Jamais je n’aurais pu deviner que Carrara était signé Kramer et Kiesling. Il s’agit d’un jeu de gestion léger où l’on ne fait qu’une seule chose : construire des palais dans différentes villes Italiennes, grâce à des matériaux aux coûts fluctuants (les villes demandant tel ou tel matériaux, un peu comme si on se pliait au cahier des charges esthétique fixé par chaque mairie). Le principe de la roue/marché aux matériaux et des exigences croissantes de chaque ville est sympa et constitue l'essence du jeu, le reste n’étant que tuiles à piocher et détails de score, qui se fait de différentes façons mais d'une seule fois chacune: par ville, par type de bâtiment, ou même par catégorie urbain ou campagnard. Le sel du jeu, c’est de regarder les matériaux que prennent les autres joueurs : nous sommes étrangement dans du « solo multijoueurs hautement intéractif ». Je m’explique : chacun fait sa propre tambouille sur son plateau individuel, mais les matériaux sont essentiels et si on vous les pique vos projets s’effondrent, d’où le paravent pour ne pas révéler les chantiers possibles!
Cette devinette des intentions des autres sur une roue d'actions tourne complètement à vide dans le médiocre Coloma, mais elle fonctionne ici à plein et se révèle très fun (il y a aussi la roue d'Ora et Labora, qui fixe la quantité et ne concerne pas vraiment les actions, donc pas vraiment similaire). C’est classique, fluide, facile à comprendre, presque familial, et ça n’évoque à aucun moment les autres créations (qu’elles soient simples ou complexes) du duo mythique -à choisir on dirait plutôt un Rudiger Dorn par exemple. Si je devais absolument trouver des comparaisons lointaines je dirais le classique San Juan (ou Puerto Rico le jeu de cartes) et le très sous-estimé World Monuments (qui est sorti après).
Une partie du matériel est cérémonieusement scellée dans une enveloppe censée n’être ouverte qu’après quelques parties. En réalité, vous pouvez immédiatement intégrer la plupart de ces règles additionnelles: la possibilité de ne pas tourner la roue, les nouveaux bâtiments à 8, la règle de reconstruction par dessus les bâtiments plus faibles (en ne payant que la différence) et aussi les améliorations de décompte, tout cela n’étant pas du tout compliqué et apportant plus de souplesse, plus de choix sans pour autant surcharger le tour qui reste super rapide. Par contre, vous pouvez effectivement laisser de côté le paquet de nouveaux objectifs et conditions de fin de partie, ce n’est pas plus mal de commencer avec juste ceux de base, imprimés sur un carton. J’imagine que ces objectifs renouvellent les parties, mais je ne suis pas fan de ce type de cartes en général -par exemple j’ignore les nombreuses cartes objectifs de Hallertau et je trouve que le jeu ne s’en porte pas plus mal. Ici, je les utiliserai, mais pour l'instant je respecte en partie l'injonction des deux K de ne pas tout utiliser tout de suite.
A noter: le jeu a été réédite avec de nombreuses corrections, certaines règles d'équilibrage s'avérant très faciles à transposer à la première version -plus facile à trouver et moins chère- sans le moindre matériel: regardez la distribution des briques initiales de la nouvelle règle (le noir étant à présent du violet), la possibilité d'échanger deux briques contre une immédiatement supérieure (dans l'ordre des villes), ainsi que la restriction de la construction par dessus un autre bâtiment aux bâtiments de 8. Cependant je sais que Kramer a voulu changer les règles pour donner plus de temps aux joueurs de développer leurs constructions, et je ne crois pas que ces petits équilibrage concernent ce changement: ça doit plutôt se situer dans les nouveaux objectifs de fin de partie qui doivent prendre plus de temps.