10' to kill - Carnet d'auteur, chapitre 1

[10’ to kill]

10' to kill - Carnet d'auteur, chapitre 1

Alors que la campagne Kickstarter de 10’ to kill a déjà bien démarré, puisque le jeu est financé à 270% en un peu plus d’une semaine et que 7 stretch goals sont déjà débloqués, je me propose de faire un retour en plusieurs parties sur le processus qui mène un joueur lambda, comme moi, à créer un jeu. Je vais tenter d’expliquer comment l’on arrive à un jeu tendu, amusant et qui plait, en partant d’une idée plus ou moins foireuse. D’autres l’ont dit avant moi, et surement mieux que je ne pourrais le faire, mais il est essentiel pour tout créateur qui veut se lancer de savoir que la création n’est pas une synécure. On a pas une inspiration divine qui arrive un matin (en se rasant ou pas d’ailleurs) et qui permet de pondre le jeu du siècle. La création d’un jeu, c’est du travail long et fastidieux, fait d’aller-retours, de tests, de déceptions et de remises en question. Si vous ne souhaitez pas qu’on critique votre jeu, si vous ne souhaitez pas remettre votre ouvrage maintes et maintes fois sur le métier, alors ne créez pas de jeux, c’est le meilleur conseil que je peux vous donner au regard de ma maigre (très maigre) expérience.

Default

Chapitre 1 : De les foirages du début.

Je me demande parfois comment j’en suis venu à créer des jeux de société. Pourquoi, un jour, me suis-je dis que je pourrais créer quelque chose qui aurait le moindre intérêt au regard de la profusion de titres existants ou à venir. Dans ce millier de sorties annuelles, qu’avais-je à apporter ? La réponse est tristement évidente : rien. Je n’avais rien à apporter d’autre que ma passion ; je n’avais pas de compétences particulières, ni de supers idées. J’avais uniquement pour moi la naïve confiance de me laisser porter par mes lubies.

En effet, lors de mes débuts, je n’avais aucune idée du travail que cela demandait de créer un jeu. Je me disais qu’imaginer une mécanique et la mettre en application me prendrait le temps de mettre quelques idées à plat sur un papier. Un peu comme un écrivain débutant qui ayant une trame dans sa tête pense qu’il a déjà écrit le prochain Goncourt. Mais je suis persuadé que c’est cette absolue crédulité quant à ma capacité à faire quelque chose qui m’a amené là où je suis aujourd’hui (et je vous rassure ce n’est pas bien loin non plus). Sans elle, et si j’avais été un peu plus conscient du temps qu’il me faudrait investir dans tout ça, je n’aurais sans doute jamais franchi le pas. Je serai resté à quai ratant le bateau, ou le train, à vous de voir si vous préféré le Havre ou Ticket to ride, de la création.

Je remercie donc l’innocent rêveur en moi qui s’est lancé dans une aventure sans en maîtriser les tenants et les aboutissants ; ce grand gamin qui malgré les réprimandes de sa femme a passé ses soirées et ses weekends à gribouiller dans un petit carnet des mécaniques de jeux, des idées, des schémas et qui a abattu des forêt de papier (recyclé ça va sans dire) en coupant et redécoupant des cartes et des plateaux pour un jour aboutir à quelques idées qui en valaient la peine. Ne vous y trompez pas, ce ne fut pas de tout repos, et il y a eu quelques déceptions.

Une petite image du proto d’Invazions vers le jeu final

Quand je me suis lancé, j’ai commencé par créer mon type de jeux ; à savoir des jeux de cartes. Invazions ma première création en est un parfait exemple. Thématique core-gamer, jeux de cartes, affrontement, on sent à la fois mes influences de Magic et des deckbuildings. Par la suite, j’ai créé d’autres protos de jeux de cartes, et je continu à en créer. La plupart de ces jeux ne sortiront jamais de mon cercle d’amis ou de mes cartons (voir de mon imagination pour les moins aboutis) car ils ne présentent pas selon moi (ou selon les éditeurs), assez de nouveauté/intérêt/innovation. Je ne prétends pas réinventer le jeu, créer une mécanique novatrice, je revendique mes inspirations et mes influences, mais je n’aimerai pas être une copie de quelque chose.

Etre édité n’est pas une fin en soit, j’espère avoir l’ambition plus importante de faire réfléchir ou d’amuser les joueurs qui joueront à mes jeux.

Quand je pense un jeu, je pense toujours au départ à des cartes. J’imagine que d’autres pensent à des cubes et des ouvriers en premier lieu. Moi c’est des cartes. Ensuite, j’essaye de tordre cette idée pour trouver une mécanique qui me semble intéressante à exploiter. A force de tenter de sortir de ce prisme des cartes, un jour, je suis sorti de ma zone de confort pour créer des types de jeux qui n’étaient pas ceux dans lequel je me sentais naturellement à l’aise. Et c’est comme ça qu’est née “Fuite”, un petit proto de chasse à l’homme à rôles cachés.

Fuite était inspiré d’un jeu vidéo indépendant sur Xbox360 nommé Hidden in plain sight. Pour ceux qui ne connaissent pas, Hidden in plain sight est un jeu avec plusieurs modes. Dans un de ces modes, une partie des joueurs incarnent des snipers qui doivent trouver et éliminer les autres joueurs qui sont des « assassins » noyés dans une foule d’IA. Ces assassins, doivent éliminer un maximum d’autres PNJ ou récolter un maximum de pièces avant d’être découvert. Tout le sel du jeu est que les snipers n’ont que le bruit lorsqu’il y a un mort ou une pièce ramassée et ils ne voient tomber la victime ou la pièce disparaitre que lorsqu’ils passent dessus avec leur cible et qu’ils éclairent donc la zone. C’est très fun.

Default

Un visuel du jeu Hidden in plain sight

Alors comment reproduire cette idée dans un jeu de société ? A votre avis ? Pas d’idée ?

J’ai mis des cartes ! Ce n’est pas comme si je ne vous avais pas prévenu ! J’ai donc créé un jeu où chaque personnage pouvait être identifié grâce à 3 éléments : son sexe, sa couleur de cheveux et sa couleur de vêtement. Un joueur incarnait un de ces personnages secrètement et il devait le déplacer d’un bout à l’autre de la carte sans se faire repérer par les autres (incarnant eux les policiers) qui avaient le droit à 3 « contrôles » collectivement. En combinant les 3 éléments (cheveux, sexe et couleur) on pouvait « décrire » n’importe quel personnage. En gros, il n’y avait qu’un seul blond, homme avec des habits bleus. Grâce aux cartes de chaque type glissées dans une pochette secrètement mélangée ensuite avec celles des autres, on pouvait définir quel perso on bougeait sans montrer qui avait fait bouger quoi. Ainsi, il y avait un peu de guessing puisque les joueurs alliés n’avaient pas le droit de se dire ce qu’ils avaient eux-mêmes mis dans les pochettes.

Default

Un exemple qui vous montre un peu comment ça se passait

Je passe sur les mécaniques et les subtilités car c’était très long, très fastidieux et pas du tout intuitif. C’est le cas de pas mal des protos au départ en général. Je rassure les auteurs en herbe, le premier jet d’un jeu (hormis quelques cas), est rarement une bonne idée, c’est le travail qui fait la bonne idée qu’on ne s’y trompe pas. Bref, le jeu était nul. J’ai donc décidé de le laisser de côté et de me consacrer à mon second proto du moment « Caverne ».

Le chemin était encore long pour arriver à ce que serait 10’ to kill. Le sentier que l’on arpente lorsque l’on tente d’assembler des boûts d’idées, de concepts, pour en faire des jeux est parfois étrange. Il n’en reste pas moins que sans Hidden in plain sight et sans ce proto “fuite”, je ne serai sans doute jamais arrivé à créer 10’ to kill. Je rajoute que je n’y serai jamais arrivé non plus sans les avis, parfois durs, mais très constructifs de mes testeurs occasionnels de ma soirée proto du mardi. Vous pouvez d’ailleurs venir nous y rejoindre en suivant le fil sur le forum de Tric Trac. Dans le chapitre 2, j’en profiterai pour vous raconter comment en croisant des protos qui individuellement étaient assez moyens, j’en suis arrivé à une base qui allait donner naissance à 10’ to kill.

La filiation entre les protos, les idées et les jeux finaux est souvent alambiquée, elle n’en est pas pour autant moins réelle. C’est parce qu’on a échoué plusieurs fois qu’on finit par réussir.


Si en attendant la suite, vous voulez plus de détails sur 10’ to kill tel qu’il est maintenant, vous pouvez regrader les Tric Trac TV :

Ou lire les différentes reviews existantes sur le jeu :

Ou regarder les Tric Trac TV ici et ici et là et là pour les bilingues.

Enfin, vous pouvez suivre la campagne Kickstarter du jeu à cette adresse :

https://www.kickstarter.com/projects/laboitedejeu/10-minutes-to-kill

Default


10 minutes to kill
Un jeu de Benoit Bannier
Illustré par Pauline Détraz
Publié par La Boite De Jeu
2 à 4 joueurs
10 à 99 ans
Langue des règles: Française, Anglaise
Durée: 10 minutes
Prix: 20,00 €


2 « J'aime »

J'aime beaucoup la carte d'Invazions en mode proto, celle tout à gauche, vraiment classe!