Fair-play, morale et copinage

Fumo dit:Oui, pas mieux que les deux posts précédents. Je ne comprends pas trop cette volonté d'imposer ce point de vue : jouer c'est vouloir gagner à tout prix.

la poursuite de la victoire est le moteur du jeu. C'est très, très différent.
Fumo dit:J'ai beaucoup dépareillé quand j'ai "intégré" un autre cercle de joueurs "bon enfant". A tel point que ce deuxième groupe appréciait de moins en moins de jouer avec moi car leur vision du jeu n'était pas la même et qu'ils me trouvaient trop "fourbe". Depuis, j'ai appris à m'adapter aux joueurs. A jouer à fond, tous les coups sont permis et même plus si affinités, avec les joueurs qui aiment ça, et à jouer plus tranquille, sans crasse, avec ceux qui n'aiment pas ça.

Je ne comprends pas quelles situations de jeu peuvent engendrer ce type de mécompréhension. Ce cercle joue-t-il mal à des jeux permettant la fourberie en demandant au petit nouveau de se niveler par le bas pour coller dans le décors? Où se trompe-t-il de jeux (car ils sont légions qui ne permettent mécaniquement pas la fourberie)?

Jer dit:Je pensais que vous aviez tous compris que lorsque je parle de jeu, dans le contexte de cette discussion, je parle avant tout des jeux de sociétés dont traite TricTrac. Ceux où se retrouve à plusieurs autour d'une table avec des trucs en carton, en bois ou en plastique.
.

C'est ce qui me semblait, mais je pense qu'il fallait quand même faire le point la dessus, car sinon, on va se perdre en définitions car, après la lecture rapide du topic, tout le monde ne parlait pas de la même chose, et ça embrouillait un peu la question principale qui était :
Que faire avec B et comment faire comprendre un contrat implicite entre joueurs à quelqu'un qui n'a pas de culture ludique ou du moins la culture ludique de ce groupe, dans un cadre purement jeu de société.

Jer dit:
Cette affirmation est fausse. Dans un jeu, il y a un vainqueur. Sinon ce n'est pas un jeu.

Quand je dis 'Il y a des jeux ou le but n'est pas de gagner'. Je rajouterai pour être plus claire que dans ces jeux, il peut y avoir un vainqueur, mais que le but n'est pas de gagner (C'est a dire ne pas faire le meilleurs coup possible pour remporter la victoire. Et je te renvois une nouvelle fois aux exemples cité.
Jer dit:
En plus tu le dis juste après. Ce qui te gène, c'est de devoir vivre avec le fait que tu ne veux pas gagner alors que le jeu exige un gagnant. Refuser la compétition, c'est une chose, mais vouloir nier que le but du jeu est de gagner après une compétition, c'est se voiler la face.

Tu déformes mes propos : Ce qui me gène c'est que tu ne laisses pas de place à ceux qui aime jouer sans vouloir viser la victoire et sans s'entendre répondre :
- Jouer ça implique ... faire son possible pour gagner ou faire le meilleur score possible. Si on n'est pas capable d'intégrer ça, il faut éviter les relations sociales.
- Il faut qu'ils arrêtent de jouer alors, car la compétition est intrinsèque au jeu.
- on pourra toujours citer deux-trois produits borderline narrativo chaispasquoi, mais ils resteront des produits borderline dont le statut même de jeu est contestable
Jer dit:
Quand tes filles courent partout à chat perché, c'est bien parce qu'elles jouent. Elles veulent être meilleures que le chat. Réussir à lui échapper. Rester sur son perchoir c'est refuser de jouer.

Dans la mesure ou le but du jeu est que le chat attrape la souris ; Que le chat gagne s'il attrape la souris ; Que la règle pose une contrainte de capture de l'adversaire et de mouvement. On peut raisonnablement dire qu'on est dans un jeu de confrontation compétitif.
Qu'elles courent partout ou restent perchées ne sont que des stratégies qui peuvent conduire (ou pas) vers le but. Et rester sur son perchoir est simplement le meilleur coup à jouer pour qui joue stratégique et dans le but de maximiser ses chances de victoire (qui pour la souris est, rappelons le, ne pas se faire attraper par le chat). Ce n'est pas très drôle de jouer comme ça, mais pourtant cette stratégie applique les règles strictes dans le seul but de la victoire.
Alors, pourquoi mes filles ne vise pas la victoire ? C'est bien par ce que le plaisir est ailleurs, non ? Qu'il n'est même pas écrit dans les règles, non ? Ici le plaisir est de se faire peur. Pas de gagner comme c'est indiqué dans les règles.
Et ça, si c'est pas du contrat social...

Jer dit:Je pensais que vous aviez tous compris que lorsque je parle de jeu, dans le contexte de cette discussion, je parle avant tout des jeux de sociétés dont traite TricTrac. Ceux où se retrouve à plusieurs autour d'une table avec des trucs en carton, en bois ou en plastique.
Maintenant, retournez aussi à la citation de Bruno Faidutti qui se trouve dans un de mes messages plus haut.

Même dans le contexte du jeu de société, c'est loin d'être aussi évident que ce que tu dis. On trouve dans le thread des définitions qui n'évoquent pas la notion de vainqueur.
Supposons que l'on ait un jeu solo, avec un système de scoring, mais pas d'objectif qui indique à partir de quel score tu gagnes ou tu perds, et donc pas de vainqueur, est-ce un jeu ?
jer dit:Dans le message de départ, on est bien dans une partie de jeu avec des points, un vainqueur et une personne qui refuse de se plier à la sanction de la défaite.
D'autre part, je ne dis pas que jouer, c'est vouloir gagner à tout prix.
Je dis que la victoire est un élément indissociable du jeu et que vouloir jouer sans avoir à l'esprit que le but est de gagner ce n'est pas jouer.

Tu simplifies à outrance. Il ne s'agit pas de victoire et défaite, puisque la partie était gagnée quelque soit le choix fait.

Xbug-pirate dit:
la poursuite de la victoire est le moteur du jeu. C'est très, très différent.

La victoire met fin à la parti. Ca, c'est certain. Quand a dire 'poursuivre la victoire est le moteur du jeu' ces surtout un but dans beaucoup de jeu, mais pas pour tous.
Et il y a des gens (dons je fais parti) qui n'ont pas forcément toujours envie de poursuivre la victoire. Peut-être que mademoiselle B vient de se rendre simplement compte que s'est également son cas, non ?

giga dit:
Supposons que l'on ait un jeu solo, avec un système de scoring, mais pas d'objectif qui indique à partir de quel score tu gagnes ou tu perds, et donc pas de vainqueur, est-ce un jeu ?

Oui Puisqu'il y a un score qui permet de classer les différentes parties. Le challenge sera de faire mieux que la fois précédente. Tu joues contre toi-même, tu essaies de faire mieux à chaque partie.
Les modes solo d'Agricola ou Nations fonctionnent ainsi.

Fumo dit:Oui, pas mieux que les deux posts précédents. Je ne comprends pas trop cette volonté d'imposer ce point de vue : jouer c'est vouloir gagner à tout prix.
Attention, je ne le dénigre pas, ce point de vue. D'ailleurs, je prends vraiment plus de plaisir à jouer à une tablée qui a cette mentalité d'être prêt à tout pour vaincre - sauf tricher bien sûr. Mais voilà, tous les joueurs n'ont pas cette vision.
Ayant beaucoup joué avec un cercle de joueurs "compétitifs" - sans connotation négative, encore une fois - j'ai beaucoup dépareillé quand j'ai "intégré" un autre cercle de joueurs "bon enfant". A tel point que ce deuxième groupe appréciait de moins en moins de jouer avec moi car leur vision du jeu n'était pas la même et qu'ils me trouvaient trop "fourbe". Depuis, j'ai appris à m'adapter aux joueurs. A jouer à fond, tous les coups sont permis et même plus si affinités, avec les joueurs qui aiment ça, et à jouer plus tranquille, sans crasse, avec ceux qui n'aiment pas ça.
Autre exemple, avec les jeux coopératifs qu'on évoque aussi.
Un ami essaie pour la première fois l'île interdite. Dès le concept évoqué, il tique :
"mais, il n'y a pas de gagnant ???
- euh... si, soit on gagne tous, soit on perd tous
- mais c'est nul !!!"
On joue quand même, du coup, il refuse presque le côté coop en cherchant à être celui qui ramène le plus de trésors. Bon bah ça n'en fait pas une mauvaise personne, ça en fait un joueur à qui je ne propose plus de jeux coops :D

Merci pour ce témoignage.
Je me reconnais complétement.
quelque soit le jeu, il y a 2 dimensions irréductibles : le jeu et son objectif (ce qui définit s'il y a un gagnant ou non) et les joueurs, qui viennent jouer avec leurs objectifs et motivations personnels et les éventuelles adaptions qu'ils veulent apporter aux objectifs du jeu.
La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure tu acceptes de dégrader tes attentes sur une des 2 dimensions pour conserver l'autre.
Zb : Est ce vraiment nécessaire de jouer une action qui pénalise et blesse B, si tu veux continuer à jouer avec B et que ca ne change rien au résultat ?

Dorval dit:
Peut-être que mademoiselle B vient de se rendre simplement compte que s'est également son cas, non ?

Ah bah si! Je rappelle qu'elle voulait gratter 2 points pour faire un score, même dans la défaite. Je pense vraiment que c'est le fait d'une personne qui court après la victoire lorsqu'elle joue. Nous nous sommes laissés dériver je crois…
Dorval dit:
Et il y a des gens (dons je fais parti) qui n'ont pas forcément toujours envie de poursuivre la victoire.

Et il y a des jeux (Splendor par exemple) où un joueur ne poursuivant pas la victoire devient très très énervant et sabote le plaisir des autres, nécessairement. Après, un joueur peut tout à fait :
- jouer très mal
- tenter une stratégie novatrice éventuellement peu concluante
- signaler son erreur à un adversaire qui vient de faire une monstruosité manifestement par étourderie
- être plus concentré sur la manière dont la mécanique tourne que sur l'optimisation de ses coups
- avoir un peu bu
etc…
mais jouer les électrons libre en faisant autre chose qu'enchaîner une suite de coups dont on pense, à son niveau de maîtrise et de concentration, qu'ils pourraient éventuellement mener vers la victoire, ça enlève tout goût à la partie pour ceux qui suivent la première règle tacite du (OK, de cette famille de) jeu.
Si tu n'as pas envie d'un jeu nécessitant la poursuite de la victoire pour fonctionner, alors oui, tu peux participer à un happening avec un 'but de jeu' mécanique plaqué. Et je pense que pour le coup, si tu vires le principe du gagnant, ce jeu reste le même. Un support de narration partagée. Peut-être la narration partagée est-elle un jeu en soi. Comme je le disais plus haut. Mais alors la boîte devient tellement grande qu'il faut soit s'en aller lire la Nausée, soit regarder Lagaf tellement tout est en tout et inversement.
Enlève à Dixit son système de scoring, le jeu ne fonctionne plus. C'est donc un jeu. Même s'il faudrait être taré pour ne retenir à Dixit que le fait d'avoir gagné ou perdu, au moment de faire ta jolie petite phrase, tu as forcément en tête ce système, il préside au choix de tes mots. Le plaisir n'est pas là, mais cela précède le plaisir.

Yomgi44 dit:
N'importe quoi...
Définition du jeu : "Activité physique ou intellectuelle exercée dans le but de se divertir".

Au sens pascalien de divertissement, le travail est donc un jeu. Aussi.
Au sens pas pascalien de divertissement, alors peuvent être un jeu : la musique, le dessin, la lecture, la danse, refaire le monde en buvant un coup… Non, vraiment, il faut resserrer.

Xbug-pirate dit:
Je ne comprends pas quelles situations de jeu peuvent engendrer ce type de mécompréhension. Ce cercle joue-t-il mal à des jeux permettant la fourberie en demandant au petit nouveau de se niveler par le bas pour coller dans le décors? Où se trompe-t-il de jeux (car ils sont légions qui ne permettent mécaniquement pas la fourberie)?

Un exemple concret (et vécu).
On joue à Agricola. Un joueur X a prévu de faire passer sa maison de l'argile à la pierre. X a la pierre qu'il faut, mais pas de roseau. Y joue avant lui, il n'y a qu'une seule source de roseau encore disponible. Y n'a pas besoin de roseau, il ne marquera aucun point avec le roseau.
Plusieurs possibilités suivant les tablées :
- on joue entre joueurs compétitifs, Y prend le roseau pour empêcher X de scorer beaucoup sur la pierre, il vise le différentiel, et ce même si au final, c'est Z qui profitera le plus de cette action. X râle un peu mais se doutait de cette situation et avait prévu un plan B.
- on joue avec un autre cercle de joueurs : Y ne prend pas le roseau, car cela ne lui rapporte aucun point. Après tout, si X gagne après avoir transformé sa maison en pierre, c'est qu'il a mieux joué durant toute la partie. Y jouera donc l'action qui lui rapportera le plus de points, et félicitera ensuite X pour sa victoire.
- les joueurs n'ont pas la même conception du jeu : Y prend le roseau, X ne comprend pas. Au final, Z gagne. S'ensuit une discussion dans laquelle interviendront les mots "antijeu", "fourbe", etc...
Ou à l'opposé, mais plus rare : Y ne prend pas le roseau, X gagne mais ne comprend pas. "Pourquoi tu ne m'as pas empêché de passer à la pierre ? C'était le meilleur coup a joué, alors que là tu m'offres la victoire, ça gâche mon plaisir. "
Ce n'est pas une question de nivellement par le bas, juste une vision différente du fair play. Au vu de tes posts, je pense que tu auras du mal à concevoir la version 2 de la situation décrite plus haut. Pourtant, elle n'a rien de si anormale que cela : envisager que celui qui développe la meilleure stratégie l'emporte, et que les coups pour empêcher le développement de l'autre ne sont pas dans l'esprit du jeu. J'ai mis du temps à comprendre cela, je préfère toujours de loin la version 1, mais je ne force personne à l'appliquer. Tant que chacun trouve son plaisir en jouant, ça me va.

@X-bug
J'ai quand même l'impression (peut être fausse) que tu cherches non pas comment calmer les choses avec B. mais avant tout à justifier ta position.
Il y a eu moult suggestions qui répondaient à ta demande, qui offraient explications et compromis, mais tu t'emploies à les contredire, démonter, invalider systématiquement.
La discussion me semble donc caduque, puisque ton point de vue apparaît définitif, et que tu n'envisages pas de le moduler d'un iota.
C'est ton droit, hein, je comprends et partage partiellement tes arguments.
Mais je ne vois pas l'intérêt d'aller plus loin que ce qui a déjà été dit.

Nikodeme dit:
Zb : Est ce vraiment nécessaire de jouer une action qui pénalise et blesse B, si tu veux continuer à jouer avec B et que ca ne change rien au résultat ?

Comment s'attendre à ce que B, adulte qui se soumet volontairement depuis plusieurs parties à un ensemble de règles écrites et finies, se trouve blessée par une action qui n'en transgresse ni le mot ni l'esprit?
Et si la concession se fait dans le sens de B, comment par la suite envisager de jouer avec elle sereinement, elle dont la subjectivité peut exiger, aussi tôt dans sa 'carrière' de joueuse, que soient troublés les contours du contrat moral le plus simple et le plus agréable du monde.
L'argument que quelques intervenants ayant ta position ont défendu, c'est la partie

et que ca ne change rien au résultat ?
Hé bien? Perdu pour perdu on s'en fout, non? Si B. le prend mal, c'est que B. voulait pour l'honneur faire un score qui la satisfasse. B. a le sens du challenge et du dépassement de soi et toutes ces conneries. Pourquoi B. voudrait-elle d'un score immérité? D'une petite gâterie? C'est cela qu'elle doit entendre.
B. ne s'en fout pas! Donc si pour B. cela a du sens de 'perdre moins', elle doit concéder à A. que cela a du sens de 'gagner plus'. Et l'accepter.
B. n'est pas une petite chose fragile. B. a déjà remporté une partie de Splendor avant.

Orpheus dit:@X-bug
J'ai quand même l'impression (peut être fausse) que tu cherches non pas comment calmer les choses avec B. mais avant tout à justifier ta position.
Il y a eu moult suggestions qui répondaient à ta demande, qui offraient explications et compromis, mais tu t'emploies à les contredire, démonter, invalider systématiquement.
La discussion me semble donc caduque, puisque ton point de vue apparaît définitif, et que tu n'envisages pas de le moduler d'un iota.
C'est ton droit, hein, je comprends et partage partiellement tes arguments.
Mais je ne vois pas l'intérêt d'aller plus loin que ce qui a déjà été dit.

J'ai effectivement suffisamment de nourriture maintenant pour calmer le jeu. Mais c'est comme toute conversation, elle a rayonné dans diverses directions qui toutes m'intéressent et pour lesquels le cas B. ne sert plus que d'illustration. Je suis d'accord avec le fait que le sujet initial est probablement clos. Mais que veux-tu, j'aime la polémique, et je trouve celle-ci intéressante.

Tu ne serais pas un peu joueur, toi ?
N'oublie pas de passer le bonjour à B. de la part de tous les intervenants du sujet.

Xbug-pirate dit:Hé bien? Perdu pour perdu on s'en fout, non? Si B. le prend mal, c'est que B. voulait pour l'honneur faire un score qui la satisfasse. B. a le sens du challenge et du dépassement de soi et toutes ces conneries. Pourquoi B. voudrait-elle d'un score immérité? D'une petite gâterie? C'est cela qu'elle doit entendre.

Pourquoi B le prend mal ? Juste pour ne pas avoir eu l'occasion de jouer le coup qu'elle avait en tête. Ne pas pouvoir joué est très souvent source de conflit.
Dans les MMO les sorts d'entrave sont toujours bridé pour ne pas complètement empêcher un joueur de jouer. Sinon, ça couine trop.
Dans les match de foot, un attaquant marqué à la culotte et qui se retrouve incapable de pouvoir développer son jeu à de forte probabilité de s’énerver et de commettre une faute.
Et donc, si la demoiselle B viens de se rendre compte (même en ayant bien compris les règles et en ayant fait plusieurs parties) que finalement cette frustration la gène, il faut voir avec elle pour savoir :
- si cette gène est finalement surmontable.
- un autre jeu avec vous, lui conviendrait mieux.
- un autre groupe de joueur ne serait pas plus adapté.

Fumo dit:
Xbug-pirate dit:
Je ne comprends pas quelles situations de jeu peuvent engendrer ce type de mécompréhension. Ce cercle joue-t-il mal à des jeux permettant la fourberie en demandant au petit nouveau de se niveler par le bas pour coller dans le décors? Où se trompe-t-il de jeux (car ils sont légions qui ne permettent mécaniquement pas la fourberie)?

Un exemple concret (et vécu).
On joue à Agricola. Un joueur X a prévu de faire passer sa maison de l'argile à la pierre. X a la pierre qu'il faut, mais pas de roseau. Y joue avant lui, il n'y a qu'une seule source de roseau encore disponible. Y n'a pas besoin de roseau, il ne marquera aucun point avec le roseau.
Plusieurs possibilités suivant les tablées :
- on joue entre joueurs compétitifs, Y prend le roseau pour empêcher X de scorer beaucoup sur la pierre, il vise le différentiel, et ce même si au final, c'est Z qui profitera le plus de cette action. X râle un peu mais se doutait de cette situation et avait prévu un plan B.
- on joue avec un autre cercle de joueurs : Y ne prend pas le roseau, car cela ne lui rapporte aucun point. Après tout, si X gagne après avoir transformé sa maison en pierre, c'est qu'il a mieux joué durant toute la partie. Y jouera donc l'action qui lui rapportera le plus de points, et félicitera ensuite X pour sa victoire.
- les joueurs n'ont pas la même conception du jeu : Y prend le roseau, X ne comprend pas. Au final, Z gagne. S'ensuit une discussion dans laquelle interviendront les mots "antijeu", "fourbe", etc...
Ou à l'opposé, mais plus rare : Y ne prend pas le roseau, X gagne mais ne comprend pas. "Pourquoi tu ne m'as pas empêché de passer à la pierre ? C'était le meilleur coup a joué, alors que là tu m'offres la victoire, ça gâche mon plaisir. "
Ce n'est pas une question de nivellement par le bas, juste une vision différente du fair play. Au vu de tes posts, je pense que tu auras du mal à concevoir la version 2 de la situation décrite plus haut. Pourtant, elle n'a rien de si anormale que cela : envisager que celui qui développe la meilleure stratégie l'emporte, et que les coups pour empêcher le développement de l'autre ne sont pas dans l'esprit du jeu. J'ai mis du temps à comprendre cela, je préfère toujours de loin la version 1, mais je ne force personne à l'appliquer. Tant que chacun trouve son plaisir en jouant, ça me va.

Le fair-play c'est surtout ne pas mélanger ce qui est du jeu et ce qui est hors jeu. Dans ton exemple, les joueurs qui jouent 'soft' s'exposent à de nombreuses incompréhensions potentielles, avec des tas de situations pouvant donner lieu à des procès d'intention. A Agricola, en prenant quelque chose, tu as de fortes chance d'en priver quelqu'un. Dans quelle mesure cette conséquence précise de son action à dirigé son choix? D'un côté tu as des gens pour qui tout est permis tant que c'est dans la règle, c'est simple, c'est clair, c'est gentleman. D'un autre tu as quelque chose de flou, où il faut ménager les susceptibilités, avec de nombreux départs de feu possibles parce que cette manière de pratiquer le jeu prend en compte la dimension affective : je dois avoir le plaisir de compléter mon troupeau, etc.
S'il doit y avoir des exceptions éthiques, elles seront le fait d'un groupe de joueur se pratiquant de longue date, dans lequel il sera difficile de s'intégrer avant d'en avoir compris toutes les subtilités.
'La règle rien que la règle et la victoire comme objectif dans la limite des aptitudes de chacun' est un principe facile à poser 'par défaut'.

Fascinante discussion.
En fouinant dans la discussion, je pense qu'un élément clé n'a pas été cité : la différence entre affrontement direct et affrontement indirect. Là, ce qui n'a pas plus à la personne, c'est l'attaque de pourrissage, un évènement ponctuel. La personne donc, alors qu'elle accepte le contrat du jeu "il n'y a qu'un vainqueur" n'accepte pas le "les attaques directes sont autorisées". Là, ça dépasse effectivement le contrat simple du jeu et je suis d'accord que c'est plutôt le contrat social du groupe de joueur. Ça se rapproche de ce qui se passe quand on bloque certains placements face à un allemand aux Aventuriers du Rail en jouant en ligne. Il va dénoncer votre comportement parce que dans les mœurs allemandes du jeu de famille, c'est considéré comme inacceptable.
Il n'y a pas de bonne réponse à ce dilemme, à mon sens, on en revient en effet à l'acceptation des règles non écrites du jeu, les règles de la maison ou les règles souhaitées par les joueurs.
Il est par exemple difficile d'argumenter qu'il est plaisant de se faire écraser misérablement en début de partie, même si c'est le jeu qui veut ça. Certains joueurs l'acceptent, d'autres diront que "ce jeu est nul". De la même manière, je conçois tout à fait qu'il peut être difficile d'accepter de perdre forcément de façon écrasante sa première partie d'un jeu complexe face à des joueurs expérimentés. Est-on obligé d'apprendre un jeu dans la douleur ? On se rapproche alors de la philosophie orientale, qui veut que le savoir et la maitrise ne peuvent venir que par la répétition et la souffrance.
En ce qui me concerne, je ne joue clairement pas toujours pour la gagne, car je considère qu'écraser des nouveaux joueurs n'est pas le meilleur moyen de stimuler le gout du jeu ou le gout de certains jeux chez les gens. Il n'est pas toujours question de faire le meilleur score, mais de prendre du plaisir en jouant, tout en encourageant le progrès chez les autres joueurs. On réduit souvent ce comportement à l'introduction des jeux aux enfants, mais je ne vois pas l'intérêt de faire le distingo avec les adultes. C'est pas forcément judicieux d'écraser des non-joueurs lors d'une initiation à des jeux.
Inversement, quand c'est moi le nouveau joueur, je joue fréquemment en partant avec une attitude perdante. Si je visait la gagne ça détruirait le rythme de la partie et donc une partie du plaisir du jeu. Je pense aux jeux de deckbuilding, où un nouveau joueur pourrait passer une heure à lire et analyser toutes les cartes une par une pour optimiser sa partie de découverte.
Dans tous les cas, on en revient au fait que c'est une question de psychologie humaine et qu'il n'y a donc pas de bonne réponse absolue. C'est ici la définition même du plaisir du jeu et de l'empathie autour d'un jeu ainsi que de ses règles qui sont questionnées.

Xbug-pirate dit: D'un autre tu as quelque chose de flou, où il faut ménager les susceptibilités, avec de nombreux départs de feu possibles parce que cette manière de pratiquer le jeu prend en compte la dimension affective : je dois avoir le plaisir de compléter mon troupeau, etc.

Non, tu n'as pas compris le sens de mon propos.
Le but n'est pas de ménager les susceptibilités. La vision du jeu est "il faut jouer le coup optimal pour faire le meilleur score et à la fin le meilleur gagne". Prendre les roseaux si tu en as besoin pour marquer des points ne serait pas mal perçu. Les prendre dans le seul but d'empêcher un autre joueur de marquer est vu comme de l'antijeu.
On a déjà eu quelques comparaisons avec le sport, je m'en permets une autre, sans doute un peu décalé mais bon...
C'est un peu comme le défenseur de foot qui fait une énorme faute volontaire au milieu de terrain pour empêcher une contre attaque. Il y a ceux qui vont dire qu'il a super bien joué, et ceux qui vont dire que c'est de l'antijeu détestable.

oups... double post désolé.
J'en profite du coup pour éditer et dire que le monsieur du dessus et son parallèle avec les Aventuriers du Rail est pile poil dans le sens de ce que je cherche à expliquer.

Jer dit:Tu ne serais pas un peu joueur, toi ?
N'oublie pas de passer le bonjour à B. de la part de tous les intervenants du sujet.


Je n'y manquerai pas. Même si ça risque de la faire flipper de voir que son cas personnel à déclenché 100 messages de geekitude enflammée :) Je crois qu'elle n'est pas encore prête.
Merci à tous pour vos lumière.
Je reviendrai faire un bilan quand j'aurai du nouveau. Ce sera le feuilleton de l'été.
La jeune B. parviendra-t-elle à faire fondre le cœur de glace des gros joueurs poilus, ou son âme sera-t-elle définitivement corrompue par leur rhétorique bouillante comme la broyeuse à Coppé?