On pourrait croire que le Geek n’est obsédé que par une seule chose, sa coupure de la réalité. Avec son univers techno, ses cosplays, ses séries télé, ses activités enfantines déclenchant le sourire des vrais adultes, rien de bien sérieux. On pourrait croire que le joueur de jeu de société ne pense qu’à une chose, jouer. C’est oublier que nous sommes avant tout des citoyens, et qu’en tant que tel, nous sommes partie prenante dans société humaine, la politique, le monde qui nous entoure. Et ce qui se passe en Indiana nous le rappelle.
Indiana.
L’Indiana est un état du Midwest des États-Unis que nous connaissons bien. Oui. Parce que sa capitale est Indianapolis. Et Indianapolis, c’est la Gen Con. La plus grosse convention ludique des USA, et sans doute du monde. Un événement né en 1968 par la volonté d’une bande de joueurs avec à leur tête Gary Gygax, l’un des pères fondateurs du Jeu de Rôle.
Adrian Swartout, la boss, la CIO comme disent les Américains, de la Gen Con vient d’interférer dans la politique de l’état en se fendant d’une lettre à l’honorable Mike Pence, gouverneur. Une lettre qui tape fort.
Le joueur est aussi un citoyen vivant dans un vrai monde bien réel.
SB 101.
Mike Pence est le « promoteur » d’une loi, un amendement, le SB 101 dit « Liberté de Religion ». Sous le couvert de ce joli nom, liberté, se cache un effet pervers. Si le principe de base paraît évident, ouvert, permettre aux gens d’avoir le droit d’avoir la religion qu’ils veulent, les effets de bordure sont beaucoup plus vicieux quand on analyse les intentions. L’idée globale est que cette liberté concerne surtout et avant tout les sentiments de celui qui pratique. En gros, vous auriez le droit de dire à quelqu’un que son comportement choque vos convictions. Là, encore, cela pourrait passer. Attendez. Écoutez la suite. Si on entre plus en détail, l’idée est de permettre aux entreprises, et par la même à tout ceux qui exercent une activité, de discriminer. Simplement. Si vous avez un magasin, vous pourriez refuser de servir tel ou tel parce que cela va à l’encontre de votre religion. Vous voyez où Mike Pence, l’honorable sénateur veut en venir… Non ?
Le fait est que tout cela va surtout s’appliquer contre la minorité homosexuelle. L’Indiana est l’un des cinq états américains qui autorisent le mariage gay. Cela veut donc dire que si le SB 101 passe, un restaurateur, farouche catholique pensant que parce que deux hommes s’embrassent il va finir en enfer, pourrait refuser de servir un couple homosexuel parce que cela gène sa liberté de religion !
Là, vous me direz que ce n’est pas bien grave, ils n’ont qu’à aller manger ailleurs. Oui, ce n’est pas faux, cela les empêchera d’enrichir un rétrograde. Mais l’idée est tout de même assez insupportable. En tout cas, elle m’est assez insupportable. Pour ceux qu’un repas gâché pour des homosexuels importe peux, sachez que cela peut aller plus loin, cela peut-être bien plus grave. Que penser d’un médecin qui refuserait de soigner un patient parce qu’il est homosexuel parce que ça heurte sa liberté de religion ? Cela vous semble fou ? Et bien sachez qu’un Etat où la « Liberté de Religion » est appliquée a vu un obstétricien refuser à une patiente une anesthésie péridurale pour un accouchement. Oui. « Tu enfanteras dans la douleur » nous dit la bible. Vous voyez les dérives ? Adrian Swartout, grande patronne de la communication pour la Gen Con les voit, elle.
Gen Con.
Le fait est qu’un contrat est signé entre la ville et l’organisation de la Gen Con. L’événement doit avoir lieu à Indianopolis jusqu’en 2020. Seulement voilà, Adrian Swartout menace de délocaliser la convention dans un autre état si le SB 101 devient effectif. Il est clair. Net. Et supporté par quelques vedettes comme George Takei, le célèbre Sulu, timonier de l’Entreprise dans la série Star Treck. Un acteur marié depuis 2008 à Brad Altman. Un acteur qui lutte depuis des années pour la cause Gay. Un acteur qui passe une partie de son temps sur des conventions. Un acteur qui fait part de sa désapprobation sur son compte Facebook aux 8,4 millions de Fans !
Dans sa lettre, Adrian Swartout explique que la Gen Con est un événement d’importance qui rapporte plus de 50 millions de $ à la ville. Qu’il y a 56.000 visiteurs venant de 40 pays et de 50 états. Qu’ils sont fiers d’accueillir toutes les cultures, toutes les ethnies, toutes les croyances, toutes les orientations sexuelles, tous les genres… Il explique que c’est cet état d’esprit, cet accueil qui a participé au succès de la convention… Et que, bien sûr, il n’est pas question que cela change, et que si c’était le cas, ils iraient ailleurs.
Polémique.
Bien sûr, et forcément, tout cela agite l’État. D’un coup d’un seul, c’est 50 millions de $ qui sont en jeu. Et par là même des emplois. Alors, forcément, les médias américains ont pris les choses en mains. Bien sûr, les joueurs préfèreraient sans doute que l’on parle de leur loisir pour leur loisir. Mais il est bon de savoir que « nous » avons un poids économique, et que, surtout, « nous » sommes aussi et avant tout des citoyens en prise réelle, malgré notre fascination pour l’imaginaire, sur un monde bien concret.
Information vidéo américaine “The Huffington Post”
► La Gen Con expliquée par Croc dans la Tric Trac Tv, c’est par ici !
► Une ballade dans Tric Trac Tv durant la Gen Con en 2012, c’est par là !
Source : www.huffingtonpost.com version US.