Partout ! Les colons ont été partout, ils ont voyagé sur terre, sur mer, dans l'espace, ils ont aussi traversé le temps pour revivre des moments historiques et même préhistoriques. Ah vraiment, il est fort Klaus Teuber. Tout d'abord, il a inventé un système de jeu pas si facile que cela à imiter sans se faire repérer : Essayez donc de faire un jeu avec un plateau multiforme, de la récolte de ressources, un peu de négociations, d'échanges, du hasard, de la constructions de bâtiments et un victoire en 10 points, sans que quelqu'un viennent vous dire "Ah oui, c'est comme aux Colons quoi ?"... vous serez tout de suite démasqué. Ensuite, le concept catanien est tellement souple que l'on peut l'adapter à beaucoup de thème, de Game of throne à Star trek, ou bien comme ici à celui de la remise en cause progressive, longue mais inexorable de la domination romaine.
La conquête de Rome est un jeu arrivé sur nos tables en 2006, édité par Kosmos mais bénéficiant d'une version francophone réalisée par Filosofia. Pas de tuiles hexagonales cette fois, mais un beau plateau épais sur lequel les fameux hexagones colorés qui représentent des terrains à ressources sont dessinés et donc fixent, tout comme les jetons de valeurs de dés qui les accompagnent. Ils forment à grands traits l'Europe occidentale qui est divisée en 5 grandes provinces. Les joueurs incarnent des peuples divers qui viennent de l'Est pour s'installer au sein de l'empire. Nous le savons, ces invasions étaient souvent pacifiques, pour bénéficier de la Pax Romana et fuir d'autres peuples oppresseurs, mais il y avait aussi des visiteurs beaucoup plus agités, à la recherche de butins et de conquêtes. L'auteur a opté pour représenter surtout ces derniers et c'est ainsi que les joueurs vont se retrouver à la tête d'un peuple de cavaliers et d'un peuple de guerriers, les deux n'étant pas là pour faire dans la dentelle.
Plus dynamique que Catane, La conquête de Rome incite les joueurs à faire progresser leurs peuples le long des routes terrestres et maritimes afin d'occuper des villes, de force variable et aux butins cachés. Les règles elles-mêmes le disent : "Au début, les villes de l'empire romain ne pourront qu'être pillées". Comme ça au moins, c'est clair. Les points de victoire s'obtiennent par la conquête des villes et l'obtention de certaines cartes. Dés qu'un joueur atteint ou dépasse 10 points, il l'annonce et on termine le tour... le joueur possédant ensuite le plus de noyaux de cerises dans son assiette à gagné.
Il y a quelque chose qui m'a toujours exaspéré dans les Colons de Catane : les cartes qui donnent directement des points de victoire, piochées aléatoirement dans le paquet des cartes développement. Pour moi, le coté hasardeux énervant du jeu n'a jamais été les ressources récoltés aux dés ou le voleur qui se promène suite à un 7, mais plutôt ces fameuses cartes à point, traîtresses en plus car évidemment, celui qui en pioche une se garde bien de le chanter, sauf à la fin quand il la révèle avec un petit sourire que je trouve toujours suffisant. Vous galérez pour marquer le moindre point alors qu'un zouave, sans se fatiguer, prend un point offert par l'aléa d'une pioche à l'aveugle, parfois même un deuxième... tranquille quoi.
Et bien ce que je vois comme un défaut originel n'est hélas pas corrigé par La conquête de Rome. Tant pis.
Mais à part ça, je trouve que tout le reste apporte quelque chose de nouveau et différent au système des colons en plus d'un peu de profondeur thématique. Bon, évidemment, et les divers avis le reflètent bien, ceux qui n'aimaient pas les colons de Catane de base n'ont pas aimé pas non plus cette version. Ce n'est donc pas vers eux qu'ils faut se tourner pour avoir une idée de le réception du jeu chez les cataneux pratiquants réguliers où simplement parmi les joueurs occasionnels de Catane... et il se trouve que j'appartiens à cette seconde catégorie.
J'ai apprécié chacune des parties disputées. Les mécanismes que je retiens surtout sont ceux liés aux règles d'expansion des tribus, de recrutement et même de la production, moins frustrante que dans Catane. Ici, pas de voleur, mais une figurine de légionnaire romain qui symbolise les réactions désespérées de Rome face à un mouvement qu'on ne pouvait plus arrêter... comme le voleur, il peut être très casse-pied. La marque des points est bien vue, thématique même, sauf en ce qui concerne ces très opportunistes cartes à points que j'évoque plus haut (il y en a "que" trois, mais bon...). Il y a des ressources un peu particulières à savoir les bœufs et les chevaux en plus du blé et de la pierre, ainsi que des cartes développements (Diplomate, Leader, Traître) qui ajoutent un petit goût pimenté bienvenu. Les petites figurines sont un peu grossières mais c'est toujours sympathique et puis les pièces d'or, bien qu'en plastique, ressemble vraiment à des pièces d'or.
Le fait que le plateau soit fixe n’empêche absolument les parties d'être différentes et l'interaction, essentiellement indirecte, est quand même assez présente. Notons que le jeu prévoit quelques aménagements pour les parties à 3 joueur, si bien que cela reste tendu.
Alors... cette catanisation, mythe ou réalité ?
Aïe ! Je sens que vous allez être déçus, parce qu'en fait, j'ai pas la réponse, MAIS je considère La conquête de Rome comme l'une des meilleures adaptations à un autre univers du système Catane.