Par Gozu Zone, le nouveau fabricant français qui vous aide à prendre soin de vos jeux.
Une fois n’est pas coutume, Gozu Zone, le nouveau fabricant français de rangements pour jeux s’exprime sur un sujet récurrent des blogs ludiques, le thème de la « surproduction » des jeux de société…
Nous faisons suite à l’article très instructif du bloggeur Gus, sur le sujet, et ce qui devait au départ être un simple commentaire à son article a gonflé, gonflé…pour se transformer en article ! Nous souhaitons donc apporter un petit complément à sa production, et qui partage très globalement son point de vue. Il reste toutefois limité par le manque d’exhaustivité et de chiffres, surtout, qui sur ce sujet très vaste, amène à faire des conjectures parfois hardies!
« SURPRODUCTION LUDIQUE», DE QUOI KON PARLE ?
La surproduction, selon notre ami wikipedia, apparaît lorsque la « production dépasse la demande des consommateurs ». Pour se remuer les méninges sur ce sujet, nous allons définir la production dans un premier temps comme l’offre totale de jeux sur le marché des jeux:
« le jeu en question » X nombre de boîtes de ce jeu présentes sur le marché des jeux de société
ET la demande de joueurs, comme l’ensemble des personnes qui sont prêtes à un instant t à acheter ce jeu.
ON RELATIVISE DONC SUR LE NOMBRE DE SORTIES…ASSAUT SUR L’EMPIRE, COMBIEN DE DIVISIONS ?
Sur environ 850 nouveautés annoncées pour Essen 2014, combien sont des rééditions ? La moitié ? Un quart ?
Au regard de ce dont nous venons de parler, c’est-à-dire de la quantité offerte sur le marché, combien de boiboites vont se retrouver à des millions d’exemplaires ? Pardon des centaines de milliers ? Euh, non, pardon, des dizaines de milliers ? Ah euh, non des milliers ? Ah, pardon, des centaines ? Enfin, non, plutôt un kickstarter à 100 boîtes en fait ! Désolé, c’était juste un jeu qui cherchait un éditeur proto pas achevé qui ne sera jamais édité.
Un gros jeu ameritrash à licence Star War comme Assaut sur l’Empire se vendra-t-il à plus de 500 unités en France ? Est-ce comparable aux centaines de milliers de ventes d’un Dobble dans ce même pays ?
Vous voyez là où je veux en venir, annoncer un chiffre de sorties impressionnant ne veut pas dire grand-chose, tant qu’on ne regarde pas l’impact du jeu en lui-même, dans un marché où la majorité des ventes sont réalisées par les classiques adorés de tout lecteur de la communauté ludique, le Monopoly, la Bonne paye.…
Pour creuser la question, quels sont les types de jeux qui pourraient être surproduits ?
SURPRODUCTION AU SENS DE QUANTITES DE BOITES EN CIRCULATION ? PAS VRAIMENT !
SURPRODUCTION ? DE QUELS JEUX PARLE-T-ON ?
Voilà les hypothèses que l’on fait sur la surproduction selon ces types de jeux, en partant de catégories de jeux.
La catégorie 1 : « les baleines »
Les jeux « baleines », sont le monopoly, la bonne paye, le trivial pursuit…implantés, connus et reconnus depuis plusieurs décennies, connaissent une distribution éprouvée, où la surproduction est quand même « bon an, mal an », régulée au fil des ans, et plutôt connue.
La sortie d’une nouvelle baleine consistera souvent à adopter une licence pour un même système de jeu, pour ne pas brusquer un public familial qui ne recherche pas forcément l’apprentissage de nouvelles règles.
Les fabricants produisent des millions d’unités pour des chaînes et des hypermarchés qui recherchent une rotation produit selon le m² occupé. Pour les chaînes spécialisées, c’est plutôt vers janvier/février que les directions des achats et les fabricants négocient entre eux les volumes prévisionnels pour les fêtes de Noël, en s’appuyant sur les années précédentes.
Il peut se produire une surproduction, limitée dans le temps selon les objectifs et accords entre les points de vente, grandes chaînes comme Toysrus, et les grandes sociétés de jeux, comme Hasbro.
Catégorie 2 : « les orques »
Les jeux qui aspirent à aller toujours plus loin. Ils ont fait leur preuve, touchent déjà plusieurs centaines de milliers de personnes à quelques millions de personnes et pour certains, sont déjà disponibles dans les chaînes. Issus de l’expérience accumulée sur plusieurs décennies de nouveaux acteurs du monde ludique, ces jeux aspirent à prendre des places à côté des baleines. On peut penser à un King of Tokyo, édité et distribué par Iello aux Etats-Unis et en France, ainsi qu’aux jeux de Days of Wonder (Aventuriers du rail, Smallworld…). Ces deux derniers jeux totalisent plus de 5M de boîtes à eux tout seuls.
Dans ce cas-là, la fabrication en masse de ces boîtes étant plus récente, des ruptures peuvent se manifester plus facilement, et au pire moment (fêtes de Noël). Si une erreur d’anticipation s’est produite, il faudra chercher à les écouler dans le temps et stopper les vannes.
Catégorie 2 : « les dauphins »
Cette catégorie regroupe les jeux moins répandus, qui visent un public plus restreint ou bien les jeux plus généralistes aspirant à se faire connaître. Les JCE, les jeux de plateau expert (Descent, X-Wing, Imperial Assault…), bien installés, avec de petites communautés de joueurs fidèles, mais aussi les jeux de petits éditeurs en passe de devenir des succès grâce à l’intégration dans un catalogue d’un gros distributeur, avec plus de 10 000 exemplaires vendus, par exemple. Un jeu ayant remporté plusieurs prix peuvent monter progressivement et entrer dans cette catégorie. Il n’est pas impossible qu’en fin d’année, un jeu comme Colt Express soit vendu à plus de 40 000 exemplaires pour 2015. La nature des jeux cocktails, plus accessibles et avec des règles explicables en quelques minutes, les portent naturellement en cas de succès à devenir dauphins voir orques.
Ces jeux (pour les jeux importés des US) peuvent connaître des ruptures de production fréquentes. Pour les jeux de niche, notre hypothèse est que l’origine de ces jeux (US) fait que le premier marché servi n’est pas l’Europe, et que celle-ci est souvent traitée comme une périphérie. C’est une hypothèse bien sûr ! Pour les jeux connaissant un succès foudroyant, cela est vraisemblablement lié au changement d’échelle : le fabricant (chinois ou pas) que l’on connaissait n’a pas l’habitude de réaliser de telles quantités de boîtes et il faut soit qu’il s’adapte, soit en trouver de nouveaux. Pour les ruptures des jeux qui montent, cela peut être aussi lié à la difficulté d’anticiper un succès et une demande forte supérieurs aux estimations,.
Pour les dauphins, il y a aussi une tendance de fond à chercher du kickstarter, donc à pouvoir déterminer dès le lancement le succès et la quantité de boîtes à produire pour la première vague principale, la seconde vague étant destinée à prolonger un peu la vie du jeu. C’est donc un régulateur utile de ce point de vue. Pour les jeux surproduits, c’est-à-dire que les joueurs ne sont pas prêts à acheter pour le prix public recommandé, vous les retrouverez chez certains déstockeurs…
Catégorie 4 : les « bébés phoques »
Encore sur la banquise, ces jeux cherchent encore à se frayer un chemin dans le dédale de la promotion, du kickstarter, des salons. Ces jeux sont extrêmement nombreux en variété, mais extrêmement restreints en quantité. Ils n’ont pas encore vu la lumière ni reçu le feu des projecteurs.
Théoriquement, si on part du principe que ces jeux partent maintenant tous en kickstarter, alors il n’y a pas de saturation ni de surproduction: ils sont soit pourvus (objectif atteint) et satisfont les premiers fans qui le reçoivent, soit les objectifs ne sont pas atteints, ils auront été présentés au public, mais pas présents sur le marché.
Mais au fond, les “bébés phoques”, cela représente quoi en termes de volumes ?
Deal American Dream, un des jeux français lancés en Kickstarter et soutenu par Gozu Zone.
Les statistiques de Kickstarter en 2014 montrent que 1980 jeux ont été financés. Cette catégorie inclut les jeux vidéo. On sait toutefois que les premiers sont majoritaires. Donc, sans trop prendre de risques, et d’après mes discussions avec un des community manager de kickstarter, on peut estimer que, sur cette année, 50% d’entre eux, soit 990 sont des jeux de société. Cela fait encore plus de sorties qu’à Essen pour la seule année 2014…
De manière encore plus globale, on compte 6038 jeux financés depuis le début de Kickstarter depuis 2009, soit 1 000 jeux par an en moyenne. En reprenant la même technique simple (50% de ce total sont des jeux de société), on constate que 5037 d’entre eux ont obtenu entre 1000$ et 99 999$, soit pour un jeu à environ 30$ (grosse louche), de 33 soutiens à 3333, avec trois catégories (1000$ à 9999$, 10 000$ à 19 999$, 20 000 à 99 999$).
On reste donc au niveau du « bébé phoque » et du dauphin pour 83% d’entre eux. En termes de volume, cela représenterait, vraiment de manière grossière, sur 1157 jeux ayant remporté en moyenne 5000$, sur 553 jeux ayant gagné 15 000$, et sur 809 ayant obtenu pour 60 000$, 192 000 + 276 000 + 161 000 soit 629 000 boîtes pour tout kickstarter depuis 2009, soit environ 90 000 boîtes par an. En gros c’est 50 fois moins qu’un seul « orque» comme 7 Wonders, avec 5M de boîtes vendues. Sachant que Kickstarter est une plateforme mondiale, que la France a rejoint cette année, nous devrions ne prendre qu’une partie pour le mettre à l’échelle du pays.
Nous sommes bien d’accord que ces chiffres lancent le débat, et qu’ils méritent approfondissement et corrections. En tous cas, en suivant le raisonnement, la seule surproduction possible serait celle de l’auteur de jeux qui aurait trop produit, sans avoir lancé de kickstarter…
SURPRODUCTION, AU SENS D’OFFRE PLETHORIQUE ? ELLE EST FILTREE…PAR…LA COMMUNAUTE LUDIQUE
L’OFFRE PLETHORIQUE…EST FILTREE PAR TROIS CANAUX
EN AMONT, FILTREE PAR LES BLOGGEURS ET LES PROFESSIONNELS, QUI PEUVENT SATURER !
Malheureusement, les personnes les plus à mêmes de se prendre le grand flux des jeux présentés, ce sont les bloggeurs, autres médias, chasseurs de jeux à éditer, jurys de concours, créateurs de jeux reconnus souhaitant suivre les nouvelles mécaniques, ludothécaires experts…Certains sont parfois tout cela en même temps ! Eux peuvent saturer, car on vient tout leur présenter, du prototype en carton pas vraiment prêt-mais-qui-aspire-à-être-vendu-tout-de-suite au jeu des grandes maisons attendu depuis des mois qu’il faut tester absolument.
… PAR LES PASSIONNES, LE 2E FILTRE. « IL N’Y AURA JAMAIS ASSEZ DE JEUX POUR LES PASSIONNES », SAUF SUR LEURS ETAGERES !
Donc, l’offre pléthorique de jeux est présentée aux vrais passionnés, ceux qui suivent l’actualité. Vu les échanges sur tric trac, les vidéos de présentation sur les derniers kickstarters, la sélection s’opère naturellement dans cette offre riche. Les passionnés contribuent eux-mêmes à filtrer les jeux qui se sont bien présentés aux différentes communautés et ceux qui ont manqué de communication ou d’univers esthétique léché, via les forums, les commentaires sur les sites comme Tric Trac…Les jeux les plus attendus ou actifs remontent dans ces forums, pendant que d’autres s’essoufflent. Ce sont eux qui vont venir tester les jeux d’auteurs lors des salons et découvrir une perle rare à soutenir et à faire connaître.
La saturation du passionné, ou sa surproduction à lui, ce n’est point la quantité de jeux présentée, c’est sa ludothèque personnelle qui finit parfois par manquer d’espace !
EN AVAL, LES BOUTIQUES SPECIALISEES: UNE SELECTION AVISEE ET UNE CAPACITE A AVOIR PLUS DE REFERENCES…QU’UN TOYSRUS.
Les boutiques regardent d’abord les jeux édités et bien distribués. Elles suivent l’actualité, et peuvent mener des politiques d’acquisition audacieuses en dehors de ce que proposent les distributeurs. Certaines font aussi des expéditions ludiques dans des contrées lointaines, comme la boutique Trollune à Lyon, partie explorer la GenCon.
Elles conseillent ensuite à partir de toute cette culture ludique accumulée, si bien qu’un client en boutique ne sera jamais « perdu » dans les boites de jeux, pourvu qu’il recherche des avis. Les joueurs en devenir qui passent en boutique n’entendront jamais parler des 850 sorties d’Essen. Entre toutes ces sorties, les boutiques sont courtisées, et choisissent…
Cela peut paraître contre-intuitif, mais dans certaines boutiques de jeux indépendantes et spécialisées, il y a plus ou autant de références que dans un Toysrus (recherche pour faire plus de volumes avec moins de références)…
Il y a donc ce savoir-faire et cette capacité à trouver LE jeu qui vous correspond le mieux en boutique.
CONCLUSION: SURPRODUCTION REELLE DE JEUX, IL N’Y A POINT…et un seul vrai chiffre à connaître…
Si l’on prend en compte la variété de jeux et qu’on prend en compte leur quantité présente pour chaque référence sur le marché du jeu, avec les rééditions, les protos, les jeux limités à un rayonnement régional ou local, les kickstarters (hors gros succès à la Zombicide ou Exploding kittens), nous constatons que le jeu de société se développe, et que le foisonnement de bébés phoques et de dauphins représente une forêt de jeux en très petites quantités, couverts par des orques, et des baleines.
Cette énorme variété présentée aux salons de professionnels et de passionnée est triée, sélectionnée, et au final, filtré par une communauté ludique active et en demande de nouveautés toujours plus belles et innovantes dans leur gameplay.
Les chiffres qui permettraient de mesurer une surproduction réelle seraient le taux et le volume de jeux revendus par les déstockeurs, car cela concerne jusqu’aux jeux présents en petite quantité.
A votre avis, combien de sorties par an faudrait-il pour obtenir, à la fin de la partie, une nouvelle baleine pour chatouiller un Monopoly ? Faut-il encore plus de jeux et un foisonnement encore plus important pour diffuser de nouveaux jeux auprès du grand public?
Article de Jb de Gozu Zone, le nouveau fabricant français de boîtiers, rangements modulables et d’accessoires de jeux. Article lancé à l’occasion de la sortie des nouveaux rangements pour JCE Seigneur des Anneaux™, Trône de fer™, Warhammer Invasion™, Star Wars JCE™, et compatible avec Magic The Gathering™…