Feelings : nothing more than feelings...

[Feelings]

Qu'est-ce qui fait qu'un jeu est "jeu" ?

Oh non, il n'y aura pas de réponse dans cette article, à peine peut-être une piste de réflexion. Tout ceci part de la boite de Feelings dont le docteur Mops nous livrait, sous sa belle plume, un premier article il y a plus de deux ans autour du premier chapitre de l'histoire...

Mais la proposition ludique des auteurs Vincent Bidault et Jean-Louis Roubira est particulière à plus d'un titre. Et si Feelings avait déjà connu donc une première édition, et un accueil plus que favorable, surtout dans le milieu éducatif jusqu'à obtenir un prix EducaFLIP, attribué dans le cadre du Festival Ludique International de Parthenay, l'histoire ne s'arrête pas là. S'il nous revient maintenant, c'est après avoir croisé la route de Thibaut d' Act In Games, pérégrinant et expérimentateur ludique infatigable, même si l'expérimentation ne touche pas toujours le public (ah... Aya... la proposition, l'expérience particulière de cette boite me plait toujours autant), conjuguée donc (la route, ne vous perdez pas s'il vous plait) au chemin de Yoann Laurent (Blackrock Games) qui distribue donc cette nouvelle édition.

L'histoire de Feelings, vécue de l'intérieur, avec trois approches, différentes, complémentaires, tout autant passionnées, ponctuées de petites anecdotes dans la TTTV avec Jean-Louis, Vincent et Thibaut

Tu veux jouer de mes sentiments ?

Proposition particulière donc puisque Feelings propose, lors de chaque manche, de rencontrer une situation (trois thèmes "En famille", "à l'école", "entre amis") choisie par le "Maîtres des émotions" parmi celles décrites sur la carte piochée. Vous raviverez cette situation si vous l'avez vécu (vous vous y projetterez sinon) afin de choisir au moyen de cartes numérotées et à sa couleur, parmi les 8 sentiments proposés autour du plateau, celui qui prédominerait en vous. Ceci pour la première phase.

Le Maître des émotions distribue alors les cartes Partenaire et chacun découvre avec qui il joue (et pour les nombres impairs, un trio de cartes est prévu). Il faut maintenant se projeter dans l'autre, entrer en empathie et estimer, en fonction de la connaissance qu'on peut avoir de l'autre, quel est le sentiment qu'il a certainement joué (et ressenti). Une deuxième carte numérotée est alors posée face caché (et une carte particulière est disponible si vous pensez qu'il a joué le même sentiment que vous).

Vient alors le moment des révélations, commentés ou non, librement, en fonction de ce que chacun a envie de partager. Si les deux paires de cartes sont différentes, aucun des deux partenaires n'a réussi à "deviner" l'autre, ce qui ne donne aucun point à personne. Si l'un des deux a deviné juste, chacun marque 1 point sur la piste aux boutons/matières/émotions. Enfin, si les deux ont pu lire en l'autre, chacun marque alors 3 points. Pour une équipe en trio, chacun essaye de deviner l'émotion du partenaire à sa gauche, circulairement... donc rien de différent pour le décompte.

Enfin, le Maître des émotions peut changer une des cartes du même nom autour du plateau en ne changeant pas les types proposées : Les types, au nombre de trois, correspondent à des émotions à tendance "bouche souriante" ou "bouche crispée" ou "ni l'un ni l'autre" (et oui, dans les émotions, il n'y a pas de "bien" ou "mal" ni "neutre" puisqu'une émotion, par définition, est ressentie, elle "est" tout simplement... ce qu'on en fait, les conséquences sur les autres, etc... c'est autre chose.

In fine, à l'issu des tours joués, un ou des gagnants se dessinent... qu'ils aient été les meilleurs "lecteurs" de la nature humaine ou les plus en empathie, n'est finalement pas le plus important. Car le plus important, finalement, est invisible pour les yeux !

Un sentiment ne fait pas un raisonnement

Les illustrations de Frank Chalard n'en sont pas...qu'on se le dise... ce sont des tableaux, véritablement... à base d'enduits, de collages et de peintures... Ces tableaux dégagent d'ailleurs quelques choses qui en provoquent d'autres (impossible d'être plus précis puisque ça reste très personnel) et il n'est pas rare de préférer se référer à l'émotion ressentie à la vue de ce dernier pour s'exprimer et choisir notre carte numérotée plutôt que se référer à l'intitulé de ce tableau devenu carte.

Tric Trac"Puisque je vous dis que je ne suis pas une carte mais un tableau... Grrrrr !"

Finalement, c'est ce qui se passe autour de Feelings, lorsque les joueurs jouent le jeu (et nous y reviendrons), qui en fait la particularité dont nous parlions au début et qui est étonnante : nous voilà conduit, dans un climat bienveillant, à nous ouvrir à l'autre, ludiquement... mais aussi humainement parlant ! Le moment de partage que représente normalement une partie de jeu de société est ici renforcé d'autant d'un partage que nous n'attendrions pas forcément dans notre société actuelle qui oscille entre étalement de la vie privée sur les réseaux sociaux sans filtre et masques perpétuellement portés pour "n'être pas" soi-même mais ce qu'on veut "paraître". Du coup, à l'issue de la partie, une sorte de lien (ce qui explique le titre de Feelinks pour le jeu en anglais) tissé et renforcé entre les joueurs.

Mais alors est-ce vraiment un jeu ou un outil pour se raconter, se rencontrer, se ressentir ?

Et bien, c'est là où ce que peut être un jeu revient à la surface. S'il est possible de jouer les points, en essayant de deviner ce que ressent le partenaire et en essayant d'être "devinable", sans forcément en dire plus, uniquement pour le jeu... Et donc de juste "jouer au jeu" ; il est bien sûr possible, dans le cadre accueillant d'une partie de jeu, d'un moment formel d'échange où, de façon informelle, finalement, on apprend autant à se connaître soi-même que les uns les autres, en s'interrogeant soi-même en même temps qu'en s'écoutant de façon bienveillante les uns les autres. Ce que nous appelions alors "jouer le jeu" ci-dessus se résume à accepter de déposer la carapace portée en permanence pour se protéger des agressions multiples de notre "si peu tendre" société actuelle moderne et souvent déshumanisé autant que déshumanisante. Et à la fin, la "magie" opère : non seulement nous avons joué "avec" d'autres personnes, que nous n'avons pas pris que pour des "pousse-pions avec cerveau" comme parfois certains joueurs considèrent leurs collègues de jeu, mais nous avons partagé avec d'autres.

Si vous sentez que ce "n'est pas du jeu" de "se raconter" même seulement par une carte numérotée, "nous ne sommes pas là pour ça, parce que "jouer", ce n'est pas ça, alors Feelings ne sera pas "jeu" pour vous ! Et forcément, à contrario, si vous souhaitez donc que Feelings soit un jeu, si vous le jouez, si vous en jouez, enjoués, alors Feelings sera... Et il sera "Jeu" avec toute la palette de sentiments que vous ressentirez lors de ses parties, avec ces petits sourires complices lorsque ces petits cadeaux de "moments de vie" sont partagés. Une boite un peu olniesque donc, mais qui cache des petits trésors pour ceux qui savent voir autrement qu'avec les yeux ou le cerveau :)

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Merci pour cet article très intéressant Mr Guillaume !!

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Très bon jeu à découvrir. Il devrait d’ailleurs être distribué dans les écoles par les autorités compétentes tant il a de potentiel. En famille c’est aussi un régal.

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Très très sympa, parfait pour le nouvel ans entre potes ! ^^

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Ce jeu est extra en classe, j’en ai déjà 2 exemplaires. Et oui, parfois on joue à l’école…
On le sortira aussi à nouvel an pour voir ! Merci aux auteurs et à l’éditeur pour cette proposition ludique. Seul reproche, la boîte aurait pu être moins grande ou moins haute en tous cas :slight_smile:

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Je l’ai pris pour le découvrir et le présenter dans les animations VDI :slight_smile:

Je rejoins totalement le point de vue de l’article. Ce jeu est un vrai tour de force, qui ne verse ni dans le pathos larmoyant, ni dans l’indiscrétion crasse pour réussir. Je trouve que c’est une expérience unique où l’on découvre l’Autre. Il y a du rire, de la tendresse et des surprises. Comme le dit Ingalls, c’est un formidable outil pour tout le secteur médico-socio-éducatif. Mais ce serait une grossière erreur de le prendre seulement sous cet angle, c’est avant tout un générateur de moments précieux entre gens qui s’apprécient. :slight_smile: :slight_smile: :slight_smile:
Merci Guillaume !

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Monsieur Guillaume a été voir plus loin qu’au bout d’un lancé de dés ou de nos chers cubes en bois.
Il a senti la bienveillance qui entoure Feelings.
Il est rare qu’un jeu est une telle “Aura”, une capacité à offrir du bonheur ou à anticiper de futur désagréments en nous aidant à nous comprendre et à comprendre l’autre, dans son intimité émotionnelle.
Quand le jeu est capable de ces prouesses, c’est plus qu’un jeu, c’est une Merveille, c’est un As, c’est un Spiel, c’est un Péninsule…
Que le monde de l’éducation (enseignants, parents, formateurs, tous le monde quoi) devrait connaître et partager pour permettre à ce que notre monde soit meilleur.
Merci aux prescripteurs qui voit le futur d’un monde meilleur…