[Monopoly]
Branle bas de combat dans les rédactions ! Il faut impérativement trouver des infos légères et estivales pour nous changer des drames ferroviaires, des bébés à sang bleu déjà lassant ou autre assassinat politique. Et puis finalement le graal nous arrive des USA avec une info pleine de bouleversement enfantin qui va pouvoir venir titiller notre univers doux-sucré emprunt de vapeur d’un passé de plaisir sans souci et pleins de rêves malade que nous sommes tous du syndrome de Peter Pan : Le Monopoly va perdre sa case prison !
Haaaa ! Misère ! Monde trop cruel que nous fais-tu ?
Et une tripotée de médias en ligne de reprendre l’info les uns sur les autres pour assurer leur niouze geek ne songeant qu’à peine à changer un ou deux mot de l’annonce du voisin afin de brandir la vérité cruelle au visage du monde. Une icône ludique disparaît, la révolution est en marche, les valeurs traditionnelles s’écroulent. Hasbro supprime la case Prison du Monopoly. Le sujet de discussion du weekend est trouvé !
Puis dans un élan tout aussi jouissif de téléphone arabe, les unes changent les unes à quelques minutes des autres : « Euh… Non ! En fait la case Prison ne disparaît pas du Monopoly… Sorry !
Allez ! Ce n’est pas tous les jours que les médias généralistes parlent de culture ludique et il faut bien que ce soit ce bon vieux Monopoly qui les excitent un petit peu. Si vous vous demandez pourquoi les amateurs de jeux assassinent aussi vertement ce vieux monsieur de 1935, ne cherchez pas plus loin. Je cherche comment le dire gentiment mais finalement je ne trouve pas alors je vous le livre brut de décoffrage : un journaliste c’est neuneu. Croyez-moi je sais de quoi je parle.
La nostalgie, c’est comme les coups de soleil :
ça fait pas mal pendant, ça fait mal le soir.
- Pierre Desproges
Bref joli mouvement de troupeau, heureusement que ce Panurge là ne terminait que une prison ludique !
Examinons, un peu la situation.
Le 25 juillet 2013, un article du Wall Street Journal en ligne semble être la source de la nouvelle affaire Hasbro. Si vous n’êtes pas abonné, vous ne pourrez pas le lire ne cherchez pas. Dans celui-ci, on apprend, entre autre, qu’Hasbro, par la voie de Julie Duffy – qualifiée par certains de porte-parole et par d’autres d’employée anonyme – la vice président (hihi) de Hasbro US annonce la disparition de la case Prison. La raison invoquée sur laquelle je vais revenir est de faire en sorte de moderniser le jeu en réduisant le temps des parties.
Mmmm ! Comme c’est croustillant cette petite nouvelle d’abord reprise aux USA puis sur plusieurs médias français. Une révolution sans autre conséquence que de ramener son lecteur dans la douce complicité douillette de son enfance et de les lier tous dans les ténèbres avec une valeur sociale commune où tous pourront s’indigner mollement, et sans aucune conséquence, sur les ravages de la modernité. Si ça ce n’est pas du bon Tartempion ! Miam Miam ! Pas besoin de réfléchir et puis Wall Street ça claque sa race en terme de crédibilité ! T’imagines coco, un truc que tout le monde connaît, un truc sans incidence, un truc avec des rêves de pognons alors qu’on leur cause de la crise. Ils vont fondre comme des mouches ! En plus c’est un peu canaillou de geek juste hype ce qu’il faut !
Et là c’est le drame. Devant cette déferlante, somme toute bien venue pour eux, Hasbro précise à l’Atlantic Wire (qui a payé des téléphones à ses journalistes et qui s’en servent pour vérifier l’info) que : « non la case Prison ne va pas disparaître ». On pourrait croire à une annonce marketing géniale mais l’absence de société de com semble pencher plus vraisemblablement en faveur d’un malentendu. La phrase exacte de madame Julie Duffy était « There is no longer a ‘jail’ for players to languish in while waiting for a lucky roll » de quoi prêter à la confusion en effet.
Nous vous avons déjà parlé de cette tendance après le reportage de Monsieur Phal sur la Toy’s Fair de New-York. On découvre là-bas, un marché gigantesque de party-games aux règles simplissimes (simplistes?).
Le même Monsieur Phal, décidément aware sur les tendances du milieu (lèche lèche), nous parlait des transformations qui brisent actuellement les barrières que l’on imaginait, il y a encore peu infranchissables, entre le ludique de passionnés et le mass-market.
Cette nouvelle orientation de l’éditeur américain est de se rapprocher des succès modernes de party-games. De fait, un des challenges a toujours été pour eux de maintenir populaire un jeu dont les règles datent de 1935. Si la durée et l’aspect laborieux du jeu ne posait pas de problème aux anciennes générations qui n’avaient que peu de comparaisons possibles, le public moderne a été influencé par le jeu dit « à l’européenne » avec des règles simples et efficaces. Le pauvre Monopoly avait du mouron à se faire et l’on sentait poindre un début de désaffection et la menace d’être relégué au rang de has-been. Regardez donc ce qu’en pense ces salauds de snobinards de Trictraquiens.
L’annonce concernait donc la sortie du “Monopoly Empire”. Une nouvelle déclinaison du jeu de base mais avec moins de cases, plus de nervosité pour des parties qui ne s’éternisent pas d’où la petite phrase, désormais parlante dans son contexte, expliquant que c’est terminé de rester coincer longtemps dans l’attente du bon jet de dé.
Ce n’est pas la case Prison qui disparaît mais la Prison à la papa et ses heures de jeu à faire et refaire la même chose avec comme seule fenêtre de liberté d’aller piquer des sous dans la banque.
Ce nouveau Monopoly est aussi l’occasion pour Hasbro d’affirmer son image patrimoniale internationale ludique puisque dans celui-ci, on n’achète plus de l’immobilier mais le graal de la carotte pour la jeunesse : les marques. Acheter Mac Do ? C’est possible et c’est beaucoup plus cool qu’un hôtel rue Lecourbe. Ça vous fait rêver vous la rue Lecourbe ? Quoi Mac Do non plus ? Bon sang vous vous croyez sur un site de passionnés ou quoi ! Bande d’élitistes intellectuels progressistes !
Mais quand même. Ils sont forts chez Hasbro. Chaque erreur de marketing se retourne toujours en leur meilleure des publicités. Nous ça nous fait toujours rire depuis l’affaire du Monopoly Montcuq.
Bon et le jeu alors ? Nous n’en savons trop si ce n’est qu’il se vend dans quelques boutiques en lignes américaines et sur le site de Hasbro US. Par de nouvelles chez Hasbro France où il n’est pas encore annoncé. Moins de cases, moins de joueurs, et mais… regardez ! Il y a une case Prison !
Brôoo !
Pour en savoir plus :
► L’article du Nouvel Observateur
► L’article de 20 Minutes
► The Atlanctic Wire (english)
► Gizmodo
► Metro UK (english)
► La page de Hasbro US sur Monopoly Empire► Trictrac n’est pas très sérieux avec le Monopoly (Poisson d’Avril)
► “Hasbro Biaise Montcuq” où quand TricTrac invente le cambriolage marketing