ナナホシ - Les 7 étoiles de Madoka Kitao

ナナホシ - Les 7 étoiles de Madoka Kitao

Ce texte fait partie d’une suite d’articles dans lesquels je vais présenter les jeux Japon Brand qui seront présents lors du salon d’Essen 2014.

Madoka Kitao n’est pas une inconnue, même s’il est possible que son nom ne vous dise rien. Vous avez sûrement entendu parler de Dobutsu Shogi, ou peut-être plutôt de sa version francisée toujours affublée d’un titre japonisant : Yokai no Mori, chez Ferti. Dobutsu Shogi est un véritable phénomène au Japon et c’est par dizaines de milliers d’exemplaires que le jeu s’est vendu. On le retrouve partout et il n’y a pas de doute quant au fait que sa présence dans les chaînes de librairies a fortement marqué ses chiffres de vente.

Dobutsu Shogi, pour ceux qui ne le savent pas encore, est une version simplifiée du Shogi. L’idée de départ de Madoka Kitao lorsqu’elle a décidé de créer ce jeu était de rendre accessible aux plus jeunes ce jeu de l’esprit qu’elle maîtrise à un niveau professionnel. Le Shogi souffrait un peu d’un manque d’attention depuis plusieurs années et le rendre accessible aux enfants s’est avéré une excellente idée pour relancer l’intérêt que les établissements scolaires lui portaient.

Il faut surtout voir le jeu comme une porte d’accès au véritable shogi. En jetant un œil rapide à son agenda décliné quotidiennement sur Facebook, on se rend compte que son investissement personnel dépasse parfois la raison. Allant d’écoles primaires en écoles primaires, voyageant à New York, en Allemagne, bref aux quatre coins du monde (il n’y a que moi que cette expression gêne ?), elle ne cesse de faire la promotion de sa création depuis plusieurs années.

Cette année, pour Essen et toujours via la distribution essentielle de Nobuaki Takerube (initiateur de Japon Brand), elle va présenter deux nouveaux jeux : Jushimatsu et Nanahoshi. Ces deux jeux sont dans le prolongement de son premier succès : de l’abstrait très culturellement marqué (surtout pour Jushimatsu sur lequel je reviendrai bientôt), aux règles simplissimes et familiales tout en restant un potentiel casse-tête pour les adultes qui voudraient y consacrer plus que le temps indiqué sur la boîte cartonnée du jeu. C’est là que réside finalement la recette du succès des jeux de Madoka Kitao : parvenir à laisser les enfants aborder des jeux abstraits tout en proposant assez de profondeur pour que des adultes laissent échapper quelques filets de fumée de neurones cramés.

Les 7 étoiles, ou la guerre des coccinelles :

Ce que l’on pourrait lire “les 7 étoiles”, 七星, en japonais est en réalité le nom donné à une espèce de coccinelles : ナナホシテントウ Coccinella septempunctata, m’indique mon ami de toujours Wikipédia. Je ne sais si c’est par référence à nos grands auteurs de la Pléiade ou non, mais toujours est-il que j’aime à imaginer des coccinelles dressées en poètes luttant contre les normes littéraires héritées de l’antique Rome. Oui, bon, j’arrête le délire lyrique et j’en reviens à mes insectes. Vous aurez donc compris que les protagonistes de ce jeu seront des coccinelles. Elles seront au nombre de 12, 6 rouges et 6 jaunes. Représentées sous forme de tuiles épaisses (comme Dobutsu Shogi et Jushimatsu, d’ailleurs), elles sont déclinées en trois types différents.

Les trois types différents de coccinelles représentées dans le jeu.

Le jeu se jouant à deux joueurs uniquement, il faudra décider qui aura la chance de prendre les particulièrement séduisantes coccinelles jaunes. Les tuiles que vous pouvez observer en photo explique globalement le fonctionnement du jeu.

Chaque joueur aura dans son équipe 2 coccinelles de chaque type. En partant de la gauche, je vais vous expliquer rapidement la signification des points représentés sur les tuiles. La première coccinelle, avec le point noir posé devant ses antennes, ne peut se déplacer que d’une case vers l’avant. La deuxième, peut se déplacer d’une case en diagonale et la troisième peut effectuer les mouvements des deux premières. Les coccinelles ne se déplacent que d’une case. Il n’y a aucune exception à cette règle.

Le but du jeu va être de se procurer 7 points de victoire en attrapant les coccinelles de l’adversaire. Les points de victoire sont indiqués sur le dos des coccinelles et varient de 1 à 3 points. En résumé, plus une coccinelle est mobile, plus elle apporte de points de victoire au joueur qui l’attrape.

Mais comment ça se joue, sinon ?

C’est simple comme konnichiwa ! Regardez donc la photo de ma princesse papillon.

Lana est prête à en découdre, habillée… en princesse papillon, histoire de

rester dans le thème ?

Bon, vu que je remarque quelques regards épris de doute au fond, je vais vous expliquer en quelques phrases comment le jeu se met en place et quelle façon on attrape les coccinelles… C’est quand même fou de devoir toujours tout expliciter comme ça. Merci Hollywood, dirait mon prof de cinéma (close-up sur le visage d’un vieux prof de cinéma aigri à cause des films de Michael Bay).

Une fois le plateau posé au centre de la table (à noter que le plateau n’est pas donné avec le jeu. Au lieu d’un plateau exclusif comme le mien, il y a un plateau en tissu dans la boîte, lui aussi très joli d’ailleurs), on pose au hasard les tuiles coccinelles retournées jusqu’à remplir tous les emplacements. Les joueurs ne savent donc pas où se trouvent leurs petits soldats. Cette dimension hasardeuse permet au jeu d’être renouvelable à l’infini. Il va falloir tirer profit de cette situation et dans le cas où elle ne vous avantage pas, elle servira la cause des amateurs de challenge.

A son tour, un joueur peut réaliser trois actions différentes. La première consiste à découvrir une coccinelle du plateau. Qu’il s’agisse d’une des vôtres ou non, vous pourrez décider de son orientation. Ce point est crucial puisque faire pivoter une coccinelle nécessitera une action, et c’est d’ailleurs la deuxième dont je vais vous parler… Faire pivoter une coccinelle. Je pense que là, je n’ai plus vraiment besoin d’expliquer mais soyons précis : vous ne pouvez faire pivoter vos coccinelles que d’un quart de tour. Il est important de noter que vous ne pourrez évidemment plus faire pivoter les coccinelles découvertes de votre adversaire. Cette possibilité ne vous est donnée que lorsque vous êtes le joueur qui la retourne pour la première fois.

La dernière action est la plus importante. C’est celle qui consiste à attraper une des coccinelles de votre adversaire en respectant évidemment les mouvements autorisés par la coccinelle que vous avez choisie pour ce faire. Quelques exemples seraient les bienvenus, entends-je déjà maugréer quelques éternels insatisfaits (héhé) :

La coccinelle jaune en bas à droite va se sacrifier au nom de l’exemple bien illustré !

Elle saute sur une tuile qui n’a pas encore été découverte, sans remarquer

la coccinelle rouge qui la guette.

Et hop, capturée par la coccinelle rouge, qui elle-même se jette dans le piège malin de la coccinelle jaune qui se trouve juste au-dessus d’elle.

Bien sûr, les plus malins d’entre vous remarqueront que, pour l’exemple, nous avons organisé une suite de sacrifices plus fous les uns que les autres. Mais vous avez désormais compris le principe du jeu ! A noter que plusieurs actions sont interdites : vous pouvez sauter sur une tuile encore posée sur son côté trèfle ou sur une coccinelle de votre adversaire pour la capturer mais à aucun moment vous ne pouvez sauter sur une de vos coccinelles. Jamais ! Vous m’entendez ?!

Kita yo, Kitao!

Les japonisants parmi vous m’excuseront pour ce terrible jeu de mots. Cela faisait longtemps que j’attendais un nouveau jeu de Madoka Kitao et c’est avec un doublé qu’elle revient cette année. Précisons quand même que ce jeu a été réalisé en collaboration avec Hiroki Kaneko.

Pour ma part, je pense qu’elle a réussi à renouveler avec talent ce qui faisait le charme de Dobutsu Shogi : de la simplicité, enfantine presque, tout en conservant de la profondeur. Les parties jouées avec des enfants et celles jouées entre adultes ont un goût très différent : de l’acidulé, on passe à l’épicé, et c’est ce que j’attendais de ce jeu. Ma fille de 6 ans, l’âge conseillé pour commencer à jouer, a compris les principes du jeu très rapidement et s’est très vite habituée aux mouvements et à la mécanique de capture.

Bien sûr, ses stratégies sont loin d’être meurtrières mais elle parvient malgré tout à voir les opportunités. Après 5 parties, elle continue à faire des erreurs (le piège de la pièce facile à capturer), mais elle a compris qu’il fallait considérer plusieurs tours avant de jouer une pièce.

Entre adultes, par contre, on entre dans une autre dimension et on essaie de bloquer le plus possible les mouvements de son adversaire. Il est possible de créer des situations de capture à la chaîne et une partie, si de nombreuses coccinelles sont rapidement découvertes, peut se terminer en quelques minutes. Il arrive souvent cependant que les adultes essaient de repousser le plus longtemps possible le moment où ils vont découvrir une nouvelle coccinelle, de manière à se laisser le temps de faire pivoter celles déjà présentes…

Nanahoshi est un jeu que je conseille pour son côté familial et pour la légèreté de sa mécanique. L’univers des coccinelles apporte un plus quant à l’intégration du jeu dans la ludothèque des enfants. Est-ce un achat à faire si vous possédez déjà Yokai no Mori, ou Dobutsu Shogi ? Je vous laisse libre de décider… Sachez que le jeu sera présenté à Essen mais comme chaque année avec Japon Brand, si vous n’avez pas précommandé le jeu, il sera difficile de vous le procurer à ce moment-là. Vous pouvez toujours essayer de l’acheter directement sur le site de Madoka Kitao.

Izobretenik

5 « J'aime »

Encore une jolie découverte, merci ;)

Salut Izobretenik, je suis content de lire à nouveau tes chroniques ici sur TT.

Pour ce jeu je suis assez surpris qu'ils (Japon Brand) décident de le ressortir cette année. Car il avait déjà il me semble été présenté l'année dernière.

Je confirme pour la beauté du plateau en tissu (c'est ce qui était fourni dans ma version). Ce jeu est simple et je trouve qu'il a aussi beaucoup de profondeur (un peu comme onitama qui sort aussi pour Japon Brand cet année).

Bonne fin de journée

des interventions toujours intéressantes avec des jeux "rafraichissants".

Questions:

Dans l'exemple, on place un pion jaune qui est pris par un rouge, etc. Cela veut dire que, comme aux dames, on doit obligatoirement prendre ?

On peut se déplacer "indéfiniment" sur tous les pions-trêfles ?

En admettant que les opportunités rendent cela possible, et sans parler de prises et de stratégie, on peut retourner tous les pions dans un premier temps ?


Ne connaissant les autres jeux dont est issu celui-ci, quelles sont les différences "adultes" ?


Dommage qu'il soit si difficile de ce procurer ce type de jeux.

Vais voir ça.

@Totoche Pour te répondre :

1) Oui, tu n'es absolument pas contrainte de capturer une pièce si tu préfères attendre une meilleure opportunité.

2) Oui, ma fille joue presque toujours ainsi. Elle retourne toutes les pièces qu'elle peut.

La différence avec une partie entre adultes, c'est que c'est plus retors. La réflexion est plus aboutie et on attend le meilleur moment pour capturer des pièces ou pour découvrir des pièces. C'est donc juste au niveau de la stratégie et de la profondeur de jeu que la différence se fait.

Merci

Le fait de ne pas prendre obligatoirement ajoute en effet un peu d'aléatoire dans la stratégie de l'adversaire. Il fait un coup pour que tu prennes son pion et ensuite engager sa stratégie. Tu ne le fais pas.... Aïe !

C'est vraiment dommage que ces jeux, au demeurant graphiquement beaux, ne soient pas plus accessibles.

Je ne sais pas si cela peut marcher, mais par exemple, pour avoir des BD québécoises et plutôt que de me débrouiller seuls, j'étais passé par la Librairie du Québec à Paris qui les a commandées avec leurs propres commandes.

Est-ce que la Librairie du Japon à Paris, par exemple, serait susceptible de les importer ?

Connais-tu une boutique "japonaise" qui pourrait le faire ?

;o)