Les savants calculs du professeur Kidul: Les droits d'auteur

Les savants calculs du professeur Kidul: Les droits d'auteur

Si les “chiffres clés” du petit monde du jeu vous intéressent, je me propose de vous en faire découvrir certains par de “savants calculs” (qui n’ont d’ailleurs de “savant” que le nom car vous allez voir, ce ne sont pas des opérations mathématiques bien compliquées) afin de vous permettre de cerner un peu mieux la “réalité économique” qui se cache derrière les jeux de société !

Et pour ce faire, je vous propose de commencer par aborder un point qui revient souvent dans les discussions, sur les salons ou sur internet, à savoir celui des droits d’auteur !

En effet, un peu comme pour les livres ou les disques, les auteurs de jeu touchent en général des “royalties” sur les ventes mais quel pourcentage exactement ? Et sur quel prix ce pourcentage est-il calculé ? Pour faire simple, nous allons prendre le “pourcentage moyen” généralement attribué par contrat, à savoir le fameux 6% ! Mais contrairement à ce qui se fait dans l’édition de livres, ce pourcentage n’est pas calculé sur le “prix public” (celui payé par le consommateur final) mais sur le “prix éditeur” donc en fait sur le chiffre d’affaire hors taxe réalisé par l’éditeur grâce aux ventes du jeu concerné.

Par conséquent, pour pouvoir calculer le montant des droits d’auteur, il faut commencer par calculer ce “prix éditeur” qui correspond grosso modo au “prix public” (celui constaté en boutique) divisé par deux (prix distributeur) moins les 30% de marge du distributeur (marge “moyenne” du secteur). En multipliant ce “prix éditeur” par la quantité de jeux vendus, cela donne au final le chiffre d’affaire (laissons les taxes de côté pour l’instant) sur lequel le pourcentage de droits d’auteur est calculé au final !

En sachant que la “vente moyenne” d’un jeu est de 3000 exemplaires et en simplifiant l’opération tout en gardant des éléments distincts (pourcentage de droits d’auteur, prix éditeur et quantité vendue) afin de pouvoir les faire varier facilement par la suite, cela donne la formule suivante :

Et en prenant ensuite comme exemple le “prix public moyen” d’un jeu qui doit tourner autour des 20 euros, cela donne au final 1260 euros de droits d’auteur ! Bien sûr, vous pouvez vous amuser à faire varier ce prix public de 10 à 60 euros environ pour couvrir les principaux formats de jeux de société ainsi que les quantités vendues de quelques centaines de jeux à quelques centaines de milliers (et même millions pour les plus gros succès) mais grosso modo, l’exemple ci-dessus vous donne bien la “rémunération moyenne” de l’auteur d’un jeu ! Et encore, nous n’avons pas pris en compte les différents “prélèvements” venant réduire un peu cette somme mais ce sera peut-être l’objet d’un prochain article !

Ceci était une intervention du Professeur Obal Kidul en direct de son Labo Ludik !

NB: J’avais initialement prévu de réserver ces petits articles mathématiques pour mon propre site internet mais Tric Trac ayant gentiment ouvert ses colonnes aux contributeurs extérieurs, je me suis dit que ce genre de “petites précisions chiffrées” sur le milieu du jeu aurait plus sa place ici !

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génial !

Comme pour la plupart des produits matériels, ça coute plus cher de commercialiser les jeux que de les concevoir et les fabriquer.

Et ça coute aussi plus cher de les concevoir que de les fabriquer (sera-ce le sujet d'un autre article ?).

En fait avec la multiplication des sorties, 3000 ex vendu devient un succès ^^

Evidemment certains jeux font beaucoup plus, mais d'autres peinent à arriver à 3000 vendus.

Enfin, les taxes n'influent pas dans le calcul : les droits d'auteur sont versés sur le total de ventes éditeur au distributeur, avant qu'il n'ai payé ses taxes.

Par contre l'auteur doit évidemment déclarer ce revenu, sur lequel il sera taxé ^^

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J'avais entendu dire que ça tournait plus autour des 4% (en totu cas c'est aussi ce que l'on m'avait proposé).
Oui après il faut déclarer ses revenues et donc payer ses taxes donc au final, entre TVA et taxes, ceux qui gagnent le plus ce n'est pas l'auteur et l'éditeur.

En fait 6%, c'est vraiment pas beaucoup... Je suis pas sûr que ce soit une moyenne. Ou alors certains éditeurs donnent vraiment moins que 6... :-(

Mon contrat type démarre à 8%.

Merci pour l'article fort interessant.

Moi, j'ai une question. Guillaume, tu emploies le terme de "droits d'auteur", qui a une définition sociale, légale et fiscale très précise, mais est-ce qu'il s'applique vraiment au jeu de société ? Est-ce qu'on n'est pas plutôt dans le cas de "royalties" (mot que tu emploies aussi dans l'article) ou d'un genre de "commission" calculée sur les ventes ? S'il s'agissait de droits d'auteur stricts, par exemple, les auteurs de jeux pourraient déclarer leurs revenus en "Traitements, Salaires & Droits d'auteur", ce qui n'est pas toléré, à ma connaissance. Et on leur reconnaîtrait également un vrai statut d'auteur, avec tout ce que ça implique : droit patrimonial, moral, etc.

Très bien cet article merci Guillaume.

Ils sont extrêmement rare les éditeurs qui proposent encore 4%

6% est la moyenne chez les acteurs majeurs du secteurs mais on voit de plus en plus des % variés selon le nbr de ventes.

Guillaume : maintenant si tu expliquais les licences ;)

donc il faut qu'un auteur fasse vendre plus de 3000 jeux par mois pour gagner le smic

De ce que je peux connaitre j'ai l'impression que les 6% est une bonne moyenne, des éditeurs propose 4 ou 5% mais dans ce cas il s'agit souvent d'éditeur ayant la casquette distributeur également.

Cela donne en tout cas un bon aperçu de la rémunération des auteurs pour ceux qui n'en avait aucune idée et qui "fantasmaient" sur les sommes perçues.

Juste de quoi ouvrir un compte en Suisse. Mais après, y'a rien dessus.

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En effet 6% c'est peu. comme Erwan, je suis plutôt sur du 7-8% de mon CA (donc en effet après la ponction de 30% environ de mon distributeur sur le prix du jeu vendu aux boutique). On peu aussi convenir d'un % progressif en fonction des quantités vendues. On commence alors en dessous de 7% mais on grimpe au dessus de 8% si le jeu cartonne !

Merci de faire constater que, hors réel succès, les auteurs touchent des cacahuètes pour leur travail. Je me permets de citer en complément un sujet du forum qui tâche d'éclaircir la chose : http://www.trictrac.net/forum/viewtopic.php?f=18&t=130997

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Pour apporter une petite pierre. Le % de droits d'auteur accordé par l'éditeur peut aussi varier selon le prix du jeu.

En effet, pour un jeu peu cher (10€, voir 7€) les frais fixes (illustrations, frais de promotion) sont assez semblables (ils peuvent même être plus important). Donc il faudra naturellement plus de ventes pour les absorber. Un jeu à petit prix ne se vent pas forcement plus qu'un jeu avec un prix plus élevé. Donc finalement, le risque prix pour un petit jeu est plus important que pour un gros.

Il n'est donc pas surprenant que sur un petit jeu le % soit aussi plus petit.

Bonjour et merci à tous pour vos commentaires, ce calcul n'est qu'une moyenne à la louche bien sûr (disons sur les 10 dernières années :) Mais la tendance est à la hausse effectivement, soit par augmentation du pourcentage fixe (7 à 8% comme évoqué par Erwan et Ybliss), soit par instauration d'un pourcentage évolutif en fonction des quantités vendues (comme précisé par Gaetbe), soit par calcul directement sur le prix public (très très rare mais ça existe). Toutefois, comme les ventes moyennes par référence ont tendance à baisser (comme le signale Ehanuise), le résultat de cet exemple ne doit pas être trop loin de la réalité.

Alors oui mon cher Harry Cover, pour pouvoir en vivre un peu, il faut environ 3000 exemplaires par mois d'un jeu à 20 euros (donc 36 000 jeux/an, ce qui n'est pas fréquent) ou alors 3000 exemplaires par an mais d'une douzaine de jeux en parallèle (plus jouable mais pas fréquent non plus car cela fait toujours 36 000/an). Après, il suffit d'un très gros succès et c'est bon pour quelques temps (mais c'est encore moins fréquent).

Réponses suivantes dans commentaire suivant !

Pour les taxes et prélèvements, je ne ferai pas forcément d'article là-dessus car cela pourrait en démoraliser certains mais en gros, les différents taux de TVA peuvent légèrement impacter ce calcul en modifiant les marges (car certains jeux à contenu essentiellement textuel peuvent parfois réussir à passer au taux réduit comme pour les livres mais c'est marginal) et les impôts sur les revenus s'appliquent au cas par cas bien sûr.

Et pour les prélèvements, cela nous amène indirectement à la question de Sylvano ! Pour faire court, j'ai volontairement utilisé les termes "droits d'auteur" et "royalties" car les deux ont cours dans le milieu du jeu, les DA plutôt en France et les "royalties" à l'international. Pour les DA, la plupart des éditeurs français ont recours au "précompte" versé à l'agessa (sécurité sociale des auteurs) donnant ainsi à ces versements un statut de droits d'auteur officiels mais sans les prestations associées (sauf à partir d'un certain seuil annuel), précompte (à la louche 10%) qu'il est possible de calculer sur le site de l'agessa (116 euros sur les 1260 euros de l'exemple et 14 euros payés en plus par le "diffuseur"). Et pour les "royalties", il est préférable de pouvoir les "facturer" pour les toucher, ce qui explique que certains auteurs professionnels ont créé une petite entreprise pour simplifier les choses et avoir un statut plus officiel (car malheureusement, le statut d'auteur de jeu n'est effectivement pas reconnu comme tel en France, la rubrique utilisée par l'agessa - d'ailleurs toute récente - étant celle intitulée "autres").

Après, comme le dit Nono, les pourcentages varient aussi en fonction des gammes de jeux et de prix, "prix des jeux" qui sera peut-être l'objet de prochains "savants calculs" (mais pas pour tout de suite tout de suite vu le temps que cela prend, je tire d'ailleurs mon chapeau au passage à Phal et Mops qui rédigent de beaux et longs articles depuis plus de dix ans).

Et pour les "licences", pas sûr que j'aborde ce point prochainement car c'est vraiment du cas par cas (mais bon, si une tendance se dégage, un jour peut-être :)

Voilà, j'espère avoir répondu au mieux et puisqu'il y a un beau sujet de forum déjà bien fourni sur la question dans "discussion sur la création" (voir lien de Shaudron), n'hésitez pas à aller y jeter un petit coup d'oeil !

En bande dessinée, on est généralement à 8% du prix de vente public.
Cette différence de pourcentage (au final, ça revient à cela) est révélateur pour moi à la différence d'image des auteurs de BD et des auteurs de jeux au même titre que la présence ou l'absence du nom de l'auteur sur une boîte.

Et pour simplifier, en prenant 8% de droit d'auteur, on peut dire qu'un jeu vendu 35 € en magasin rapporte environ 1€ à l'auteur, soit un peu moins de 3% du prix public.

Ca donne une valeur plus facile à se rappeler ...

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