[société] Les foetus et l'état civil

Suite à une décision de la cour de cassation, des parents pourront inscrire leur enfant mort avant terme à l'état civil, même s'il avait moins de 500 grammes et de 22 semaines.
Cela pour leur permettre de faire leur deuil, d'enterrer l'enfant décemment (jusque là, ces foetus étaient incinérés avec les poubelles de la clinique).

En ce qui me concerne, je relève que c'est la reconnaissance que les foetus, quel que soit leur stade de développement, sont considérés comme des enfants au même titre que ceux qui sont effectivement nés, ce qui provoque une forme de collision morale avec la loi sur l'interruption volontaire de grossesse.

D'aucuns s'interrogent sur l'ouverture de droits sociaux et de droits à la retraite que cela provoquerait, mais nous n'en sommes pas là (à mon humble avis, ce serait confondre compassion envers les parents qui souffrent d'un deuil et aide financière aux parents qui élèvent des enfants).

Il me semble qu'ici c'est un bon exemple de point où il convient de faire la différence entre l'esprit de la loi et la lettre de la loi. Tu le dis toi même, le verdict de la cours de cassation a pour but d'aider les parents qui on perdu un enfant avant la naissance à faire leur deuil. Instrumentaliser ce verdict pour en faire un moyen de combattre la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse relèverait de la même erreur que celle que tu pointes dans la dernière partie de ton message. Ici, le verdict est en faveur des parents, pas des enfants.

Loin de moi l'envie "d'instrumentaliser" ou de "combattre". Simplement, reconnaître que l'enfant en est un... et pas un truc non-identifié que l'on jette. D'ailleurs, la très grande majorité des gens que j'ai rencontré le pensent, ce qui ne les empêche pas de souhaiter le maintien de la loi sur l'avortement.
Disons que cela de permet de peser avec plus d'honnêteté ce qu'est un avortement.

EDIT : au passage, distinguer ici les parents de l'enfant part d'un bon sentiment, Eric, mais n'est pas tenable. Cela reviendrait à dire : "bon, pour que vous puissiez faire votre deuil, on va dire que c'est un enfant ; mais, ne vous leurrez pas, c'est une pure fiction qui a juste pour but de vous réconforter".

Là, je suis d'accord. Mais comme je n'ai jamais rencontré de défenseur de l'IVG qui disait que le foetus c'était qu'un truc qu'on jeté, ni de femme ayant eu recours à l'iVG de gaipeté de coeur, je ne suis pas certain que la reconaissance du foetus comme un enfant à venir était vraiment une priorité...

Réponse à ton Edit : ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, j'ai juste parlé d'esprit de la loi. Je n'aimerai pas beaucoup alors que je pleure un enfant qui n'a pas pu venir au monde qu'on vienne utiliser mon chagrin pour venir me dire qu'il faut absolument interdire l'IVG... Je préfère que la loi me dise que la société reconnaît l'ampleur de la perte que je ressens.

OK. Mais si tu quittes ta position de parent en deuil pour prendre celle d'un observateur de la chose publique... voilà, c'est fait ?
Bon, eh bien, le problème central de l'IVG pour ceux qui s'y opposent c'est le fait que le foetus est considéré par eux comme un être humain qui doit être protégé.
Maintenant, nous avons une loi qui interdit la peine de mort même pour des criminels ayant commis des actes terribles : cela prouve notre attachement en tant que communauté politique à la vie humaine. Nous avons aussi une loi qui autorise l'avortement dans certaines conditions qui laissent supposer que la "nature humaine" (quel que soit le contenu que l'on donne à cette expression) n'apparaît que tardivement dans la gestation. Bon. Pas encore de souci théorique. Et maintenant, une décision (qui n'a pas encore force de loi) qui nous dit que, quel que soit l'âge du foetus, il peut être à l'état civil - or, l'état civil n'enregistre que des humains. D'un point de vue théorique, là, ça coince...
La loi sur l'IVG avait pour but de répondre à la détresse des mères mais elle touche d'autres sujets sensibles.

Allez, je prends le risque de faire un post un peu long... :roll: :D
Voici trois scénarios à peu près cohérents :
- la peine de mort est en vigueur, l'avortement aussi, la reconnaissance à l'état civil est indifférente. C'est le cas "la vie humaine n'est pas un absolu". On peut dans certaines circonstances tuer quelqu'un légalement. Cela ne pose aucun problème théorique sur le statut de l'embryon, puisque l'on tue aussi bien des adultes.
- la peine de mort est interdite, l'avortement aussi, la reconnaissance à l'état civil est en place ou pourrait l'être. C'est plutôt "la vie humaine est un absolu". On n'exécute ni un génocidaire ni un tortionnaire, et comme on reconnaît que le foetus est un être humain, on n'y touche pas.
- la peine de mort est interdite, l'avortement est autorisé, la reconnaissance à l'état civil n'existe pas pendant la période d'avortement. Le cas en France jusqu'à hier. "La vie humaine est un absolu" aussi, mais un foetus n'est pas un être humain. Cohérent. Sauf que cela pose le problème des limites légales d'avortement, mais ne compliquons pas les choses.

Ici, on a "la vie humaine n'est ni un absolu ni pas un absolu". Donc, impossible. Ou alors, "la vie humaine est un absolu au tribunal, mais pas un absolu à l'hôpital". Mais pourquoi ? L'hôpital échappe à la justice ? Non, bien sûr.

Oh les deux bretteurs, politique, religion et avortement en une même journée, vous êtes chauds, là!!!

Trempez la dans l'eau froide avant que je lance un sujet sur le libéralisme et un sur l'euthanasie.


Ah sinon une idée: échangez vos n°s de téléphone!!!!!!

Alors, puisque tu parles de l'euthanasie, la vie humaine à l'hôpital... je vais finir accroché à une branche comme un certain barde !

Je vais dire quelquechose qui risque de choquer du monde...

Mais vous ne croyez pas qu'avec cette nouvelle loi, on risque de provoquer des deuils plus compliqués...

Loin de moi l'idée de généraliser mais je ne pense pas qu'une fausse couche à 1 mois de grossesse doive être vécue de la même façon qu'une fausse couche à 7 mois... Et loin de moi aussi l'idée de pouvoir déterminer une date à partir de laquelle on doive différencier le fait qu'on a perdu un oeuf ou qu'on a perdu un bébé... Je n'ai pas vécu cette situation (tant mieux pour moi même si ma parole n'aura que moins de poids) mais bref, se lancer dans un processus de deuil pour un oeuf (excusez mes raccourcis linguistiques qui rendent mon discours "froid") me paraît bien lourd à supporter et ne me semble pas la meilleure soution pour aider à relativiser... et à "moins mal" vivre cette perte...

question: est ce que les parrents pourrons ou devrons l'enregistrer a l'etat civil?

Le Monde dit:
Compte rendu
La Cour de cassation élargit la notion d'"enfant sans vie
LE MONDE | 07.02.08 | 14h34 • Mis à jour le 07.02.08 | 14h34
Un fœtus né sans vie pourra désormais être déclaré à l'état civil, quel que soit son niveau de développement : c'est le sens d'un arrêt de principe rendu, mercredi 6 février, par la première chambre civile de la Cour de cassation. Cette décision ne crée pas un "statut de l'embryon" qui remettrait en cause le droit à l'avortement : elle se contente de répondre aux parents de foetus mort-nés qui, depuis des années, tentent de faire reconnaître l'existence juridique de ces "enfants morts in utero".
La Cour de cassation examinait les dossiers de trois familles qui avaient eu des enfants mort-nés entre 1996 et 2001. Les parents s'étaient vus refuser le droit d'enregistrer ces naissances à l'état civil et ils avaient décidé de porter l'affaire en justice. Déboutés en mai 2005 par la cour d'appel de Nîmes, ils s'étaient pourvus en cassation.
Depuis 1993, lorsqu'un bébé décède avant que sa naissance soit déclarée à l'état civil, le code distingue deux cas. Les enfants qui sont nés "vivants et viable" peuvent être déclarés : l'officier d'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès, l'inhumation ou la crémation de l'enfant deviennent dès lors obligatoires et ses parents bénéficient des droits sociaux qui sont liés à la naissance, notamment le congé maternité.
En revanche, si l'enfant n'est pas viable ou s'il est mort-né, l'officier d'état civil se contente, depuis 1993, d'un acte d'"enfant sans vie" : inscrit sur les registres de décès, ce document énonce simplement les jour, heure et lieu de l'accouchement ainsi que les prénoms, noms, professions et domicile des parents. Ces règles ont été précisées par une circulaire de 2001 : s'appuyant sur des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé datant de 1977, ce texte a estimé que cette notiond' "enfant sans vie" s'appliquait uniquement aux foetus considérés comme "viables", c'est-à-dire nés après 22 semaines d'aménorrhée ou pesant au moins 500 grammes.
APPEL AU LÉGISLATEUR
Lorsque le foetus ne correspond pas à ces critères, il tombait jusqu'alors dans un no man's land juridique : l'acte d'"enfant sans vie" ne pouvait être établi et si les parents ne réclamaient pas le corps de l'enfant, le foetus était incinéré parmi les déchets opératoires. Indignées par ces pratiques, plusieurs associations avaient demandé la reconnaissance de ces "enfants morts in utero" : en 2002, le docteur Jacques Montagut, conseiller municipal (UMP) à Toulouse, avait ainsi demandé la création de "jardins du souvenir des enfants nés sans vie" dans tous les cimetières de France.
Les trois dossiers soumis à la Cour de cassation concernaient des foetus de 18 à 21 semaines qui pesaient entre 155 et 400 grammes. S'appuyant sur la circulaire de 2001, la cour d'appel de Nîmes avait donc refusé leur inscription à l'état civil. Dans son arrêt de principe, la Cour de cassation a cependant rappelé que le code civil ne "subordonnait pas l'établissement d'un acte d'enfant sans vie au poids du foetus, ni à la durée de la grossesse". Pour l'avocat général, Alain Legoux, cette décision est un appel au législateur. "Ce n'est pas à la jurisprudence de fixer la norme, mais à la loi", notait-il dans ses conclusions.
Anne Chemin

tom-le-termite dit:question: est ce que les parrents pourrons ou devrons l'enregistrer a l'etat civil?


A priori, ça à l'air d'être "pourrons" ce qui relativise un peu mon discours. Sauf qu'on ne sait pas ce qu'il se passera à l'usage... Est-ce que dans 10 ans, ce "pourrons" ne sera pas devenu un "devrons" de fait parce que les bien-pensants de la société nous martèlerons que c'est plus conventionnel... Par exemple (même si je sais que c'est une peu dépassé comme exemple) : on n'est pas obligé d'être marié avant de faire des enfants mais dans beaucoup de famille, c'est "mieux"...

"Pourrons", bien sûr.
Sinon, Cookie, comment le dire... il y a des imbéciles partout, n'est-ce pas ? Mais cela permet à des parents qui pensaient déjà à leur enfant, qui se le représentaient déjà, qui l'appelaient par son nom, de mieux vivre tout ça.
Sans être un médecin pour deux sous, je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il s'agit d'un "oeuf" - comme l'ovule ("petit oeuf").

Tel que je comprends l'article c'est une possibilité donnée aux parents. Et donc, je maintiens que cela ne signifie pas que la loi dit désormais "un foetus est un enfant" mais bien qu'elle dit que la société est prête à reconnaître le deuil des parents qui eux le voyaient comme un enfant...
Bref, ici, comme pour l'IVG, la question est laissée à l'appréciation de l'individu. Ca me parait assez sain et très responsabilisant.

Eric dit:Tel que je comprends l'article c'est une possibilité donnée aux parents. Et donc, je maintiens que cela ne signifie pas que la loi dit désormais "un foetus est un enfant" mais bien qu'elle dit que la société est prête à reconnaître le deuil des parents qui eux le voyaient comme un enfant...
Bref, ici, comme pour l'IVG, la question est laissée à l'appréciation de l'individu. Ca me parait assez sain et très responsabilisant.


As-tu lu ma bafouille précédente ? Au tribunal, le juge n'a pas a choisir au sujet de la vie humaine. Ce n'est pourtant ni malsain, ni déresponsabilisant, évidemment. Mais ce n'est pas de son ressort.

Dans le même ordre d'idée, il y a eu le cas de cette femme qui a perdu l'enfant qu'elle attendait suite à un accident avec un chauffard

et le chauffard ne pouvait pas être accuser de la perte de la vie de l'enfant.

Ta bafouille juste précédente, je ne l'avais pas lue : on a écrit à peu près en même temps...
Quand je dis que la position est saine et responsabilisante, ça ne veut pas dire à l'exclusion des autres...

Pour tes trois scénarios : ils sont parfait du point de vue de la stricte cohérence mais a vrai dire, je suis très heureux de voir que notre justice est capable de sacrifier un peu de cohérence pour un peu d'humanité (ce qui ne signifie pas du tout que je te vois comme inhumain, hein ! Les esprits s'échauffent rapidement ces temps, y a même un lapin qui voudrait nous interdire de discuer sur la place publique)

Eric dit:Tel que je comprends l'article c'est une possibilité donnée aux parents. Et donc, je maintiens que cela ne signifie pas que la loi dit désormais "un foetus est un enfant" mais bien qu'elle dit que la société est prête à reconnaître le deuil des parents qui eux le voyaient comme un enfant...
Bref, ici, comme pour l'IVG, la question est laissée à l'appréciation de l'individu. Ca me parait assez sain et très responsabilisant.


d'accord a 100% avec notre bon pasteur !

Moi qui suis une brebis egarée depuis fort longtemps, voilà qui me fait bizarre ! ;) (surtout sur un tel sujet)

Encore une fois, chaque cas est unique...

Pour ma part, je lis l'article de la façon suivante :
- la loi ne penche pas en faveur d'un côté ni de l'autre.
- si on souhaite expliciter la chose, il faut une nouvelle loi qui pourra aller dans un sens ou dans l'autre, mais risque d'avoir cette fois-ci des impacts sur les autres textes de loi (ce sont les trois cas présentés par Philippe).

Les risques de dérives sont bien présentés par Philippe et peuvent être exploité comme argument par n'importe quel défenseur de la peine de mort (il faut la rétablir) ou condamneur de l'IVG (il faut l'interdire)...
Sans compter que ce sont parfois les mêmes (ce qui leur donne une forte contradiction intérieure à faire suivre par un spécialiste...)

On a des avocats sur TT, mais a-t'on des psychiatres aussi ? :)