Oui, le tofu fumé a du goût... de fumé. Bref, pour moi, le tofu c'est quand même moyen en termes gustatifs.
Sinon, j'avais annoncé que je voulais réagir un peu par rapport aux commentaires comme quoi rien n'est prévu pour les végétariens lors d'un repas festif. Moi, je suis de l'autre côté de la barrière, pas seulement parce que je ne suis pas végétarien, mais aussi parce que je travaille dans le domaine de l'hôtellerie-restauration. Et il y a une évolution énorme, ces dernières années, en termes de demandes différenciées. En soi, il n'y a rien d'insurmontable techniquement, ni sur le plan financier, mais en général les conséquences sont imputables au prestataire de services, ce qui complique les choses, rend leur rentabilité délicate à préserver.
Imaginons un mariage de 100 personnes. Une prestation classique comprend gâteaux - café l'après-midi puis dîner sous forme de buffet avec une douzaine d'entrées différentes, en plats de résistance une viande, un poisson, un plat végétarien et les garnitures, puis un buffet de 6 à 8 desserts. Pour clôre le tout, on propose un dernier à point vers minuit. Ceci a un prix X, le client peut moduler au niveau des plats selon nos propositions et ses désirs. Et là commencent les problèmes potentiels.
Pour les gâteaux l'après midi, on permet aux invités d'amener leurs créations s'ils le souhaitent, et on complète avec nos propres gâteaux. Il faut bien sûr prévoir à l'avance qui fait quoi. On a déjà vu des buffets peu remplis car les amis avaient été "fainéants" ou trop remplis car chacun y était allé de sa recette. Ensuite, on veut bien être gentils et conciliants avec tout le monde, mais on ne connait les ingrédients de nos propres recettes. Alors comment indiquer ce qui est végétalien ? Je vous passe aussi les détails (plus importants en termes de santé) concernant les allergènes potentiels : gluten, oeufs, lait, fruits à coque, etc... On demande à chaque client ce qu'il a amené, ce qu'il a utilisé comme produits, on lui fait signer une promesse sur l'honneur, puis on écrit un écriteau explicatif pour les autres, et on passe ensuite au gâteau suivant ?
Pour les entrées, on propose toujours quelques plats végétariens (par exemple, panzanella toscane, taboulé, anti pasti, salades cuisinées, etc). Nous n'avons rien contre le fait d'adapter nos recettes, de tout tenter pour satisfaire le client, bien entendu. Mais quand celui-ci demande trois plats végétaliens (ou certifiés sans porc, ou sans allergènes), on lui fait comprendre que cela implique une lègère modification de prix, à moins qu'il sacrifie d'autres entrées pour rester dans la douzaine. Ben oui, faire 20 entrées pour 100 personnes, c'est plus complexe et moins rentable (pour le même prix de vente final) que d'en faire 12 pour 100.
On fait alors plein de petits plats au lieu d'en faire moins, mais de taille plus conséquente. En plus, quand le client choisit cette option, le jour-même du mariage, les plats végétaliens sont relativement délaissés (surtout s'ils sont indiqués en tant que tels) et restent assez pleins, pendant qu'il faut ravitailler en mini-brochettes de viandes et poissons, en salade de fruits de mer, et autres. Bref, on a plus de frais, encore une fois, les clients attendent éventuellement un peu le ravitaillement, et on jette beaucoup après le repas (à moins que les clients ne remportent les restes chez eux).
En plus de ça, on a une tendance actuelle vraiment en augmentation : la demande particulière de dernière minute. Il y a 15-20 ans, le choix que je viens de décrire contentait tout le monde. Actuellement, on a toujours plusieurs personnes qui arrivent à la dernière minute et annoncent une demande de différenciation souhaitée. Là encore, si on le savait à l'avance, on se débrouille, mais à la dernière minute, c'est délicat et peut foutre un service en l'air. Du point de vue de la production pure, ces demandes sont un service "à la carte" qui sort du contexte et constitue des plats individualisés. Ce n'est plus du tout la même prestation, mais allez faire comprendre ça à celui qui paye la note finale. Bref, c'est service, comme d'hab'...
Oh, je viens de voir le velouté qui est actuellement servi. Auriez-vous le même sans crême fraiche ? Euh, oui, mais dans notre chaudron, il est avec de la crême fraiche. Si je t'en refais sans, ça va durer quelques minutes et mon cuisinier ne terminera pas vos plats de résistance à l'heure pendant ce temps. Et cette salade ? Je peux l'avoir sans ail ? Et celui-ci sans porc ? Et l'autre sans poisson ? Oui, bien sûr, oui, bien sûr, oui bien sûr...
Encore une fois, en amont, tout est possible ou presque, mais comme ça, c'est plus compliqué. Bon, ne croyez pas que je suis aussi pète sec avec nos clients (mouhaha), mais d'une part je caricature pour passer le message, d'autre part j'essaie de ne pas être trop long dans ma rédaction (raté), donc je fais des raccourcis.
Pour ceux qui me parleront du service et l'amabilité, je vais tenter de trouver un autre domaine pour illustrer. Imaginez une entreprise qui contacte un constructeur automobile car elle veut mettre à chacun de ses 100 employés un véhicule de service. le constructeur automobile propose 1000 options, mais le prix étant comme toujours un critère non négligeable, l'entreprise se fixe sur 100 véhicules identiques (couleur, motorisation, etc...). Bon, comme c'est la fête, les véhicules auront quand même la clim et un appareil auto-radio.
Le contrat est signé pour un montant X qui prend évidemment en compte la quantité de véhicules. 100 fois la même, c'est plus simple (economies of scales, productivité), on rend au client une part de ces économies sous forme de rabais, tout le monde est content. La semaine suivante, 10 clients font remonter l'info comme quoi ils veulent une autre couleur, un autre modèle, des sièges en cuir, etc... Ben, c'est possible, mais ce n'est pas le même prix et ça ne rentre plus dans le même cahier des charges. Et lors de la livraison, tu as encore quelques clients qui se plaignent et formulent une autre demande.
Bref, je n'ai pas encore illustré le plat de résistance, les desserts ni l'appoint de minuit, mais vous aurez compris le principe, donc je vous épargne ma prose. Je comprends la bonne cause des végétariens en soi, vraiment. Le truc, c'est que je suis plus conscient qu'avant, mais je ne passe pas le cap de me passer de viande. C'est une question d'habitude et de goût. Mais je sais que ce n'est pas bien dans l'absolu, j'essaie juste au moment où je mange d'en faire abstraction pour savourer et ne pas me gâcher le repas, mais je sais qu'il y a un accroc dans la chaîne logique.
Pour résumer, à force de vouloir cuisiner pour le plus petit dénominateur commun (donc en respectant végétariens, végétaliens, musulmans, personnes sensibles aux allergènes, ceux qui n'aiment pas l'ail pour l'haleine, ni onions ni pois chiches ou haricots pour ceux qui ont des flatulences), et sans vouloir proposer 1000 offres différentes, tu te retrouves avec un produit final, certes bon en soi (on s'en occupe), mais qui ne contente pas la grande majorité des convives. Donc, chacun "peut" en manger, mais personne ne le "veut" vraiment.
Bonne continuation à toutes et tous. Vivre et laisser vivre. Respect. ;)