interview de david boniffacy

Les festivals ce sont les jeux, les éditeurs, le public qui joue, mais c’est aussi des rencontres. Des rencontres qui parfois vous surprennent, qui vous offrent un agréable moment, des petits instants de rien du tout qui vous égaye un après-midi. C’est ce petit quelque chose que j’ai ressenti devant la gentillesse et la spontanéité de David Bonnifacy lorsque je l’ai rencontré pour la première fois à Paris est Ludique, alors qu’il venait dédicacer un nouveau jeu illustré par ses soins : Hawaiki (le test ici). Une rencontre qui a débouché sur l’interview que je vous propose de lire tout de suite.

Comment es-tu tombé dans la marmite ludique ?

J’ai glissé, chef.
Plus sérieusement, Ma chérie habitant à Poitiers, lors de mes passages chez elle, elle m’emmenait dans les boutiques de jeu et un jour au FLIP (Festival de Parthenay). J’ai été choqué que dans le sud-est, il n’y avait RIEN de comparable, de près ou de loin. Du coup, j’ai monté une asso : Ludik Attitude. 6 ans plus tard, je m’installe à Poitiers, je monte une autre asso : le MIPEUL. Depuis, impossible de décrotter mes bottes du jeu de société.

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Le jeu qui l’a fait entré dans le monde ludique.

Quel est ton parcours d’illustrateur ?

J’étais graphiste, j’ai voulu illustrer des jeux il y a 4 ans. Je n’avais jamais dessiné professionnellement. Du coup, j’ai tâtonné, j’ai fait des protos pour des auteurs, puis un premier, un deuxième jeu… puis une quinzaine.

Tu es plutôt traditionnel ou numérique ?

Je varie mes techniques en fonction de mes objectifs esthétiques. Certains styles d’images nécessitent le numérique, certains de passer par du papier, et d’autres demandes des mix, des matériaux farfelus. Je ne me pose aucune contrainte.


Un des nombreux essais pour la boite de Chromatiktak.

Comment s’est passée ta rencontre avec Ilopeli, un éditeur avec lequel tu as travaillé pour de nombreux projets ?

Après une intervention sur le forum de TricTrac, j’ai proposé mes services de dessinateur amateur. Arnaud Urbon, avant Ilopeli, avait un jeu en phase de conception « mooréa », j’ai illustré ce prototype. Le jeu n’a jamais vu le jour, mais quelques mois après Arnaud m’apprend qu’il veut se lancer dans l’édition. J’ai des compétences utiles pour un entrepreneur et j’ai été content qu’il me demande de l’aide. En plus du logo et de la publicité, j’ai travaillé comme illustrateur sur Jurassik, sont premier jeu de la gamme futée. Le courant est passé malgré nos divergences fréquentes. La discussion n’est jamais fermée, certaines fois, je capitule, d’autres fois c’est lui, et souvent ce sont des compromis intelligents, et ça se ressent sur les jeux : il en est ressorti une gamme élégante, mais sans prétention.

Comment se sont déroulées tes recherches graphiques pour hawaiki ?

Comme raconté sur mon blog :wink: : http://laviedebony.blogspot.com

Un essai pour une carte que l’on ne retrouve pas dans Hawaiki.

Ton style change beaucoup d’un jeu à l’autre, comment procèdes-tu lorsque tu dois débuter un projet pour déterminer celui qui collera le mieux ?

Si on comparait le style graphique à un outil : pour enfoncer un clou, il faut un marteau, pour couper un câble, il faut une pince, et pour polir une planche on prend du papier de verre. C’est exactement pareil en graphisme et en illustration. Chaque jeu est une situation, une énigme, pour laquelle on a deux solutions : soit répondre avec l’outil le plus adapté, c’est-à-dire un style qui colle logiquement au thème, au public et à l’esprit du jeu, soit, on essaie d’enfoncer un clou avec une pierre, c’est plus hasardeux, mais ça peut avoir des conséquences heureuses, car la pierre se brise et pourrait s’avérer dissimuler un diamant.

Donc pour choisir le style, je jauge la liberté de style que pourrait supporter le jeu et la tolérance de l’éditeur et de son public. Je fais quelques essais, et j’ai rapidement une idée précise de mes objectifs.

Quelles sont tes influences graphiques ?

Nombreuses ! Si on ne tient pas compte du fait que le thème du jeu me demande souvent des recherches qui m’inspirent à chaque fois, il y a des gens qui m’inspirent en transversal de tout ça :
en BD : mignola (hellboy), Run (mutafukaz, doggy bags), Bill et Gobi et F.Mense (lucha libre)…
en dessins animés : Samurai shamploo, Cowboy Beboop,
je pourrais balancer des milliards d’autres références dans ces domaines et quelques artistes contemporains, des « artistes de musées » des naturalistes… je suis très facilement influençable.

Il a aussi officié sur Il était une fois chez Opla

Et dans les jeux de société, lesquels font battre ton cœur de joueur ?

D’un point de vu plaisir de jouer je peux citer : Pauchon (Jaipur, Yspahan) Chevallier (Intrigo, Nautilus) Bleuse/Hirschfeld (Troquons, Speech) … j’ai plaisir à jouer a chaque fois à un tas de jeux comme Wink, CrazyTime, Corto, Quarto, Tasso, Split, Caylus, Myrmes…

D’un point de vu graphique, j’ai des chouchous. Humainement j’ai des amis dans les illustrateurs et j’ai du mal à juger de leur travail, mais parmi ceux que je ne connais pas encore, j’adore :
Fructus (pour Asteroids, NostraCity) Ghigini (horse fever, sheepland) Dion (level up) …

Le croquis de la boite de Crazy Time.

Penses-tu que l’univers des jeux de société est plus simple à intégrer professionnellement qu’un autre lorsque l’on est illustrateur ?

Je n’en sais rien. Je n’ai intégré que celui-là.

Quels conseils donnerais-tu à de jeunes illustrateurs qui voudraient se lancer dans l’illustration de jeux de société ?

> pour vous faire connaitre, vous allez sans doute proposer vos services gratos. C’est normal, on est nombreux à l’avoir fait. Mais ne travaillez JAMAIS pour un éditeur, un agent, un auto-edité, un kickstarter ou je ne sais quel projet foireux. Contentez-vous de travailler pour des auteurs directement. Si votre style est parfaitement réalisé, alors l’éditeur qui verra le proto n’aura pas de raison de vous écarter du projet. Si vous voulez travailler absolument gratos, il y a des asso caritatives qui seront ravi d’avoir une belle affiche pour leur festival dont le profit sera pour une belle cause. Et la publicité en sera d’autant plus a votre honneur.

> quand vous ferez vos premiers projets payants, n’acceptez pas de « si le jeu marche, on te paie ». On vous paie d’abord, ou partiellement d’abord et le reste au moment de l’impression. Mais pas après les ventes.

> testez tant que possible les jeux que vous illustrez. Ça vous inspirera surement au niveau de l’ergonomie du dessin et de la mise en page si vous êtes graphiste.

> n’hésitez pas à rencontrer le public sur les festival, c’est un vrai plaisir. Et les éditeurs intelligents ne vous refuseront jamais de vous aider pour l’hébergement ou le trajet en échange de votre présence sur le stand.

> Dernier point, plus philosophique : évitez d’accepter de travailler « a la manière de ». Evidement que tous les éditeurs, aujourd’hui, aimeraient avoir un petit Naïade dans son titroir. Mais je trouve que la richesse culturelle vient de la variété et je préfère 100 fois la course de l’originalité que celle du profit.

QUE L’INSPIRATION SOIT AVEC VOUS !

Un des visuels de Panik chez Ilopeli

Si vous désirez tout savoir sur ses travaux, je vous invite à visiter son blog.

Retrouvez d’autres interviews sur le blog Les 1D Ludiques

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Sympa cet interview.

A l'époque j'ai connu M. Bony en tant que joueur sur Marseille et Aubagne, avant qu'il ne s'expatrie dans le Nord Ouest :o)

Je vois qu'il a bien évolué dans le monde ludique. Bravo à lui !

Sa remarque sur le "n’acceptez pas de « si le jeu marche, on te paie »" sent le vécu ... non ?

@brougnouff : Oulà si tu savais pour la phrase que tu évoques, mon pauvre.

Merci pour ton retour ;)