Jeux Viens à Vous Franck Dion 1ère partie

Qui est Franck Dion?

En moins de 15 ans, il a su marquer de son empreinte le film d’animation.


4 courts-métrages : L’inventaire fantôme, Monsieur Cok, Edmond était un âne et Une tête disparait

Il impose son univers et ses questionnements d’une main de maître, comme peu savent le faire.

Mais avant d’en arriver à une renommée mondiale, Franck Dion a connu les commandes ingrates, puis les illustrations pour Casus Belli et enfin celles des jeux de société dont dernièrement l’extension de Dixit, Daydreams.

Mon entretien avec Franck s'est déroulé un matin par téléphone, 1h30 d'une belle et longue conversation que je vous présenterai en 30 questions et exceptionnellement en 3 parties .
Un homme intelligent, subtil, sensible,

Dans cette première partie, nous parlons de son enfance à Trappes, de sa découverte de l'animation, des commandes alimentaires, du monde ludique et notamment de Pierre Rosenthal, Marc Nunes et Philippe Mouret, de son premier long métrage L'inventaire fantôme puis nous évoquons longuement le front national et les causes possibles du racisme en france...


Franck Dion à souhaité après la parution de ce matin reprendre le texte et réécrire ses réponses, et notamment les questions 8 et la 9 jugeant que cette partie politique s'éloignait trop de son métier d'auteur et que sa réflexion était ici confuse.
J'ai donc accepté mais en vous laissant la question 9 auquel il ne souhait plus répondre.

1) Franck Dion, bonjour, aurais-tu la gentillesse de te présenter ?

Je suis illustrateur et cinéaste de films d'animation.
En illustration j'ai beaucoup travaillé dans le domaine des jeux de société, de la presse et du documentaire. Concernant le cinéma d'animation, j'ai réalisé mon premier film il y a une quinzaine d'années

2) Tu as arrêté l'école à 16 ans. Tu es de Trappes, l'une des villes les plus pauvres de France, viens-tu d'un milieu modeste ? Qu'est ce qui t'as motivé à aller vers le théâtre, la sculpture, le dessin et la peinture ? Est-ce tes parents ou une rencontre ? En somme, pourrais-tu nous raconter le parcours qui t'as mené jusqu'à nous aujourd'hui ?

En ce qui concerne ma vocation elle est dû en grande partie à une passion précoce pour labande dessinée et les films d'animation. Ma mère m'a acheté mes premiers Tintin alors que je ne savais pas encore lire. Très vite j'ai pris goût à d'autres univers comme celui d'Alix deJacques Martin, de Valérian de Mezières et Christin, de Bilal et de Reiser.

J'ai découvert le théâtre grâce au collège et j'aitrès vite aimé ça. A la maison, on allait pas du tout au théâtre, mais devant mon engouement, mes parents m'ont encouragé et m'ont payé des cours à Paris à l'American center et un camp de vacances de théâtre. j'avais 12 ans. Lorsque j'ai eu 16 ans j'ai quitté l'école pour faire des petits jobs alimentaires et surtout cultiver mespassions.

3) Du coup à 16 ans quand tu arrêtes, tu te lances dans quoi ?

J'ai commencé en étant TUC, des contrats qui s'appelaient Travail d'utilité collective où on était payé 1200 francs par mois... une fortune ! J'ai donc été TUC au sein d'une société de production d'animation, je connaissais le patron de cette société d'animation, il avait une place de TUC, ce n'était pas un travail très amusant mais ça m'a permis de découvrir la richesse du cinéma d'animation entre autres choses

Franck Dion dédicace Dixit au festival de Cannes, en compagnie de Piero

4) Tu expliquais dans une conférence à Ludinord, que tu n'avais plus besoin d'accepter des commandes alimentaires, j'imagine donc que cela a été le cas durant plusieurs années. Aurais-tu le souvenir d'une commande que tu as particulièrement détesté, pourquoi, et au final qu'as-tu retenu de ces années de galère ?

Disons pour être plus exact que je n'ai plus la nécessité d'accepter tout et n'importe quoi pour gagner ma vie. J'ai la chance de passer le plus clair de mon temps à écrire et à réaliser des projets personnels. Je reste néanmoins ouvert aux propositions bien sur.

Pour en revenir aux travaux les plus pénibles qu'il m'est été donné de faire en illustrations, je pense que c'était des commandes pour la pub. Des gens qui ne savent pas ce qu'ils veulent, qui changent d'avis tout le temps, qui ont des idées nulles...un souvenir exécrable ! Autre chose à laquelle j'ai longtemps été confronté ce sont les gens qui vous appelle pour travailler avec vous et qui vous demande l'exact contraire de ce que vous savez faire ! Consternant...

Désormais j'ai l'habitude de dire que je ne sais bien faire qu'une seule chose : cultiver mon univers.

En revanche, tous les boulots de commandes, des plus pénibles aux plus passionnants m'ont toujours appris quelque chose tout en me permettant de me perfectionner sur le plan technique.

Apprendre en travaillant en somme

5) Tu as réalisé plusieurs illustrations pour le monde du jeu bien avant de réaliser ton premier court métrage. Que retiens-tu de cette époque où le monde ludique n'était encore qu'un microcosme, et quelles sont pour toi les particularités techniques ou autres du monde du jeu ?

J'ai fait du théâtre et beaucoup travaillé le dessin et la sculpture. C'est ce qui m'a amené à rencontrer Didier Guiserix le rédacteur en chef de Casus Belli, qui était le grand magazine des jeux de simulation à la fin des années 80. Mes premières illustrations ont été publier au sein de ce journal en 1990. Casus Belli était le seul journal à l'époque a publier des illustrateurs. Leproblème c'est que c'était un journal très dense, donc les illustrations étaient petites mais au moins ils avaient le mérite de publier beaucoup d'illustrateurs qui pour la plupart d'entre eux ont fait depuis de belles carrières.

Beaucoup de gens de Casus Belli sont devenus des amis, je pense à Jean-marie Noël, PierreRosenthal, Didier Guiserix ... Après je suis devenu copain avec les gens d'Asmodee, Marc Nunes et Philippe Mouret, avec lesquels j'ai commencé à t

ravailler.

Ca m'a permis de m'éloigner du jeu de rôle qui commençait à m'emprisonner dans un carcan. Le jeu de société c'est très amusant à faire, et puis j'aimais bien travailler avec Asmodée. A l'époque ils étaient 5 ou 6 personnes pas plus ! C'était dans une grange, avec des bureaux au dessus. Je crois savoir que ça a un peu évolué depuis...

Illustration de Service Compris, jeu édité chez Asmodée

Parallèlement au monde du jeu, j'ai réalisé des animations pour des documentaires, des illustrations pour des musées,
j'ai été graphiste dans des boites de jeuxvidéos et fais des illustrations pour la pub

6) J'aimerai évoquer maintenant si cela te convient, tes 4 courts métrages ans l'ordre chronologique.
Commençons donc par L'inventaire fantôme sorti en 2004.
Un film évoquant la dureté de notre monde, mais également déjà la folie qui règne depuis dans l'ensemble de ton œuvre, j'y reviendrai. L'histoire raconte un huissier venant saisir un vieux collectionneur, vieux dans tous les sens du terme. Mais il finit par se retrouver face à lui-même et aux souvenirs terribles de son enfance avec son père, qui devient en l'espace d'une seconde une sorte de croquemitaine effrayant, voire de Ca, le maléfique Clown de Stephen king Peux-tu nous expliquer comment est né le scénario ?

La première mouture du scénario je l'ai écris en 92...91. C'est dire comment je suis lent ! (rires)
Ça s'appelait la traversée de la nuit, et ça racontait l'histoire d'un type qui n'arrivait pas à dormir. Et puis de fil en aiguille, j'ai réécris beaucoup de versions notamment une en compagnie de deux amis qui m'avaient prêté mains forte. Au bout du compte la montagne à accouchée d'une souris : le scenario de l'inventaire fantôme.

Entre temps j'ai eu la chance de rencontrer DidierBrunner, qui est le producteur de Kirikou, des triplettes de Belleville, de Ernest et Celestine. C'est l'un des plus important producteur françaisd'animation.

Je ne connaissais personne dans cet univers, je débarquai complètement. J'avais donc envoyé mon scénario à des maisons de production et le seul qui m'a répondu c'est Didier Brunner qui m'a invité à venir à sa boite de prod' et qui me dit de but en blanc :« Si ça vous dérange pas, j'aimerai beaucoup produire votre film » .

Je lui ai répondu : « Non ça me dérange pas. »

C'est parti comme cela , mais on a mis beaucoup de temps car initialement Didier voulait que j'adapte mon histoire en long métrage. J'ai donc écris un scenario de long métrage qui reprenait le même personnage et le même univers. Mais finalement, nous sommes entré enproduction pour réaliser le court métrage

L'inventaire fantôme

7) Voudrais-tu rajouter quelque chose sur l'histoire, sur l'huissier... Je ne sais pas si ma lecture est bonne...est ce qu'il lui est arrivé des choses...?

L'huissier se retrouve face à lui-même, si quelqu'un d'autre avait ouvert ce grenier, il aurait trouvé complètement autre chose ! C'est un miroir ce grenier, comme le dit le vieux Lamartine : « Mais je vous l'ai déjà dit monsieur, je collectionne des souvenirs dont plus personne ne veut »

Le film puise son inspiration dans le fantastique issu de la littérature du 19em siècle. Ce sont des références aux administrations poussiéreuses peuplées de personnages un peu fadas que l'on trouve dans l’œuvre de Gogol en Russie, mais aussi de Melville aux États-Unis

8) Passons maintenant à Monsieur Cok, une satyre féroce du monde capitalisme, qui à connu un succès notable aux états-unis. Tu as dit à propos du personnage de Monsieur Cok « Plus vous vous comportez comme un salaud, plus les médias vous admirent » Un propos que l'on pourrait mettre en relief avec les élections présidentielles actuelles mais également un autre de tes propos « Le public a les illustrations qu'il mérite » Penses-tu que les français ont actuellement les hommes politiques qu'ils méritent et que retiens-tu de ce qui passe actuellement dans la vie politique actuelle ?

En matière de représentation politique on a souvent ce qu'on mérite puisque nous sommes en démocratie.

Monsieur Cok, l'oeuf capitaliste

9) Avant de revenir sur les forces de gauche et de l'ouvrier barbu de Monsieur Cok, ce n'était pas prévu mais tu en parles et je suis assez d'accord avec toi sur le fait de crever l'abcès sur le front national, j'ai l'impression en France qu'il y a une vraie difficulté d'en parler. Et peut être notamment dans certains milieux, peut être comme dans le monde ludique qui est plutôt axé à gauche. J'ai vraiment l'impression qu'on a vraiment du mal à en parler, quitte à repousser directement le sujet et à ne pas vouloir analyser et prendre le problème à bras le corps, à mettre les problèmes sur la table et à discuter de ce qu'il en est. Comment l'analyses-tu ? Pour ma part, j'ai travaillé un peu en usine étant jeune, et il y avait énormément de gens immigrés, des portugais, des espagnols qui avaient subi l'immigration et qui votaient front national

-J'ai l'impression qu'il y a deux mondes, peut être entre le milieu urbain et le milieu rural

-Est-ce que sans cautionner, c'est une manière peut être de s'intégrer à sa manière en fait...

-La montée du front national c'est fait grâce aussi à Mitterand qui dans les années 80 ...


La semaine prochaine, dans la seconde partie de l'entretien nous évoquerons Monsieur Cok et un scoop de Franck Dion, nous parlerons longuement d'Edmond était un âne et toutes ses subtilités, d'Une tête disparait son dernier court métrage en date, de comment se finance un court métrage et de la raison pour laquelle il s'intéresse tant à la psychiatrie...

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