L'Année des 5 Empereurs : un jeu historique

[L’Année des 5 Empereurs]

La nuit du 31 décembre 192 a été longue. Commode, après avoir échappé à un complot ourdi par des proches, fut finalement assassiné par un esclave. Comme il n’avait pas désigné d’héritier, c’est le préfet de Rome qui a été aussitôt proclamé empereur. En ce premier jour de l’an 193, l’empire connaît donc un nouveau maître. Bien malin cependant celui qui saurait déjà dire qui sera l’empereur à la fin de l’année. Encore plus malin serait celui qui évitera de se prononcer, car ce serait déjà prendre un parti risqué. Durant ces temps troublés, l’empereur des uns est l’ennemi public des autres.

5 hauts dignitaires romains furent proclamés empereurs durant cette période que les historiens connaissent sous le nom de l’année des 5 joueurs empereurs. J’aime bien cette couverture de boîte évoquant l’empire déchiré par ces ambitions divergentes. Le jeu est né de celle du musée Lugdunum, musée & théâtres romains lyonnais, de retranscrire les mécanismes « d’accession au pouvoir à l’époque romaine, tout en restant fidèle au contexte historique de l’époque. »

Sur la même ligne de départ ?

En réalité, tous n’ont pas prétendu à la fonction en même temps. Pertinax, préfet de Rome, fut le premier. Fils d’esclave affranchi au comportement intègre et rigoureux, tout cela lui valut d’être assassiné après seulement trois mois d'exercice du pouvoir. C'est le dénommé Julianus qui parvient à lui succéder. Pour ce faire il s’« invite » dans le jeu criant des promesses de rémunérations plus élevées aux gardes prétoriens en négociation. Ceux-ci forcent alors le Sénat à l’élire. Sa faible légitimité incite plusieurs gouverneurs, à la tête de légions, à se faire proclamer empereurs depuis leur leur provinces. Ce sont d’abord Niger et Sévère. À la victoire de ce dernier sur ses deux adversaires, son ancien allié Albinus, officiellement successeur mais qui sentait le vent tourner au profit des fils de Sévère, se fait proclamer empereur à son tour. Bien qu’il soit dans le jeu du pouvoir dès le départ, cet événement n’a en fait lieu qu’en 195 et le conflit se réglera en 197 par la bataille de Lugdunum. Albinus et tué et la ville, ralliée à son camp, fut réprimée… très sévèrement.

Tempus ludere

C’est donc le contexte global qui importe plus que l’enchaînement des événements réels, car les joueurs démarrent à égalité et sans position particulière sur le plateau. Les pioches personnelles sont initialement les mêmes, à une carte près dont l'effet diffère selon l'empereur, celle qui représente sa femme. Autre différence mineure : le personnage qui s’est historiquement déclaré empereur le plus tôt débute la partie.

Je n’ai pas eu recours à Wikipédia pour trouver ces informations historiques : la boîte contient deux livrets dont l’un contient 7 pages de règles et l’autre le contexte historique, sur 11 pages. Sont abordés l’histoire des 5 empereurs, la genèse du projet et la démarche associée, le sens de chaque carte du jeu, ainsi que ce à quoi correspondent les différents objectifs qui permettent de remporter la victoire. Il faut en réunir 4.

Ces objectifs sont les différents moyens qu’à un empereur de rendre sa suprématie incontestable. Il y a trois domaine d’influence : la politique, le peuple et l’armée. Monter à 3 points dans chacun de ces domaines permet de s’octroyer l’objectif correspondant : Élu par le sénat, Aimé du peuple et Acclamé par les soldat. Si quelqu’un a déjà pris l'objectif concerné, il faudra le dépasser en points sur ce domaine pour lui reprendre. Un autre objectif consiste à marcher sur Rome, c’est-à-dire contrôler deux légions sur la région de Rome. Il est perdu dès qu’on en remplit plus les conditions. À partir de 3 joueurs, il y a un objectif de suprématie militaire qui demande d’avoir des légions disposées sur trois régions différentes (mais pas Rome). Comme ce sont les deux seuls objectifs militaires, jouer sur ce plan n’est que l’une des stratégies possibles. Un quatrième objectif est la corruption, qui s’achète pour 10 pièces. C’est un investissement risqué car n’importe quel joueur suivant peut le reprendre à son tour pour le même prix. Le seul moyen de s’assurer que ça ne se produise pas est de mettre un terme à la partie grâce à lui. À 5 joueur on ajoute l’objectif Adulé, qui s’obtient en atteignant au moins 8 points dans n’importe lequel des trois domaines d’influence.

Il y a tout de même 2 objectifs qui ne peuvent être repris, rapprochant inexorablement la partie de son issue. Le consensus s’obtient en ayant un point dans chaque type d’influence, il y en a un exemplaire disponible pour chaque joueur. La domination d’une province enfin, survient chaque fois que la réserve de cartes d’une région est épuisée (toutes ont été achetées), celui qui y a établi son camp de base et qui y contrôle au moins une légion la prend. Bon il peut tout de même la perdre en perdant ladite légion, mais c’est très facile à récupérer.

Periculum

Contrairement à ce que l’on peut déduire de la vue du plateau, LA5DE ne peut pas réellement être décrit comme de jeu de conquête. Chaque joueur s’établit à a un moment dans l’une des 6 régions et va éventuellement promener quelques légions sur la carte, en bousculer un peu d’autres, mais c’est tout. Par contre il y a de la construction de pioche.

Au départ personne ne prétend être l'empereur et tout ce que l’on peut faire, c’est acheter de nouvelles cartes. Les cartes en main sont à ce moment sans effets et sont défaussées pour une pièce chacune, seules quelques unes rapportent plus. On peut acheter des cartes de n’importe quelle région pour le coût indiqué, soit parce qu’elles rapportent plus, soit pour l’effet qu’elles auront plus tard. Petite particularité : les cartes achetées sont bien mises à la défausse avec celles qui ont permis de les acquérir, mais cette défausse est remélangée dès la fin du tour et les cartes sont placées sous la pioche. Cette proximité entre les cartes est un paramètre d’achat. Ensuite on retourne à 5 cartes en main.

Alea jacta est

À un moment, au début de son tour, il faut avouer ses ambitions et se déclarer empereur. On retourne alors la fiche de son personnage, au chef à présent surmonté de lauriers d’or. Il faut immédiatement placer son camp et une légion sur une région qui n'en contient pas déjà un. Ce qui fait qu’on a pris le temps de se préparer un peu avant, c’est que dorénavant toutes les cartes des autres régions coûtent 2 de plus à acheter. Attendre permet en outre de se placer judicieusement. En contrepartie, être empereur proclamé permet de dépenser son argent pour des mouvements de troupes et surtout de profiter des effets des cartes achetées, tout cela de manière à commencer à remplir des objectifs. Nouvelle particularité : utilisées ainsi, les cartes ne sont pas défaussées ensuite, elles sont placées au dessus de la fiche du personnage s’il s’agit d’influence et en dessous s’il s’agit d’autres « effets empereur » : obtenir de nouvelles légions, agrandir sa main et même voler des cartes à d’autres ! De nombreuses cartes faisant gagner de l’influence demandent de retirer du jeu une carte portant un certain symbole (il est possible de garder des cartes en main en fin de tour pour remplir plus facilement ces conditions). Cela permet d’épurer son jeu des cartes de base qui n’ont aucun effet. Il faut toutefois prendre garde à ne pas tomber à cours des symboles dont on a besoin.

Histoire et deck building pour tous

Les effets restent simples, tous représentés par des pictogrammes, il n’y a donc pas d’encadrés de texte ici. Les cartes sont aussi légères en contenu qu’en épaisseur (moins épaisses il faudrait sans doute requalifier le carton en papier). LAD5E n’est effectivement pas le jeu du genre le plus profond qui soit, mais ne croyez pas pour autant que vous aurez vite déterminé la meilleure stratégie à appliquer et que vous pourrez passer en mode automatique. Malgré cette simplicité, il est difficile de parler d’initiation au genre puisque plusieurs aspects du jeu sont tout de même assez originaux. LAD5E est accessible en tout cas, simple à expliquer, les 40 minutes annoncées sur la boîte ne sont absolument pas sous-estimées, ce sera rarement plus long et facilement moins entre joueurs ayant un peu de pratique. C’est pour vous si vous êtes attiré par les aspects « familial » et historique.

Tric Trac


L'Année des 5 Empereurs
Un jeu de l'Équipe ludique, illustré par Zael.

7 « J'aime »

Merci pour cette mise en avant, il le mérite.

Déçu par le manque d’inclusivité, trop blanc et poilu pour moi, je passe.

Une bonne surprise qui tient la route, qui plus est pour un jeu de commande

lol !

C’est un jeu Historique ! je sais pas si tu plaisantes ou si tu es sérieux dans ton message…

@Arthas54 C’est du troll.