Kashgar : Pourquoi vous n'allez (probablement) pas y jouer

D’un naturel timide et discret, mais souhaitant tout de même apporter une modeste contribution au contenu de mon site préféré, il m’a fallu trouver le sujet le plus confidentiel qui soit, afin d’être certain de ne pas intéresser outre mesure le plus grand nombre des internautateurs et tatrices, en leur imposant une lecture pénible et fastidieuse susceptible de leur voler 4 minutes de temps de vie.

Objectif 0 Buzz.

Dans ce registre, “Kashgar : Händler der Seidenstraβe” est un bon exemple de jeu dont le nom ne déclenchera aucune manifestation d’hystérie chez la grande majorité des utilisateurs et qui a de grande chance de passer inaperçu dans nos contrées, et pour cause… il est à ce jour distribué exclusivement en Allemagne.

Cela n’aurait que peu de conséquence vis-à-vis des joueurs les plus acharnés, si le jeu ne présentait pas la particularité d’être constitué de 125 cartes personnages, sur lesquelles figure un joli texte rédigé dans cette belle langue hermétique teutonne.

Il s’agit de la première création de Gerhard Hecht, auteur Augsbourgeois, amateur de cinéma et de ping-pong (ou de tennis de table… vos gueules les puristes).

Les illustrations, sobres et plutôt “objectivées” de ce jeu ayant pour thème la route de la soie, sont signées de Monsieur Franz Vohwinkel, très à l’aise dans ce registre puisque chacun sait qu’il dessine particulièrement bien les routes, et particulièrement bien la soie.

Par ailleurs, ce jeu est édité et distribué à l’ancienne, sans la moindre intervention de crowfunding, uniquement financé par le bas de laine de la vénérable maison Kosmos.

Autant dire que sur le plan de la com’, “Kashgar” a à peu près autant d’impact que l’article de wikipedia consacré au cycle végétatif de la fougère (oui, oui, en allemand… vos gueules les puristes).

Il est encore temps pour vous de cessez la lecture de ce laborieux article, la suite est encore moins funky

Maintenant que nous sommes réunis en petit comité d’environ 4 personnes, prenons la peine de rentrer dans les détails :

Kashgar : Händler der Seidenstraβe est un jeu de cartes, pour 2 à 4 joueurs de 12 ans et plus, qui propose des parties d’une durée d’environ 45 minutes.

Le prix public est de 30 euros, mais il est possible de le trouver pour beaucoup moins si l’on se donne la peine de fureter un tant soit peu sur le net.

Le jeu se présente sous la forme d’une boîte au format 7 Wonders, ou Dominion, ou Kingdom Builder ou encore Augustus…

Je vous propose de concentrer dans l’espace suivant l’ensemble des remarques relatives à la taille plus ou moins bien proportionnées de la boîte par rapport aux éléments du jeu :

- Quoi ? une boîte pareille pour un simple jeu de cartes ???

- mais on nous vend vraiment du vent.

- ils nous prennent pour qui les éditeurs ?

- tout ça pour justifier un prix complètement surréaliste

- et pourquoi pas faire 5 couvertures de boîtes différentes non plus ?

- (noter ici votre commentaire indigné)

Des lecteurs révoltés

Après cette séance de soulagement propice à resynchroniser nos chakras, voyons voir quelle tentative de prétexte thématique l’éditeur a pioché au hasard dans sa besace pour diriger le travail de Monsieur Vohwinkel :

Les joueurs sont donc des marchands à la tête de caravanes sillonnant la route de la soie afin d’y établir des relations commerciales.

Chacun doit marquer des points en remplissant des commandes, ou bien en recrutant certains personnages.

Kashgar peut se définir comme un jeu de caravane-building, qui n’est rien d’autre qu’un deck-building avec des caravanes… sachant que le deck-building lui-même n’étant rien d’autre que du body-building avec des cartes, et que le body-building n’est rien d’autre qu’une technique de construction qui consiste à empiler des corps afin de bâtir des murs et autres palissades (c’est en tout cas ce que j’ai vu dans le film 300 ).

Le chien-building aboie, la caravane-building passe…

L’aspect mécanique de “Kashgar” est effroyablement simple : chaque joueur dispose de 3 caravanes, celles-ci étant représentés par un ensemble de cartes “Personnage”.

Default

exemples de cartes “Personnage”

Ces personnages peuvent proposer 2 types d’action :

  • une action “Caravane”, dont le texte apparaît sur fond beige,
  • une action “Défausse”, dont le texte apparaît sur fond rose.

Ces cartes sont superposées et décalées vers le bas. La composition complète de chacune des caravanes est ainsi toujours visible.

En début de partie, chaque caravane ne présente qu’une carte “Personnage de départ”, sur laquelle vient se placer une carte “Patriarche”.

au verso de ces cartes “Patriarche” se trouve une “Matriarche”, qui n’a pas l’air commode.

A leur tour, les joueurs choisissent l’une des cartes qui se trouve en tête de l’une de leurs caravanes et :

  • réalisent l’action “Caravane” indiquée en replaçant le personnage à l’arrière de la caravane, et en payant le coût éventuel de cette action
  • réalisent l’action “Défausse” indiquée en défaussant la carte “Personnage”, et en payant le coût éventuel de cette action,
  • passent leur tour, en replaçant la carte “Personnage” à l’arrière de la caravane sans en appliquer les effets.

Point barre.

le reste, c’est de la mandoline.

Toute la variété du jeu réside donc dans les actions que vont proposer les personnages présents dans les caravanes.

Certains permettent de recruter en récupérant des cartes “Personnage” de la pioche (patriarche) ou de la défausse (matriarche).

D’autres vont permettre d’acquérir des épices ou des mulets, que chaque joueur va comptabiliser à l’aide d’un petit plateau et des marqueurs correspondants.

Default

D’autres encore permettent de compléter l’une des commandes disponibles en s’acquittant de leur coût, que ce soit en épice ou parfois en mulet. Les commandes ainsi obtenues apportent des points de victoire.

exemples de petite commande (2 points) et de grosse commande (6 points)

La partie prend fin lorsqu’un joueur atteint 20 points, en cumulant les points de commande et les points apporté par certains personnages. Le tour de jeu se termine afin que chacun joue le même nombre de tours. Un décompte des points de chacun est réalisé, et à la fin, c’est pas moi qui gagne.

“Kashgar : Händler der Seidenstraβe” est un jeu tout à fait agréable, avec tout ce que ce terme peut avoir de péjoratif lorsqu’il qualifie une production ludique.

S’il ne présente rien de révolutionnaire, il propose un challenge tout à fait intéressant dans un registre actuel : la mise en place d’un moteur de développement dans le cadre d’une course aux points.

Le renouvellement des parties est assurée par la grande variété des cartes et donc des actions disponibles.

Les partenaires francophones habituels de Kosmos n’ont à ce jour pas prévu de proposer une version française.

Aussi, si l’envie vous prend de seller vos baudets pour vous lancer sur la route de la soie et rapporter gingembre et clous de girofle, il vous faudra donc nécessairement vous coltiner l’apprentissage d’une vingtaine de mots de vocabulaire allemand. Autant dire que l’effort demandé est rédhibitoire…

J’ai à présent fini de vous embêter, merci de votre attention; je vous promets de ne pas poster trop souvent.


Kashgar : Händler der Seidenstraβe
Un jeu de Gerhard Hecht
Illustré par Franz Vohwinkel
Publié par Kosmos
2 à 4 joueurs
A partir de 12 ans
Langue de la règle: Allemand
Durée: 45 minutes
Prix: [Allemagne] 30,00 €


33 « J'aime »

Un jeu qui ne m'intéresse pas outre mesure même si l'idée de mécanique me plaît beaucoup !

Mais je salue surtout le style d'écriture, fort plaisant et incisif.

J'espère bien lire d'autre article de ce drôle monsieur ;)

1 « J'aime »

Mort de rire, merci Monsieur Seito :)

Un ton décalé et rafraîchissant. Merci !

Article bien écrit (merci pour la légèreté du ton, le jeu a l'air d'en avoir bien besoin :D ) j'ai presque envie d'essayer ce jeu !

Excellent article qui en appelle d'autres aussi bien écrits....une bonne rigolade en même temps qu'une explication claire...

j'apprécie toujours le style reste à essayer le jeu : mais pour cela il faut traverser les frontières teutonnes briser le mur du langage étrange, puis se rendre dans une caverne rempli de ces pépites pour obtenir cet olni, fatiguant... :-)

AHHHHHH !! mais voilà qui fait plaisir.. C'est bien écrit, bien construit, agréable à lire, des clins d'oeil, de l'humour drôle qui fait rire et une vraie capacité d'analyse... bravo monsieur Seito.. il faut continuer !!!

1 « J'aime »

Très bel article ! Rafraichissant, intéressant et bien écrit. Merci !

cher monsieur seito

A propos du poste de chargé de communication auquel vous avez postulé, je suis au regret de vous dire que le poste est déjà pourvu.

Bien à vous

Kosmos

2 « J'aime »

je me joins aux félicitations, c'est un fort bel article très bien écrit et du coup fort agréable à lire. J'ai lu jusqu'au bout alors que le jeu ne m'intéresse à priori pas puisqu'il n'est qu'en allemand malgré un petit côté action slide emprunté au "secret de monté cristo" bien intrigant.

Merci Monsieur Seito !

Grâce à vous, la consultation de la page wikipédia dédiée à la Fougère en Allemand a pris un gros coup de boost :) !

2 « J'aime »

Génial! J'étais déjà fan des avis laissés sur les différentes fiches de jeux mais là wouaw! Vivement le prochain post.

Il est effectivement peu probable que je joue à ce jeu, en tout cas, très belle écriture d'article qui m'a donné envie de lire jusqu'au bout.

J'en veut encore, monsieur!

Excellent article, c'est plein d'esprit et bien écrit.

Quel sera le prochain jeu traité ? :D

bravo ! on dirait du Dr Mops....

(ceci est bien sûr un compliment)

:)

Ca, c'est du bien écrit !

Une première expérience à renouveler d'urgence.

Un grand merci les amis. Tous vos commentaires me font très plaisir.Je suis bien content que cela vous ai plu.S'il y a des filles parmi vous, n'hésitez pas à m'envoyer votre numéro de portable par mp.Des bisous

3 « J'aime »

Haha, bel article qui fait bien plaisir ! entre le papier sur 2048 et les Versus, il tombe à pic pour remonter le niveau :)

1 « J'aime »

Comme la plus part des lecteurs de cette brève, j ai apprécié le style, alors seito je vous mets tout de suite dans mes rédacteurs

Et j attends avec impatience la suite.