Du double guessing au hasard

Roswell dit:Dans un min-max, tu ne vas pas forcement au bout du raisonnement c'est à dire jusqu'à des feuilles indiquant Victoire ou Défaite. Tu peux t'arrêter à une certaine profondeur, quitte à avoir un effet d'horizon, en évaluant le jeu n coups plus loin grâce à une fonction fitness.
Ca ne me semble pas très différent d'un raisonnement humain où je vais essayer d'évaluer les différentes positions après quelques coups. D'autant plus que les fonctions fitness sont très souvent conçues de manière empirique par un humain.

Sincèrement, joues-tu ainsi ? N'arrive-t-il pas un moment où tu penses connaître le jeu de ton adversaire et te dis "tiens, il semblerait qu'il veut se la jouer de cette façon, du coup je vais essayer de le perturber en la jouant comme ça" et ce en dehors de tout calcul d'optimisation d'une fonction objective ? Pour moi, c'est ce genre de choix humain qui donne l'intérêt ludique de la chose, et cela relève du double-guessing.
Roswell dit:D'ailleurs quand on joue contre une IA, on ne joue pas contre un joueur parfait (sauf jeu facile à explorer), mais indirectement contre un humain qui a créé la fonction d'évaluation qu'on affronte.


Et pourtant, les sensations de jeu contre un humain ou contre une machine (pourtant conçue par l'homme) sont complétements différentes. D'ailleurs les automates ont le plus souvent pour but de résoudre un problème d'optimisation, et non de simuler un joueur humain, ce qui est sensiblement différent.

Mon propos est justement de dire que les émotions ludiques prennent en compte le facteur psychologique, ce que met en évidence le double-guessing. En gros, le fait de savoir que mon adversaire possède les mêmes limites cognitives que moi me permet de prendre un plaisir ludique à pouvoir espérer le vaincre au jeu du double-guessing (bien que je sache que le concept de meilleur stratégie pour ce type de jeu est paradoxal, mais l'homme est plein de contradictions). J'attends de plus que l'habillage autour de ce mécanisme soit suffisamment subtil (thème, coups tactiques, diversité des situations, développements stratégiques, ou autre) pour me faire oublier l'instant d'un moment ludique que cela se résume à un banal pierre/feuille/ciseaux.

Seb42, qui ne peut donc pas jouer au poker car : pas de montre :lol:

Je me souviens de parties de Citadelles avec des gens très familiers avec qui, à la fin de la partie, je piochais mon personnage au hasard, surtout si j'étais en tête. Les premières fois, ça à au moins le mérite de déstabiliser l'adversaire qui va peut-être alors chercher à nuire à quelqu'un qu'il pense pouvoir mieux lire.

A Maka Bana cela me semble bien moins possible. Ce qui rend ce jeu d'ailleurs excellent de tensions et regards en coin.

Un mélange de hasard et de double-guessing, c'est Coup. Redoutable d'efficacité et de brutalité, ce petit jeu.

Pour revenir aux échecs, je n'y vois vraiment pas de double guessing, mais ce n'est qu'un avis personnel. Peut-être que mon opinion de relativise dans une partie (ou phase) blitz, en gros quand l'intuition doit prendre le pas sur la réflexion, et encore.

Dans une telle situation, je dois me contenter d'une réflexion superficielle, je fais rapidement l'impasse (peut-être à tors) sur quelques branches potentielles du min-max, je sélectionne 1 à 3 coups qui me semblent corrects. Et enfin, sur cette sélection, je vais peut-être jouer selon mon ressenti, mon estimation de l'adversaire en me délestant d'une analyse plus approfondie.

Mais pour moi le double guessing inclut une notion de simultanéité. A Citadelles, on peut considérer qu'il n'y a pas de simultanéité puisque les personnages sont choisis les uns après les autres, et ils seront aussi joués les uns après les autres. Mais l'aspect essentiel est ce "brouillard" lors de la phase de choix. Là, un double guessing a lieu.

Aux échecs, j'ai une information complète sur les 64 cases. Je réfléchis, j'estime les intentions de mon adversaire, mais lorsque vient mon tour, je peux me concentrer sur mon propre jeu, en fonction du jeu adverse qui m'est entièrement connu à l'instant t.

Docky dit:
Aux échecs, j'ai une information complète sur les 64 cases. Je réfléchis, j'estime les intentions de mon adversaire, mais lorsque vient mon tour, je peux me concentrer sur mon propre jeu, en fonction du jeu adverse qui m'est entièrement connu à l'instant t.


mmm, c'est la position que tu connais entièrement à l'instant T, pas forcément le jeu adverse, au sens d'intention justement. Une même position ne sera pas exploitée pareillement par deux joueurs. Au début de ton tour, tu ne peux pas faire l'impasse sur ce que tu penses que l'autre va faire, même si tu vas l'utiliser (ton tour) pour essayer de pousser l'autre à plus avoir peur de ce que tu fais que l'inverse

on peut aussi tomber dans le syndrome de "whach, quel superbe piège il m'a tendu, je suis mal" parce qu'on voit un coup auquel l'autre n'a pas (encore?) pensé

Au sens strict, le double-guessing se fait dans le cadre d'un choix simultané, et non de tours successifs.
Toute forme d'anticipation de ce que fera le joueur adverse n'est pas du (double-)guessing.
Il n'y a notamment pas de double-guessing dans un jeu combinatoire à information complète.

Il ne faut pas dénaturer les concepts en les employant à toutes les sauces.

la_guigne dit:Il y a des joueurs de poker (de mémoire Dan Harrington en parle dans un de ses bouquins) qui utilisent leur montre comme générateur aléatoire afin de varier leurs coups. Par exemple, si ils décident de jouer un situation donnée 80% du temps d'une manière et 20% d'une autre, tout dépendra de la position de la trotteuse de leur montre au moment de prendre leur décision. C'est particulièrement bien adapté au poker...


Une autre approche est de décider à l'avance d'un choix qu'on sait devoir arriver en fonction d'un paramètre entrant qui permet de mettre du hasard non subjectif.

L'exemple de Sklansky, c'est lorsque l'on attend 6 cartes favorables pour relancer à la prochaine mise et se coucher sinon.
Si on est toujours à jouer avec la carte, on est lisible et on ne piège personne (faire coucher avec un bluff ou se faire suivre avec la meilleure main).
En conséquence, on doit bluffer un pourcentage raisonnable de fois. Beaucoup de gens bluffent en fonction de leur feeling, ce qui, contre quelqu'un qui devinent nos choix par ce même contexte, nous mets dans une situation pire encore que lorsque l'on ne bluff jamais.
La recommandation est alors de se fixer une règle :
on relance uniquement si on touche sa carte ou si le 7 de trefle ou le 4 de coeur sortent sur la prochaine carte. Il faut évidemment changer la carte d'un soir sur l'autre...
La conséquence, c'est que l'on est plus lisible...

De là à y voir du fun...

Kerquist dit:Au sens strict, le double-guessing se fait dans le cadre d'un choix simultané, et non de tours successifs.
Toute forme d'anticipation de ce que fera le joueur adverse n'est pas du (double-)guessing.
Il n'y a notamment pas de double-guessing dans un jeu combinatoire à information complète.


Je vois les choses comme ça aussi, ce que j'ai d'ailleurs exposé plus haut.

Kerquist dit:Au sens strict, le double-guessing se fait dans le cadre d'un choix simultané, et non de tours successifs.
Toute forme d'anticipation de ce que fera le joueur adverse n'est pas du (double-)guessing.
Il n'y a notamment pas de double-guessing dans un jeu combinatoire à information complète.
Il ne faut pas dénaturer les concepts en les employant à toutes les sauces.

Le jeu-futur proto que j'ai en tête est a 33.34% de double guessing, 33.33% de positionel et 33.33% de mémoriel. Pour sa partie mindgame est en double-guessing mais le choix (caché jusqu'à...) et la résolution ne sont pas simultanés, ils sont différés. A partir du moment ou j'autorise le non-choix, on est plus en double guess strict.
Suis-je à la tête d'un nouveau concept (avec ça et d'autres trucs...) ? J'aimerais bien mais j'en doute. En tout cas, je sort des classifications kubenbois/améritrash, ça c'est sur.

J'avoue de pas tous comprendre à ce post qui m'a l'air très intéressant, quelqu'un pourrait-il donner une définition du double guessing?

pizeindzetwyzeum dit:J'avoue de pas tous comprendre à ce post qui m'a l'air très intéressant, quelqu'un pourrait-il donner une définition du double guessing?

Quand quelqu'un doit prendre une position cachée, et qu'un adversaire doit à son tour prendre une position (cachée ou pas) qui devrait découler de la position du premier joueur. Ce qui se termine généralement par des réflexions "je sais qu'il a pu faire ça pour telle raison, mais il sait que je sais qu'il a pu faire ça pour telle raison. mais je sais aussi qu'il sait que je sais qu'il sait, donc...".

Une des plus belles représentations se trouve dans le film Princess bride.

je sais que tu sais que je sais :pouicintello:

pizeindzetwyzeum dit:J'avoue de pas tous comprendre à ce post qui m'a l'air très intéressant, quelqu'un pourrait-il donner une définition du double guessing?


C'est quand deux joueurs (ou plus) font un choix simultanément, et le révèlent en même temps, exactement comme au pierre-papier-ciseaux. Certains jeux comme Adel Verpflichtet, ou les jeux de programmation se basent dessus, mais on retrouve ça aussi au Stratego et ses descendants (voire à la phase de préparation de Dungeon Twister, ainsi que pour la résolution des combats au même jeu).

Merci pour les définitions clairs. Pour ma part je pense également que ce genre de jeu est intéressant avec des joueurs que l'on ne connait pas car il faut découvrir le comportement de chacun.

Une fois cette phase passé il reste principalement du hasard ou de l'optimisation de ses propres choix sans tenir compte des autres.

Le premier jeux du genre qui me vient à l’esprit est "Robin des bois" ou l'on peut quand même anticiper un peut en fonction des personnages en prison.

Le cas typique qui me vient en tête est sur Himalaya, quand tu es deux sur un village en début de tour avec un or et une daube. La possibilité de ne rien faire sur la première action (ou plus :mrgreen: ) entraînne pas mal de regards/bluffs/intimidation qui rend le choix délectable :mrgreen:

pizeindzetwyzeum dit:Merci pour les définitions clairs. Pour ma part je pense également que ce genre de jeu est intéressant avec des joueurs que l'on ne connait pas car il faut découvrir le comportement de chacun.
Une fois cette phase passé il reste principalement du hasard ou de l'optimisation de ses propres choix sans tenir compte des autres.


Pas d'accord du tout : quand on joue avec des personnes que l'on connait bien, tout l'art est justement de réussir à être imprévisible (malgré toute la difficulté que cela représente) tout en continuant à optimiser, sachant que l'adversaire va faire de même. Il faut réussir à amalgamer le modèle que l'on se fait du jeu (optimisation), avec le modèle que l'on se fait de l'adversaire (lecture du jeu adverse, y compris comportemental). En plus, ce modèle doit inclure le modèle que l'on pense que l'adversaire fait de soi-même (bluff récursif). Au mieux on connait l'adversaire, au plus c'est intéressant.