Monument Valley, la princesse au petit doigt

[Monument Valley]


Monument Valley n’est certes pas un jeu de plateau mais n’imaginez pas que nous allons nous arrêter à ce genre de détail. Publié l’année passée, le jeu disponible pour tablette (et toute sorte de tablettes – ne grognez pas ;)) a déjà rencontré un succès éblouissant tout en décrochant de nombreuses récompenses dont le prix du meilleur jeu de l’Année dans cette catégorie de jeux électroniques.

Tout commence quand nous découvrons que nous sommes une petite princesse silencieuse au chapeau pointu. Ken Wong et son équipe nous propose de présider à sa destinée en la menant du doigt sur un parcours qui… mais ne spolions pas.

Ida sera donc notre petit personnage et le principe du jeu est simple puisqu’il s’agit en grande partie de « point et pas clic » ou « just point » en fait.


La petite dame se dirigera vers le point que nous lui indiquons pour peu qu’un chemin y mène. Et c’est là que les choses vont devenir étranges et passionnantes. Elle n’est pas réticente notre princesse et se rend prestement partout où nous l’envoyons. Faute d’autres explications, nous allons donc aller plus loin. Pour voir.

Comme dans tout bon jeu, les premiers niveaux sont évidents et sont là pour donner l’ambiance et l’objectif. Tout cela baignera dans une bande son tout aussi imprégnante que discrète à la Brian Eno. Le jeu est un jeu de réflexion tout se passera donc dans le calme hormis nos propres grognements dans quelques niveaux en ce demandant pourquoi ce fichu escalier ne mène nulle part. Ils seront ensuite ponctués de notre propre éclat de rire quand on découvrira la solution. Il me faut vous dire que la ruse des concepteurs est une chose qui me réjouit et voir comment certains problèmes sont posés et résolus à contre courant me rend hilare de plaisir. N’allez donc pas croire que nous sommes ici dans du jeu comique par ailleurs.

L’animation de la princesse Ida est minimale mais (et c’est là qu’on reconnaît les artistes talentueux) sa manière de se déplacer attirera immédiatement notre affection.


Le vide et le plein c’est relatif non ?

Au début le chemin est simple et puis… un escalier ne mène nulle part. Ce n’est qu’en faisant pivoter le décor que nous comprenons que la perspective isométrique utilisée dans tous le jeu est au service d’illusions d’optiques inspirées par Maurits Cornelis Escher. Il nous va donc falloir penser en trois dimensions sans oublier de les penser en deux en même temps.

L’univers graphique très sobre est au service intégral de ces effets. Nous découvrirons peu à peu d’autres astuces comme des mécanismes à activer. Monument Valley n’est pas un jeu de plateforme. À aucun moment l’habileté n’entrera dans la résolution du jeu. Il y aura bien quelques moments où il faut accorder son timing mais les créateurs du jeu n’ont ouvertement pas misés pour cette forme de façon de jouer.

Parmi les habitant un Totem sympathique et utiles et des oiseaux un peu énervants mais…

Chaque niveau ou presque induira d’ailleurs une nouvelle manière. C’est ce qui explique le succès de ce jeu où l’esthétique n’est pas là pour camoufler d’autres faiblesses mais au service du gameplay. Tout ce que nous comprenons au fur et à mesure nous servira pour plus tard mais chaque niveau recèle sa propre logique et sa propre ambiance. Je me suis pris du plaisir à découvrir certaines nouvelles épreuves en traitant de noms d’oiseaux les concepteurs. Pourtant la difficulté n’est pas non plus un des arguments du jeu. Si certains niveaux sont assez tordus (au sens littéral), le jeu est réalisable sans une expérience particulière autre qu’une bonne vision spatiale.



Récompensés, l’équipe s’encravate

Vous ne trouverez donc pas ici de walktrough ou autre soluce ni même la description de parcours précis. Tout au plus pourrais-je vous dévoiler que vous rencontrerez un totem très utile. Une créature outil dont les concepteurs useront de toutes sortes créant même de belles surprises. Car des surprises, il y en a. Pas de grosses surprises genre tartes à la crème ou gros boss de fin de niveau ! Non. Des surprises de résolution et parfois narratives.


Car il y a une narration ? Oui ! Pas d’histoires à proprement parler. Néanmoins l’aventure est bien là et, comme dans beaucoup de jeux, nous allons découvrir que ce cheminement ludique est motivé par une raison scénaristique. Aucune explication ne sera donnée et la poésie présente ne nécessitera aucune autre explication que votre propre ressenti.

Le talent de ces gens c’est de savoir trouver à chaque moment le bon chemin. Vous pensez commencer à vous habituer ? Alors c’est l’instant qu’ils choisissent pour vous amener à penser autrement.

La pesanteur ? Ca va ça vient…

La critique la plus commune depuis sa sortie et le faible nombre de niveaux. Le jeu, si vous êtes pris dans l’aventure, peut se résoudre en quelques heures et même moins si vous êtes exercé à ce type de jeu.

De fait, on aimerait en avoir encore plus tellement le jeu est agréable et sa résolution apaisante pour l’esprit et les sens. Seulement voilà, un bon jeu de cette qualité ne peut être construit à la chaine. Chaque élément aussi simple qu’il paraisse a fait l’objet d’études et de test. Pour sûr qu’ils auraient pu multiplier les niveaux à volonté mais ici nous sommes dans du jeu gourmet et pas du jeu gourmand. L’un excluant l’autre de fait, seuls les niveaux ayant atteint un degré d’exigence ont été publiés. Et chacun en accord avec la progression du joueur. C’est un peu comme la différence entre une platée de frites aimables par leur profusion et un toast de caviar qui le sera lui par sa concision. Essayez l’inverse et ce sera soit la frustration soit l’écœurement.

De nouveaux niveaux sont d’ailleurs disponibles qui pourront désaltérer notre soif d’aller plus loin. Là encore pas d’hésitation, la qualité est toujours au rendez-vous.


Si vous n’avez pas encore franchi le pas pour mener cette petite princesse au doigt et à l’œil alors je me réjouis pour vous du plaisir qu’il vous reste à découvrir. Si vous êtes amateur de belles choses simples et raffinées voici ce que l’on peut nommer de l’élégance ludique.

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Monument Valley
Un jeu de Ken Wong and Co
Publié par Ustwo
1 à 1 joueur
A partir de 7 ans
Langue de la règle: Française
Durée: 60 minutes
Prix: 3,00 €
Dispo maintenant


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8 « J'aime »

Ce jeu est juste un MUST absolu !!!

2 « J'aime »

J'ai aussi passé un excellent moment à découvrir les 10 premiers chapitres il y a quelques mois. Un concept original et une réalisation parfaite

Jeu magnifique. Docteur nous discutions de ce domaine peu exploré du jeu vidéo non belliqueux, non compétitif, poétique: vous me faisiez découvrir The Talos Principle. Et moi qui ne vous parlais pas de Monument Valley!

Mais vous en parlez ici à une large audience. Un "Youpi!" est de bon aloi.

2 « J'aime »

Ah poésie quand tu nous tiens!

Et pour une fois ce n'est pas la princesse qui attend son prince mais l'actrice principale d'une aventure !

1 « J'aime »

Merci Dr Mops,

Chouette article.

Dans l'esprit, ce jeu me fait penser à ico

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ico_(jeu_vidéo)

ce genre de jeu est excellent mais c'est une copie de captain toad sur wii u (déjà vu sur mario world

3D sortie en novembre 2013)

@indiana Absolument pas. Si le principe de Captain Toad et de Monument Valley est le même, les deux se jouent de manière radicalement différentes.

Ce jeu est génial. C'est juste dommage qu'on ne puisse pas débloquer un fusil à plasma pour exploser les corbeaux...

2 « J'aime »

Très bon jeu en effet. Pour l'instant c'est ce que j'ai testé de mieux sur tablette (ipad).

Jeu très sympathique mais franchement 3 € pour 10 niveaux c'est du foutage de g*****. Et il existe d'autres niveaux, payant eux. Peut-être nous a-t-on trop habitué à la gratuité sur smartphone avec le contenu payant intégré mais il n'en reste pas moins que même si je trouve le jeu super, magnifique graphiquement et très attrayant, la fin est pour moi bâclée (on ne comprend pas l'histoire d'Ida ou alors c'est moi qui suis atteinte) et le prix excessif.

Bref, tout ça pour dire que des mises à jour gratuites ne seraient pas de refus.

Une petite pépite ludique (ça faisait longtemps).

Merci Dr Mops pour cet excellent (comme toujours) article !

Tout cela me fait penser à un billet que j'avais trouvé fort intéressant :

http://blogs.rue89.nouvelobs.com/extension-du-domaine-du-jeu/2015/02/03/des-jeux-video-ou-il-faut-juste-marcher-promis-jure-cest-trepidant-234191

A bon lecteur, salut.