Si vous connaissez "En route pour les Indes", El Caballero vous y fera peut-être penser: un jeu d'explorations assez costaud mais qui tient dans la main (la boîte est de taille standard mais vous pourrez le transporter facilement dans un contenant 5 fois plus petit).
Je suis plutôt du genre dur de la feuille au niveau de l'assimilation des règles, mais là je peux vous assurer qu'elles sont d'une logique absolue et très rapidement assimilées.
Par contre, pour bien y jouer, c'est pas de la tarte. N'attendez rien de votre première partie qu'une phase d'apprentissage: complètement à l'opposé de Carcassonne qui l'a copié (en même temps celui-là pompait déjà allègrement le sympa Entdecker), vous ne marquerez pas de points au petit bonheur la chance, vous devrez penser à moyen terme en restant adaptable et vous montrer sans pitié avec les autres conquistadores, avec principalement avec cette règle étrange et diabolique des "tuiles caballeros" (que personnellement j'ai renommé "invasions" pour ne pas semer la confusion parmi mes joueurs) qui ne peuvent pas avoir plus d'un contact avec la terre. C'est donc paradoxalement un jeu allemand assez guerrier, dans lequel vous coulez des bateaux et "tuez" des chevaliers simplement en découvrant des parties de la carte juste à côté, qui rendent leur invasion illégitime à moins d'avoir un noble (Grande) pour les protéger.
Cette règle des tuiles Caballeros (qui servent aussi de compteurs, comme dans "En route vers les Indes") est à la fois la plus abstraite et la plus astucieuse, d'autant que les invasions par la mer sont moins chères et potentiellement hyper rentables à long terme.
L'autre point saillant des règles, c'est les 10 actions possibles pendant son tour de jeu (en fait c'est même plutôt une quinzaine, car certaines actions comme augmenter l'effectif d'une invasion sont contenues dans une autre). Il n'y a pas de cartes actions (genre de superpouvoirs à la El Grande ou Torres) mais seulement une grande liberté dans les actions standard qui vous sont proposée, qu'il faudra organiser au feeling car sinon vous pouvez prendre vraiment 3 plombes à jouer. De plus, il n'y a pas vraiment de points d'actions comme dans Torres, mais un coût pour certaines d'entre elles (normal, un bateau ou un château ne sont pas gratuits). La quantité de combinaisons (donc de choix) possibles à chaque tour est donc vertigineuse, malgré la grande simplicité du jeu. En fait, là où des jeux modernes aiment souvent mettre des compteurs partout (qui ne complexifient pas tellement ces jeux mais leurs donnent leur aspect "champ de cubes"), dans El Caballero TOUT est contenu dans les mécaniques de jeu elles-mêmes.
Avec quelques éléments seulement, qui interagissent tous les uns avec les autres, El Caballero est donc malgré les apparences un anti-Carcassonne: un véritable défi pour les joueurs, qui dès les premiers tours se rendent compte que derrière quelques règles faciles se cache un jeu costaud, un fumeur de cerveau première classe. Si vous attendiez un jeu d'apéro, c'est hyper mega raté, vos invité vont râler!
Évidemment, les règles avancées sont à utiliser d'emblée, car en fait elles résolvent intelligemment des cas particuliers (île ou mer fermée, nécessité de protéger sa tuile caballero la plus précieuse). Jouer sans ces règles n'est pas une bonne idée, même pour débuter, car fermer un territoire devient une forme d'anti-jeu et la règle du contact unique avec la terre devient trop frustrante si on ne la contredit pas un peu au moyen du Grande.
Bref, si vous aimez les petits moteurs puissants, ce petit turbo aux mécaniques implacables est un must!