Mū le carnet de l'illustrateur

Sylvain Aublin

La rencontre 1

Pour moi Mū ça commence par une prise de rendez-vous.
Cannes 2018 je suis avec un portfolio et je montre mon travail à Bertrand Arpino.

Son regard s'arrête sur une illustration d'un personnage composite : Un look samouraï, vêtu de pièces de cuir, des grigris d'os et de tissus décorés de glyphes, entre shaman et chevalier féodal japonais. Ce cocktail improbable attire sa curiosité et on parle alors d'un projet, « Shogunat ».

À la base c'est un jeu d'affrontement, avec des familles de combattants se disputant la gloire (la baston c'est glorieux) entre mafia et samouraï le tout avec une bonne touche de cyber-punk.


Ça m'emballe, j'ai toujours eu envie de me faire plaisir avec ce genre de thème, du character design où je sens que je vais pouvoir me faire plaisir en tant qu'illustrateur.

On signe ensemble le projet mais très rapidement l'optique change.

La disposition des cartes en 3 X 3 créé un plateau qui ne paraît pas assez satisfaisant visuellement.

Les personnages sont posés là, les uns à côté des autres, ça fait un peu album Panini.

On décide de prendre rendez-vous et de discuter du jeu chez moi.

La rencontre 2

C'est bien la première fois que je ramène un éditeur à la maison.

L'idée maintenant c'est créer une continuité, la vue d'une cité, graphiquement on doit avoir la sensation d'accomplir quelque chose.

Cette piste est plus complexe à réaliser. Il y a de nombreux éléments à rendre le plus clair et digeste possible pour l’œil du joueur.

Les pictos, les connexions et les bâtiments, le tout avec des couleurs bien distinctes.

Tout au long du projet ce seront des éléments avec lesquels nous jonglerons longtemps avant de trouver un équilibre.

Il ne s'agit plus d'illustrer du personnage, mais de l'architecture.

Ce n'est pas spécialement pour ça que j'avais signé chez Bankiiiz mais bon trop tard c'est signé !

J'ai une grande liberté sur la direction artistique du projet, j'ai une réelle place pour exprimer un style personnel et l'idée que je me fais d'une ambiance avec un parti pris affirmé.

C'est un fait assez rare dans ma courte carrière.


Bertrand tient aussi à ne pas créer un univers trop récurrent dans le monde du jeu, pour mon plus grand plaisir.

On passe par plusieurs phases.

Une cité technologique aux rivières mystiques qui évoluent de connexions en connexions avec des architectures qui en épousent les formes, mais la lecture devient difficile avec toutes ces couleurs.

La pluralité des teintes des fleuves, mêlée à celles des connexions devient un casse tête impossible.

Puis viens l'idée d'une cité où la végétation aurait repris ses droits, les habitants recréant la ville sur les fondations d'une antique civilisation.

Mais c'est surtout lorsque les auteurs ( je ne sais plus de qui vient l'idée) trouvent le titre de « Mū » que tout se décante.

La rencontre 3

Une Atlantide du pacifique.

C'est parti pour un cité post-apo-cyber-punk-japon-féodal-waterworld !

Il ne manque que des catcheurs mexicains et des zombies nazis.

Bertrand est très exigeant sur tous les détails, les retouches, la cohérence du tout, chaque décision est examinée et c'est en cela que l'édition est de qualité.

Tout le temps passé sur le jeu, l'investissement pour tenter d'en faire un univers cohérent, unique, attractif en font un projet pour lequel je sens que c'est en parti mon « bébé ».

Un travail finit toujours par échapper à ses créateurs, maintenant il vivra à travers les yeux des autres.


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c’est bô