Des sorcières bien aimées ou comment accoucher d'un Trump.

Les Sorcières de la Révolution.

Quel drôle de titre pour un jeu de société mais on a déjà vu pire...voire mieux.

Intrigant toutefois ce titre.

Du coup envie d'aller voir ce jeu de plus près...

La curiosité, comme disait Montaigne, est loin d'être un vilain défaut...loin s'en faut.

Des sorcières bien aimées ou comment accoucher d'un Trump.Attention, je vous préviens, chers curieux lecteurs avides de connaissances, le thème n'a aucun rapport avec la fameuse chasse aux sorcières instaurée par le trop célèbre sénateur américain Joseph McCarthy dans les années 50-54.

Dans notre jeu point de vilaines et rouges sorcières communistes avec un couteau entre les dents et une faucille dans la poche.

Le Mc Carthysme, sous la présidence Truman, consistait à chasser tous les gens affiliés, de près ou de très loin, au parti communiste des Etats-Unis.

Soyez rassurés, Mc Carthy sera définitivement écarté de la politique, avant de sombrer dans l'alcoolisme et de mourir en 1957 dans l'indifférence.

C'était le temps de la guerre froide.

Bon, passons et remontons le temps jusqu'au XVIIIème siècle pour nous réchauffer au (bon ?) vieux temps des révolutions.

1775 commence la guerre d'Indépendance en Amérique qui n'est pas encore l'Amérique et encore moins les USA.

La perfide Angleterre, endettée jusqu'aux dents par trop de guerres, décide de taxer les premières colonies d'Amérique.

Mais ces colons ne comptent pas se laisser gouverner par cette hautaine Angleterre située au fin fond du nord d'une Europe qui veut tout contrôler.

Une armée d'insurgés, sous le commandement de George Washington, va prendre de court l'Histoire, tordre le coup à l'Empire britannique.

Washington sera le premier président de cette nouvelle République.

Pour arriver aujourd'hui aux USA et à son dernier président, Trump le bien nommé, blond comme le blé du Kansas.

Des sorcières bien aimées ou comment accoucher d'un Trump.

Bref passons...

Mais où sont donc nos sorcières dans tout ça ?

Et bien figurez-vous, chers lecteurs assoiffés de culture, que nos sorcières auraient chevauché, galopé, courailler, pouloper auprès de George Washington en personne.

Volé sur leurs balais garantis pur Western Red Cedar en remuant le bout du nez.

Le père Washington s'est bien gardé de mentionner cette participation des sorcières dans sa correspondance (« The writings of George Washington » 1834-1837 en 12 volumes).

J'ai pris le temps de tout relire, rien que pour vous, chers lecteurs et bien aucune allusion à ce fait historique.

J'ai bien dit « aucune. »

Mais il faut savoir lire entre les lignes.

Et là juste incroyable.

Alors peut-être que j'interprète (je lis couramment l'américain du XVIIIème dans le texte mais je peux me tromper) mais il me semble que page 12 du volume 7 Georges parle de...

Chut je ne vais pas en dire plus aussi je vous laisse le plaisir de vérifier vous-même. Bonne lecture (pour les moins courageux allez directement au fameux volume 7).

Passons vite, je sens bien que je vais m'attirer les foudres des prêtes historiens qui comme vous le savez sont plutôt psycho-rigides.

Je n'ai aucune envie de subir un procès en sorcellerie croyez-moi sur parole, ça doit bien faire mal.

Un p'tit côté Mystères de l'Ouest joliment teintés de Sorcière Bien Aimée.

C'est du moins une version de l'Histoire de l'Amérique que ce jeu ose nous proposer.

C'est un jeu de Craig Stockwell sorti cette année chez Atlas Games.

Donc pas de VF à ce jour si tôt.

A priori, j'ai bien dit à priori, ce jeu serait un mélange de Légendary, Pandémie, Splendor et Run Age.

Ca fait beaucoup de mélange ça, non ?

Un deckbuilding coopératif pour dire simple.

Chers joueurs, avides de nouvelles découvertes ludiques, regardons ensemble, la boîte de plus près.

Sur un fond d'un beau bleu nuit, des sorcières haranguent une rangée de soldats anglais bien rangés.

Au premier plan, une belle sorcière, aux apparences très humaines, lève les poings.

Beaucoup plus motivante qu'un Mélenchon soit dit en passant.

Suis prêt à la suivre...elle.

Ceci dit connais pas son programme.

Bon chacun ses goûts.

Au loin le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle...

Dedans la boîte.

Un rangement impeccable.

Tout est prévu. Une place pour chaque chose et les tokens et autres cartes seront bien gardés.

Le livret de règles.

C'est un jeu pour 1 à 4 joueurs.

La règle solo ne change rien de rien mis à part une main de départ de 6 au lieu de 5.

Les règles ne sont vraiment pas difficiles à comprendre.

Le livret de 6 pages seulement est clair, aéré et bien illustré.

Le matériel.

198 cartes (dont 4X15 cartes pour le deck de départ), 42 tokens et un plateau de jeu.

Les cartes.

Petites pour les Evenements et taille SDA JCE pour les cartes joueurs.

Des sorcières bien aimées ou comment accoucher d'un Trump.

Le plateau.

Magnifique. Toutes les règles (ou presque) sont notées dessus.

Le thème

Il est traité avec humour. Et heureusement.

Le texte en anglais (euh, non, en américain) sur les cartes est aisé à comprendre.

On retrouve les sempiternels termes ludiques : draw, add, recruit, take, discard, etc.

Les cartes font allusion à des célèbres batailles.

Comme « Bunker Hill », une des plus sanglantes où le Général Putman aurait exhorté à ses troupes : « Ne tirez pas avant de voir le blanc de leurs yeux. »

Ou encore la bataille navale sur le lac Ontario, « HMS Ontario ».

Des acteurs de cette Histoire, comme le Général Benjamin Lincoln, Paul Revere ou Henry Knox jouent avec nous.

Une carte Objectif nous demande même de ressusciter Benjamin Franklin.

Aucune mention à notre cher Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, dit « La Fayette ».

Peut-être dans une extension à venir chez...Pixie Games (coucouLapinesco).

Nos sorcières patriotes (parfois accompagnées d'indiens du cru) vont utiliser leurs charmes, des potions, des sorts et des pièges.

Question thématique, j'avoue, j'ai un peu honte, mais durant mes parties je n'ai pas trop pensé à tout ça.

L'installation.

Rapide grâce au rangement dans la boîte.

On installe le plateau avec ses tokens sur les 2 pistes (Lune et Liberté).

On distribue à chaque joueur son deck de 15 cartes et chaque joueur pioche 5 cartes (6 cartes en solo).

On prépare le deck de recrutement (contenant un certain nombre de cartes « bénédiction »).

On pioche 4 objectifs.

On prépare le deck Evénements.

On place le tout sur le plateau de jeu et c'est parti pour un tour.

Principes du jeu.

Rappel: on joue une bande de sorcières, toutes griffes dehors, qui lutte contre la tyrannie du roi anglais George III.

Le joueur doit améliorer son deck (nommé « coven » c'est à dire rassemblement de sorcières). En recrutant des alliés et des reliques.


Pour gagner il faut valider les 4 objectifs piochés au hasard début de partie.

Lutter contre le deck événements avec ses cartes qui glissent sur une sorte de piste du temps à la Légendary.

Chaque événement résolu nous donne des tokens pour atteindre les objectifs.

Fin de partie on peut compter son score sur la piste de la Liberté (« Liberty track »)...si on gagne.

A noter que l'on peut aisément moduler le niveau de difficulté du jeu (4 niveaux possibles).

Pour perdre il faut :

mal jouer

avoir un penchant éhonté pour les anglais

ne pas savoir remuer son bout du nez (essayez voir)

avoir le vertige du haut de son balai

si notre token de la piste de la Liberté atteint le niveau le plus bas

si une carte Evénement atteint la case fatidique selon le nombre de joueurs sur la piste des Evénements

si quand la dernière deck Evénements est ajoutée sur la piste Evénements le joueur n'a pas gagné avant la fin du tour

Le tour de jeu.

C'est très clair, tout est marqué sur le haut du plateau.

1/ Ajouter une carte recrutement

2/ Ajouter une carte Evénement

3/ Recruter et/ou Agir contre un événement

4/ Défausser sa main (facultatif)

5/ Piocher des cartes (facultatif)

Voilà. C'est simple.

Trop peut-être pour certains joueurs purs et durs aguerris aux deckbuilding sophistiqués.

Quelques précisions.

La piste de Liberté.

Notre token (j'ai bien dit « notre » car je rappelle qu'il s'agit d'un jeu coopératif) va descendre ou monter sur cette piste.

Descendre d'un cran si on ne sait pas lutter contre une carte Evénement Liberté.

Monter de 2 crans si on se sort du pétrin d'une carte Evénement Liberté.

La piste de la Lune (ben ouaip les sorcières sont des noctambules infatigables).

Chaque fois qu'un joueur mélange ses cartes pour former un nouveau deck, le token de la piste Lune va grimper et rendre le coût de recrutement plus élevé.

Original, non ?

Autre point important :

Les cartes qui servent à acheter des alliés sont perdues...à jamais.

La carte achetée va directement sur le dessus de notre deck donc elle sera disponible prochaine pioche du deck.

Ressenti première partie 2 joueurs d'une durée d'1 heure.

Niveau normal (ni trop facile, ni trop difficile).

La coopération consiste à assister son camarade de jeu pour recruter ou lutter contre un événement en jouant des cartes ou en se défaussant de tokens chèrement gagnés.

Certaines cartes joueurs sont plus ou moins puissantes pour aider.

A noter que quelques méchantes cartes Evénement peuvent réduire ce potentiel.

Des Evénements sont « one shot » ou « quand révélé » ou à effet permanent. Rien d'original mais fallait le préciser.

La partie est amusante et les tours de jeu sont fluides comme la circulation d'une autoroute de la vallée du Rhône, hors saison touristique.

Nous réfléchissons ensemble, à haute voix.

La partie débute assez tranquillement.

Puis la piste des événements commence à être encombrée (comme une autoroute de la vallée...en plein mois d'août).

Va falloir rapidement nettoyer toutes ces cartes.

Certaines sont vraiment « invalidantes » : réduction de notre main de cartes, avancement sur la piste Lune, etc.

Cette piste Lune est assez « pénible » car elle augmente le prix à payer pour combattre les cartes Evénements.

D'ailleurs vers la fin de partie le pion Lune sera sur +3.

Notre deck Recrutement se vide. Plus aucune carte ne viendra alimenter le marché (on ne renouvelle pas ce deck).

Nous validons 3 objectifs sur 4.

Reste plus qu'un seul token à gagner sur le dernier objectif.

Mais...oups, partie perdue car le seuil fatidique de la piste Tyrannie est atteint. Sûrement un manque d'attention.

Bien amusant donc. Léger. Assez prenant avec une tension qui monte au fil de la partie.

Avec un côté collection de ressources pour valider des objectifs (ça c'est pour le côté Splendor), un côté piste mouvante (ça c'est pour le côté Légendary) et un côté deckbuilding (ça c'est pour le côté deckbuilding).

Ressenti première partie solo en mode normal d'une durée de 45 mn.

Main de départ de 6 cartes.

Là on se débrouille tout seul comme un grand.

Les effets coopératifs de certaines cartes sont inutilisables.

Ben ça se joue très bien en solo.

Le jeu devient plus ardu.

Je finis les derniers tours à +4 sur la piste Lune et là ça tourne au cauchemar pour lutter contre les Evénements.

Par exemple un Evénement qui demande 4 symboles sur la carte monte à 8 symboles.

Je me fais submerger sur la piste des Evénements et je perds.

Un jeu difficile en solo c'est toujours bon signe.

Alors est-ce un mauvais jeu ? Un bon jeu ? Un très bon jeu ? Un excellent jeu ? Un jeu exceptionnel ? (remarquez l'échelle discrète de 5 savamment dosée)

On fait quoi quand on joue ?

On essaie d'avoir l'oeil un peu partout sur le plateau.

On choisit l'événement dont on doit se débarrasser en priorité ?

On vérifie l'état des pistes Liberté et Lune.

On tente de gérer sa main au mieux : quand se défausser, refaire son deck, etc.

On anticipe son prochain recrutement.

On se partage les tâches à plusieurs.

Pas trop stratégique, plutôt tactique.

Une petite prise de tête mais qui ne fait pas mal.

Certes les combos entre les cartes ne sont pas transcendantes.

Allez, chers joueurs impatients de sentences bien mesurées, je vais dire que ce jeu est un très bon jeu.

Je ne m'inquiète pas trop de la « rejouabilité ». Il y a de quoi faire entre les nombreux niveaux de jeu, le hasard de la pioche des objectifs (4 sur 16 à chaque partie), un deck d'Evénements variables (possibilité de durcir le jeu en rajoutant plus ou moins de cartes difficiles), etc.

Il a l'avantage de pouvoir être abordé par un public de joueurs non avertis au deckbuilding et l'inconvénient de se voir boudé par les aficionados du deckbuilding de haute voltige.

« Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,
A cet esprit comblé d'angoisse
Et pareil au mourant qu'écrasent les blessés,
Que le sabot du cheval froisse,
Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais... »

Charles Baudelaire, qui en connaissait long sur les sorcières.

Un jeu qui a son charme...saura t-il vous séduire?

A vous de le découvrir, à vous de jouer.

(Petite minute livresque en passant pour vous conseiller, voire vous obliger à lire les romans des Editions Gallmeister pour les amoureux de l'Amérique d'hier et d'aujourd'hui.)







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Tout ce que j’aime.Culture et ludisme joliment mis en page.J’ai pris beaucoup de plaisir à te lire.

Merci darkgregius ! J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire et à jouer ce jeu. J’espère que les lecteurs prendront du plaisir à me lire et à jouer à ce jeu.
Pour voir le jeu joué en direct allez voir ici où le célèbre et inimitable rahdo en dit le plus grand bien : https://boardgamegeek.com/video/151488/witches-revolution/rahdo-runs-through-witches-revolution

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Un article au top.
CE jeu me tentait fortement, cet article a définitivement fini de me convaincre.
Ce jeu sera mien même s’il faut que je vaudoute (su verbe Vaudouter) mon banquier.

Merci Cripure pour ton super article!!! :slight_smile:

Aussi bizarre que cela puisse paraître le jeu ne m intéresse pas mais j ai pris beaucoup plaisir à lire ta prose.
Ça me rappelle un peu quelques connaissances que j’adore écouter parler de leur passion (avec éloquence et passion justement) même si je me fous de ces dernières.

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Bravo Cripure, vive la belle prose !!