Droit de réponse

Dominique Ehrhard explique.

Dominique Ehrhard, auteur de nombreux jeux (Méditerranée, Condottiere, Montgolfière, Règlement de Compte, entre autres) vient d’être accusé par l’intermédiaire du site allemand Spielbox de plagiat par Leo Colovini (Carolus Magnus, Cartagena, entre autres).

Ce n’est pas la première fois que deux auteurs de jeux travaillent sans le savoir sur un système de règle quasi-identique. Cette fois, il semble qu’en plus, il ont proposé sur ce système, un thème similaire…

Dominique, en tant que collaborateur de Trictrac, a donc choisit de répondre ici à l’attaque qu’il juge injustifiée et blessante de Leo Colovini.

A titre d’information, je me souviens avoir rencontré Dominique au moment où Elfenland venait de recevoir le prix de l’Année en Allemagne. Il m’avait présenté un jeu aux règles quasi identiques à Elfenland. Ne connaissant pas ce jeu, je lui en avait expliqué les mécanismes et il a du remettre son projet dans ses cartons.

Pour ceux qui connaissent bien les jeux de sociétés, il est évident qu’il existe des mécanismes qui se retrouvent souvent. Rares sont les jeux aux règles révolutionnairement novatrices. Il s’agit plus souvent de systèmes déjà connus réadaptés ou proposés avec des variantes.

Je laisse à Dominique Ehrhard, le soin de s’expliquer lui-même sur ce malentendu.

Docteur Mops

Je viens de découvrir avec consternation et tristesse la lettre publiée par Léo Colovini sur le site Spielbox concernant mon jeu ODYSSEUS.

Les éditeurs avec leur goût du secret ne sont pas toujours très élégants, surtout avec les auteurs, j'imagine que Léo Colovini en a fait l'expérience tout comme moi.

C'est pourquoi cette insinuation de plagiat publiée sans me contacter afin que je puisse rétablir la vérité me blesse profondément. Surtout que ce qui pour Léo Colovini n'est peut être que l'expression d'un sentiment d'injustice
se transforme rapidement en ragots insupportables, il n'en est pour preuve que le petit post-scriptum tendancieux que Spielbox a cru bon d'ajouter à sa lettre.

J'ai édité assez de jeux, chez assez d'éditeurs, récompensés par de nombreux prix en France, Allemagne, Italie et USA et j'ai encore suffisamment de jeux dans mes cartons pour ne pas avoir besoin de copier des auteurs dont
j'ignorais jusqu'à présent l'existence.

Avant tout un simple rappel chronologique des faits s'impose.

Voilà plusieurs années que je teste différentes versions d'un jeu dont l'idée de base est celle d'un jeu de plateau sur lequel il n'y aurait qu'un seul pion que tous les joueurs pourrait manipuler. J'ai présenté ce jeu dans sa
version définitive à mon agent Michel LALET à l'automne 98. Celui-ci l'a présenté à plusieurs éditeurs à Nuremberg début 99 et leur a envoyé des maquettes du jeu entre février et mars 99. Ont ainsi reçu une copie de ce jeu
: KOSMOS, ALEA, SCHMIDT SPIELE, PIATNIK, HASBRO, et enfin JUMBO.

Léo Colovini reconnait lui-même avoir présenté le jeu ULYSSE à Essen en 99 c'est-à-dire plus de huit mois après. Je tiens à sa disposition les lettres de réception de ces éditeurs afin de clore toute contestation quand à l'antériorité de la présentation de mon jeu à JUMBO.

L'éditeur le plus intéressé à cette époque était PIATNIK chez qui j'avais déjà publié plusieurs jeux, mais son programme éditorial étant complet, il préférait attendre l'année suivante.

A Nuremberg 2000 JUMBO informe mon agent qu'ils ont décidé d'éditer ODYSSEUS.
Il est possible que le fait qu'un autre auteur ait présenté un jeu sur le même thème leur ait fait pressentir que ce thème pouvait intéresser le public.
A l'époque Léo Colovini ne leur a d'ailleurs pas fait part de la décision de WINNING MOVES d'éditer le jeu ULYSSES et ce n'est qu'à Essen que les deux éditeurs se sont rendus compte qu'ils présentaient chacun un jeu sur le même thème.

JUMBO m'a demandé de leur fournir les dates de réception des maquettes de mon jeu (mars 99) par les différents éditeurs cités ci-dessus afin d'éviter toute vaine polémique sur l'antériorité de ma version. Léo Colovini connait peut-être ces documents, Winning Move en tout cas les connaît.

Le fait de ne pas avoir averti Léo Colovini qu'ils avaient un jeu sur le même thème à l'étude chez eux n'est certainement pas très élégant (même si c'est une pratique habituelle chez tous les éditeurs, ce que Léo Colovini
bien plus ancien que moi dans ce milieu, sait parfaitement) mais ne change rien au déroulement chronologique de l'histoire : Jumbo n'avait pas de raison de ne pas sortir mon jeu simplement parce que Léo Colovini avait pris la
décision d'éditer Ulysses chez Winning Moves, sans d'ailleurs prévenir Jumbo!

Certains peuvent s'étonner que des jeux quasi identiques puissent être inventés par des auteurs qui ne se connaissent pas et ne se sont jamais vus.

Léo Colovini connait bien le processus de création (ayant travaillé avec Eurogames comme moi il connait peut être mon jeu DROIDS, sorti un an avant RoboRally sans que quiconque ne hurle à la concurrence déloyale) et sait très bien que des auteurs qui s'intéressent de près à l'actualité du jeu et à l'air du temps et commencent à réfléchir sérieusement à un thème au même moment en déduisent des mécanismes relativement proches ou à l'inverse que certains mécanismes appellent des supports thématique plus évidents que d'autres.

Il nous est tous arrivé au moment de présenter un jeu à un éditeur de découvrir que ce dernier avait un projet quasi identique en cours d'édition et d'être obligé de ranger le notre dans nos cartons. Personnellement cela m'est arrivé plusieurs fois sans que j'accuse quiconque de plagiat.

Il serait fastidieux pour moi d'énumérer tous les jeux que je n'ai pas édité pour cette raison mais c'est avec la rage au coeur que plus d'une fois j'ai constaté qu'en plus ces jeux concurrents recevaient le Prix du Jeu de l'Année, ce qui veut dire que mon idée était bonne, simplement qu'elle arrivait un peu trop tard.

Je ne me suis jamais déplacé ni à Essen, ni à Nuremberg, ni chez aucun éditeur, (ce qui devrait d'ailleurs écarter non seulement tout soupçon de plagiat mais même d'influence) non par manque d'intérêt, mais par manque de temps.
C'est mon agent qui se charge avec beaucoup d'efficacité de ces rencontres, et je crois que ma principale erreur dans cette petite polémique est précisément et ce, malgré une vingtaine de jeux édités chez des éditeurs aussi variés qu'EUROGAMES, NATHAN, HASBRO, SCHMIDT SPIELE, JUMBO,
RAVENSBURGER, PIATNIK ou FX SCHMID, de ne pas être un familier du petit milieu du jeu.

Mon tort est certainement de consacrer plus de temps à créer des jeux et à peindre dans mon atelier qu'à polémiquer dans les fanzines de jeu ou sur le Web.

Dominique EHRHARD
Orléans 17 Janvier 2001