Au moment où j'écris cette première phrase, je me pose une question : puis-je me montrer dur avec un jeu dont le but est avant tout de sensibiliser le public face à un drame dans le monde ? Eh bien oui, je vais le faire ! Le Joueur du Grenier l'a fait avec les jeux vidéo, alors pourquoi pas moi ? Mais que l'on se rassure : ce n'est pas du véritable Tiers-Monde que je vais me moquer, mais de ce jeu qui sort un peu de l'ordinaire.
Je n'oublierai pas cette unique partie de Tiers-Mondopoly. L'amie chez qui je passais la soirée m'avait demandé si je voulais essayer son jeu préféré. La sachant fan des Pandemic et amatrice de Zombicide, je m'attendais à un truc plutôt sympa. Imaginez donc ma tête lorsque j'ai vu cette boîte à pizza sortir du meuble.
En deux mots, le Tiers-Mondopoly, c'est un Monopoly avec du matériel plus cheap, avec des conditions encore plus atroces et des bonnes crises de fous rires tant ce qui vous arrive est parfois déroutant.
Comme nous sommes au Pérou et que la situation y est difficile, le but n'est naturellement pas d'être le plus riche à la fin, mais le plus altruiste et utile à la communauté... attendez... comment ?... Toutes mes excuses, on vient de me rappeler dans mon oreillette que le but est bel et bien d'avoir le plus de fric et que les autres peuvent crever.
Petite différence par rapport au Monopoly, ici on tient une grande feuille de comptes sur laquelle vont évoluer nos investissements. On peut par exemple investir dans les bananes ou dans le coton. Ces secteurs se différencient par les revenus qu'ils rapportent et les risques engendrés. Comme il n'y a pas de réelle stratégie, on choisit un peu au pif ce qui nous tente le plus, en sachant que cela changera à chaque tour de plateau. On peut même recruter... pardon, acheter des poules et je sais plus quel animal qui nous permettra de nous enrichir, ou au contraire, de tout perdre.
Ensuite commence le jeu : on lance le dé, on avance sur ce plateau en carton recyclé (du moins j'imagine que c'est du recyclé) et on subit les évènements, parce qu'il ne nous arrive quasiment jamais rien de bien dans ce jeu ! L'employé avec qui vous vous êtes montré généreux vous pose un lapin après vous avoir dépouillé, l'équipe de foot locale vous harcèle pour que vous la souteniez financièrement, des racailles vous piquent votre fric (ou vous tuent si c'est la troisième fois que vous tombez sur eux), votre maison prend feu, on vous vole vos poulets etc.
Après toutes ces tuiles, deux possibilités : ou vous allez tellement être sensibilisé à ces mauvaises conditions que vous souhaiterez prendre l'avion et jouer à Tiers-Mondopoly pour de vrai en Amérique du sud, ou bien vous êtes comme moi et vous tracez une croix sur le Pérou de votre map-monde pour vous rappeler de ne pas y aller, comme vous l'avez fait pour la Corée du Nord.
Alors oui le jeu est sorti il y a des dizaines d'années.
Alors oui le but premier n'était pas de créer un grand jeu.
Alors oui le but n'était pas non plus de faire dans l'abondance.
N'empêche que Tiers-Mondopoly ne m'a pas sensibilisé. Pourquoi ? Parce que ce que l'on retient avant tout de cette expérience c'est un jeu plat, moche, sans intérêt ludique et surtout où il nous arrive que des trucs pourris ! On l'a pourtant vu dans les films, les romans et les récits que pour toucher les gens, il ne faut pas seulement leur montrer ce qui ne va pas mais aussi les bons côtés.
De toute façon, on est en train de voir aujourd'hui qu'un jeu n'a pas besoin d'être moche et ennuyeux pour sensibiliser. Prenez This War of Mine et Freedom, par exemple.
Ah, et puis si de jeunes futurs créateurs écolos/humanistes venaient à me lire, permettez-moi de vous donner un conseil : pour sensibiliser le public avec votre jeu, ne sortez pas un énième remake du Monopoly !!!