Cinquième titre de la série des Valeria, tous conçus par Isaias Vallejo et illustrés par le magistral Mihajlo « The Mico » Dimitrievski, Margraves de Valeria en est probablement le plus « expert », faisant la part belle à la pose d’ouvriers et à la gestion de main, et déversant sa lourde boîte sur un espace de jeu assez imposant.
L’impression de grande complexité est pourtant vite nuancée par le peu de variété de pictogrammes extrêmement clairs et vite assimilés, y compris pour quelqu’un qui ne les connaîtrait pas déjà grâce aux précédents Valeria, et par cette idée remarquable de limiter un tour de jeu à la pose d’une unique carte.
Or on ne possède d’abord que quatre cartes, dans une main identique à celle des autres joueurs, et si elles peuvent être utilisées de quatre façons différentes, deux seulement sont intéressantes en début de partie, simplifiant ainsi grandement la première approche de Margraves de Valeria pour l’enrichir graduellement, dans un souci assez admirable de nous épargner le désagréable sentiment d’être submergé par les possibilités, assez récurrent dans la pose d’ouvriers pour connaisseurs.
Même quand on aura accès à ces quatre manières d’utiliser ces cartes, et à toujours plus de cartes, le risque d’analysis-paralysis reste faible, parce qu’on aura déjà commencé à définir une orientation tactique dont il reste possible de bifurquer, mais que l’on aura intérêt à maintenir tant qu’elle est avantageuse, réduisant nos options sans réduire notre liberté et sans diminuer la très grande fluidité des tours.
On appréciera en outre l’absence de hasard, sinon dans l’identité des citoyens et des monstres, où elle n’est jamais contraignante puisqu’il est rare qu’aucun ne nous intéresse si on avait prévu d’en recruter ou d’en affronter un, qu’il est toujours possible d’agir autrement, et que leur renouvellement se fait face visible en fin de tour, empêchant toute mauvaise surprise – et même toute surprise.
Margraves de Valeria serait-il alors froid et répétitif ? Au contraire : si Isaias Vallejo a bien tenu à bannir l’interaction directe afin de renforcer l’agréable rigueur de son titre, il s’est cependant soucié de laisser plusieurs occasions aux joueurs d’interagir, de sorte que l’on se sent très bien exister autour de la table et que l’on scrute les actions des autres, afin de tâcher d’en profiter au mieux.
Renouvellement des citoyens et des monstres, bonus du cimetière commun de tombeaux héroïques, rivalité pour quelques emplacements de tours de conjuration, et surtout utilisation possible de tous les chevaliers sur le plateau, quel que soit le joueur les ayant posés là, on trouvera de belles occasions de se taquiner, ou d’hésiter à réaliser un mouvement qui laisserait le champ ouvert à un rival, sans jamais s’attaquer directement à lui et donc sans dimension punitive. La victoire pourra aisément se jouer à quelques interactions près, aussi indirectes et ciblées soient-elles !
Margraves de Valeria est ainsi passionnant dans tout ce qu’il offre, son accessibilité et sa richesse, sa rigueur sans hasard et ses multiples opportunités d’interaction, son multijoueurs et son solo, ses mécaniques et ses dessins, sa densité et sa fluidité, et c’est pourquoi il s’est vu décerner notre très rare VG Award !
Ce texte n'est que la conclusion de l'article bien plus complet et argumenté rédigé pour le blog VonGuru et disponible ici, bonne lecture !