Confucius fait partie de ces très rares jeux qui mériteraient une palme pour leur immense originalité.
En effet, ce jeu très insolent est une somme de pieds de nez: aux jeux de gestion dont il se démarque avec irrévérence puisqu'on ne gère que de l'injustice et des déséquilibres là où les maîtres mots des jeux de gestion classiques sont équilibre et imperméabilité entre les joueurs, le "chacun dans son coin" étant un des garants principaux de l'équilibre de ce type de jeu; aux jeux de majorité dont il singe l'aspect faussement démocratique puisque les minoritaires à l'issue d'un récollement improbable peuvent se retrouver majoritaire; aux jeux de collaboration enfin dont il raille l'aspect politiquement correct si à la mode puisqu'on doit passer notre temps à collaborer contre notre gré avec les autres, nantis d'un sourire virant souvent à la grimace.
J'adore qu'un jeu ose obliger les joueurs à désigner arbitrairement (le premier ministre/premier joueur) avec toute la part d'intransigeance que cela implique (critères ludiques à prendre froidement en compte par rapport à nos intérêts), mais aussi toute la part de sensation justifiée ou non d'injustice qui en émane forcément; un jeu dont la quintessence de l'efficacité de nos actions à court et à long terme soit la nécessité d'influer directement ou indirectement sur nos adversaires en ne leur liant pas pieds et poings, mais en leur laissant juste la possibilité de jouer pour nous ou, dans le moins pire des cas, de ne rien faire contre nous; un jeu qui a l'affront de faire du king making perpétuel sa lame de fond récurrente puisque l'on passe son temps à faire et à défaire des rois de pacotille, les joueurs étant tous des marionnettes potentielles au service des autres (attention, je ne dis pas que le jeu est chaotique (il ne l'est pas) ou pas équilibré (il l'est), je dis juste qu'il ose ouvertement afficher un système honni des jeux lisses, policés et compassés à l'allemande); un jeu où l'on doit participer contre son gré à des actions qui favorisent plus les autres que nous-même (donner ses votes à un adversaire au cours de l'élection d'un ministère ou, suprême délice de la perversité, se retrouver à devoir appuyer financièrement un étudiant adverse tout en sachant qu'il viendra nous faire de l'ombre dans le ministère où il sera nommé); un jeu, encore une fois, qui réinvente la majorité avec un système étonnamment "simple", retors et pervers à l'issue duquel un joueur faible peut se retrouver majoritaire si il a correctement intrigué et corrompu.
C'est un jeu à l'humour noir qui dénonce de plus du point de vue du thème et de manière extrêmement caustique une certaine philosophie du pouvoir pas très reluisante.
J'adore! Merci! Encore!
PS: le jeu est optimal à 4 (éviter la configuration 5 joueurs) et je recommande chaudement d'appliquer la variante de Rody pour le ministère des armées:
*dès qu'on corrompt un fonctionnaire dans ce ministère, on ne réduit plus le coût de l'achat des armées comme spécifié dans les règles, mais on réduit de deux pièces d'or le coût des invasions.*