[Reef Encounter]
On m'a parfois demandé de rédiger un guide stratégique sur Reef. Je n'en ai ni le temps, ni l'envie. Néanmoins, pour faciliter l'accès à certaines informations qui me semblent essentielles, je vous fais ici un récapitulatif à partir d'un post fleuve. Mes choix sont le plus exhaustifs possible mais restent bien entendu partiels et, pourquoi pas, partiaux... N'hésitez donc pas à intervenir et/ou à y ajouter d'autres interventions qui vous semblent pertinentes afin de compléter ce post.
Ludiquement.
palferso dit:Reef Encounter est un jeu souvent comparé à E&T. Or, il n’a strictement rien à voir. Je vais ici tenter de détailler ce que j’ai appris de ce jeu fantastique, passionnant et atypique espérant, outre le fait de démontrer que la comparaison avec E&T n’a aucun fondement, donner envie de découvrir ou redécouvrir ce jeu si particulier.
Comme E&T, Reef est un jeu de conflits. Mais les conflits n’ont strictement rien en commun entre ces deux jeux (et je ne parle pas de la différence de mécanisme pour les résoudre). Les conflits à Reef Encounter ne sont quasiment exclusivement que des conflits que l’on organise contre soi. En effet, si l’on joue avec des joueurs d’expérience, il devient très difficile d’attaquer efficacement et rentablement des coraux adverses depuis ses propres coraux.
L’essence qui fait tourner la machine à Reef Encounter, ce sont les coraux que l’on phagocyte. Les coraux derrière son paravent ne servent qu’à être posés, quand ceux que l’on a dévorés au moyen d’autres coraux peuvent servir à jouer sur les dominances entre les types de coraux ; pour être changés en larves permettant de poser plus vite ses coraux d’une même couleur ; pour être posés sur le plateau en plus des 4 tuiles maximum autorisées à être jouées en une fois depuis derrière son paravent permettant une occupation maximale du terrain avec une seule larve (par exemple, j’organise le phagocytage de 3 tuiles roses en les posant à côté d’un autre corail dominant cette couleur que je contrôle au moyen d’une de mes crevettes, corail dominant que je développe immédiatement dans la foulée en bouffant les 3 roses préalablement disposées ; plus tard j’ai à nouveau une larve rose et 4 tuiles roses derrière mon paravent : avec cette seule larve, je peux former instantanément un corail de 7 tuiles, les 4 du paravent et les 3 phagocytées ce qui m’ouvre des possibilités d’occupation, d’attaque, d’accélération du rythme du jeu, etc.).
Bref, les coraux phagocytés sont le nerf de la guerre et les plus faciles à obtenir sont ses propres coraux. C’est la première originalité de Reef : on gagne en puissance en organisant sa propre déprédation, en provoquant des attaques contre soi-même, en organisant le massacre de ses propres coraux qui sera la garantie d’avoir plus de marge de manœuvre quant au contrôle du jeu si l’on recycle habilement et efficacement cette matière première victime de déprédation précoce et auto-provoquée.
Ensuite, Reef est un jeu de gestion qui passe par un processus apparemment assez classique de production, recollection : on plante et on récolte. Reef partage donc quelques points communs avec de nombreux jeux de ce type : développer sa capacité de production ; accumuler des ressources ; se diversifier ou au contraire se spécialiser seront quelques unes de nos préoccupations constantes. Par contre, les moyens utilisés pour ce faire sont déjà plus originaux : on a vu plus haut le mécanisme de production en interne au moyen du phagocytage de ses propres coraux ; il y a aussi l’utilisation de sa force et de sa vitesse de production pour bloquer ou réduire celle des autres au moyen d’une occupation spatiale adéquate (attaquer un corail adverse mal protégé, enfermer un corail adverse pour interdire ou limiter son développement, etc.) ; l’utilisation des coraux des autres pour récupérer des produits permettant un essor plus rapide, plus massif et/ou une diversification plus importante (c’est une des possibilités les plus atypiques et les moins utilisées de Reef : agrandir le corail d’un adversaire profitant de sa position pour attaquer un corail voisin qu’il utilise généralement pour protéger le côté vulnérable d’un de ses grands coraux afin de phagocyter une ou plusieurs tuiles importantes pour notre développement et/ou réduire la taille d’un de ses coraux ; il faudra dans ces cas bien estimer ce que l’on gagne et ce que l’on fera gagner mais je peux vous dire que lorsqu’elle est bien utilisée, cette possibilité est souvent décisive). De fait, l’attaque la plus efficace d’un corail adverse passe souvent directement ou indirectement par l’utilisation d’un de ses propres coraux pour ce faire.
On a donc un jeu de gestion dont les finalités sont classiques mais dont les moyens le sont moins : attaquer ses propres coraux ; attaquer les coraux de l’adversaire au moyen de coraux lui appartenant ; occupation adéquate des sols pouvant influer sur la capacité de production (donnée plus classique que les deux premiers points)…
Enfin, Reef est aussi et surtout un jeu économique déguisé derrière un voile de crevettes et de coraux, une espèce de simulation boursière aquatique. En effet, il faut jouer avec les "cotations en bourse" des différentes matières-couleurs au moyen des tuiles de dominance afin de profiter au mieux des "fluctuations des cours" des unes sur les autres ; il faut donc savoir fixer les "coûts" et les valeurs au bon moment en fonction de l’offre et de la demande (couleur plus ou moins rare, plus ou moins également répartie entre les joueurs, etc., etc.) ; il faut aussi être placé pour profiter au mieux des "fluctuations des prix" (profiter qu’une couleur est provisoirement faible pour la phagocyter facilement et massivement avant de faire remonter sa valeur, etc., etc.). Tout cet aspect économique de Reef est bien évidemment décisif puisqu’il fixe les points que rapporteront chaque tuile, ce jeu boursier fixant au final le barème des points de victoire qui sera en vigueur à la fin de la partie.
Bien entendu, tout ceci est intimement lié, et la gestion, la course à la production, l’occupation de sols propices à un développement industriel massif, les "OPA" ou "fusions" que l’on fait sur ses propres coraux ou sur ceux des autres afin de pouvoir mieux spéculer, etc., etc. font partie d’un tout original, étroitement homogène et lié, extrêmement complexe et passionnant à tenter d’équilibrer.
Je n’ai insisté ici que sur les points qui me semblent les plus remarquables. Reef a bien d’autres mécanismes très fins, très bien imbriqués dans la mécanique générale et qui contribuent aussi bien évidemment au plaisir du jeu.
palferso dit:Par contre, il y a un point que j'ai oublié de souligner dans les nombreuses originalités de Reef: le mouvement. C'est le seul jeu que je connaisse qui utilise la téléportation comme mouvement. On phagocyte des tuiles et on les réinstalle où que ce soit sur le même plateau ou d'un plateau à l'autre ou un peu sur un plateau et un peu sur un autre. Cette liberté ouvre des possibilités tactiques et stratégiques énormes quant à ses développements, quant à l'occupation des sols, etc., etc. Bien entendu, ici aussi, cela passe par l'organisation méticuleuse du phagocytage de ses propres coraux: les faire disparaître du lieu où ils étaient implantés pour les faire réapparaître dans un lieu plus favorable pour eux et/ou pour servir nos visées. Unique...
palferso dit:Charlou dit:Reef encounters force à avoir une vision assez originale des rapports de force entre joueurs et coraux. Le fait que n'importe qui puisse influencer les coraux des autres demande une certaine gymnastique assez atypique. Ce rapport un peu différent du joueur à "ses" unités/zones le rapproche peut-être un peu de l'expérience ludique que peut nous proposer un Imperial.
Ca a le mérite d'apporter de la fraicheur. Au prix d'une difficulté d'appréhension globale assez élevée du coup
Très bonne analyse, beaucoup plus concise que la mienne...
Tu as raison de faire référence à Imperial. Reef est assez précurseur de ce jeu de ce point de vue. De fait, je les considère comme deux des jeux les plus originaux et atypiques de ces dernières années.
L'appréhension globale dont tu parles (la stratégie) est toujours très forte et passionante car, sans même parler de l'influence sur le jeu à court, moyen et long terme qu'implique le jeu avec les tuiles de dominance, il faut penser systématiquement non seulement ce que l'adversaire pourra faire mais aussi et surtout ce qu'il pourra faire et défaire avec nos propres coraux, espaces, etc. Ainsi, même le moindre coup tactique doit donc être forcément soumis à une vision globale de notre jeu et de celui de nos adversaires. Il y a donc une espèce d'interaction sous-jacente (sous-marine... ) qui s'installe de manière systématique entre les joueurs de Reef et que je trouve très belle, très originale.
palferso dit:Dernier point que j'avais oublié de souligner: il faut bien entendu jouer à Reef Encounter avec la variante avancée (corail d'une taille de 6 tuiles minimum pour pouvoir être mangé; plus de case de croissance qui vient donner une tuile gratuite). La règle normale sert à se familiariser avec les mécanismes du jeu. La règle avancée renforce très fortement l'aspect stratégique tant en ce qui concerne le développement des coraux et leur planification (occupation de l'espace, mise en place de grands coraux, préparation des phagocytages, etc.) qu'en ce qui concerne le jeu avec les tuiles de dominance (fluctuations "boursières" beaucoup plus complexes à évaluer, le "marché" et les "cours" ayant plus de temps pour évoluer tout comme les joueurs qui peuvent s'adapter plus souplement aux fluctuations d'un marché qu'ils auront su bien et finement anticiper à temps). Tout est donc beaucoup plus tendu et chaque choix devient terrible... De plus, les joueurs accumulent forcément plus de larves et plus de tuiles devant et derrière leur paravent (obligatoire pour pouvoir former de grands coraux et pour pouvoir peser sur le jeu à plus longue échéance en terme de projet stratégique mais aussi en terme de possibilités d'adaptation et de réaction), multipliant ainsi les possibilités tactiques et stratégiques, offensives et défensives. Le jeu atteint alors des sommets ludiques.
palferso dit:loic dit:Déjà, avec la règle de base à 4 tuiles, les parties sont longues, je ne suis pas près de jouer à 6
Ce sont 5 tuiles au minimum qu'il faut dans la version de base pour pouvoir donner à manger à son poisson et non 4. Passer de 5 à 6 tuiles minimum ne semble pas énorme or, cela représente en fait de grands changements (j'en parle plus en détail plus bas). Le point sur lequel j'insisterai ici, c'est que 5 tuiles sont intégralement et facilement protégeables par une seule crevette (la tuile sur laquelle elle se trouve et les 4 tuiles sur chacun des côtés) alors que 6 tuiles en strict minimum implique que forcément au moins 1 tuile ne peut être protégée par la crevette. Quant à déprédation, cela a tout de suite ses conséquences quant aux possibilités d'attaque de nos adversaires à partir de leurs coraux mais aussi et surtout à partir des notres... Il faut donc commencer à tout surveiller. Et si l'on veut donner à becquetter plus d'une tuile à son poisson, l'extension commence à devenir un problème douloureux et tendu qu'il vaut mieux planifier correctement.scand1sk dit:Je n'ai pas beaucoup joué, mais il me semblait que la case croissance permettait d'accélérer un peu le jeu, notamment en début de partie, sans pour autant influer énormément sur le jeu.
La case de croissance simplifie trop les choses en donnant une tuile gratuite et rend un peu systématique le jeu des positions de départ et de l'occupation de l'espace en général (chacun prend possession d'une case de croissance au départ et, quand il donne à manger à son poisson, il se réinstalle tout de suite derrière au même endroit afin de bénéficier à nouveau de la case de croissance). Les positions sont donc plus figées et répétitives.scand1sk dit:D'autre part, déjà en jouant à 5 tuiles, les parties se terminent avec beaucoup de tuiles de rapport de force bloquées. À six tuiles ça doit arriver en milieu de partie non ?
Les possibilités de jouer avec le rythme sont bien plus grandes et il faut tout surveiller: les coraux des autres et leur rythme de déprédation, les notres, mais aussi le blocage des tuiles de dominance. En version de base, passées les parties de découverte, il est tellement rapide, facile et sans aucun risque de rendre consommable un corail que les parties se terminent toutes aux crevettes, développer de grands coraux et spéculer sur le long terme avec les tuiles de dominance représentant un risque élevé de par la possibilité quasi-immédiate de pouvoir donner à manger à son poisson et de voir la partie se terminer à la vitesse de la lumière avant d'avoir pu mener à bien un projet d'extension ambitieux (encore une fois, poser seulement 3 tuiles est suffisant dans la version de base pour nourrir son poisson: j'occupe une des tuiles existantes (1), je pose mes tuiles (3), et je bénéficie de la case de croissance (1); dans la version avancée ce sont 5 tuiles minimum qu'il faut mettre en jeu: j'occupe une des tuiles existantes (1) et je dois poser 5 tuiles... ce qui implique au moins 2 tours ou 2 actions (et tout ceci pour ne manger qu'une misérable tuile? Mieux vaut travailler à plus long terme...) puisqu'on ne peut poser que 4 tuiles au maximum en une fois depuis derrière son paravent; au moins 2 larves d'une même couleur; passer par d'autres couleurs et rapports de force pour phagocyter des tuiles qui nous permettront de poser plus de 4 tuiles en une seule fois; etc., etc.). Bref, le jeu gagne énormément en terme de stratégie et de gestion de ses ressources, administration de l'espace, etc. Par contre, il gagne aussi indéniablement en complexité et en temps de jeu, c'est clair (on passe d'un jeu qui se clotûre en 1heure, 1 heure et quart à un jeu qui va durer entre 1heure et demie et deux heures).
damaloch dit:Tout d’abord, Reef et T&E partagent de nombreux points communs dans leur aspect.
Comme le dit Loic, ce sont deux jeux de pose de tuiles, tuiles que l’on introduit sur la surface de jeu (quadrillée) depuis son paravent. En outre, les couleurs des tuiles sont indépendantes de couleurs des joueurs, et les ensembles de tuiles posés sur le plateau « n’appartiennent » aux joueurs que parce qu’ils y ont adjoint un de leurs pions (chefs ou crevettes). Les points de victoire sont également cachés dans les deux jeux.
Toutes ces particularités sont non seulement communes, mais prises ensemble elles sont uniques, ce qui fait qu’on peut dire qu’il n’y a aucun autre jeu qui ressemble plus à Reef que T&E, et inversement. La comparaison vient donc à l’esprit naturellement. Et je pense que T&E doit souvent être pris en référence pour présenter reef.
Je partage donc l’opinion de Loic, lorsque je me place de son point de vue.
Et pourtant…
Et pourtant, toutes ces ressemblances touchent la forme. Parce qu’en essence, les deux sont vraiment différents (à une exception près : le positionnement. Dans ces deux jeux, le positionnement des royaumes/coraux est important, il conditionne en partie les capacités de défense)
Je vous renvoie au premier message de ce post, dans lequel palferso explique très bien en quoi les jeux n’ont rien à voir.
Voici à mes yeux ce qui rend reef unique :
-le tour d’un joueur : 10 actions, 1 obligatoire, avec une liberté de choix totale.
-les scores : à reef, vous pouvez dépenser des ressources pour faire varier la valeur des tuiles
-les points de victoire : à reef, pour marquer des points, vous devez manger vos coraux. Vous vous affaiblissez donc, alors qu’à T&E vous marquez des points en posant des tuiles et en retirant des tuiles à vos adversaires
-les tuiles : 6 derrière votre écran à T&E, tandis qu’à reef vous avez la possibilité de stocker derrière votre écran autant que vous le souhaitez. D’autre part, vous choisissez vos lots de tuiles, et chacun sait ce que vous avez pris. Ce qui amène deux notions fondamentales à reef : le rythme du jeu, que vous réglez, et également la stratégie de pose (ou de non pose, qui peut ressembler à de la prolifération d’armes )
-les conflits : destructeurs et essentiels à T&E (on gagne ou on perd), ce ne sont que des escarmouches et du grignotage à reef. Tandis que les chefs sont expulsés à T&E, et que les royaumes changent de main, les crevettes restent à reef et ce n’est qu’un bout de corail qui disparaît (avec des conséquences souvent dramatiques, certes). Les possibilités de conflits sont d’ailleurs très réduites à reef, qui est bien plus statique ; qu’à T&E, où les conflits sont déclenchés par les chefs (possibilité permanente de conflit interne et conflit externes inéluctables, ou presque)
-les tuiles de combat, les larves, les tuiles consumées (la clé du jeu, qui introduit la notion de cycle), les algues n’ont pas d’équivalent à T&E.
Je partage donc entièrement l’opinion de palferso lorsqu’il je me place de son point de vue : en essence, les jeux n’ont rien à voir.
damaloch dit:Je n'ai qu'une toute petite expérience de reef, et au cours de mes parties, les coraux étaient protégés en permanence contre toute attaque massive (y compris avec des coraux de taille importante, c'est à dire à partir de 8 tuiles). Au pire, le corail pouvait perdre une tuile. Mais en tout état de cause, la structure reste, et le crevette aussi. Tandis qu'à T&E, les chefs valsent.
Pour moi, d'après mon expérience et aussi d'après mon analyse du jeu, le meilleur moyen de récupérer des tuiles consumées, c'est de les recycler soi-même.
Lorsque les joueurs optimisent leur défense à reef (position du corail, position des crevettes, rapports de force des tuiles combat), la physionomie du plateau n'est pas si changeante. Elle évolue, certes, mais on n'y voit jamais les grandes catastrophes engendrées par les conflits externes de T&E.
Ta remarque ne fait penser à un point que je n'ai pas abordé tout à l'heure: reef est également un jeu de gestion de ses ressources: quand phagocyter?, quand poser des tuiles?, quand se contenter de récupérer des lots?, quand verrouiller une tuile de combat?, quand manger son premier corail?, etc. Cette composante gestion est d'autant plus importante quand les coraux sont inattaquables, ou presque. Plus les joueurs défendent leurs coraux et se développent en sécurité, et plus le jeu de reef s'éloignera de celui de T&E.
palferso dit:damaloch dit:Les possibilités de conflits sont d’ailleurs très réduites à reef, qui est bien plus statique ; qu’à T&E, où les conflits sont déclenchés par les chefs (possibilité permanente de conflit interne et conflit externes inéluctables, ou presque)
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Damaloch sur ce point, surtout en ce qui concerne le côté "statique" de Reef, critique infondée qui vient là encore de la comparaison avec E&T. Comme Damaloch l'a justement expliqué par ailleurs, la majorité des conflits se gèrent en interne puisque ce sont les plus rentables. On organise ainsi sa déprédation, essentielle pour se garantir une production rapide et de plus en plus élevée. Les mouvements sont donc nombreux et d'un type peu commun: une espèce de téléportation. On "téléporte" nos tuiles depuis derrière le paravent vers devant le paravent (en posant par exemple une ou deux tuiles sur le plateau avant de jouer une autre larve pour phagocyter immédiatement ces tuiles qui passent devant notre paravent pour servir d'autres fins). On "téléporte" également les tuiles d'un lieu à l'autre sur le plateau: je phagocyte un corail que je protégeais jusqu'ici avec une crevette avec un autre corail dominant et je joue ensuite une larve du corail à peine phagocyté, larve qui me permet de poser des tuiles depuis derrière mon paravent (4 au maximum) mais aussi celles que je viens de phagocyter (en nombre illimité). Ceci permettra de prendre des positions fortes, d'attaquer en masse, etc. On a donc des coraux qui disparaissent et réapparaissent, qui passent d'un plateau à l'autre, de derrière vers devant le paravent, etc. Cette "danse" si particulière des coraux et des couleurs est une des grandes trouvailles de Reef. Le mouvement est donc très présent et le jeu n'est statique que si l'on ne le visualise que dans une optique de conflit directs à générer contre des adversaires (comme à E&T), optique qui indéniablement va figer le jeu et le limiter grandement. Les luttes de Reef ne sont pas ouvertes, franches et massives comme à E&T; elles sont sous-jacentes, indirectes, retorses.loic dit:Défendre entièrement un corail de 8, c'est pas évident.
Il est évident que dans une optique E&T, défendre un corail de plus de 8 tuiles parait difficile. J'ai déjà maintes fois développé des coraux qui avaient une taille comprise entre 12 et 14 tuiles. Et ces coraux étaient protégés mais ils étaient passés par cet espèce de processus de "digestion" propre à l'auto-déprédation qui n'a rien à voir avec aucun autre jeu. Par exemple, je joue en ce moment avec Charlou (qui est intervenu plus haut) sur spielbyweb. J'ai actuellement sur le plateau un corail de 10 tuiles que j'ai posé en une seule fois et ce corail peut être immédiatement en toute sécurité étendu à 12 tuiles et avec un peu de travail en ce qui concerne les dominances à plus. Par contre, je suis passé par un processus progressif de phagocytage des tuiles de cette couleur (au moyen de mes coraux et au moyen des coraux de mon adversaire que j'ai utilisés également pour attaquer ces tuiles) qui ont fait valser, apparaître et disparaître mes tuiles d'un lieu à l'autre (positionnant d'un côté en destinant ces tuiles non à l'extension mais au phagocytage, sachant donc que ce serait une autre couleur qui s'y installerait en définitive, etc., etc., etc.).damaloch dit:reef est également un jeu de gestion de ses ressources: quand phagocyter?, quand poser des tuiles?, quand se contenter de récupérer des lots?, quand verrouiller une tuile de combat?, quand manger son premier corail?, etc. Cette composante gestion est d'autant plus importante quand les coraux sont inattaquables, ou presque.
Pas mieux. J'ajouterai: apprendre à planifier et à anticiper ses propres phagocytages (au moyen de la gestion de ses tuiles et de ses larves, des lots à choisir et à laisser, des espaces à prendre, etc., etc.) qui offrent la vraie matière première dont on a besoin pour que notre "entreprise" soit performante et rentable.
damaloch dit:Je suis d'accord avec ce que tu dit concernant le mouvement et la téléportation (je dirais plus le reyclage) des tuiles phagocytées. Mais je n'associe pas ça à un conflit. C'est pour moi de l'élevage de tuiles destiné à servir de ressources par la suite (voire à rester sur le plateau du fait d'évènements favorables). Mais je confirme qu'il y a effectivement beaucoup de mouvements sous-jacents qui participent au rythme de reef, et qui sont la clé principale du jeu, comme je le disait un peu plus haut.
Une des questions que je me pose le plus fréquemment, c'est d'ailleurs: comment développer mon corail pour être capable ensuite de le manger au mieux par la suite?
Je parle de l'aspect statique de reef comparé à T&E pour ce qui est des conflits. Et quand je dis conflits, je pense "conflits entre joueurs". Les conflits entre joueurs sont limités à reef et surtout il n'y a pas de conflits internes. Les crevettes ne vont pas se déplacer pour aller revendiquer le corail d'un autre joueur. Et il doit être très rare de voir une crevette abandonner un corail conséquent (je pense que le cas doit pouvoir se produire) pour aller s'installer ailleurs.
Du coup, une fois les crevettes positionnées sur un corail d'importance, les positions des joueurs sur les plateaux varient très peu voire pas. En revanche, comme tu le soulignes, à "l'intérieur" de ces coraux, c'est une alchimie perpétuelle qui rend le jeu dynamique.
Charlou dit:Je pense que comme pour Antiquity, Reef Encounter est en bonne partie question d'expérience. Il y a forcément apprentissage à faire. Toute la complexité de Reef Encounter vient de la démultiplication énorme des possibilités - plus grande que sur Antiquity à mon sens où la notion de territoire est plus conventionnelle et limite de facto les possibilités.
Il faut sinon voir aussi qu'il n'est grosso modo quasiment jamais mauvais de phagocyter son propre corail. C'est au pire une larve perdue, pour son placement initial, mais au mieux une démultiplication des potentiels : pouvoir influencer les rapports de force, pouvoir faire une invasion express, pouvoir téléporter tout un corail vers une autre zone. C'est hyper avantageux, et pas toujours contrable.
Ca peut, dans une toute certaine mesure, faciliter la planification de ses propres cultures et actions. Je ne dis pas que c'est simple, je suis loin de gérer finement le tout, oulà ! C'est néanmoins faisable avec l'expérience.
palferso dit:En règle générale et pour schématiser, il est relativement aisé de faire un corail de 10-12 tuiles en ne protégeant par exemple qu'un flanc avec un petit corail à nous que l'on phagocyte régulièrement afin d'aggrandir le grand corail (qui a vu préalablement ses dominances bloquées en sa faveur par rapport à ce petit corail) tout en replaçant immédiatement un peu plus loin le corail expiatoire, continuant à protéger ainsi le corail dominant qui continue à s'étendre. L'autre flanc du grand corail est bien entendu protégé par une autre de nos crevette.pyjam dit:On peut faire des coraux très grands, en effet, mais il faut être attentif à ne pas se laisser piéger par un joueur qui finit la partie au plus vite.
Pyjam a raison, il faut faire très attention aux conditions de fin de partie et à la manière dont les joueurs influent sur le rythme du jeu. C'est souvent un moyen très efficace effectivement pour obliger un adversaire à revoir ses ambitions de grands coraux à la baisse.
palferso dit:Je vous recommande chaudement d'aller lire la très récente critique de Monsieur Bilbo qui s'est sûrement perdu dans le flot d'avis qui déferlent quotidiennement sur tric trac. Cette critique est à mon sens la meilleure critique, et de loin, qui se soit écrite à ce jour sur Reef Encounter. Voici le lien: //www.trictrac.net/avis/l-ivresse-des-profondeurs
Bilbo y insiste entre autres sur un point que j'ai évoqué mais que je n'ai pas développé en profondeur: les timings. En effet, à Reef on ne gère pas que des tuiles, des poses et des développements; on gère aussi et surtout du temps:
-il y a le timing des auto-phagocytages et du développement de ses coraux afin de se garantir une productivité maximale visant à atteindre le meilleur rapport quantité de tuiles posées/vitesse de pose.
-il y a le timing des temps morts (une autre des nombreuses originalités dont fourmille Reef, originalités si atypiques ludiquement parlant): savoir quand il est bon de ne rien faire est très important à ce jeu car souvent, accumuler un ou deux lots de plus sans rien dépenser peut générer une différence énorme en terme d'efficacité de développement, de mise en place de coraux et de rythme de ces mises en place, sans même parler de toutes les réactions en chaîne sur son jeu et sur celui des autres qu'impliquent ces processus à Reef.
-il y a le timing de l'occupation de l'espace: quand s'y installer?, quand et comment le remplir?, quand le libérer? sont des choix souvent terribles et aux conséquences souvent décisives.
-il y a le timing du bloquage des dominances: là aussi décisif en ce qui concerne le contrôle du jeu (quelle couleur peut ou ne peut bouffer quelle couleur, si c'est provisoirement, si c'est définitivement, si c'est à un moment oui et à la seconde suivante non, etc...), décisif également en ce qui concerne les points qui seront marqués au final mais aussi en ce qui concerne le rythme global de la partie quant à la fin du jeu (toutes les tuiles bloquées).
-le timing du premier corail prêt à être bouffé (qui nous laisse les moyens de pouvoir influer à long terme sur les dominances).
-le timing quant aux crevettes bouffées (pour schématiser grossièrement: accélérer la fin de partie ou être plus gourmand quant à production en continuant à aggrandir nos coraux bouffables).
Reef est une question de rythme, de timing. Savoir orchestrer en symbiose et de manière homogène et cohérente tous ces tempos est le gros défi de ce jeu et constitue une partie importante de son énorme difficulté. C'est toujours le meilleur "chef d'orchestre", le meilleur "chorégraphe de ballets aquatiques" qui l'emportera.
palferso dit:En conclusion et pour synthétiser, Reef est un jeu de gestion boursier dans lequel on organise des ballets aquatiques de tuiles et de couleurs...
palferso dit:Il y a dans les règles de Reef, une condition de victoire un peu oubliée qui est celle de l'épuisement d'un type de larves. L'auteur stipule à juste titre qu'elle est improbable. Et c'est effectivement exact dans le cadre des règles normales au sein desquelles il l'évoque. Mais, lorsqu'on joue avec la variante avancée, cette condition prend de la force et devient une alternative plus que viable (un peu comme les conditions de victoire "périphériques" dans des jeux comme Liberté ou King of Siam). Par exemple, si l'on accumule des tuiles phagocytées d'une couleur devant son écran et qu'on les change toutes contre des larves (action 6), si l'on en vient à épuiser ainsi les larves de cette couleur de la réserve, il suffit en dernière action d'opter pour le lot contenant la larve de cette même couleur; en effet, il sera alors impossible de remplir le plateau de pleine mer à l'issue de cette action et le jeu s'arrêtera immédiatement.
D'un point de vue général, vu que chacun met secrètement une tuile dans son poisson au début du jeu, il est absurde (pour ne pas dire stupide) de mettre un terme à la partie dans ces conditions si l'on n'a pas pris une certaine avance quant aux tuiles ingurgitées par le poisson-perroquet.
Dans le 1er tiers de la partie, le risque est qu'un joueur donne à manger à son poisson ne serait-ce qu'une tuile et ferme le jeu en changeant 3 ou 4 tuiles phagocytées d'une même couleur (grand maximum qu'il est possible d'avoir phagocyté en début de partie, les tuiles que l'on accumule à ce stade étant par la force des choses majoritairement des tuiles de couleurs plus ou moins distinctes en fonction de la marge de manoeuvre que nous laissent nos adversaires avec les positionnements initiaux et les prises de tuiles originelles). A chacun de bien surveiller ce que font les autres, ce qu'ils phagocytent et ce qu'ils peuvent phagocyter ainsi que le rythme d'épuisement des larves (savoir jouer une larve d'un type ne serait-ce que pour la réinjecter dans la réserve et/ou ne pas choisir au cours de l'action 10 une larve du plateau de pleine mer qui pourrait être épuisée par la suite). On peut également donner à manger à son poisson avant un joueur qui aurait la possibilité d'arrêter subitement le jeu à son tour. En effet, dans ces conditions, le joueur en question devrait alors pouvoir jouer sur les dominances tout en conservant un nombre de tuiles phagocytées assez important pour pouvoir fermer (avoir autant de tuiles phagocytées à ce stade du jeu est hautement improbable...) sans avoir pour autant forcément la garantie d'avoir plus de points que celui qui a mangé, la tuile originelle donnée en pature au poisson constituant une inconnue problématique... Bref, en étant un peu attentif et rigoureux quant au rythme de l'extension des coraux, quant aux teintes des phagocytages et quant aux fluctuations des larves en réserve, il est impossible ou au moins hautement improbable que le jeu ne puisse s'arrêter tôt avec cette condition de fin de partie.
Par contre, dans le 2ème tiers/moitié de la partie, les joueurs peuvent très bien arriver à avoir 5 ou 6 tuiles d'une même couleur devant leur écran et là, la possibilité de stopper net la partie plane forcément au dessus des têtes. En effet, avec une telle quantité de tuiles d'une même couleur, le problème ne se résume plus seulement à réinjecter des larves dans la réserve ou à ne pas prendre un lot du plateau de pleine mer. Il faut donc être en rythme et dans le rythme quant à ce qu'ont mangé les poissons et à ce qu'a mangé le notre. Il faut également être à la page en ce qui concerne les blocages des dominances. Un joueur qui peut fermer la partie aux larves devra (devrait...) utiliser dans leur quasi-globalité les tuiles d'une même couleur qu'il s'est évertué à accumuler devant son écran. Il est donc moins souple et a moins de marge pour pouvoir jouer efficacement sur les dominances et ceux qui ont su de manière anticipée bloquer pertinemment des couleurs qui se démarquent des siennes tueront dans l'oeuf ses vélléités d'en terminer (et ce d'autant plus qu'en cas d'égalité, celui qui l'emporte est celui qui a le plus de tuiles devant son écran; autant dire donc que celui qui a mis fin à la partie en changeant ses tuiles phagocytées contre des larves est hors jeu de ce point de vue...). Maintenant, si chacun joue dans son coin; si certains retardent systématiquement l'heure du repas de leur poisson en ne pensant qu'à faire un corail gigantesque sans prendre en compte qu'un joueur qui a ne serait-ce qu'une tuile d'avance de ce point de vue est en position de fermer subitement le jeu; si personne n'anticipe les dominances par rapport au contexte général et propre à chacun; et bien le joueur qui se sera donné les moyens de fermer le jeu dans ces conditions l'emportera sûrement aisément. On voit d'ailleurs bien dès ce stade que cette condition de victoire renforce donc l'interaction et multiplie encore les choix douloureux et tendus.
Dans le dernier tiers du jeu, à partir du moment où quelqu'un aura donné au moins un grand corail à son poisson (ce qui implique qu'il aura forcément pour ce faire utilisé tout ou grande partie de ces tuiles phagocytées), ceux qui pourraient conclure le jeu auront alors plus intérêt à utiliser leur tuiles phagocytées pour augmenter leurs points en tentant de concrétiser une politique de développement sur le terrain et quant aux dominances plutôt que d'arrêter une partie qui leur serait probablement défavorable vu le nombre de tuiles stockées par chacun dans l'estomac du poisson.
Donc, cette condition de fin de partie augmente la tension, l'interaction et empêche une course à l'armement boulimique et démesurée en obligeant à rester plus ou moins dans la roue de nos adversaires quant au rythme. Il faut bien prendre conscience qu'avec la variante avancée c'est une condition plus que viable et qu'elle devient ainsi un paramètre de plus à prendre en compte.
edit: Breese a officialisé un changement de règles de ce point de vue. L'action 6 (changer une tuile phagocytée contre une larve) n'est possible que si l'on joue immédiatement la larve. Ceci rend quasiment caduque cette condition de fin de partie au moins au moyen de l'action 6 qui était celle qui essentiellement la rendait viable.