Festivals : hors du vaccin, point de salut ?

Bonjour à toutes et à tous!

Cette période difficile que nous traversons a évidemment un impact majeur sur les festivals et salons, qui sont un des piliers sur lesquels le milieu du jeu se construit et se perpétue. Le jeu de société est une expérience qui se vit et se partage, et aucun texte de boîte, site web, vidéo ou catalogue ne peut remplacer un essai du jeu lors d'un événement pour savoir ce qu'un jeu a à offrir et s'il est fait pour vous.

Ignacy Trzewiczek de Portal game a publié il y a quelques semaines une vidéo en Anglais ou il discute de l'impact de cette pandémie sur l'événementiel ludique


Je rejoins totalement ses réserves et son analyse à ce sujet, et il s'agit d'un problème complexe à gérer qui affecte tout le secteur.

Les organisateurs de festivals, salons et événements

La préparation d'un tel événement demande de s'y prendre très longtemps avant la date effective. Pour un grand salon ou festival, l'équipe organisatrice se met au travail dès la fin de l'événement pour commencer à travailler le suivant, et ils ont de quoi faire durant toute l'année pour tout préparer : location des lieux, autorisations des pouvoirs publics, communication, contacts avec les exposants, etc.

Cette préparation s'accompagne d'une série de dépenses et d'engagements financiers envers les fournisseurs, prestataires et partenaires qui interviennent durant toute cette préparation. Et ces engagements financiers portent parfois sur plusieurs années à venir, comme c'est par exemple le cas pour la GenCon américaine ou l'organisateur a un contrat pour plusieurs éditions avec la ville où se tient ce salon. Il s'agit d'une problématique assez comparable à celle des organisateurs de concerts et festivals de musique, et de tout autre secteur événementiel.

Dans ce contexte, si l'organisateur décide de son propre chef d'annuler son événement, il reste à priori soumis à ses obligations contractuelles envers ses fournisseurs, prestataires et partenaires : l'événement est annulé mais le loyer du site reste dû, par exemple. Par contre, si les pouvoirs publics interdisent l'événement, la clause de 'Force Majeure' s'applique et l'organisateur est libéré de certaines de ces obligations. Cette 'Force Majeure' peut faire la différence entre une 'année blanche' ou l'événement est interdit par les pouvoirs publics et reporté à une date ultérieure par l'organisateur, et une faillite pure et simple de l'organisateur s'il doit supporter seul les coûts de l'annulation.

Des assurances existent, mais comme on a pu le voir avec le cas du Hellfest en 2020, elles ne sont pas forcément adaptées ou applicables à ce genre de situation. ( https://www.capital.fr/entreprises-marches/passe-darmes-entre-le-hellfest-et-son-assureur-apres-lannulation-du-festival-1367288 )

Hellfest (image wikipedia, 2016)

De nombreux organisateurs n'ont dès lors pas d'autre option que de tout préparer comme si de rien n'était et d'attendre, voire d'espérer une annulation officielle de la part des pouvoirs publics, ou une autorisation de tenir l'événement. Plus cette décision officielle vient tard dans l'année et plus les organisateurs sont fragilisés puisqu'ils continuent à payer les frais de mise en place, leurs équipes si elles ne sont pas bénévoles, etc. Les pouvoirs publics étant dépendant de politiciens, ils hésitent naturellement à prononcer les interdictions longtemps à l'avance, privant le secteur événementiel d'une clarté qui lui serait bénéfique. Personne n'a envie d'être le porteur de mauvaises nouvelles ou de jouer les Cassandre, surtout si cela peut leur coûter une réélection...


On voit donc apparaître des communications du type 'Nous organisons l'événement comme à l'habitude, et s'il doit être annulé les exposants seront remboursés'. C'est une situation extrêmement inconfortable pour les organisateurs, leur marge de manœuvre et de décision étant réduite à peau de chagrin. Inutile donc de les accabler, ils font pour le mieux pour sauver leurs événements et tenter de garantir leur pérennité.
L'apparition de festivals virtuels est un moyen pour ces organisations de pallier la situation et de se tenir financièrement à flot.

Les exposants, prestataires, et équipes de terrain

Pour les éditeurs et leurs équipes, il s'agit aussi d'une problématique complexe. L'inscription à un salon se fait plusieurs mois en avance. Pour Essen Spiel qui se tient habituellement en Octobre, les inscriptions exposants ouvrent en Février et se clôturent en juillet-août. Impossible de prévoir si longtemps à l'avance si l'événement sera annulé ou non. L'incertitude de l'autorisation effective ou non du salon vient s'ajouter à une autre problématique de taille : les vaccins.


Pour rappel, à l'heure ou j'écris ces lignes il n'existe pas de traitement largement reconnu comme efficace et largement diffusé pour les personnes malades du covid. Seuls les vaccins offrent des perspectives d'endiguer cette maladie.

Les vaccins qui commencent à être administrés à la population ne sont encore disponibles qu'en petites quantités et il faudra du temps pour que tout le monde puisse en bénéficier. Ignacy explique dans sa vidéo que au rythme actuel des vaccinations en Pologne, il sera seulement vacciné en 2023... Pour ma part, les projections pour la Belgique me placent pour 2022. Et les équipes de terrain des festivals et salons étant en général assez jeunes, elles viennent plus bas encore dans ces listes d'accès au vaccin. Heureusement on n'est qu'au début de la campagne de vaccination et on peut compter sur une amélioration de la disponibilité du vaccin et du nombre de personnes protégées. Mais même avec une grosse accélération, il me semble illusoire d'espérer être vacciné avant la fin de cet été, voire de cette année. Et si on considère le défi que représente la production et l'administration de milliards de doses, c'est somme toute assez logique.

Participer à un salon en tant qu'exposant sans avoir été vacciné, vu la concentration de personnes présentes et le brassage de gens provenant d'un tas d'endroits différents, c'est s'exposer fortement. Très fortement. Et demander à son équipe, qu'il s'agisse d'employés, de prestataires ou de bénévoles, de prendre un tel risque ne me semble pas acceptable. D'autant que le risque est à deux directions : le public peut contaminer les exposants, et les exposants peuvent contaminer le public.

Effectuer des tests à l'entrée pour tous les participants et exposants d'un événement n'est logistiquement pas praticable et ne suffirait pas à garantir la sécurité de l'événement : les tests prennent du temps à mettre en œuvre et les tests les plus rapides ne sont pas fiables à 100%. De plus ces tests ont un coût, et ils sont prioritairement utilisés pour le dépistage et la gestion de l'épidémie par les pouvoirs publics.


Le seul port du masque et le respect des règles de distanciation ne suffit pas non plus quand il s'agit de rester exposé plusieurs journées dans un même espace, surtout en intérieur, avec en plus la fatigue et les conditions d'hygiène d'un grand événement. Le risque devient un problème mathématiquement simple : même si chaque personne présente ne pose qu'un risque de transmission de 0.01%, avec 10.000 personnes ça représente 100% de risque. On peut donc être certains que des transmissions auront lieu dans ces événements. Il s'agit bien évidemment d'un raccourci et on peut discuter durant des pages des chiffres exacts, mais ça n'est pas pertinent ici. Le principe général reste applicable : beaucoup de public et pas de vaccin, c'est un problème.

Damned if you do, damned if you don't

Il s'agit donc d'un dilemme sans 'bonne' solution : l'événementiel ludique est indispensable à la bonne santé du secteur, et les éditeurs veulent autant que possible soutenir les organisateurs d'événements. Mais en même temps dans les circonstances actuelles, hors du vaccin point de salut.

Pour Flatlined Games, vu que je suis seul à bord c'est une décision simple à prendre : pas de vaccin, pas de salons. Et je ne trouverais pas correct de demander à mon partenaire Ludendi qui assure une présence événementielle en France ou à mon distributeur de s'exposer et d'exposer ses troupes tant qu'ils n'ont pas été vaccinés. J'ai mis l'activité en pause en attendant que la situation s'améliore. Je n'ai pas de salaires à payer ou de gros frais de fonctionnement, j'ai un job temps plein en télétravail, c'est un privilège énorme comparé à d'autres acteurs du marché. Mais pour des éditeurs plus importants c'est un réel dilemme, car l'activité doit continuer, les salaires continuent à être payés, les nouveautés continuent à arriver (même si la logistique est fortement perturbée et si ces délais compliquent encore plus leur planning), et il est nécessaire de soutenir leur arrivée sur le marché.

Je le souligne une fois de plus, il n'y a pas de 'bonne' solution ou de solution 'facile' face à une telle problématique. Je vous invite donc à l'indulgence dans vos commentaires, l'ensemble du secteur ludique fait pour le mieux avec les moyens dont il dispose.
Si vous voulez aider, c'est assez simple : faites-vous vacciner dès que vous en aurez la possibilité!

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Euh, c’est quoi ce calcul ? “0.01%, avec 10.000 personnes ça représente 100% de risque.” ???
10.000 personnes, et une proba de 0.01%, ca fait 1 seule personne touchée à la fin.

Même si je suis d’accord sur la conclusion :slight_smile:

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Merci pour cet article, c’est très intéressant.
Effectivement on mise tout sur la vaccination pour retrouver une vie un peu plus normale, espérons que ça fonctionne (rapidement).

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Pour le bénéfice du doute l’exemple est choisi pour dire qu’on a 100% de chance de voir infectée au moins une personne.

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Oui c’est aussi comme ça que je l’avais compris. Même si c’est approximatif comme calcul.
(En réalité ce serait 1 - 0.9999^10000 (enfin je crois), soit ~63%.)

Mais comme le dite Éric, osef du calcul exact :smiley:

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C’est comme pour le Loto™: 100% des gagnants on tentés leur chance :wink:

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Quand j’entends autour de moi (médico-social) des professionnels qui ont la possibilité de se faire vacciner, qui “attendent de voir” et se plaignent des contraintes sanitaires…ma logique est mise à rude épreuve.

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