Je tempère les envolées laudatives de mes deux confrères en wypsologie, en mettant deux bémols à la clé. Que voulez-vous, j'aime la tonalité de sol mineur.
A l'adresse de Marc, je suis globalement d'accord avec ton ressenti sauf sur la qualification de chef-d'oeuvre.
Wyps, pour moi, est fondamentalement un jeu bâtard. Un mélange contre-nature\*
Il est le fruit d'une opération de chirurgie lourde : un porte greffe, le jeu de Y, quintessence même du jeu de connexion à haute densité stratégique qui reçoit un greffon alphabétique, pour donner naissance à un jeu de lettres. Est-ce bien compatible ? Telle est la question que l'on peut légitimement se poser. L'organisme de la nouvelle créature ne semble pas, à priori, présenter de rejet et fonctionne même, aux dires de ceux qui lui rendent de fréquentes visites à la clinique Littlegolem du docteur Malaschitz, très correctement. Dans le confort que procure le jeu sur internet, au tour par tour, où tout un chacun peut disposer du temps de la méditation pour la résolution de chaque coup et recourir chez soi à une bibliothèque de dictionnaires et à que sais-je encore, indéniablement, l'exercice ne s'avère pas désagréable et s'apparente à un casse-tête assez plaisant. L'interface vous permet - un comble ! - de tester des propositions de mots sans même que vous n'en soupçonniez l'existence ou n'en connaissiez le sens. Il suffit de rentrer les lettres, de cliquer en espérant avec de la baraka qu'on vous l'accepte. Et puis si ça ne marche pas, rien n'est perdu, retentez votre chance avec un autre set de lettres, puisque, faut-il le rappeler, vous avez du temps devant vous. Tout cela me laisse donc assez perplexe sur l'opinion qu'on pourrait retirer du jeu s'il se pratiquait en live. Pas sûr que, dans la vrai vie, absorbé dans tous ces méandres et circonvolutions de lettres, à penser dans tous les azimuts un préfixe ici, un retournement de lettre là, un suffixe plus loin, l'esprit ne risque très vite la surchauffe. D'autant qu'un oeil de travers est toujours à mobiliser pour surveiller les lettres qui pointent leur bout du nez dans la réserve. Je nourris par conséquent quelques craintes sur la fluidité et l'ambiance dégagée par le jeu dans un contexte réel qui suppose une présence physique et l'usage d'un sablier. Dans de telles conditions je le vois difficilement détrôner Mixmo pour ne citer que celui-là.
A l'adresse de Tom. A mon humble avis. Le termite a tort. Quand il place ce jeu au niveau maximum, c'est à dire 2, sur l'échelle stratégie de la fiche. Ou qu'il conclut son avis en parlant d'un subtil mélange de go etc...
Ce qui fragilise tant soit peu ce parallèle stratégique avec le go c'est que tu as disputé 261 parties de Wyps à ce jour sur Littlegolem mais pas une, en revanche, de Go, pas une de Havannah, pas une de Hex, pas une de LOA, pas une d'Amazons, jeux pourtant à forte teneur stratégique. C'est quand même extraordinaire !
Je pense au contraire que dans Wyps la stratégie est assez pauvre et qu'on en fait vite le tour. Marc en a déjà énuméré les données principales: la conquête des coins, le bétonnage en posant davantage de lettres et c'est à peu près tout. Pour le reste Wyps requiert surtout un sens aiguisé de l'observation, de disposer d'un bon bagage lexical, de se montrer opportuniste et d'avoir un brin de chance au tirage des lettres. On est donc loin du potentiel d'un jeu de Go ou simplement du jeu de Y. Je passe sur le premier que je ne connais pas. Pour avoir joué un peu au second, je puis t'assurer que procéder à l'interconnexion des 3 côtés du triangle au moyen de lettres que l'on pose par salves à partir du rack alimenté aléatoirement vide quasiment de toute substance stratégique le jeu dérivé par rapport à son modèle de départ. L'explication en est simple. Dans les jeux de connexion, la profondeur stratégique réside dans le maillage de l'espace de manière à créer des liaisons à distance entre cellules tout en coupant celles de l'adversaire. Dans Wyps c'est plus bourrin, les cases se voient simultanément occupées par vagues de 2,3 ou 4 lettres, ces paquets s'agrégeant en règle général les uns aux autres pour conférer le bénéfice de la lettre que l'on retourne, aussi l'occupation de l'espace se fait-elle par contagion et non en créant des champs de gravité entre cellules isolées.
Ces interrogations étant posées et ces réserves exprimées, j'encourage néanmoins les frères et soeurs de la communauté à venir pratiquer le jeu en ligne et nourrir - pourquoi pas - ce débat.
\* Notez bien que je n'ai rien contre les métissages. Je conchie au contraire le néo-pétainisme du débat sur l'identité nationale.