Cooper Island, de la piste de score interactive

Le plan semblait pourtant simple : accoster sur notre péninsule, déployer nos ouvriers pour en développer les terrains qui produiraient alors pour nous de pleins tonneaux de marchandises, que nous exploiterions de diverses façons afin d’envoyer nos deux navires explorer le pourtour de l’île.

D'abord, une prairie, et bientôt, le monde !

Notre péninsule tout d’abord, parlons-en : au départ espace brumeux parsemé de ruines antiques, et entouré d’îlots, la moitié des actions disponibles pour nos ouvriers servent à piocher et/ou y placer des doubles tuiles de terrain. Les 4 types de terrains disponibles produiront des types de marchandises spécifiques (du bois dans la forêt, de la nourriture dans les prairies, du tissu dans les colonies et de la pierre ou de l’or sur les montagnes). Dès qu’un terrain est ajouté sur la péninsule, il arrive avec son cube de production… Qui vaut plus ou moins cher en fonction de la hauteur dudit terrain. Car oui, nous explorons également notre péninsule en hauteur ! Chaque double tuile de terrain peut être posée par dessus des terrains identiques déjà présents : cela produira des marchandises d’une valeur égale à la hauteur des tuiles. Et si jamais vous avez mal prévu votre coup, pas de panique : l’action du cartographe vous permet de niveler l’un des deux terrains en ajoutant un hexagone simple par dessus afin de le mettre au même niveau que l’autre.

Et la p'tite tuile qui monte qui monte qui monte ! Ici, la ressource bois vaut par exemple 3, car elle est à une hauteur de...3.

Des tas de vieux cailloux sacrés gisent sur ladite péninsule, bloquant le développement de terrains de production à ces endroits. Ces ruines sont en réalité la matière brute de notre première source de points de navigation (qui constitueront en fin de partie la base de nos points de victoire). L’une des actions disponibles au centre de l’île nous permet de collecter ces ruines (libérant ainsi le terrain, sous réserve d’avoir la place de les stocker sur notre plateau personnel) ou bien d’utiliser les ruines déjà stockées pour construire une statue (certainement à notre effigie) sur les sommets de notre péninsule. La précision a son importance : la statue devra nécessairement être placée sur l’un des emplacements libres parmi les plus hauts, bloquant ainsi définitivement l’ajout de nouvelles tuiles terrain à cet endroit. Vous commencez à voir pourquoi ça chauffe ?

Bateaux et revenus à gauche, stockage en haut, puis des bâtiments avec leurs coûts, l'échelle de points de cartographie, le marché en bas et le déroulé du tour à droite. Simple, non ?

Cette règle de construction ne s’applique d’ailleurs pas qu’aux statues : les petits et grands bâtiments, ainsi que la forteresse, devront être construits en hauteur de la même façon. Vous l’aurez deviné : il s’agit là de notre deuxième source de points de navigation. Cela dit, l’argument de vente principal des bâtiments est leur pouvoir : lors de la construction, on piochera 4 cartes bâtiments de la taille associée (petite ou grande), puis on en choisira un pour son pouvoir (permanent et léger pour les petits bâtiments, épuisable et puissant pour les grands). La forteresse, quant à elle, permettra de réhabiliter les pouvoirs des grands bâtiments sans se délester d’un sou (et encore moins de 2, comme c’est le cas avant de l’avoir construite), ainsi que ceux des couvercles de caisses.

Les petits bâtiments à gauche fournissent leur action de façon permanente, les grands à droite sont épuisés lorsqu'utilisés, puis possiblement remis à disposition lors de la phase d'entretien, moyennant finance.

Attendez, des couvercles de quoi ? Eh oui, sur Cooper Island, il est possible d’expédier des marchandises, notre troisième source de points de navigation. Il existe 5 navires marchands, et donc 5 contrats différents. Le maître du port inspecte les bateaux l’un après l’autre, réduisant le coût du contrat sur lequel il se trouve d’une marchandise, et déclenchant la fin de partie à la fin de l’inspection du 5e et dernier bateau (et donc du 5e et dernier tour). Chaque contrat rapporte bien évidemment des points de navigation, mais également des couvercles de caisse, donc, qui serviront à obtenir des bonus instantanés divers et variés (ressources, pièces, points de cartographie...), qui arriveront sur votre marché.

Le maître du port de commerce inspecte un par un les bateaux avec lesquels vous pouvez faire affaire. L'export de marchandises de luxe vous apportera des points de navigation et des couvercles de caisse.

Qui. Arriveront. Sur. Votre marché. Pas la réserve ! Attention, malheureux-se ! Il s’agit là de deux entités bien distinctes. Vous ne pourrez rien payer avec ce qui se trouve dans votre marché. Il faudra d’abord transférer vers votre réserve, qui est une action instantanée (qui ne nécessite pas d’ouvrier). Réserve qui a une place limitée. Et bien sûr, une fois qu’une marchandise ou qu’une pièce est stockée dans la réserve, pas si simple de s'en débarrasser. Il faut la dépenser pour libérer un espace. Clac, et encore tout ça de matière grise, grillée.

Prenons un instant pour digérer tout cela et admirer la vue bucolique de l'ensemble de notre table. Notons le pion premier joueur de Cooper, le chien éponyme de l'auteur Ole.

En parlant de grill, il serait temps de nourrir tout ce petit monde ! (Et on dit que l’art de la transition est mort…). Le coût en nourriture de nos ouvriers dépend de combien d’ouvriers nous avons à notre disposition : nous commençons avec deux ouvriers « classiques » (ronds) disponibles et deux autres en réserve, ainsi qu’avec deux ouvriers « spéciaux » (carrés) en réserve. Le coût de base en nourriture est de 2/tour, et augmentera avec l’arrivée de nouveaux ouvriers.

Pour obtenir de nouveaux ouvriers, il nous faut atteindre des niveaux de développement dans certains domaines : par exemple, l’obtention de deux statues ou deux bateaux de revenus (on y reviendra) nous donne la possibilité (que l'on peut garder pour plus tard ! ) de faire sortir un nouvel ouvrier de son nid. S’il s’agit d’un ouvrier classique, il vient s’ajouter à nos troupes (on a donc 3 actions par tour au lieu de 2). S’il s’agit d’un ouvrier spécial, il vient remplacer un ouvrier classique, donnant accès aux cases carrées du centre du plateau. Ces cases carrées donnent accès à la même action que leurs voisines rondes, mais accompagnée d’un bonus non négligeable (remplaçant un OU par un ET, par exemple…).

8 actions, et si peu d'ouvriers... Les espaces carrés (et l'espace rond A) apportent des bonus, en plus de l'action classique.

D’autre part, une fois notre ouvrier classique mis à la retraite, on l’enverra travailler pour l’une des missions du Roi (non-occupées par un camarade). Oui, parce qu’en plus de tout ça, le Roi nous demande des trucs, qui changent d’une partie à l’autre. «Alors, cette fois-ci, j’ai décidé que j’aimais bien les bâtiments et les couvercles de caisses, donc vous autres là, sur vos péninsules de Cooper Island, vous allez en collecter un MAX ! » Eh bien c’est parfait votre Majesté, allons-y, collectons. Mais ça a intérêt à payer du GROS POINT QUI TACHE, c’est moi qui vous le dit !

Il a de ces lubies, le Roi, quand même... On a bien fait de se barrer du continent tiens.

Alors comment obtenir des bateaux de revenus ? Je vous le donne en mille, c’est une action ! Et une action qui coûtera de plus en plus cher avec le nombre de bateaux déjà au port (c’est à dire avec l’ampleur des revenus déjà existants). Les bateaux de revenus vous permettront de gagner des ressources, des pièces, des points de cartographe, des doubles tuiles de paysage… en début de tour. D’autre part, ils vous permettront de marquer un nombre de points de navigation incrémental, ce qui en fait notre quatrième et dernière source de points de navigation. Allez, parlons de cet éléphant dans la pièce : comment ça marche, cette histoire de bateaux qui tournent en marquant des points ?

A la conquête de Cooper Island ! Le bateau, en passant au-dessus de l'îlot, vient de rapporter une piécette à son propriétaire. La prochaine fois qu'il avancera, il atteindra une baie, et lui rapportera donc un journal de bord.

L’originalité du jeu tient pour moi dans cette piste de score interactive, et son intérêt dans le fait qu’elle est double : l’un de nos bateaux explorateurs tourne dans le sens des aiguilles d’une montre et l’autre dans le sens inverse. Lorsque l’on marque des points, on choisit quel bateau avance (un « lot » de points gagnés ensemble ne peut être réparti entre les deux bateaux), ce qui déclenchera des bonus ou des coûts. Tout d’abord, lorsque l’on croise une baie (l’espace au contact de l’île entre deux péninsules) ou bien un port (adverse ou le sien), on gagne un jeton journal de bord qui nous apporte immédiatement le bonus inscrit au dos. Ces gains éloignés de 5 cases chacun et donc… de 5 points. Cela nous aidera grandement pour le comptage de points en fin de partie. Ensuite, qui dit passage de port dit paiement de taxe portuaire (à l’autre, ou à la banque si on traverse son propre port). Enfin, dès que l’on passera au dessus d’un îlot (que l’on place lors de notre phase de revenus), on touchera son bénéfice. Notons que si je ne veux/peux pas payer ma taxe portuaire, je prends un jeton ancre que je place sous celui de mes deux bateaux qui en a le moins (mes deux bateaux ont un nombre d’ancres équilibré). Les ancres constituent un astucieux système de points négatifs : on les acquiert en manquant à ses devoirs de payeur/nourrisseur, elles immobilisent le bateau sous lequel elles sont, et on peut se débarrasser d’une ancre au prix d’un point de navigation.

Et voilà, nous avons fait le tour (de l’île!).

Respirons, résumons :

  • Pendant ma phase de revenus, je place un îlot et éventuellement une double tuile terrain si j’en ai en réserve, puis je gagne les revenus de mes bateaux supplémentaires.
  • Pendant ma phase action je place tour à tour mes ouvriers (minimum 2, maximum 4) sur des emplacements libres (ou occupés par un-e adversaire, auquel cas je paie une taxe) afin d’effectuer des actions me permettant de gagner des ressources ou de marquer des points de navigation.
  • Mes points de navigation me permettent de faire avancer mes bateaux autour de l’île en marquant les bonus et en payant les taxes qu’ils croisent. Ces points seront la base de mes points de victoire en fin de partie.
  • Pendant ma phase d'entretien je nourris mes ouvriers, je marque des points pour mes statues, je rends mes grands bâtiments et mes couvercles de caisse disponibles (moyennant finance bien sûr)... Enfin bref, j'entretiens !
  • La partie s’arrête à la fin du 5e tour. On ajoute alors à nos points de navigation les points gagnés pour les missions du Roi, ceux octroyés par certains grands bâtiments, des miettes de points pour les éléments qui nous restent, et les points négatifs des ancres restantes sous les bateaux.

Il s’agit clairement d’un jeu de type « Oh, j’aurais dû faire ça au tour d’avant », avec du gros nœud de cerveau, voir un peu d’analysis paralysis. Sur la base d’un placement d’ouvrier avec gestion de ressources somme toute assez classique, on ajoute un saupoudrage de placement de tuiles de terrain sur plusieurs niveaux définissant la valeur de la marchandise qu’ils portent (l’action de production étant en fait incluse dans l’action de placement, puisque les tuiles arrivent ornées de leurs petits kubenbois. Ca semble anodin, mais ça froisse un poil le cortex). La maîtrise de l'action du cartographe, servant à niveler mais également à poser des hexagones seuls avec leur ressource (en payant plus cher), semble vitale pour avancer rapidement. Et puis surtout, l’interactivité du compte-tours (légère) et de la piste de score (lourde) donnent à ce jeu son goût de reviens-y.

Pour conclure, j’attends avec impatience la partie suivante, car finir avec des scores de 14 à 11 (c’est à dire ayant à peine dépassé les baies de mi-parcours jusqu’au port de l’autre), on se dit quand même qu’on a raté une marche à un moment, et que c’est sûr, cette fois, on a compris. Ouaip. Aucun doute, la prochaine fois, ça va avancer comme sur des roulettes.

N'hésitez pas à partager votre point de vue sur Cooper Island si vous avez eu l'occasion d'y jouer depuis votre péninsule !

So long, marins d’eau douce !

Erratum : les plus observateurs et observatrices d'entre vous auront noté une légère asymétrie entre la mise en place rouge et la noire dans les photos de démonstration... C'est la version noire qui est conseillée pour une partie débutant, avec une tuile de départ prairie. Pour une partie avancée, on commence avec n'importe quelle tuile et sa ressource associée, mais chaque joueur a la même. Mea culpa !

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bravo Mathilde pour ce 1er article sur Tric Trac si je ne me trompe pas! et merci de nous faire découvrir ce jeu, visiblement c’est du lourd! on ne va pas y couper!:wink:

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C’est bien alléchant tout ça ! Et ces scores si bas aussi , ça promet de belles réflexion pour gagner…tadammmm…un point :blush:

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merci pour cet article à lire de nos yeux a tête reposée au boulot (pendant la pause)

vive l’ecrit !!

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Il sort quand en VF svp?

Bonjour, il n’y a pas de date prévue pour le moment, mais nous gardons les yeux ouverts et transmettrons l’info si l’on entend parler d’une localisation !

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Une des meilleures sorties d’Essen pour ma part, d’autant que le mode solo est assez intéressant.
Prévoyez tout de même une petite aspirine car il faut anticiper toutes ses actions pour atteindre un score acceptable.
Et c’est seulement après une ou deux parties qu’on peut éventuellement envisager de transformer l’acceptable en raisonnable…

Mon jeu le plus joué d’Essen, tout est tellement bien calibré, rien qui dépasse, le sentiment d’un jeu très original avec cette fameuse piste de score. J’avais proposé un contrat pour l’éditer mais l’auteur a décidé de rester en Allemagne… Je sais maintenant pourquoi je voulais le faire (énormément de travail a été fait depuis le proto joué). On peut juste regretter la manière de récupérer des nouveaux ouvriers : il faut faire une des 4 actions majeures 2X, c’est un peu trop guidé. Mais ce n’est qu’un petit soucis…

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Super article qui donne envie.

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Bon je suis un vieux de la veille (inscrit depuis 2003) ne s’y retrouvant plus trop depuis les changements de look du site et des vidéos dans tous les sens. Je reviens par curiosité… clic par hasard sur cet article. Et BIM ! J’adore la qualité de l’article! Le déroulé, l’humour, le résumé, le ressenti, le choix des photos… tout! Bref TOP! Madame Mathilde, sachez que vous venez de gagner un lecteur dévoué. Hâte de vous relire!!! :slight_smile:

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J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet article, qui m’a rappelé de douloureux souvenirs de mal de crâne et de bateaux qui n’avancent pas assez loin.

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Merci Finkel, ça fait fort plaisir de lire ce genre de retour :slight_smile: On se retrouve en janvier alors !

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