ian, Gary, et Mr Bip

La rencontre avec Florian Sirieix eu lieu à Cannes où il leur présenta Pillage, un jeu à la base crée pour ses élèves (voir interview Florian Sirieix). Florian acceptera de changer le thème de son jeu et permettra le développement du tome 1 des Légendes.
A la base, le second jeu de la série devait être celui d'un auteur très prolifique dont nous tairons le nom , et que nous nommerons pour l'occasion « Mr Bip ».

Ian reviendra de Corée avec un prototype de Gary Kim, les 2 jeux permettant enfin de rêver. Anne-Cécile et Cédric demandèrent alors à Ian s'il était partant pour débuter l'aventure, ce dernier acceptant très rapidement, et en 4/5 mois ils fixèrent la trame général du projet.
Le synopsis de l'aventure était crée, des aventuriers arrivant sur une île découvre un univers fantastique.

Entre temps, Mr Bip ne souhaitant pas changer le thème de son jeu, ils décidèrent d'abandonner ce projet et de lancer les Légendes avec les jeux de Florian et Gary Kim. Ce dernier acceptant la réadaptation de son jeu notamment au niveau du thème et du scoring.
 

Anne-Cécile fait tester Nomades, le second volume des Légendes de Luma


Ian sera dans un premier temps embauché comme prestataire de service, puis quelques mois plus tard, l'aventure devenant tellement touffu, il sera finalement embauché le premier janvier 2016.
Son expérience dans l'animé, son premier job, permettra de travailler de manière complète et professionnelle sur le projet. Il leur faudra par contre allier le développement des prochains jeux avec la sortie de l'extension de Colt express, certains projets seront mis en stand-by.

De nombreux doutes existaient encore autour du projet, plusieurs auteurs se demandaient à quoi ressemblerait leur jeu « customisé » made in Luma. Depuis des auteurs se sont battus pour faire parti du projet.
Anne-Cécile écrirait l'histoire avec Eric Chevalier, le créateur des Minikeums rencontré par Ian 20 ans auparavant (Voir interview Ian Parovel Proxijeux). Eric Chevalier permettant en tant que script doctor d'apporter un réel œil professionnel.


 

Les personnalités des Légendes
 

Ian ou Captain express

Projet 3 ans avec Luma, Chapitre I  : A l'origine des Légendes

 

Ian, lui, Directeur artistique permettra de trouver des illustrateurs de rêve et de rêver grand : jeu de plateau, jeu de rôle, jeu vidéo, roman, animé... où mènera Luma ?
Ian ne se fixe aucune limite, grande gueule et plein d'ambition, il ne fonctionne qu'au projet, et devient très rapidement l'allié idéal d'Anne-Cé' et Cédric

 C'est la première fois que je n'ai pas l'impression de bosser pour quelqu'un mais avec quelqu'un !
Ian Parovel 




Ian voit grand, très exigeant avec lui-même, il l'est également avec ces collaborateurs : « J'attends beaucoup des gens, mais je me rends compte que c'est pas quelque chose d'innée.  »
Son exigence, il l'a également avec les joueurs : « Il serait bien que Luma valide auprès des joueurs une certaine idée du jeu. On pourrait faire du Captain Express et vendrent des milliers de boîtes facilement mais c'est pas le but, il faut voir plus loin ! »
Ian se fait vite « chier » avec le quotidien, son truc c'est aller chercher les talents qui donneront vie au projet.

Cédric confie : « La première raison de son embauche elle est là, trouver les bonnes personnes, on a bien fait de lui faire confiance ! C'est son domaine où il est vraiment bon ! Ian décrit son travail : « J'ai appris a driver les artistes et surtout des gens qui ne sont pas dans le jeu de société »

 

Cédric le cartésien 
Projet 3 ans avec Luma, Chapitre I  : A l'origine des Légendes

Cédric, cartésien dans l'âme, est pour sa part la force tranquille de l'équipe : « Anne-Cé et Ian sont plus pessimistes de nature que moi, ils ont un peu le même caractère. »
Ian avoue : « Le jour où je vois Cédric péter un câble, faut que je m'inquiète ! »

Cédric s'épanouit totalement dans sa nouvelle vie d'entrepreneur chez Ludonautes : « Quand t'es prof tu connais ton salaire dans 40 ans, je voulais pas de ça, je suis en disponibilité mais faudrait me forcer pour que j'y retourne! ».

Même s'il avoue que le rôle d'entrepreneur n'est pas facile tous les jours : « Gérer des gens c'est un métier, après Colt Express, on avait embaucher quelqu'un mais c'est pas évident de donner des tâches à un autre! Ian ce qui est bien c'est qu'il sait ce qu'il a faire ! »
Son caractère s'allie bien au sein : « J'ai pas la science infuse, j'aime bien me fighter gentiment, si j'ai tort j'ai tort, mais j'aime discuter pour avancer!

 Anne-Cé ou  la pierre angulaire

Projet 3 ans avec Luma, Chapitre I  : A l'origine des Légendes

« Anne-Cécile est la pierre angulaire du trio, elle gère tout l'administratif, le côté chiant, Anne-Cé est également énormément dans le ressenti » confie Cédric,

 

Si elle savait exprimer ce qu'elle a en elle, elle serait une ptain d'artiste !
Ian Parovel à Propos d'Anne-Cécile


« Si elle savait exprimer ce qu'elle a en elle, elle serait une ptain d'artiste ! » avoue Ian .
« On est une hydre à 3 têtes mais Anne Cé' à le bouton ! » Rajoute t-il


 

Un chevalier vite !

Bruno Chevalier viendra compléter à partir de Paris est Ludique 2017, le frère d'Anne Cécile ayant déjà travaillé dans le jouet, permettra de libérer Anne-Cécile de plein de tâches, et d'apporter une expertise commerciale notamment auprès du distributeur Asmodée afin de pouvoir travailler de manière plus libérée.


Une conversation la nuit....

Nous avons discuté avec Ian et Cédric sur Skype durant 3 heures40 lors d'une soirée. Voici quelques extraits de cette conversation.

Un Trio infernal

Quand je leur demande comment se passe la relation du trio composé de fortes personnalités, i
ls sont d'accord pour dire que les craquages avec la fatigue arrivent parfois, mais le dialogue est toujours est là et permet de relativiser les différents problèmes.

 

Je ne sais pas travailler sans Anne-Cé!
Cédric

 

Cédric : Quand y en a un qui n'est pas d'accord, il gueule un coup et les 2 autres sont obligés de l'écouter, et en général on arrive à un consensus en discutant ensemble.  Je ne sais pas travailler sans Anne-Cé, je l'ai rencontré à la fac, j'ai bossé mes partiels avec elle, j'ai crée Ludonaute avec elle, je sais pas faire sans elle ! Par contre, la difficulté pour Ian, c'est qu'il a affaire à un couple, on peut discuter d'une problématique pendant 6 heures en couple et le matin dire à Ian c'est comme ça ! Oui sauf que lui n'a pas eu l'historique !

Ian : Le pire c'est quand ils se sont dit les choses en privé et qu'ils pensent que l'info a circulé sauf que non ! Eux, ils ont des enfants, c'est une journée extrêmement bien réglée, alors que moi....

Cédric : Il peut commencer à bosser à 14h !  (Rires)

Ian : Je ne vis qu'à travers mon égo, je le calme, je sais vivre avec, mais j'ai besoin de me prouver que je ne suis pas une merde, c'est viscéral!

Cédric : Si j'ai fais de la merde et qu'on me le dit eh bah j'ai fait de la merde ! Tant pis ! Ca me pose pas de soucis qu'on me le dise.


Fichier personnages en phase de test
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Asmodée

Cédric : Depuis mi 2013 et le rachat par le fond de pension, la politique de notre distributeur à changé, la marge est devenue plus importante pour eux, notre investissement a été vu avec étonnement, on nous a a demandé pourquoi nous investissions autant sur un tel projet. La démarche produit est devenue parfois plus importante que la démarche jeu, c'est malheureux. Moi je veux faire les choses bien, comme j'ai envie de les faire.
Demain, si je propose une extension Colt Express, on me la prend de suite ,je le sais, mais j'ai pas envie que de ça !

 

Oh Capitaine

L'équipe avoue avoir de bons retours en ce début de sortie de la part des boutiques.

Ian :
Y a des gens le monde du jeu qui peuvent décider si un jeu fera des ventes ou pas, s'il décide d'en parler le jeu fera des ventes. Y a une cinquantaine de gens en France qui ont ce pouvoir. Ma peur parfois c'est de me dire que le produit est peut être juste ….Trop propre ! Quand le produit à des défauts, tu peux créer la polémique, il faut savoir créer la polémique, GTA a buzzé sur une polémique, alors j'ai peur qu'à force d'être irréprochable on passe inaperçu.

 

 

L'équipe à quelques semaines de la sortie d'Oh Capitaine s'inquiète de savoir si les joueurs vont s'intéresser ou non au jeu, Cédric toujours optimiste attend calmement, Ian lui comme à son habitude est plus inquiet.
Les investissements financiers demandent un objectif minimum de 25 000 exemplaires pour chaque jeu,un objectif que les Ludonautes souhaitent bien plus haut malgré certains difficultés notamment en Allemagne.

 

Cédric : Quand l'Allemagne ne te prend que 1 000 boîtes, ça fait chier ! Le marché est saturé, ils croulent de jeux, ils peuvent pas prendre en plus. Le Spiel représente 90% du marché, si t'es pas Spiel tu représentes rien ! Les Etats-unis et la France sont les pays cibles. Mais Asmodée US est en pleine restructuration, y a 2 ans c'était une boîte de 10 personnes, maintenant ils sont 400 ! Donc forcément durant cette restructuration tu ne peux faire les choses parfaitement ! Nous passer de 2 à 3 c'est déjà compliqué, alors de 10 à 400 !

Ian se rassure: En général, les jeux qui ont un départ boosté s'arrêtent rapidement, regarde des jeux comme Fourberies par exemple.  Nous on joue sur la long terme. 

Cédric : Le marché du jeu progresse pas grâce aux gros joueurs mais à ceux qui découvrent le jeu !
Sur les festivals des gens découvrent tout le temps Colt Express, c'est incroyable ! Il faut aller parler à ces gens là, leur faire découvrir des jeux en dehors du Monopoly.
Oui je pourrais faire Yggdrasil Express, faire des tonnes de figurines... mais je n'ai pas envie de ça !

 


Florian Sirieix fait découvrir Oh Capitaine lors de Paris est Ludique.

 

 

Pour moi c'est comme un film, on fait un travail collectif!
Cédric

 

Les illustrations vous les avez voulu familial j'ai l'impression...

Cédric : Oui, c'est coloré, familial, mais c'est aussi gamers, ma référence à moi c'est Zelda, j'ai pas de préjugés artistiques, je veux que tout le monde puisse s'y retrouver, j'aime pas l'élitisme que l'on pourrait retrouver parfois dans des jeux moches ! Je veux du beau !

Ian : Certains joueurs achètent maintenant des campagnes de com', y a beaucoup d'affectif dans cette démarche. Les gens achètent ce qui les rassurent, les gros gamers ont été élevés au médiéval fantastique, moi j'ai jamais aimé ça, ça été fait et refait, je veux autre chose, d'autres univers originaux.

Cédric : Dans les crédits on a toute une palette, y a l'auteur évidemment mais y a le créateur de l'univers, l'illustrateur etc... Ce qu'on fait avec Luma, pour moi c'est comme un film, on fait un travail collectif qui n'est pas que celui d'auteur.

Ian : Il faut rendre à César ce qui est à César ! L'auteur fait qu'une partie du travail, mais les illustrateurs, l'éditeur contribue énormément au jeu, les 10 derniers pourcents d'un jeu c'est les plus compliqués, c'est ceux demandent le plus de temps ! Pourquoi les illustrateurs ne feraient t-ils pas autant partie de l'aventure? 

Cédric : On est ptet un petit peu en avance par rapport à notre façon de travailler, l'auteur n'est déjà pas encore reconnu, il se bat pour cela, mais il faut aussi reconnaître les autres ! Certains vieux auteurs peuvent mal le prendre.
Gary Kim sera marqué comme Florian Sirieix, comme les autres, pas plus, pas moins, l'auteur est fatalement un peu moins mis en avant.

Ian : C'est vraiment des produits internationaux, les illustrateurs sont également de différents pays, ils apportent leurs savoirs faire, le fait d'avoir plein d'illustrateurs permet également de diluer les problèmes d'égo, la starification etc...
On veut sortir les gens de leurs habitudes, les sortir des illustrateurs français connus, prendre des risques !
Les illustrations dans le monde du jeu pourraient tellement aller plus haut. 

Cédric : Tout est toujours une question de prise de risque, soit tu prends zéro risque, ça va marché et tu prends pas de plaisir à le faire, soit tu fais quelque chose d'innovateur en prenant le risque de ne pas plaire mais si ça passe c'est là où c'est bon !!
Je suis dans le fantasme, mais imagine on fait un dessin animé Legend of Luma ca serait le pied intégral, J'aurais la gaule pendant 6 mois ! (Rires)

Cette possibilité aussi infime soit elle, ne serait que dans ma tête, elle existe ! Si tu sors Pillage express, on va en vendre mais y a pas cette possibilité et ce rêve !


 Cette publicité de Nutella est trop bien, je vais en acheter !
Cédric

 

J'ai l'impression que vous avez beaucoup imaginé tous les dérives Express possible !

Ian : Oui car on sait que ça marcherait ! Si demain on fait un jeu de Kems Express on sait qu'on va le vendre! Mais ça ne fait pas avancer le milieu ! Je dis ça car c'est un milieu que j'aime ! On prétend pas faire mieux mais on a l'intention d'essayer !

Cédric : J'ai des très très bons potes que je comprends pas parfois, ils me disent « La campagne de com' de tel jeu est trop bien  alors je l'achète ! »
C'est comme si tu disais « Cette publicité de Nutella est trop bien, je vais en acheter ! »
Je comprends pas... en quoi c'est intéressant de revoir un film similaire, ou de lire un livre similaire... autant relire l'original...
Pour le jeu c'est pareil, parfois les gens ne vont pas chercher l'originalité

 


Des joueurs découvrent Oh Capitaine! à Paris est Ludique

Est ce que vous pensez c'est encore possible de faire de l'innovation au niveau de la mécanique ?

Ian : Ouais...mais c'est chaud...car aujourd'hui c'est de l'équilibrage d'innovation existence.

Cédric : Si tu veux vraiment de l'innovation mécanique, il faut je pense mettre en œuvre d'autres ressorts. Mais c'est pas évident car les gens sont attachés à des points de victoire etc... Peut être en ayant très peu de matériel... mais c'est pas évident, si demain tu as une idée de génie avec une seule carte, les gens ne vont pas acheter le jeu car en général les joueurs achètent le matériel et non l'idée.

Ian : Ce qui est compliqué c'est également de faire tenir dans une boîte des ressorts qui fonctionnent pour d'autres médias, dans le jeu vidéo tu peux amener plein de choses une fin alternative, des sentiments différents pour le personnage... des choses que tu ne peux faire en jeu de société car tu monopolises les gens autour d'une mécanique dont ils connaissent le début et évidemment la fin, car ils sont obligés d'avoir l'intégralité des règles, tu peux modifier l'histoire ou un point de règle mais tu sais dès le début que pour gagner tu vas gagner de telle manière.

 

Vous avez des idées de matériel sortant de l'ordinaire comme la bouteille par exemple ?

Ian : Oui complètement, on va essayer de mettre le plus de matos possible dans chaque boite, tu en auras pour ton pognon ! La bouteille c'est plus une aide narrative pour rentrer dans le jeu, le second jeu n'a pas d'objet gimmick, le troisième peut être, le quatrième certainement.... le sixième c'est sur !

 

Même si l'objet en soi ne sert pas dans la mécanique, tu vas te rappeler de ta partie de jeu en partie à cause de cet objet, tu voudras refaire une partie car tu voudras toucher la bouteille etc...

Ian : Exactement ! Ca a un côté très identitaire pour le premier, Oh capitaine ! Dans le premier, on avait balancé un trailer, avec une bouteillle et un message codé, donc il fallait bien introduire le jeudi

Cédric : Pour être complètement transparent, on aurait pu sortir le jeu à 10 euros, on sortait des cartes toutes simples, quelques jetons en plastique etc... On a pris le parti de faire une édition luxueuse ,avec du beau matos, dans Nomades y a déjà plus de matos nécessaire, celui là quoiqu'il arrive on ne pouvait pas le sortir à 10 balles ! Peut être à 20 euros si on mettait du plastique etc...
On a envie de se faire plaisir, et mettre l'accent sur une particularité , un bon jeu pour moi à une particularité, dans Capitaine il y a un Capitaine justement, un rôle asymétrique, il faut le mettre en avant avec la bouteille et la Gimmick.
Au fil des jeux, des choses vont se fixer... en fonction des réglages, en fonction de l'histoire etc...

 

Le nombre de personnes qui te disent « Colt Express ça marche car c'est en 3D !
Cédric


 

Les premiers retours par rapport au matériel, quels sont -ils ? Ceux que vous espériez ?

Cédric: Les gens qui prennent la boîte sont tous impressionnés par rapport à la qualité de la boîte et du matos, la qualité graphique également bien sur.

Ian : Et de la part de gens qu'ont estiment beaucoup ! Ca c'est super plaisant !

Cédric : Oui les gens reconnaissent qu'il y a eu un boulot de dingue !

Ian : La boîte ! La boîte coûte une fortune à réaliser ! Ca été un vrai challenge !
Ca nous a pris beaucoup de temps. Nous ce qu'on voulait c'est que lorsque tu vois le jeu, tu saches que c'est un jeu des Légendes de Luma!

Cédric : Ce qui est frustrant c'est les gens qui vont te dire « Oui ça marche car la boîte est comme ça ! » C'est un des éléments bien sur mais y a pas que ça...
Le nombre de personnes qui te disent « Colt Express ça marche car c'est en 3D ! Du coup on va mettre des trucs en 3D dans tous les jeux même si ça sert à rien !
Le nombre de jeux qui sont sortis depuis avec un truc en 3D​​​​​​!
Ian : Oui mais les gens ont pas compris que c'était pas que ça !

 

Colt Express à Paris est Ludique. 
 

Cédric : La 3D amenait quelque chose dans le jeu. Quand t'es perfectionniste, tu bosses sur plein de choses, et quand des prétendus experts te disent « C'est à cause de ça ! » C'est énervant !
C'est réducteur alors qu'y a 20 facteurs importants dans le jeu ! T'as vu ça mais c'est toute une articulation, une alchimie cohérente ! Tout se justifie !
Je te jure on se prend la tête sur des trucs pour tout justifier, on passe des heures à discuter, cette phrase dans le bouquin pourquoi le personnage l'a dit comme ça, ça peut sembler des micros détails mais si tout s'articule bien tu n'as aucune fausse note et c'est dans ce cas où c'est réussi !

Comment tu vois, l'évolution par rapport à tes premiers jeux dont j'imagine où tu vois des défauts, qu'est ce qui a fait que tu te sentais prêt pour Luma ?

Cédric : C'est con mais l'expérience !
T'as acquis une certaine expérience au fil des jeux que ce soit en tant que joueur ou éditeur, je deviens de plus exigeant en tant que joueur par exemple. Maintenant je me rends compte qu'il y a des choses que je n'aurais pas fait ainsi sur des anciens jeux, et encore maintenant ! Luma ne sera certainement pas parfait, mais l'importance c'est d'essayer de le faire au mieux. D'ici quelques années, ptet qu'on verra des défauts sur Oh Capitaine.

 

Quel est le pourcentage financier de l'illustrations dans Luma ?

Ian : Luma c'est 15 % de fabrication, 30% de développement, 40% Design environ.
 

Version 3 des cartes d'Oh Capitaine

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Et pourquoi ce coût ?

Ian : Parce que j'apporte des artistes qui coûtent chers.

Cédric : On a pris Tom pour les dos de cartes, on a Radja qui a fait quelques dessins pour illustrer les règles, David Osselo qui fait du caractère design...
Dans une production plus classique, y aurait eu Max pour la couv et 4 cartes différents c'est tout...

 

Moi aussi je sais faire des Playmobils!
Cédric


Vous vous êtes posé la question du coût avec Anne-Cécile ?

Cédric : On a établi le budget en se disant qu'on pouvait mettre tant sur chaque jeu, on a multiplié par 6 jeux On peut pas dépenser autant qu'on voudrait, y a des limites mais c'est normal.

Ian : On est assez judicieux pour faire des économies. Pour que ça rentre dans les budgets, t'es obligé de gratter partout, dans les studios d'animation dès qu'il te manquait un truc ça te coûtait 25000 euros !
Là tu te débrouilles pour tout faire bien, faire des jeux à 500 balles c'est facile, le challenge le plus fort c'est de faire bien des petits trucs.  

Cédric : Ca m'énerve les gens qui bandent sur des Kickstarters avec des tonnes de figurines, et qui te disent « Oh t'as vu !!! » , je réponds  Bah oui moi aussi je sais faire des Playmobils ! (Rires)
Le jeu ce n'est pas que ça.

Ian : En plus avec ce genre de projet, les gens regardent parfois la quantité au lieu de la qualité, souvent des règles sont nazes, y a des coquilles.... les figurines qui pètent.... 
Dans l'animation, quand tu sors un projet il est parfait !

Cédric : On essaye vraiment d'être le plus nickel possible.

Ian : Quand t'achètes un jeu, tu dépenses de l'argent mais cette argent cpour le gagner t'as travaillé, donc c'est du temps de vie ! Je trouve ça d'une incorrection de livrer un produit pas fini ! C'est une question de respect !

 

 

on a tellement déplacé des montagnes....
Ian


 

Un mot Final ?

Ian: J'ai très peur que si on faisait un four sur les 6 jeux, ça voudrait dire que je n'ai rien a apporté au jeu de société. Ca m'intéressera plus de dépasser les limites. Que t'aimes ou pas le jeu, quand t'achètes un jeu tu soutiens une démarche, donc si ça se fait pas, j'aurais rien apporté de plus.
Je voudrais tellement que ça apporte quelques choses au monde du jeu, on s'est tellement donné de mal, on a tellement déplacé des montagnes....
Mindcraft c'est moche ? Oui mais c'était assez original, c'est frais !
Avec Luma, on essaye d'apporter quelque chose de frais, rafraîchissant... si ça ne plaît pas, je me dis que j'aurais fait le tour du monde du jeu de société !

Cédric : Avec l'énergie qu'on a mis, si vraiment ça ne marche pas, on fera autre chose...

Ian : Le produit facile à vendre, on sait le faire, là on veut autre chose, on s'attend pas à avoir le Spiel et faire des milliards de ventes mais si on peut toucher des gens qui comprennent la démarche et qu'ils soient touchés, ça serait tellement beau...

Retrouvez demain l'interview de Florian Sirieix, l'auteur d'Oh Capitaine sur Tric Trac et Jeux Viens à Vous
Pour le second chapitre du projet 3 ans avec Luma, ce sera à Cannes lors de la sortie du 3ème volume des Légendes de Luma

A bientôt! 
 

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Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie
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Carine Hinder et Jerôme Pélissier
Dominique Ehrhard
Christian Martinez
Maxime Savariaud
Fabien Bleuze
Serge Laget
Djib 1ère partie
Djib 2me partie

1 « J'aime »

Pour moi, Legends of LUMA c’est du marketing intelligent. Une nouvelle approche pour faire coexister 6 jeux complètement différents dans une gamme cohérente. C’est un concept novateur intéressant, mais je crois qu’un jeu c’est avant tout une mécanique au service d’un thème (sauf jeu abstrait ou thème plaqué). Je comprends que Mr BIP n’est pas voulu changer la thématique de son jeu.

3 « J'aime »

J’adore Splendor, mais vous pensez que c’est une mécanique au service du thème? J’aurais dit pour ma part le contraire.
Pour Mr Bip, ce n’est absolument pas une critique qu’il n’est pas eu envie de changer sa thématique, c’est un choix qui se respecte.

Attention ! J’ai précisé : sauf thème plaqué ou jeu abstrait.
je n’aurai pas accepté un changement de thème pour le jeu Majesty.

Personnellement je comprends la démarche qui est la votre ou celle de Bruno Faidutti quand il pense que certains thèmes aident à rentrer dans la mécanique, d’autres selon moi sont adaptables comme cela fait parfois au cinéma, (Voir les 1000 transpositions qu’il y a pu y avoir avec l’odyssée d’Ulysse.
Mais le contraire, un auteur qui accepte d’adapter sa mécanique ne me choque absolument pas, la compromission me semble parfois également important et intéressant intellectuellement comme le font ici les Ludonautes.

Tenez vous également votre propos pour Barony?
Un thème qui me semble évidemment pertinent il va sans dire, mais n’aurait on pas pu en trouver un autre?

Sinon si Asmodée veut m’envoyer votre nouveau jeu Majesty pour les animations de Jeux Viens à Vous, je pourrais vous donner un avis plus éclairé ^^

Une vraie grande aventure ludique. Bravo

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lorsque j’ai créé Barony, j’ai voulu traiter de façon ludique la problématique de la croissance démographique qui nécessite l’expansion de territoires et l’exode qui en résulte. A partir de cette simple idée les règles du jeu ont jailli de mon cerveau en un seul flot, car tout me paraissait évident, coulant de source. C’est donc la thématique qui m’a permis de construire les règles du jeu. Malheureusement, un auteur ne peut pas faire de pédagogie auprès du public sur son intention et au moins 90% des joueurs considèrent que Barony est un jeu abstrait au même titre que les échecs car ils se basent sur leur ressenti.
Pour Barony l’éditeur aurait pu changer l’époque ou la géographie, donnant un style graphique différent, mais qui n’aurait pas changé la règle du jeu.
Pour le jeu Majesty, transposer le thème aux vikings par exemple me demanderai un travail colossal. Les cartes formant le territoire de chaque joueur auraient des capacités totalement différentes. Ce serai donc un nouveau jeu.

Entendu, intéressant .
Est ce que les joueurs se seraient rendus compte d’une moins bonne "adéquation si cela avait été des vikings?
Les joueurs considèrent peut être Barony comme un jeu abstrait car il s’adresse à des “gamers” qui ont tendance à minimiser le thème.

Par contre j’ai l’impression que votre démarche est plutôt minoritaire de ce que j’ai pu constater au fil des conférences ou des interviews que je réalise.
Beaucoup d’auteurs j’ai l’impression, partent de la mécanique, et y colle un thème ensuite.
Nous allons devoir en parler plus longuement Mr André… :wink:

Je veux repondre à Marc et aussi bien repréciser ma pensée par rapport a l’auteur et au jeu (parceque du live skype à 1h du mat’ ça peut porter à confusion ;).
pour ma part je considère qu’un jeu est constitué des choses suivantes

  1. une ou des idées mécaniques originales
  2. un devellopement de ces idées pour en faire quelquechose de jouable sans bug
  3. une idée thématique (univers et/ou histoire raconté)
  4. une recherche de matériel et d’ergonomie
  5. un travail d’adaptation des règles au regards des points 3 et 4
  6. des illustrations
  7. la réalisation de la maquette
  8. et enfin une production.
    Pour avoir travailler avec des auteurs très différents a part le point 1 qui est clairement le domaine de l’auteur et le point 8 celui de l’éditeur. pour le reste c’est très variable quand à l’implication respective de l’auteur et de l’éditeur dans la réalisation du jeu.
    Effectivement pour Luma nous voulions et voulons toujours avoir la main sur le point 3 et souhaitons travailler idéalement avec les auteurs sur les points 4 et 5.
    Et je conçoit aussi tout a fait que pour certain auteurs le point 3 soit fondamentale dans l’idée qu’il se font de la paternité de leur jeux et que donc il refuse d’y toucher.

pour terminer sur ta remarque “un jeu est une mécanique au service d’un theme” je suis completement d’accord avec toi mais tu peux pousser plus ou moins l’immersion dans le theme par de petites modifications mécaniques qui feront que ton jeu sera perçu comme plus ou moins abstrait. Le cas de Splendor est flagrant pour moi car il aurait pu être un poil plus thématisé, avec qq regle supplémentaire, il aurait perdu en pureté et aurai probablement moins bien fonctionné même si à titre personnel j’aurai sans doute plus aimé.
Tous ça pour dire qu’un jeu est vraiment un tout avec des choix à tout les niveaux et ma remarque sur “l’auteur” faisait référence à “l’auteur des points 1 et 2”

Cédric

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Je suis entièrement d’accord avec toi Cédric.
Je lis et relis mes propos et je n’y trouve rien qui puisse être un sujet à polémiques. (???)

Polémique non mais discussions oui, je ne partage pas le même point de vue. Oui des vikings dans majesté, ça aurait pu se faire tres vite selon moi en respectant la mécanique.

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Merci Ian.

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