Les jeux de Lacerda vs. Terra Mystica / Projet Gaia

Une discussion est en cours dans Hier j’ai joué à… sur les jeux aux règles complexes. Règles inutilement complexes pour les uns, apportant de la profondeur au gameplay pour les autres.

Règles complexes, ça me fait tout de suite penser aux jeux de Lacerda et à Terra Mystica / Projet Gaia.

Y a-t-il par ici des amateurs de Lacerda qui apprécient moins Terra Mystica / Projet Gaia ou l’inverse ? Et surtout pourquoi ?

Potrick dit :Y a-t-il par ici des amateurs de Lacerda qui apprécient moins Terra Mystica / Projet Gaia ou l'inverse ? Et surtout pourquoi ?

Alors moi j'ai adoré Terra Mystica, j'ai aimé encore plus Projet Gaia et j'aime aussi certains Lacerda. Y'a juste Lisboa que j'ai moins aimé mais je n'en ai fait qu'une seule partie et je pense que mon impression est juste liée au fait que je l'ai jouée au mauvais moment. Il aurait fallu que je lui laisse une deuxième chance mais je n'ai pas beaucoup de temps pour jouer ni pour accorder une première chance à certains de mes jeux alors rejouer un jeu qui ne m'a pas directement emballé, c'est pas toujours simple.

J'ai un ami qui aime les gros jeux et qui trouve les Lacerda inutilement lourd. Il m'a fait joué à Trickerion que j'ai trouvé inutilement lourd... les goûts et les couleurs... Dans nos débats sur ce qui est lourd ou inutilement lourd, il y a aussi les What's Your Game qui nous divisent. Personnellement, je trouve que ce sont des bijoux d'équilibre entre la complexité et la profondeur. Lui trouve que c'est trop artificiel.

J’ai mis du temps à apprécier Terra Mystica (après une partie où j’étais curieux et j’avais pas aimé, ont suivi plusieurs parties où j’étais le seul à avoir envie d’autre chose avant que je finisse par apprécier), alors que les jeux de Lacerda auxquels j’ai joué ( The Gallerist expliqué par un pote, puis Lisboa et Escape Plan acheté par mes soins, ce dernier étant bien plus léger), j’ai accroché de suite.

Pourquoi ? L’une des premières raisons est le chauvinisme : d’origine portugaise, avoir enfin un auteur de jeu local apprécié ça donne un a priori positif.

Mais les principales raisons sont :

  1. Le thème dans les Lacerda. Si chaque action est complexe (parce que sous actions derrière), elle a néanmoins une logique ancrée dans la thématique. Terra me semble plus abstrait, voir point 2
  2. La multiplication des ressources dans Terra : les prêtres, les cubes, la mana, et une bonne partie est convertible en autre chose. La possibilté de conversion, certes bien utile dans le jeu, donne un sentiment d’interchangeabilité et donc de complexité artificielle. Lisboa, il y a encore plus de ressources, mais chacune correspond à un thème, et peu sont directement interchangeables, sauf bonus.
  3. Le démarrage lent dans Terra, avec le sentiment de ne pas faire grand chose au début, accentué par la coupure en plusieurs manches, qui fait qu’à la fin de la première manche tour “quoi, c’est tout ce que j’ai fait ? C’est tout ce que je suis capable de faire ?”

Au fur et à mesure des parties, j’ai quand même fini par accrocher à TM (et pas eu de souci à PG), mais il m’a fallu du temps avant de me dégager de cette sentation de complexité artificelle, alors que le tout est beaucoup plus simple dans les faits que Lisboa (The Gallerist, j’y ai joué il y a trop lomgtemps je sais plus)

Alors moi j’adore Gaia Project, j’avais déjà adoré Terra et donc logiquement je surkiffe Gaia. 

Les Lacerda j’ai aussi du mal a apprécié sauf Escape Plan que je trouve relativement fluide rapide et fun et CO2 pour le coté coop d’un jeu de gestion.

Les Lacerdas je fais parti de ceux qui les trouve inutilement lourd. De chaque action découle une sous action qui peut enclenché encore une autre action, bref durant les 2-3 premières parties on est obligé d’avoir le livret de règle a portée de main et on est pas à l’abris d’omissions. On a de mémoire fait 3 parties de Kanban durant lesquelles on avait systématiquement oublié un point de règle avant d’en faire une avec les règles correctes. En fait il y trop de truc et de bidule que je ne trouve pas forcement logique ou intuitif dans la résolution des actions.

Cela ne correspond aussi pas forcement à la consommation que je fais du JDS. Je pense qu’un Lacerda pour être vraiment apprécié doit être joué 3-4 fois avec les même personnes pour qu’il devienne fluide et clair pour tous le monde.
De mon côté je joue régulièrement avec de nouveaux joueurs et à de nouveaux jeux, et réexpliquer toutes les semaines un Lacerda c’est vite relou. C’est pour ça que je lui préfère des jeux aux règles plus simple mais avec une grande profondeur quand même comme ceux cité plus haut.

Ce que j’apprécie dans les Terra Mystica notamment c’est qu’une fois les règles lu, il n’y a pas d’exception ou de cas particulier. On a 8 actions et une fois qu’on a compris comment elles fonctionnent on se pose pas 36 questions et on ne revient pas à la règle systématiquement. 

Le dernier jeu qui m’a fait cet effet c’est Barrage qui est d’une simplicité extrême dans ses règles, tout est fluide claire et après un tour de jeu plus besoin de revenir aux règles, et pourtant le jeu est d’une profondeur extrême.

morty dit :Alors moi j'adore Gaia Project, j'avais déjà adoré Terra et donc logiquement je surkiffe Gaia.
Alors sur ce point, on est pareil ! Et je crois que nos ressemblances s'arrêtent là. Je ne dis pas que l'un de nous deux à raison et que l'autre à tord mais les différences de perception sont énormes.

 
morty dit :Les Lacerdas [...] durant les 2-3 premières parties on est obligé d'avoir le livret de règle a portée de main et on est pas à l'abris d'omissions.
Alors personnellement, ce que je trouve très fort dans les Lacerda c'est que l'inconographie est particulièrement claire. Entre ça et les aides de jeu, si tout a été bien montré et mis en valeur pendant l'explication, on n'oublie rien... ou presque. Alors tu donnes l'exemple de Kaban auquel je n'ai jamais joué donc peut être que celui-ci était particulier mais Vinhos, The Gallerist, On Mars, Lisboa... ça va. J'ai trouvé ça très bien fait. Bon j'avoue, Lisboa m'a fait craquer mais pour d'autres raisons. J'ai essayé de tout calculer, anticiper... et mon cerveau a fait pchiiiit ! Mais comme je l'ai dit précédemment, quand je l'ai découvert ce n'était pas le bon jour.

 
morty dit :Un Lacerda pour être vraiment apprécié doit être joué 3-4 fois avec les même personnes.
Pour qu'on soit efficace oui. Et heureusement qu'on ne parvient pas à tout maîtriser sur la première partie. C'est ce que j'attends d'un gros jeu. Qu'à la fin je me dise : "Ah mais stratégiquement, j'étais à côté de la plaque ! La prochaine fois, je vais tenter ça... ou ça... ou ça...." Si on pense avoir tout compris dès la première partie, ça ne correspond plus selon moi à la définition du gros jeu.
 
morty dit :Ce que j'apprécie dans les Terra Mystica notamment c'est qu'une fois les règles lu, il n'y a pas d'exception ou de cas particulier. On a 8 actions et une fois qu'on a compris comment elles fonctionnent on se pose pas 36 questions et on ne revient pas à la règle systématiquement.
Mon dernier Lacerda c'est On Mars et je trouve que c'est pareil. Quelques actions avec un mécanisme d'activation et de renforcement similaire pour chacune d'elle... et paf. Il y a beaucoup d'explications mais ça n'est pas si compliqué que ça. Après, on est complètement largué ! Que faire au premier tour ? Mais on prend une direction, on explore, on fait des erreurs stratégiques (pas des erreurs de règles), on couine... et on a envie d'y retourner pour mieux maîtriser et progresser.

 
morty dit Le dernier jeu qui m'a fait cet effet c'est Barrage qui est d'une simplicité extrême dans ses règles, tout est fluide claire et après un tour de jeu plus besoin de revenir aux règles, et pourtant le jeu est d'une profondeur extrême.

Ok... Je te l'accorde. On retombe d'accord à la fin. Mais Barrage m'a moins donné envie d'y retourner qu'un Lacerda ou qu'un Projet Gaia. Je trouve notamment que ce dernier a une plus forte rejouabilité.

J’ai découvert les “2 mondes” l’année dernière pour ma part :
- Lacerda via CO2 second chance reçu au premier trimestre, puis on s’est acheté Kanban et Lisboa en fin d’année
- TM via les “rondes suisses tric traciennes” sur BGA, mais pas PG.

Donc mon avis peut être/est faussé par plusieurs critères. Tout d’abord je joue majoritairement à 2 aux Lacerda, tandis que TM je n’y ai joué qu’à 4. De plus les parties en ligne se font en tour par tour, et les parties s’étendent donc sur environ 1 mois, ce qui rend la découverte d’un jeu bien plus laborieuse (il faut toujours réfléchir à la stratégie qu’on avait mis au point originellement avant de rejouer, donc c’est plus facile de faire des erreurs).

De mon point de vue qui vaut ce qu’il vaut, j’ai donc eu plus de mal à me lancer dans TM que dans un Lacerda. Et c’est certainement du à l’interaction dans TM qui y est très présente mais aussi à la grande variété de clans et de pouvoir. Typiquement au bout de ma 2-3ème partie je me suis dit que je connaissais un peu le jeu et pouvais tester une faction moins conseillée aux débutants afin de varier les plaisirs… et j’étais totalement perdu, j’ai fait un départ catastrophique, et j’ai l’impression que TM est plus punitif de ce point de vue là. Si tu ne suis pas le rythme de tes adversaires, ou si finalement tu es parti du mauvais sens et que tu te retrouves seul sur la map…et bien sors tes rames.

Dans un Lacerda on est déjà porté par le thème, ce qui induit une facilité d’apprentissage des règles, bien qu’elles soient au moins aussi conséquentes voir plus qu’un TM. Mais ici le jeu n’est pas asymétrique, on travaille tous à peu de chose près pour le même objectif, donc on n’a pas besoin de vérifier chaque pouvoir de faction avant de faire son coup.
Dans certains de ses jeux (Kanban, CO2, Escape Plan) le départ est assez prévisible en fonction des différent objectifs. Dans d’autres comme Lisboa, c’est plus “freestyle”, tu te retrouves devant un énorme plateau avec de nombreuses possibilités d’action et tu dois choisir de toi même quelle voie tu veux suivre. C’est assez intimidant sur les premières parties, mais après un ou deux tours ça roule.

L’aspect de l’expérience de jeu est aussi plus importante sur TM que Lacerda je pense : lors des premières parties, si tu veux “apprendre le jeu en faisant comme les grands”, dans un Lacerda tu peux t’en sortir de manière honorable je pense. Dans un TM, les choix dépendent des factions jouées, des dispositions sur la carte, des objectifs de chacun round… donc ce que fais un joueur A peut n’avoir aucun sens si c’est fait par le joueur B.

Donc pour conclure, j’ai apprécié plus rapidement, en général dès ma première partie, les design de Lacerda parce que grâce aux thèmes je savais dans quoi je m’engageais, et j’aime beaucoup sa façon intriquée d’organiser ses jeux. Pour le cas de TM, c’est laborieux, et au bout de la première partie je n’ai pas réussi à identifier précisément ce que j’ai mal fait comparativement au gagnant. Lors de la seconde partie non plus. Et il m’a fallu 3-4 parties pour commencer à y prendre gout. Donc en soit, je trouve TM bien plus intéressant quand tu maitrises les tenants et aboutissants du jeu, tandis qu’un Lacerda, même si tu fais des erreurs lors des premières parties, tu commences déjà à profiter du thème et du gameplay.

De mon côté, je trouve complètement injustifié la plupart des remarques concernant la complexité des jeux de Lacerda.  Projet gaia est largement aussi ardu à expliquer qu’un gallerist ou vinhos (je n’ai joué qu’à la version 2016). 

Barrage que je trouve aussi très bon n’est pas vraiment épuré et je ne vois pas un grand écart entre les règles de barrage et celles des jeux de lacerda ! Il y a quand même pas mal de détails à se rappeler : certains bonus se font de suite et à la production, d’autre se déclanchent, les tuiles technologies se renouvellent dans l’ordre des numéros, les bonus d’énergie qui servent à valider les objectifs mais pas l’avancement sur la piste, le pouvoir qui permet de compter la production d’énergie à 4 si elle est inférieure à 4 mais avant ou après avoir ajouter les bonus de la nation … franchement ça vaut les explications d’un lacerda. D’autant que les aides de jeux et les règles sont très bonnes sur les jeux de EGG


On donne notre point de vu et on l’explique donc a partir de là on ne peut pas dire que la critique est complètement injustifié. C’est une question de perception, peut être aussi de culture ou de facilité de compréhension de certaines mécaniques mais moi, PERSONNELLEMENT, je trouve Gaia Project ou Barrage bien plus clair, logique et fluide que la plupart des Lacerdas auxquels j’ai eus l’occasion de jouer. Je ne dis pas que les Lacerdas sont mauvais, ni même moins bon, je dis juste que je les aimes moins, que je m’y amuse moins.

Je dirai que c’est aussi une question de pratique ludique. Les Lacerda, dont je ne me permettrait pas de contester la la qualité ludique tant les jeux sont appréciés et mécaniquement imparables, nécessitent pour moi une pratique régulière. En effet la multiplicité des point de règles et la longueur de celles ci en font des jeux que l’on doit sortir souvent pour ne pas avoir se poser tant de questions à chaque partie. Attention, je ne dis pas que tout n’est pas logique, mais dans ma pratique des jeux de Lacerda, c’est ce qui ressort à chaque fois quand il y a trop de temps entre deux parties: relire la règle de façon studieuse, expliquer chaque détail important, etc… Chez nous, les jeux de Lacerda ne sont pas idéales car il se passe souvent quelques mois entre deux parties d’un même jeu (exception sur quelques nouveautés qui nous plaisent fort bien entendu)

Si l’on a un groupe de gros joueurs aimant enchaîner les parties, les jeux de Lacerda me semblent tout indiqués. Dans le cas contraire, moins il me semble. C’est ce qui fait qu’il n’a pas tant de succès par chez nous

Autrement, je ne place pas GP au même rang que TM en complexité de règles, on est un cran au dessus tout de même. Mais toujours moins que les Lacerda de mon point de vue

Barrage les règles sont très simples au contraire ! la profondeur du jeu ça c’est autre chose.

Comme quoi les ressentis ! Car pour moi je place barrage au même niveau que la plupart des lacerda ( je n’ai pas joué à lisboa ni on mars ) pour les règles. De même barrage n’est pas plus épuré qu’un lacerda.

De mon côté, un jeu aux regles simples et épurées avec une très grande profondeur de jeu c’est le style concordia.

Mais pourtant je préfère jouer à des jeux aux regles plus embirlificoté mais plus immersives qu’aux jeux dont seule la mécanique fait faire wouahhh. Ceci dit concordia est quand même très bons ! rhahh je suis trop bon public j’aime tous les jeux

mangeclous dit :Comme quoi les ressentis ! Car pour moi je place barrage au même niveau que la plupart des lacerda ( je n'ai pas joué à lisboa ni on mars ) pour les règles. De même barrage n'est pas plus épuré qu'un lacerda.

De mon côté, un jeu aux regles simples et épurées avec une très grande profondeur de jeu c'est le style concordia.

Mais pourtant je préfère jouer à des jeux aux regles plus embirlificoté mais plus immersives qu'aux jeux dont seule la mécanique fait faire wouahhh. Ceci dit concordia est quand même très bons ! rhahh je suis trop bon public j'aime tous les jeux
 

Je ne connais pas Concordia mais quand j'ai lu ton message rapidement et en diagonale, j'avais lu Coimbra et j'étais parfaitement d'accord avec toi. Mais pour ce qui est le la merveille des jeux simples et épurés en étant très profond, il y a Brass.

Ai fait une partie de Terra Mystica à cinq joueurs, la moins bonne configuration, paraît-il. Cela ne m’a pas donné envie d’y rejouer. Le thème médiéval-fantastique générique est d’une banalité et d’un ennui à mourir. Ça ne raconte rien ce jeu. Les pions bâtiments sont hyper abstraits, dans le cliché du fonctionnalisme allemand des débuts. Et le principe des “coupelles” avec le mana tournoyant ou je ne sais quoi… ok ça crée un casse-tête intéressant, mais artificiel au possible.
Ai fait quelques parties de Projet Gaia, que je préfère, car le principe de la terraformation des biosphères planétaires pour accueillir les différentes races extraterrestres ici fonctionne mieux thématiquement que les coups de pelles dans un univers fantasy (genre un Elfe ne peut pas vivre dans la montagne, ou que sais-je. Total nonsense !). Le design des bâtiments plastoc ramène un peu de thème et les bonus offerts par les pistes de sciences ajoutent de l’intérêt ludique. J’aime pas trop la piste aux multiples ressources qu’on bouge sans arrêt ; c’est fouilli. Quoi qu’il en soit c’est aussi prise de tête qu’un Lacerda, sans l’effet wahou lié à la synthèse simulationniste, et c’est un jeu où l’interaction ne me donne pas de réel plaisir.

Concernant Lacerda : ai joué à tous ses jeux plusieurs fois, à l’exception de Co2 et On Mars (ça ne saurait tarder pour ce dernier). Je suis passé de l’enthousiasme à un intérêt beaucoup plus mesuré. Je n’ai dû lire les règles que de ceux que je possède : Vinhos et Escape Plan. Pas de difficultés particulières à ce niveau (essayez les règles de Phil Eklund un peu pour voir !). :slight_smile:

J’ai découvert l’auteur en 2017 avec Vinhos, version What’s your game ? (c’est-à-dire la version originale de 2010) et j’ai eu un effet wahou. Ai trouvé ça ramassé et très tendu (sur le fric), avec une attention constante aux autres joueurs (on essaye de deviner leur séquence d’action pour que la notre ne croise pas la leur, ce qui nous coûterait de l’argent, crucial). Me le suis immédiatement procuré en version EGG, qui propose deux moutures et n’ai plus joué qu’à la version simplifiée (édulcorée, disent les puristes) de 2017. C’est limpide. Il n’y a rien d’artificiel, on est porté par le thème (les bonus de régions viticoles, la foire, etc.), l’iconographie et le matériel immersif, de qualité supérieure. C’est le Larceda auquel j’ai le plus joué (10 parties, dans toutes les configs de joueurs, y compris du solo, pas très intéressant). Son défaut, outre d’être plat à deux joueurs, serait sans doute d’être un système de jeu assez fermé, assez directif, à la rejouabilité limitée contrairement à un jeu comme Viticulture, plus ouvert, plus surprenant de parties en parties, aux chemins multiples vers la victoire, au nombre de tours non fixe ; un jeu plus profond en somme. Ceci peut peut-être expliquer pourquoi je n’ai pas rejoué à Vinhos depuis 2017 alors que je continue à jouer à Viticulture.

Ai parallèlement découvert The Gallerist (6 parties, toujours à quatre joueurs), qui m’a immédiatement plu (thème original, réalisation matérielle superlative, simple - les actions disponibles - et difficile à la fois - la piste à triple fonction, l’éjection des assistants qui permet de rejouer) et dont la difficulté m’a stimulé au lieu de m’assommer. Le seul point de compréhension un peu difficile pour moi a été la piste à triple fonction. Aujourd’hui, c’est le seul Lacerda, avec Vinhos, auquel j’aurais envie de rejouer. Le dosage est bon entre difficulté et plaisir de jeu.

Ai découvert ensuite Kanban (2 parties), qui m’a dégouliné des yeux et des oreilles. Aucun fun. L’exemple même de la confusion entre profondeur et complication. Le parangon du compliqué pour faire compliqué. L’intelligence bête ; un ratage. Je vais pas redire ce que j’ai déjà dit ici. A l’époque j’ai pris ça pour un faux-pas. J’étais encore à fond malgré tout.

Puis ça a été au tour de Lisboa (5 parties, à 3 ou 4 joueurs), qui m’a excité et impressionné : thème original, rendu visuel original et brillant, puzzle spatial de la reconstruction des quartiers, dilemme sur l’utilisation des cartes d’action…
C’est sans conteste le plus difficile à appréhender, le plus ouvert (mais ouvert-contraignant). Cependant, mon plaisir ne s’est pas accru au fur et à mesure que je gravissais la courbe d’apprentissage du jeu. Car il faut regarder la réalité en face : c’est un jeu ambitieux mais surchargé et alambiqué. Il y a des choses inutiles (l’Évêque et ses tuiles bonus illisibles pour les autres joueurs, la règle des majo de courtisans à la cour, les objectifs…). En tout cas, j’ai estimé et j’estime que c’est too much pour moi ; on rejoint la prise de tête de TM et PG. Le jeu aurait mieux fait de se concentrer sur la reconstruction des quartiers, qui est la part la plus intéressante de ce jeu. Oui mais voilà, Lacerda préfère ajouter que retrancher et c’est là que le bât blesse. Ne dit-on pas que l’épure est la marque des grands ?..

Enfin, Escape Plan (6 parties, à 2, 3 et 4 joueurs - le jeu, contrairement aux autres Lacerda, fonctionne très bien quel que soit le nombre de joueurs), que j’ai soutenu sur Kickstarter avec enthousiasme (thème original et fun, réalisation visuelle et matérielle, là encore - sur Facebook, un internaute disait “est-ce Lacerda qui fait Lacerda ou bien EGG qui fait Lacerda ?”… c’est à méditer !). Escape Plan est le moins compliqué des Lacerda. Je me disais : il a enfin compris, c’est la maturité qui arrive ! Je voulais aimer ce jeu mais ça n’a pas vraiment pris. Avec Vinhos c’est sans doute le Lacerda le plus pertinent dans son articulation thème-gameplay (Gallerist est plus faible de ce point de vue, plus artificiel) mais il est symptomatique de son auteur : une fois la complication enlevée, l’absence de profondeur apparaît. Eh ouais. Dur-dur. Et décevant donc.

Pas eu envie de me prendre le KS de On Mars. Des joueurs de mon entourage s’en chargent. A voir donc, mais les retours me laissent subodorer encore la pièce montée indigeste…

Bref, Lacerda est actuellement porté par une vague d’intérêt qui le surévalue à mon avis (ses jeux ont une valeur symbolique élevée dans la recherche de la distinction chez les gamers, n’est-ce pas ?). Selon moi, il lui manque clairement le sens de l’épure, le souffle dramaturgique, l’imaginaire et l’ouverture du gameplay vers l’interaction libre. On fait grand cas de l’ancrage thématique de ses jeux (c’est sûr qu’à coté de Feld, c’est un génie !) mais ses simulations manquent d’un véritable regard je trouve.

Voilà. En espérant que ça aide au choix. :slight_smile:

Pas faux tout ça…
Merci

Il faudrait que je rejoue à Kanban, Vinhos, The Gallerist pour voir quel est mon ressenti après qqs mois sans les avoir joué, et après le passage des excellents AoS et Barrage qui ont manifestement bien changés mes repères ludiques… (déçu par ma dernière partie de GWT que j’adorais jusqu’à maintenant).

bast92 dit :Il faudrait que je rejoue à Kanban, Vinhos, The Gallerist pour voir quel est mon ressenti après qqs mois sans les avoir joué, et après le passage des excellents AoS et Barrage qui ont manifestement bien changés mes repères ludiques... (déçu par ma dernière partie de GWT que j'adorais jusqu'à maintenant).

Ah, alors c'est sûr que Age of Steam après avoir joué à un jeu de Vital Lacerda, en terme d'épure on doit avoir l'impression de jouer au GO!!!



Sinon, sérieusement, j'ai moi aussi trouvé l'intervention d'Hyperborée très intéressante, argumentée et pertinente.

Hyperborée dit :
Puis ça a été au tour de Lisboa (5 parties, à 3 ou 4 joueurs), [...] Le jeu aurait mieux fait de se concentrer sur la reconstruction des quartiers, qui est la part la plus intéressante de ce jeu. Oui mais voilà, Lacerda préfère ajouter que retrancher et c'est là que le bât blesse. Ne dit-on pas que l'épure est la marque des grands ?...

Tu seras peut-être intéressé de savoir que le nouveau Lacerda (Mercado de Lisboa) semble reprendre justement cette partie de Lisboa pour en faire un jeu plus léger.

Iskander dit :
Hyperborée dit :
Puis ça a été au tour de Lisboa (5 parties, à 3 ou 4 joueurs), [...] Le jeu aurait mieux fait de se concentrer sur la reconstruction des quartiers, qui est la part la plus intéressante de ce jeu. Oui mais voilà, Lacerda préfère ajouter que retrancher et c'est là que le bât blesse. Ne dit-on pas que l'épure est la marque des grands ?...

Tu seras peut-être intéressé de savoir que le nouveau Lacerda (Mercado de Lisboa) semble reprendre justement cette partie de Lisboa pour en faire un jeu plus léger.

Oui Iskander, j'avais vu passer cette info. C'est le signe que l'auteur reconnaît lui-même que le cœur du game design de Lisboa se trouve là. C'est LA grande idée digne d'être creusée et travaillée pour elle-même. Le reste n'est qu'enrobage (poudre aux yeux ?). Dommage qu'il ne l'ait pas fait au moment de la conception de Lisboa, qui aurait pu être un grand jeu.
D'ailleurs... je crois que tout le monde s'accordera à dire que si Lacerda crée des jeux intéressants et ambitieux, il n'a pas encore su créer de "grand jeu", non ?

Espérons qu'il parvienne à faire de Mercato de Lisboa quelque chose de profond et élégant cette fois.
 


effectivement il tient peut être de faire la distinction entre jeu compliqué et jeu lourd.

en ce qui me concerne ni terra mystica ni les lacerda ne me semblent être des jeux compliqués.

néanmoins même si certains peuvent trouver terra mystica compliqué le jeu n’est pas lourd.
comme la dit quelqu’un plus haut le jeu se résume en gros a jouer chacun notre tour en choisissant une action parmi 8 et c’est tout. la seule difficulté réside donc dans l’assimilation des 8 actions et de choisir la meilleure. Mais une fois cette action réalisé il n’y a rien a faire et on passe au joueur suivant.

ce qui n’est pas le cas de certains jeux de Lacerda ou parfois les actions nécessitent des vérifications, manipulations et interactions supplémentaires et donc autant de règles a apprendre qui rendent le jeu lourd et qui en plus peuvent tout fausser si on en oublie une.

a sa décharge ces points de règles supplémentaires a chaque actions ne sont pas la pour embêter le joueur mais pour refléter au mieux la thématique et la rendre plus authentique. cela permet de mieux raconter une histoire. et c’est ce qui fait probablement la spécificité et l’engouement de certains joueurs pour les jeux de lacerda.

mais voila dans certains de ces jeux cette lourdeur semble passer un cap critique qui devient rebutant.
ce qui peut être compréhensible. se taper une heure d’explication de règles et sur 3 heures de jeux en passer la moitié a essayer de ne rien oublier ça peut vite dégouter.

un autre champion de mon point de vue dans cette catégorie c’est Vlaada Chvátil avec ses jeux comme dungeon  petz/lords. des jeux avec plusieurs manches elles mêmes découper en plusieurs phases chacune avec des actions spécifiques qui eux aussi racontent une histoire.

Hyperborée dit :Bref, Lacerda est actuellement porté par une vague d'intérêt qui le surévalue à mon avis (ses jeux ont une valeur symbolique élevée dans la recherche de la distinction chez les gamers, n'est-ce pas ?).

J'ai beaucoup apprécié te lire tout au long de ton argumentaire, merci. Mais là, je tique un peu. Comment fait-on si, loin de vouloir être élitiste (et encore moins de vouloir passer pour un tel), on aime Lacerda ? Cela doit être possible, non ? Je me glisse ici avec cette réflexion car ce n'est pas la première fois que je lis ce type de formulation. Et franchement, si on n'aime pas son oeuvre, on a autre chose à faire que de se taper les règles et les mécaniques en couches multiples, juste pour "faire bonne impression", me semble-t-il.

vesil dit :
a sa décharge ces points de règles supplémentaires a chaque actions ne sont pas la pour embêter le joueur mais pour refléter au mieux la thématique et la rendre plus authentique. et donc de mieux raconter une histoire. et c'est ce qui fait probablement la spécificité et l'engouement de certains joueurs pour les jeux de lacerda.

Vesil, les jeux de Phil Eklund sont plus simulationnistes encore que ceux de Lacerda, ultra-thématiques et... plus simples que ceux de Lacerda (et ils offrent un vrai regard d'auteur, mais c'est encore un autre débat). Ne justifions pas une faiblesse de game design par le respect du thème, please. C'est un faux-argument. Surtout que Lacerda fait des choix anti-thématiques. :-)

Docky dit :
Hyperborée dit :Bref, Lacerda est actuellement porté par une vague d'intérêt qui le surévalue à mon avis (ses jeux ont une valeur symbolique élevée dans la recherche de la distinction chez les gamers, n'est-ce pas ?).

J'ai beaucoup apprécié te lire tout au long de ton argumentaire, merci. Mais là, je tique un peu. Comment fait-on si, loin de vouloir être élitiste (et encore moins de vouloir passer pour un tel), on aime Lacerda. Cela doit être possible, non ? Je me glisse iici avec cette réflexion car ce n'est pas la première fois que je lis ce type de formulation. Et franchement, si on n'aime pas son oeuvre, on a autre chose à faire que de se taper les règles et les mécaniques en couches multiples, juste pour "faire bonne impression", me semble-t-il.

Docky, je ne dis pas qu'il faut brûler Lacerda, je le relativise, c'est tout. On peut avoir un rapport lucide et critique avec ce qu'on aime, non ?
On sait que la communauté peut avoir un certain tropisme vers le "more is more", toujours plus de complication parce qu'on aime se sentir intelligent et le faire savoir. Je dis pas que c'est ton cas ; tous les amateurs de "gros jeux" experts, dont je suis, ont cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête. Il faut savoir le prendre en compte dans l'appréciation que l'on a des jeux.
Après, on a tout à fait le droit d'aimer les jeux de Lacerda ou de Tartempion. J'essaye de contribuer modestement à une sorte d'évaluation de sa production ludique en disant que ses jeux ne se valent pas tous, qu'ils sont entravés par un manque d'affinement du trait, qu'ils ne sont pas d'une innovation folle mécaniquement parlant, et que le gars Vital ne nous a pas encore pondu un "grand jeu", type Brass (ou Viticulture, hinhin !).

Je continue pour ma part de m'intéresser à cet auteur et j'ai envie de rejouer à Gallerist et Vinhos (version 2010). :)