Outre sa rafraîchissante fluidité, Res Arcana a ceci de commun avec It’s a Wonderful World (l’un de ses trois concurrents pour le prix de l’As d’or expert) qu’à première vue, on n’y croit pas trop, parce qu’il affiche une étonnante ambition au minimalisme. Les mêmes tuiles et cartes sur la table à chaque partie, des decks personnels constitués de huit cartes à peine et qui ne s’enrichiront jamais, une première manche où l’on n’a l’impression de ne rien faire quand les règles promettent que la partie sera réglée en quatre ou six manches à peine…
Et puis quelque chose du miracle alchimique se produit : on mélange quelques essences aléatoires avec quelques ingrédients de base récurrents, on s’attend à une bouillie chaotique, on se retrouve avec de l’or. On imagine difficilement combien il a fallu de tests pour arriver à ce prodige d’équilibrage, où l’on peut donner à chacun huit cartes aléatoires sur quarante, donc créer un nombre de combinaisons possibles presque infini, et pourtant lui assurer qu’il aura toujours quelque chose à faire, et même permettre une construction de moteur remarquablement puissant, où la plupart des cartes se complètent comme si elles avaient été pensées pour se retrouver ensemble, un peu à la manière d’un Keyforge.
Pas étonnant que l’extension Lux et Tenebrae peaufine le jeu de base par d’habiles petites touches plutôt que d’ajouter le contenu massif que l’on aurait pu attendre, et qui aurait aisément déséquilibré le jeu, fait exploser l’alambic…
Il fallait sans doute un ancien économiste et programmeur pour parvenir à d’aussi impeccables équations, mais il fallait un autre mage pour relever la potion, et Julien Delval, que l’on savait compétent, prouve soudain un exceptionnel talent dans un autre mélange alchimique, celui des légendes, contes, mythes, réalités antiques et même classiques littéraires (on reconnaît du Seigneur des Anneaux, Lovecraft, Narnia, Requiem…) pour un jeu graphiquement merveilleux et superbement édité.
Un digne compétiteur pour une récompense aussi prestigieuse, et qui évidemment n’est pas resté arcanus bien longtemps !
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