De comment ça marche l'édition !

Le processus financier d'édition d’un jeu (donc sans évoquer tout l’aspect de test et le travail avec les auteurs) est un sujet qui revient souvent sur TT. Afin de tordre le cou une bonne fois pour toute à pas mal de légendes, j‘ai décidé de pondre ce long post, qui devrait répondre aux questions qu’il est légitime de se poser. Voici donc, pour ceux que cela intéresse, les détails financier de la fabrication d’un jeu ainsi qu’un éclaté des gains réalisés par chacun des maillons de la chaîne. Evidemment ce sont de grands principes, et il y a toujours des petites exceptions ici ou là, et c’est d’ailleurs le cas pour Caylus qui sera mon exemple pour ce post…

1) Budget

Toute édition d'un jeu commence par sa budgetisation. En effet, il faut savoir que le prix indicatif en boutique est totalement lié au coût de fabrication du jeu, généralement avec un facteur de 6. Ainsi, un jeu vendu à 36€ en boutique coûte en gros 6€ à fabriquer. On ne parle pas vraiment du coût des illustrations et du transport mais plutôt du coût du « produit ».

Evidemment, un peu comme pour les photocopies, ce prix varie avec la quantité. Ainsi, imprimer 3000 Caylus (tel qu’il est actuellement) coûte 7,4€. En imprimer 5000 coûte 6,5€ et en imprimer 7000 coûte dans les 6€. Il faut également savoir qu’il coûte généralement plus cher d’imprimer 1000 jeux que 2000 jeux. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est principalement dû au fait que le temps de paramétrage des machines d’impression est une donnée importante du prix et que faire tourner les rotatives pour seulement 1000 copies est donc très cher !

Premier problème : pour des raisons pratiques (risque financier), il était impossible d’imprimer plus de 5000 boîtes (c'est-à-dire faire un chèque de 32500€ à l’usine pour faire fabriquer un jeu qui à l’époque était complètement à contre-courant de la production allemande). Mais sachant que Ys était vendu à 36€, il était difficile de proposer notre second opus plus cher et nous avons donc décidé de « rogner » sur notre marge (pour parler concrètement, cela signifie qu’il faut vendre plus de jeux pour arriver à l’équilibre financier. A ce stade, on ne parle pas encore de bénéfices.)

Bref, la première tâche de l'éditeur, en fonction du prix envisagé et du nombre de copies produites, est de trouver un moyen de fabriquer son jeu. Par exemple les premières versions de Caylus comportaient environ 80 tuiles bâtiment, soit le double du nombre de tuiles actuelles (bien entendu il y avait beaucoup de doublons et de redites dans les premiers prototypes). Si on ajoute le fait que Caylus contient plus de 300 éléments en bois, on se rend vite compte qu’il sera difficile de «tenir» un budget de 6€ sachant que pour les éléments principaux :

-une boite coûte 0,83€ + 0,22 d’insert en carton blanc.
-Les 300 pièces en bois coûtent à peu près 2,9€
-Le plateau standard coûte dans les 1,1€
-2 punchbard de 20 tuiles bâtiment coutent 0,71€

Et ainsi de suite (règles, pièces, assemblage, etc…) mais on voit qu’on atteint plutôt vite le cap fatidique des 6€. Toujours est il, qu’il faut calculer assez précisément le contenu de la boite, et que nous nous sommes assez vite rendu compte que, par exemple, 40 tuiles de bâtiment étaient le meilleur compromis, sachant que nous étions déjà hors budget. Bien évidemment, il y a plusieurs fabricants et il faut comparer, voire faire appel à plusieurs d’entre eux. Ainsi pour les éditions suivantes de Caylus, nous avons trouvé un fabricant de bois moins cher que celui proposé par le cartonnier, qui nous a permis de regagner 0,2€ par sachet. Le revers de la médaille est que l’opération nécessite un peu plus de coordination, mais évidemment à ce stade, chaque cent gagné est important !

2) Illustrations et infographie

Ce second chapitre sera bien plus court, mais il est néammoins crucial. Généralement les auteurs fournissent des prototypes qui ne sont pas éditables en l’état (personne ne les en blâmera d’ailleurs, chacun son métier). Ainsi, il convient à présent de s’occuper de l’aspect graphique du jeu. Pour cela on fait appel à un graphiste (qui fait les dessins) et un infographiste (qui prépare les fichiers informatiques définitifs pour les envoyer à l’usine). Parfois, ces deux personnes n’en forment qu’une. Dans mon cas, j’assure la partie infographique et ne paye donc que les illustrations. Ce serait pourtant une erreur de penser que l’infographie est donc « gratuite », puisqu’il faut systématiquement chiffrer le temps que l’on passe sur une opération…

Dans l’industrie du jeu, ces postes sont des « coûts fixes », c'est-à-dire qu’on ne les paye qu’une fois pour toute (s’il y a un retirage, on ne repaye pas l’illustrateur ou l’infographiste, à moins de refaire appel à eux pour certains changements). Les tarifs varient grandement en fonction du travail, mais on va dire qu’il faut compter un budget d’illustration de 2000 à 3000€ pour un jeu dans le format Caylus et à peu près pareil pour l’infographie.

Bref, les fichiers sont envoyés au fabricant, et ils reviendront 8 semaines plus tard sous la forme d’un jeu. Il faut bien respecter les délais di l’on vise une date de sortie spéciale (Essen par exemple).

3) Livraison

Le jeu est prêt. Il convient à présent de le livrer aux différents distributeurs. Un jeu comme Caylus est livré par palette de 210 jeux (35 cartons contenant 6 jeux). Donc pour nos 5000 jeux on a 24 palettes pesant dans les 450 kilos (dans les 11 tonnes de jeu tout de même). Le prix de ce poste est très variable suivant la distance et les clients (par exemple, certains distributeurs le prennent leur charge car ils ont des accords avec des transporteurs) donc je n’entrerai pas dans les détails. Mais cela ne signifie pas que c’est négligeable pour autant.

4) Au final, qui gagne quoi ?

Le jeu est maintenant en vente dans les boutiques. Il est temps de voir qui gagne quoi (la question que beaucoup se posent sur le forum) et surtout ce qu’il fait avec cet argent. Sur le prix de vente du jeu (36€ TTC) la moitié (18€) va à la partie souterraine (éditeur, auteur, distributeur) et l’autre (18€) à la partie «émergée » de l’iceberg (boutique).

Boutique :
La boutique achète le jeu à 18€HT au distributeur pour un prix « conseillé » de 36€, mais elle est évidemment libre de ne pas respecter ce prix (généralement en proposant un prix plus bas, rognant ainsi sur sa marge), tant qu’elle reste dans le cadre légal (pas de vente à perte par exemple). Par ailleurs, elle peut bénéficier de « promotions » de la part du distributeur (par exemple le 12+1, soit un jeu gratuit pour 123 achetés). Comme c’est plutôt compliqué, on va aller sur le cas simple. La boutique achète un jeu à 18€ et revend à 36€. Son gain est donc de 18€ avec cette somme elle va devoir en tout premier lieu payer l’état. La TVA s’élève en gros à 7€ pour un jeu comme Caylus. Il reste donc 11€ pour payer :

-les locaux (loyer, charges, impôts)
-les employés (salaires, charges fiscales)
-la banque (frais de transaction CB par exemple)
-Et sûrement pas mal de points que j’oublie (taxes diverses)…
-Eventuellement des impôts

En effet, si notre boutique a été très avisée (par exemple en ne commandant pas trop de jeux qu’elle n’a pas vendu) elle a fait des bénéfices à la fin de l’année. Dans ce cas, environ 1/3 de ces bénéfices sont reversés aux impôts.

Distributeur :
Ici cela se complique un peu. La marge du distributeur dépend généralement de son implication vis-à-vis du jeu et va varier entre 20 et 40%. A 20% le distributeur prend le jeu en « dépôt-vente » et en assure simplement le stockage et la diffusion dans son réseau de points de vente. A la fin du mois il envoie un rapport de vente (avec toutes les ventes du mois) à l’éditeur qui lui adresse en retour une facture. A 40% le distributeur achète directement les jeux à l’éditeur, il prend donc une partie du risque financier à sa charge et va probablement faire pas mal d’opérations de marketing pour revoir son argent.

Bref, sur les 18€ « souterrains », le distributeur va gagner entre 3,6€ (s’il prend 20%) et 7,2 (s’il prend 40%). On voit donc que c’est généralement la partie qui prend le plus gros risque financier qui a la meilleure marge, ce qui est plutôt logique. Avec cet argent le distributeur devra payer

-les locaux (loyer, charges, impôts)
-les employés (salaires, charges fiscales)
-la banque (frais de transaction CB par exemple)
-du transport
-Et sûrement pas mal de points que j’oublie (taxes diverses)…
-Eventuellement des impôts (sur les bénéfices, comme pour la boutique)

Bref retenons que le distributeur a acheté un Caylus entre 10,8 et 14,4€…

Auteur :
L’auteur est rémunéré en fonction du prix de vente du jeu au distributeur. Il va toucher (par exemple tous les 3 mois) un pourcentage allant généralement de 5 à 10% de ce prix de vente. S’il est à 8%, il va donc gagner entre 0,86€ et 1,15€. On pourrait penser qu’il vaut mieux pour l’auteur que le distributeur prenne la plus petite marge possible, mais ce point est discutable. En effet, si le distributeur achète directement les jeux, alors l’auteur touche ses droits immédiatement (même si le jeu fait un bide par la suite), tandis que sur du « dépôt-vente », il ne les touche qu’après chaque vente (donc si le jeu ne se vend pas, il risque au final de gagner moins).

Par ailleurs, l’auteur peut éventuellement bénéficier d’une avance au moment de la signature de son contrat. Cette avance est non remboursable et donc, si l’éditeur n’édite finalement pas le jeu ou si le jeu est un échec l’auteur est assuré de garder cet argent. De toute la chaîne, c’est donc l’auteur qui occupe la place la moins risquée financièrement (mais elle est évidemment cruciale). Naturellement, il doit malgré tout déclarer ses gains et payer l’impôt sur le revenu.

Editeur :
Suivant les accords de distribution (et on va dire que l’auteur est à 8% pour ne pas compliquer les choses). Il reste donc à l’éditeur entre 9,94€ (le distributeur lui achète directement les jeux) et 13,25€ (les jeux sont en dépôt vente). Retirons tout de suite nos 6,5€ de coût de fabrication et il reste donc entre 3,44€ et 6,75€ par jeu avec lesquels il faut payer :

-Les coûts fixes (au premier tirage)
-les locaux (loyer, charges, impôts)
-les employés (salaires, charges fiscales)
-la banque (frais de transaction CB par exemple)
-du transport
-Et sûrement pas mal de points que j’oublie (taxes diverses)…
-Eventuellement des impôts (1/3 des éventuels bénéfices, comme pour la boutique et le distributeur)

Voilà. Il n’est bien évidemment pas ici question de plaindre les acteurs du jeu d’une quelconque façon. A priori, c’est avant tout un milieu de passionnés, qui sont plutôt heureux de leur sort. La chaîne est saine et équilibrée ainsi et j’espère que l’on peut voir dans ce post que tout le monde est utile et que personne ne « s’engraisse ».

Par ailleurs il faut également remarquer que, dans l’industrie du loisir, le jeu de société est probablement l’un des produits qui a le moins augmenté au cours des 20 dernières années (à comparer avec le jeu vidéo, le disque, la BD, le cinéma par exemple). Si l’on considère qu’on peut jouer 100 parties d’un bon jeu sans se lasser, difficile de dire que le deal est malhonnête !

nickel , mais je pense que tu (ou un modo) ferait mieux de créer un autre topic (voir de le mettre en post-it).
En effet on sent bien que les douves , par définition,ne sont pô très visitées et c'est dommage que ce post n'ai pas la visibilité qu'il mérite.

On va voir ça...

edit : Merci mr Modo !

génial ce résumé!

Un très grand merci pour cet éclairage sur le processus et le coût de fabrication d'un jeu :pouicok:

Le résumé est clair mais j'ajouterai que le vrai risque d'édition est plus sur le retirage (la réimpression) que sur le premier tirage qui usuellement est modéré.

Merci pour cette présentation. Elle fait naitre plein de question ! :twisted:

Ta manière de présenter montre une marge très différente pour l'éditeur en fonction du type de contrat entre l'éditeur et le distributeur. Qules types de contrats sont le plus souvent utilisés ? Selon quels critères ?

En comparant avec la distribution d'autres produits, alimentaires notamment, j'ai l'impression que le type de contrat est largement défini par le distributeur plutôt que l'éditeur. Est ce vrai aussi dans le milieu du JDS ou est il trop petit pour cela ?

chumbs dit:Merci pour cette présentation. Elle fait naitre plein de question ! :twisted:
Ta manière de présenter montre une marge très différente pour l'éditeur en fonction du type de contrat entre l'éditeur et le distributeur. Qules types de contrats sont le plus souvent utilisés ? Selon quels critères ?

On est plus souvent en vente directe.

En comparant avec la distribution d'autres produits, alimentaires notamment, j'ai l'impression que le type de contrat est largement défini par le distributeur plutôt que l'éditeur. Est ce vrai aussi dans le milieu du JDS ou est il trop petit pour cela ?


Non, c'est plutôt l'éditeur qui choisit entre dépôt-vente ou vente directe, tout du moins en France (à l'étranger c'est tout de même plutôt de la vente directe). D'un autre côté certains distributeurs ne fonctionnent qu'avec un seul des deux.

Matthieu.CIP dit:Le résumé est clair mais j'ajouterai que le vrai risque d'édition est plus sur le retirage (la réimpression) que sur le premier tirage qui usuellement est modéré.


Je pense que pour les jeux "chers" le risque de ne pas revoir son argent est désormais présent dès le premier tirage (d'autant plus que le marché devient très concurentiel). Il est de plus vrai que le retirage (s'il enlève les coûts fixes), est dangereux car on n'est jamais sûr que le jeu n'a pas fait tout son potentiel de vente au premier tirage.

Voilà une réponse compléte qui ca rejoindre le A à Z de "De la création".

:pouicok: Excellent post dicactique 8)

Ca serait aussi intéressant de donner quelques chiffres sur les couts de fonctionnement d'un éditeur à l'année (locaux, salaires, etc...), car je suis certain que d'aucuns auront du mal a se rendre compte de l'importance de ces postes. (Un entrepreneur travaille... pour l'état, c'est bien connu :lol: )

Autre point à noter, c'est qe les prix 'fabricant' de Karis sont des prix pour quelqu'un qui a une relation existante avec le fabricant, et batie sur la durée. Pour un one shot ou une première collaboration, attendez vous a des prix un peu plus élevés, et surtout a devoir payer d'avance (à la commande).

Merci Cyril pour tous ces détails, mais là :

Karis dit:s’il y a un retirage, on ne repaye pas l’illustrateur

tu te trompes, du point de vue de la loi (du point de vue de l'usage c'est autre chose).

Un illustrateur émet des notes de droits d'auteurs, il cède ses droits pour une utilisation, une quantité/durée et un territoire définis et négociés entre lui et l'éditeur. Si par la suite le jeu se met à exister en dehors du cadre fixé, il y a de nouveaux droits à céder, donc à payer...
La cession illimitée des droits est illégale. Par contre tu peux toujours négocier 1 million d'exemplaires monde pour 99 ans, mais dans 100 ans il faudra repayer ;-)

bravo Karis
très intéressant
il est heureux aussi qu'un distributeur parle ainsi
de temps en temps
:pouicbravo:

je voulais dire "éditeur"

ehanuise dit::pouicok: Excellent post dicactique 8)
Ca serait aussi intéressant de donner quelques chiffres sur les couts de fonctionnement d'un éditeur à l'année (locaux, salaires, etc...), car je suis certain que d'aucuns auront du mal a se rendre compte de l'importance de ces postes. (Un entrepreneur travaille... pour l'état, c'est bien connu :lol: )

Impossible de donner des chiffres intéressants. Ca varie franchement trop d'un éditeur à l'autre. Nous par exemple on fait aussi de l'informatique en //. Par contre il est vrai que la pression fiscale est forte.

Autre point à noter, c'est qe les prix 'fabricant' de Karis sont des prix pour quelqu'un qui a une relation existante avec le fabricant, et batie sur la durée. Pour un one shot ou une première collaboration, attendez vous a des prix un peu plus élevés, et surtout a devoir payer d'avance (à la commande).


C'est surtout ce dernier point qui est gênant quand on démarre...

Laurent Escoffier dit:Merci Cyril pour tous ces détails, mais là :
Karis dit:s’il y a un retirage, on ne repaye pas l’illustrateur

tu te trompes, du point de vue de la loi (du point de vue de l'usage c'est autre chose).


Oui, je parlais bien de l'usage.
Maintenant il est clair qu'on fait signer des contrats de renonciation de droit depuis une malheureuse affaire récente qui a touché un collègue...

Karis dit:
Laurent Escoffier dit:Merci Cyril pour tous ces détails, mais là :
Karis dit:s’il y a un retirage, on ne repaye pas l’illustrateur

tu te trompes, du point de vue de la loi (du point de vue de l'usage c'est autre chose).

Oui, je parlais bien de l'usage.
Maintenant il est clair qu'on fait signer des contrats de renonciation de droit depuis une malheureuse affaire récente qui a touché un collègue...


Usage regrettable et très risqué pour l'éditeur. Et faire signer des "contrats de renonciation de droit" est tout aussi illégal ! Indéfendable devant un tribunal. Et que l'illustrateur ait signé ce soit-disant contrat n'y change rien.

J'ai une question un peu "parallèle" au sujet principal :

Karis dit:
Généralement les auteurs fournissent des prototypes qui ne sont pas éditables en l’état (personne ne les en blâmera d’ailleurs, chacun son métier). Ainsi, il convient à présent de s’occuper de l’aspect graphique du jeu. Pour cela on fait appel à un graphiste ...


Est-ce que tu veux dire que les prototypes que vous recevez en général, ne sont pas encore du tout designé par leurs auteurs lorsque vous commencez à vous y intéresser? ou bien que vous estimez (en tant qu'éditeur) que des changements majeurs sont encore à faire même si ces auteurs arrivent vers vous avec des produits "finis" (à leur yeux du moins)? Et que donc cela nécessite l'intervention d'un graphiste/infographiste (avec pour conséquence le budget que cela nécessite)
Il me semble pourtant qu'on voient souvent (pas forcement chez Ystari) des jeux signés par deux personnes, l'un pour le graphisme, l'autre pour le jeu/le concept, où finalement auteur et illustrateur ont l'air d'être logés à la même enseigne dans tout ce parcours.

guim dit:J'ai une question un peu "parallèle" au sujet principal :
Karis dit:
Généralement les auteurs fournissent des prototypes qui ne sont pas éditables en l’état (personne ne les en blâmera d’ailleurs, chacun son métier). Ainsi, il convient à présent de s’occuper de l’aspect graphique du jeu. Pour cela on fait appel à un graphiste ...

Est-ce que tu veux dire que les prototypes que vous recevez en général, ne sont pas encore du tout designé par leurs auteurs lorsque vous commencez à vous y intéresser? ou bien que vous estimez (en tant qu'éditeur) que des changements majeurs sont encore à faire même si ces auteurs arrivent vers vous avec des produits "finis" (à leur yeux du moins)? Et que donc cela nécessite l'intervention d'un graphiste/infographiste (avec pour conséquence le budget que cela nécessite)
Il me semble pourtant qu'on voient souvent (pas forcement chez Ystari) des jeux signés par deux personnes, l'un pour le graphisme, l'autre pour le jeu/le concept, où finalement auteur et illustrateur ont l'air d'être logés à la même enseigne dans tout ce parcours.


Tout d'abord il ne faut pas confondre auteur et illustrateur, même s'il y a leurs deux signatures sur le jeu. Ils interviennent généralement à des moments bien distincts.

Généralement, l'auteur est le créateur du jeu et il soumet un proto "fait main", mais qui peut parfois avoir été fait par un ami graphiste (le seul cas qui me vient à l'esprit est Khronos, mais il y en a surement d'autres). Sinon dans la plupart des cas, les maquettes sont plutôt "moches" (dans le sens non éditables en l'état). Par exemple William Attia a fait Caylus sous Excel. Le jeu est très jouable, mais absolument pas "graphique".

Généralement, l'illustrateur est trouvé par l'éditeur une fois qu'il a le jeu (et le thème, même si on change rarement le thème). L'éditeur va choisir l'illustrateur qui convient le mieux, définir une orientation graphique et le payer pour réaliser le jeu.

Enfin pour le travail qui reste à faire sur un jeu, je te dirai que ça dépend. Dans mon post je n'aborde que le "financier" et pas les aspects "réglage" du travail. Mais bon en gros, certains jeux arrivent quasi finis (par exemple Metropolys), pour d'autres on bosse des mois (Caylus) ou des années (Amyitis). Le travail consiste souvent à améliorer l'ergonomie et à régler les stratégies, on fait aussi la chasse aux règles "inutiles", on rédige la règle, ce genre de trucs...

Laurent Escoffier dit:
Karis dit:
Laurent Escoffier dit:Merci Cyril pour tous ces détails, mais là :
Karis dit:s’il y a un retirage, on ne repaye pas l’illustrateur

tu te trompes, du point de vue de la loi (du point de vue de l'usage c'est autre chose).

Oui, je parlais bien de l'usage.
Maintenant il est clair qu'on fait signer des contrats de renonciation de droit depuis une malheureuse affaire récente qui a touché un collègue...

Usage regrettable et très risqué pour l'éditeur. Et faire signer des "contrats de renonciation de droit" est tout aussi illégal ! Indéfendable devant un tribunal. Et que l'illustrateur ait signé ce soit-disant contrat n'y change rien.


Oui enfin je schématise pour le post.
Disons pour détailler qu'il y a des contrats-type pour cela, qui protègent à la fois l'éditeur (qui ne se verra pas attaquer pour un boulot qu'il a déjà rémunéré sur des termes clairs) et l'illustrateur (qui ne verra pas ses illustrations utilisées en dehors d'un cadre bien défini).

Je respecte bien évidemment énormément le travail d'illustrateur et je reconnais son importance, mais il est techniquement difficile de rémunérer les illustrateurs aux droits d'auteur dans le milieu du jeu (ce post montre à quel point on est déjà serrés au niveau financier). Par ailleurs, je ne suis pas sûr du tout que les illustrateurs payés au fixe soient "perdants" du fait de cet usage (qui n'est pas limité à notre profession), tant que l'éditeur n'abuse pas. Par exemple, la vente de T-shirts et de produits dérivés serait à mon avis de l'abus. Par contre, tant que les illustrations ne servent qu'a orner le jeu pour lequel l'illustrateur a été payé (un travail de commande) et qu'il reste propriétaire de ses originaux, je ne vois pas le problème.