Compétition VS coopération : de l'implication morale

Salut tout le monde.
Je me permet de relayer ici un débat qui s'est ouvert sur un autre site où une vidéo traite de la coopération dans les jeux vidéo.
Les joueurs de jeux de société y sont mis en vis-à-vis de joueurs vidéo sur le fait que les 1er seraient plus habitué à la coopération.
Mais ce qui m'a intéressé c'est, plus que la comparaison jeu plateau/vidéo, les valeurs accordées aux mécanismes de compétition VS ceux de coopération.
En gros la coopération semble jouir d'un a priori positif en favorisant l'entraide des joueurs là où la compétition incite à les battre. Elle inciterait à des comportement moralement plus valorisé : solidarité, discussion,...et ne se conclurait pas par la victoire d'un sur les autres, par une hiérarchisation entre "bon" et "mauvais".
Je retranscrit donc ici l'avis que j'ai donné sur ce sujet, en espérant qu'il soit pertinent ici aussi.
[Pour le débat-source il s'agit d'un Merci Dorian : http://www.nesblog.com/merci-dorian-la-cooperation/ ]

Peupler un jeu et incarner des mécanismes.

Les jeux mettent souvent en scène un antagonisme, le sentiment ludique passe par le confrontation aux autres. Et on sens vers où ça nous mène : le but est toujours de battre l'adversaire (echec & co), soit directement soit indirectement (par ex par le score).
Bref il faut écraser ses petits camarades, être le meilleur, le plus riche, le plus fort, le plus rapide : de toute façon il ne peut en reste qu'un alors plutôt moi que lui.
On voit venir la critique où ces mécanismes reflète notre société capitaliste libérale où la réussite se paye sur la défaite des autres, la perception des autres comme des concurrent, ect... Un monde qui se divise entre deux catégories : les "winners" et les "loosers", métaphore ludique pour cacher la violence des rapports socio-économique.
Les thématiques de confrontation sont foison, et laisse la part belle au militaire et à l'éthos guerrier.
Dans ce cadre d'affrontement l'égalité de départ est primordiale. Ainsi le poker donne exactement la même sommes à chacun des joueurs, et à la fin tout est concentré entre les mains d'un seul. Le déroulement du jeu a pour objectif de créer un déséquilibre à l'issue incertaine : a la fin on aura un gagnant et du suspens.
Bref : dans un jeu de confrontation il y a un "JE" et plein de "ILS" : il y a moi et les autres, qui me sont semblable.

Dans un jeu de coopération les joueurs se confrontent ensemble aux mécaniques du jeu qui vont faire pression sur leurs actions.
Si on fait un petit tour des jeux de coop' on peut observer comment sont incarnées les mécaniques auxquelles se confrontent les joueurs. Que le thème soit "plaqué" ou non, on n’affrontent jamais les mécaniques directement mais au travers d'une entité (sauf dans les jeux abstraits).
Qu'est-ce qu'on trouve comme entité à combattre en coopération ?
- la nature : île qui s'engloutit, désert qui s'ensable,...
- situation de survie : naufragé à la Robinson, épidémie, incendie,...
- un adversaire radicalement autre : zombie, démons, fantômes et monstres en tout genre.
Bref, dans un jeu de coopération il y a un "NOUS" (les joueurs) et un "EUX" : une altérité menaçante qui prend de l'ampleur avec le temps et qu'il faut stopper urgemment (car sa propagation est inéluctable et qui si on fait rien ça sera la fin de notre monde à nous tel que nous le connaissons avec notre mode de vie et nos valeurs mais pourquoi nous détestent-ils ?...).
Bien souvent il n'y a donc coopération qu'au sein d'un collectif et face à un altérité radicalement autre : elle n'a rien en commun avec les joueurs, ce n'est pas une autre équipe.

"Là un monstre ! ... Ha non...même pas."

Ainsi, la valeur morale positive attribuée habituellement aux jeux favorisant la coopération ne prend pas en compte l'entièreté de ce qui peuple un jeu. C'est donc la coopération en soi qui est valorisé : peut importe ce que vise a coop', elle est positive en soit en tant qu'elle s'oppose à la confrontation.
On ne lit jamais la critique du jeu de coop' qui serait le reflet de la culture du "Nous ou Eux" du choc des civilisations ou du racisme ordinaire : poser d’emblée deux groupes radicalement autres où la menace est unidirectionnel. Le fait que les pompiers de 18 - Soldats du feu soit une menace existentiel de l'incendie est autant impensable que le fait que l'interprétation actuelle de la laïcité est une menace pour la pratique des musulmans. Les aspirations de l'Autre n'existe pas. Si il est humain il est par ce processus traiter comme un objet inanimé, une menace radicalement Autre.
Ils sont rares mais il y a des jeux de coop' qui se passe d'antagoniste en attribuant une tâche à réaliser (score, amasser ressources,...) comme Hanabi où il s'agit de faire de beaux feux d'artifice.
Mais le plus original sur ce plan est pour moi Urbion de Shadi Torbey : plusieurs citées où il faut équilibrer rêves et cauchemars. Le but n'est pas de défendre les gentils rêves contre les méchants cauchemars islamistes mais de composer avec des équilibre toujours instables. Plus qu'un affrontement, ce jeu pose l'enjeu (métaphysique ? wouha carrément !) de l'ordre et du chaos.
La difficulté tient peut être à la capacité de créer un enjeu qui ne passe pas pas un antagonisme. Il s'agit bien là de la question de l'incarnation des mécanismes du jeu.

Or il semble que l'impact moral de la thématique du jeu, et donc sa nécessaire consensualité, soit plus important dans les jeux de coopération que dans ceux d'affrontement.

"Avec Frontex, vivez tous ensemble l'aventure en Méditerranée".

Vous en avez marre de sauver le monde a répétition ? Les bon sentiments et la gnangnantise des jeux de coop' vous lasse ? Incarner une épidémie vous semble roleplayement difficile ? Essayer "Frontex l'aventure en mer" !
On pourrait se faire un jeu de coop' où on joue Frontex, une entreprise privée dont la mission est d’empêcher les migrants de poser un pied en Europe tout en évitant qu'ils ne s'en noient trop et que ça passe à la télé.
Dans cette perspective c'est le collaboratif a contre-emploie qui produira le plus d'effet. Car pouvoir jouer les deux rôle, et donc les alterner (et même avec un gameplay asymétrique) semble enlever du piment. Finalement la confrontation aseptise le thème, lui ôte son enjeu thématique pour devenir un affrontement médiatisé par un ensemble de règles : au travers du jeu c'est mon adversaire que je veux battre.
Dans les jeux symétrique on s'accorde sur le fait que jouer les nazis dans les jeux thématisé 2ème GM n'est pas un engagement moral.
Jouer en coop', et donc n'incarner qu'un seul rôle ne fait plus du jeu un médiateur par lequel je m'oppose aux autres. Il ne reste que le jeu : ses mécaniques incarnées dans la thématique. Le thème devient plus difficile à ignorer, sauf à réduire le jeu à ses mécaniques pures et ainsi perdre en immersion et donc en plaisir ludique.
Ceci explique peut être pourquoi on ne trouve pas de jeux de coopération où l'objectif n'est pas fondamentalement noble. Aucun trouble, aucune ambiguïté dans notre but et nos moyens.
Or je pense que même sans raconter une histoire un jeu nous dit quelque chose, de par les entités qui le peuplent, leurs actions et leurs objectif.
Un jeu comme "Frontex, menaces sur les frontières de l'Europe" proposerait, en plus des mécanisme originaux et fun (si si) poseraient aux joueurs un dilemme collectif : jouer le jeu comme un mécanisme pour ne pas être gêné dans sa course à la victoire par des considérations morales, ou assumer l'immersion ludique et son trouble moral.
On pourrait aborder l'expérience de jeu comme une gestion de dépense de points d'actions et de jauges d'impopularités. Ou alors comme une expérience de choix troubles, liés à ce qu'il se passe actuellement en méditerranée.
Ainsi, l'antagonisme peut se faire contre les mécanismes du jeu (les migrants qui essayent de passer) et contre le jeu lui-même en ce qu'il nous met dans une position d'adhésion à l'Europe Forteresse. Bien sur il faut jouer le jeu pour se confronter à notre propre cynisme, indignation, colère,...
Évidement ceci semble tenir par le fait que les joueurs n'adhèrent pas personnellement à ce que le jeu reflète. Mais même quelqu'un soutenant le contrôle extérieur des frontières vivrait une expérience ludique particulière : celle d'être confronté aux dilemme moraux d'un objectif jugé nécessaire.
Va-t-on sauver une petite embarcation parce qu'il s'y trouve un enfant qu'on pourra exhiber devant les caméra pour faire un peu retomber notre jauge d'impopularité quitte à laisser sombrer de plus gros navires de migrants qu'on auraient de toute façon été expulsés par la suite ?
Il s'agit en gros, là où on pense les mécanisme de jeu comme générateur de choix stratégique, de les doubler d'une implication morale. Non pas de proposer une alternative entre gagner des point ou sauvegarder sa moralité mais de ne proposer que des choix moralement discutable, troubles, ambigus.
Donc : pas opposer stratégie et morale mais permettre, par le stratégiques, une interpellation éthique.

Bon, finalement tout ça pour dire que l'a priori morale positif accordé au jeu de coopération ne prend en compte que la qualité des interactions entre joueurs. Elle minimise ce qui se joue dans les manière de peupler un jeu, d'incarner les mécaniques.

Merci à ceux qui ont tout lu, c'était pas forcément très digeste.
Et si il y a des motivés, on se le fait ce Frontex !

ps : tout ceci est est produit à partir de théorie sociologique regroupé sous l'étude des processus "d'altérisation" (traduction de "othering") qui observe les mécanismes par lesquels un groupe social produit de l'identité et de l'altérité et de la hiérarchie. Beaucoup d'étude sur le racisme ou le sexisme. J'ai pas alourdit avec des référence, le texte se suffisait à lui-même sur ce plan.

Dead of winter, voilà en lisant le jeu auquel j'ai pensé. L'implication morale y est un moteur et participe aux mécanismes: vais-je accepter de laisser crever de faim ce groupe de gamin ou vais-je lui proposer de venir avec moi dans la colonie, en prenant le risque d'affamer tout le monde ?
Et si l'on perçoit le jeu de société comme une méthode de sublimation de nos pulsions guerrières (ce qui est très grossièrement la position freudienne), tes questions trouvent leur réponse.

Merci de ta lecture et de ta réponse.
En effet avec Dead of Winter du pointe un point aveugle de mon texte : les jeux de coop' avec objectif secret et possible traitrise.
Je partais vraiment des archétypes du jeu de full coop' mais tu montre que c'est bien plus subtil que ça.
Est-ce qu'il y a d'autres jeux qui comme ça donne une dimension morale dans la narration proposée ?
Bien qu'avec DoW et les les survivants anonymes (si c'est bien ça) il y a un intérêt à les sauver : ils servent un peu de bouclier après...
Et surtout ça ne touche pas à l'opposition Nous et Eux avec les zombies. Par contre ça nous confronte à notre solidarité avec nos semblables face à un autre.
Est-ce que, dans un jeu de survie post-apo, le secours de personnes vulnérables ne pourrait apporter aucun gain ? Il ne servirait pas comme point ou condition de victoire mais comme une sorte de degrés de difficulté volontaire.
L'altruisme rendrait le jeu plus difficile, il serait "gratuit".
Pour le coté traitrise les objectif perso contraire aux objectifs communs casse la confiance du collectif et fait douter de l'existence du Nous. Le dilemme morale est bien présent avec son ambiance de suspicion.
Mais c'est le jeu qui justifie et légitime la traitrise : "c'est pas perso les gars, mais c'était mon objectif caché". Est-ce que ça fait pas s'évanouir l'enjeu moral ?
Est-ce qu'on peut imaginer un jeu de coop' où la traitrise volontaire serait possible ? En cours de partie un basculement serait possible d'un jeu de coop' à celui d'équipe, de tous contre un ou de tous contre tous au grès de la volonté des joueurs et des opportunités qui s'offrent à eux ?
L'important serait dans le coté volontaire et possible : rien n'obligerait à quitter le jeu full coop'.
Si j'ai envie de sublimer mes pulsion de trahison, ça sera encore meilleur si j'ai le choix.
Sinon Dead of Winter m'a l'air vraiment bien, ça me titille pas mal. Mais comme la moitié de mes parties sont à deux joueurs, je me demande si il tourne bien comme ça.

J'ai pris un peu le temps de fureter dans les discussions sur DoW, notamment sur les cartes Crossroad, les objectifs secrets et le mode deux joueurs avec objectif traitre.
Les cartes Crossroad sont en plein dans le sujet si on lit pas les effets : on s'en tient à la situation et ce qu'elle peut impliquer, mais sans en être sur.
Avec le système d'objectif secret on voit que ça permet d'aborder différemment la victoire individuelle/collective avec le cas d'un joueur qui souhaite être le seul vainqueur et utilise ses dernières actions non pas à faire échouer le collectif mais à s'assurer de personne d'autre ne remplisse son objectif perso. Rien d'obligatoire, juste l'envie ou non de partager la victoire.
Narrativement ça a du sens : un personnage, sans vouloir faire exploser la communauté tient à y avoir l'ascendant. Ça peut laisser un goût amer mais aussi la possibilité d'imaginer la suite.
Enfin avec le mode deux joueurs avec cartes traitrise on est dans une configuration où plus l’objectif collectif va sembler dur à réaliser, plus les objectifs perso prennent de l'importance...Là aussi à discrétion des joueurs.
Bref un super jeu, et pour l'instant le seul à avoir proposé quelque chose ?

erreur dsl

Ton analyse est intéressante. Il est vrai qu'entre le full coop et la confrontation pure de nombreux concepts de jeux s'intercalent ce qui enrichit d'autant cet univers et probablement - pour qui en a le courage - l'analyse de celui-ci ! A la lecture de ton post j'ai également pensé au récent Dead Of Winter mais un bon vieux Alcatraz devrait également être intéressant. Le principe est simple : Tous les joueurs vont sortir de la prison sauf un ! Ou bien personne ne sortira. Coopérer tout en faisant le maximum pour se rendre indispensable, et éviter à tout prix qu'un joueur ne soit trop vite hors course car sa capacité de nuisance est telle qu'il pourrait empêcher tout le mon de de s'évader s'il se sait perdu. Tout le monde espère donc jusqu'au bout qu'il en sera ! Un double jeu tout au long de la partie, l'alliance victorieuse n'est pas connue au début de la partie et se dessinera insidieusement pour ne se révéler que dans les derniers moments. Il n'est pas conseillé d'y jouer avec des amis joueurs qui n'arrivent pas à sortir d'un code moral évident, surtout de personnes que l'on considère comme des amis... Cela renvoie une image peu reluisante de nous même, cela met en surface des bas instincts et il n'est pas de bon ton de les révéler en fonction du public et du jugement qui serait porté. Mais là encore la règle du jeu nous y contraint et sert ainsi d'alibi.
Sinon, il y a probablement des jeux d'affrontement/diplomatie ou la coopération et la trahison sont des choix délibérés et non imposés par la règle mais il s'agit de jeu dont le temps de partie est certainement assez long du coup je ne les connais pas :(


En gros la coopération semble jouir d'un a priori positif en favorisant l'entraide des joueurs là où la compétition incite à les battre. Elle inciterait à des comportement moralement plus valorisé : solidarité, discussion,...et ne se conclurait pas par la victoire d'un sur les autres, par une hiérarchisation entre "bon" et "mauvais".

Je ne suis pas d'accord avec ceci. Je prends exemple sur moi : dans des jeux de confrontation, je joue la gagne bien sûr, mais lorsque je suis largement en tête et que le(s) adversaire(s) sont largement dépassé(s), je me tourne vers une attitude plus didactique et coopérative. Car même si je partage l'avis que l'intérêt premier du jeu est la confrontation au travers d'un environnement non périlleux, il n'en reste pas moins un terrain d'expérimentation et de développement personnel, rendu possible par la compétition toujours plus grande entre les joueurs désireux de gagner => coopération implicite.
Pour étendre vers d'autres domaines, on pourrait faire un parallèle avec le sport par exemple, où les sportifs s'affrontent mais aussi dépassent leurs limites et se tirent chacun vers le haut au travers des compétitions.
Ou alors le monde judiciaire, où avocats et procureurs repoussent les limites de l'adversaire pour atteindre un équilibre appelé "vérité" ou "justice".
Inversement, j'ai vu des jeux coopératifs où on avait la situation "ma stratégie est meilleure que la votre, j'ai raison vous avez tort, on fait comme j'ai dit un point c'est tout". On est dans la confrontation pure et dure des idées certes, mais cela n'en reste pas moins un affrontement pour ceux qui ne veulent pas se laisser faire par ce genre d'attitude.
Idem dans une entreprise où on est tous censé travaillé ensemble dans le but de réaliser un objectif commun : ben non, il y a toujours des gens qui veulent tirer la couverture vers eux.
Conclusion : des jeux en coopération ou affrontement, les bienfaits tirés et les valeurs morales, immorales et amorales qui s'en dégagent ne dépendent uniquement que des joueurs autour de la table/en face de leur écran.

les deux comportements que tu décris ne sont-ils pas des déviances ? qui sortent en cela de l'essence même de ces 2 typologies de jeux ?
je suis moi aussi porté sur la coopération même dans les jeux d'affrontement, dans mon cercle nous avons beaucoup de plaisir à discuter ponctuellement des meilleurs coups que chacun pourrait faire à son tour, comme si le jeu de compétition, devenait subitement un casse-tête à résoudre ensemble ! La victoire personnelle et finale et certes agréable mais a finalement peu d'importance, l'essentiel est que chacun passe un bon moment autour du plateau et le coté didactique prend souvent le dessus. Mais je reste persuadé que cette situation n'est pas directement souhaitée par le jeu tel qu'il est conçu au départ par l'auteur, il s'agit plutôt d'un contournement, d'une déviance, favorisée par la présence de personnes dont nous souhaitons le bien autour de la table. J'observe en effet qu'un même joueur pour un jeu donné sera capable de privilégier la compétition ou la coopération en fonction des personnes qui l'entourent.

Ta dernière phrase résume bien ma façon de penser : s'agissant de jeux de société, tant qu'il y a une interaction positive et épanouissante entre les joueurs, on ne peut pas parler de déviance. Surtout lorsqu'on parle de l'auteur : une seule personne ne peut pas dicter comment le reste de "la société" profitera pleinement de son jeu. Cela arrive d'ailleurs que ce soit l'inverse qui se passe : la communauté d'un jeu influe sur la manière de jouer à celui-ci, et son auteur l'équilibre et le modifie en fonction.

schne dit:
Est-ce qu'on peut imaginer un jeu de coop' où la traitrise volontaire serait possible ? En cours de partie un basculement serait possible d'un jeu de coop' à celui d'équipe, de tous contre un ou de tous contre tous au grès de la volonté des joueurs et des opportunités qui s'offrent à eux ?
L'important serait dans le coté volontaire et possible : rien n'obligerait à quitter le jeu full coop'.
Si j'ai envie de sublimer mes pulsion de trahison, ça sera encore meilleur si j'ai le choix.

C'est le cas dans Red November.
Les joueurs jouent ensemble pour éviter que leur sous-marin ne sombre. Mais n'importe quel joueur peut fuir le navire, auquel cas il ne gagne que si les autres joueurs perdent.

Salut merci de vos réponses.
Mais je pense que tu mélanges jeux coopératif et situation d'apprentissage. C'est une autre démarche pour moi, où l'un des joueurs "sort" du jeu. En gros ça casse l'égalité des joueurs dans une partie, ce qui en fait un cas particulier.
A ce rythme là tout jeu est de coopération dans la mesure où les joueurs font en sorte que le jeu se déroule.
Mais tu a tout à fait raison quand tu dis qu'un jeu de coopération peut tourner au rapport de force entre les joueurs.
Et oui aussi , les situation sociales concrètes sont bien plus dure à classer en terme de confrontation/coopération. Je pense qu'il y a même un jeu politique à ce genre de classification.
Je comprend qu'un manager conçoive une entreprise comme un lieu de coopération, mais je comprend aussi le représentant syndical qui la voit comme un lieu de rapport de force quand à la répartition des richesses produites.
Après j'ai l'impression qu'on pense surtout en tant que joueurs, avec toute notre liberté pour jouer comme on le souhaite.
Mais c'est oublier que les créateurs de jeux ont un impact important. On peut pas dire que les joueurs ont toute liberté : ils décident de jouer à un jeu précis, d'en suivre la plupart des règles et donc d'ajuster leurs comportements aux mécaniques proposées. Les libertés des joueurs est donc bien restreinte au sein de l'univers proposé par les créateurs.
Ils sera toujours possibles de jouer "autrement" (déviance c'est un peu péjoratif non?) mais les accommodement sont finalement assez limité. Ou alors on joue à un autre jeu.
A la base la question pour moi était justement plus du coté des créateurs : comment l'univers construit et la manière de le peupler d'êtres et de mécaniques influençait sur l’implication morale des joueurs.

Oui, c'est pour ça que je n'ai cité que le message de départ sur lequel tu avais ensuite donné ton avis.

Mais je pense que tu mélanges jeux coopératif et situation d'apprentissage. C'est une autre démarche pour moi, où l'un des joueurs "sort" du jeu. En gros ça casse l'égalité des joueurs dans une partie, ce qui en fait un cas particulier.
A ce rythme là tout jeu est de coopération dans la mesure où les joueurs font en sorte que le jeu se déroule.

En fait, cela dépend de la motivation des joueurs à jouer à un jds. Si on joue pour se confronter pleinement, sans problème, on peut pulvériser ces joueurs mauvais/débutants, car ils en redemanderont et s'amélioreront petit à petit. Mais si un joueur joue à un jeu dans une optique de confrontation mais aussi de rencontre, de découverte d'un jeu/de personnes et de gymnastique intellectuelle, ce n'est plus la même chose. Si ce joueur se fait massacrer à la moindre petite erreur, le résultat sera très net : il n'aura pas passé un bon moment, et il ne rejouera probablement pas à cette table et ce jeu.

doublon

schne dit:Bref, dans un jeu de coopération il y a un "NOUS" (les joueurs) et un "EUX" : une altérité menaçante qui prend de l'ampleur avec le temps et qu'il faut stopper urgemment (car sa propagation est inéluctable et qui si on fait rien ça sera la fin de notre monde à nous tel que nous le connaissons avec notre mode de vie et nos valeurs mais pourquoi nous détestent-ils ?...).
Bien souvent il n'y a donc coopération qu'au sein d'un collectif et face à un altérité radicalement autre : elle n'a rien en commun avec les joueurs, ce n'est pas une autre équipe.
[…[
Ainsi, la valeur morale positive attribuée habituellement aux jeux favorisant la coopération ne prend pas en compte l'entièreté de ce qui peuple un jeu. C'est donc la coopération en soi qui est valorisé : peut importe ce que vise a coop', elle est positive en soit en tant qu'elle s'oppose à la confrontation.
On ne lit jamais la critique du jeu de coop' qui serait le reflet de la culture du "Nous ou Eux" du choc des civilisations ou du racisme ordinaire : poser d’emblée deux groupes radicalement autres où la menace est unidirectionnel. Le fait que les pompiers de 18 - Soldats du feu soit une menace existentiel de l'incendie est autant impensable que le fait que l'interprétation actuelle de la laïcité est une menace pour la pratique des musulmans. Les aspirations de l'Autre n'existe pas. Si il est humain il est par ce processus traiter comme un objet inanimé, une menace radicalement Autre.

Je réagis là-dessus, car je fais partie des rares personnes (presque) incapables de jouer à un jeu compétitif. Comme tu le dis, il y a presque toujours une menace extérieure dans un jeu de coopération. Mais la différence fondamentale avec le jeu compétitif, c'est que la violence dans ce cas est entièrement figurée. Ce qui m'intéresse dans le jeu, c'est le rapport que je créé avec les êtres humains qui sont à la table autour de moi, et pas le rapport avec le carton. Transposé à la vraie vie, la relation de coopération entre des ouvriers qui luttent face à des patrons ne serait pour moi pas du tout la même que celle d'un jeu coopératif.
Le deuxième point, c'est que la confrontation ne vient à mon sens que du thème et n'est pas intrinsèque à la mécanique. On pourrait par exemple très bien imaginer dans Andor qu'on ne combat pas les monstres, mais qu'il s'agit plutôt d'une épreuve de diplomatie où l'on doit chercher avec eux comment bien vivre ensemble. Le lancer de dé en soi n'implique pas une relation violente vis-à-vis du monstre.

C'est étrange mais j'ai l'impression que vos réponses minimisent l'effet du jeu sur les interactions entre joueurs. C'est bien par l'intermédiaire du jeu, du "carton" qu'on entre en relation avec les autres joueurs. Selon les mécanismes prévus à cet effets.
Bien sur on a une marge de liberté, d'adaptation mais bon...on joue au même jeu et on en accepte les règles (ce qui fait de tout jeu une coopération à la base).
Par contre je vois pas pourquoi une thématique "lutte des classes" ne serait pas adapté à un jeu de coop. Et si le thème ne te semble pas approprié, c'est qu'il influence donc notre façon de vivre le jeu.
Une situation "réelle" pourrait sans doute servir de base pour tout type de jeu : la relation salarié/patron pourrait s'incarner dans des mécanisme de coop' (tous les joueurs dans un seul camp), dans des mécanisme d'équipe asymétrique (un patron VS plusieurs salariés) ou d'affrontement (un contre un chacun jouant un coté).
C'est que la subjectivité par lequel le jeu saisie une réalité sociale qui change. Et celle-ci influence sans doute notre plaisir à jouer.
Sinon Dead of Winter a été acheté, je me sentais pas jouer au Désert Interdit par cette chaleur. Une 1ere partie pour appréhender les règles, bientôt une plus sérieuse.

schne dit:C'est étrange mais j'ai l'impression que vos réponses minimisent l'effet du jeu sur les interactions entre joueurs. C'est bien par l'intermédiaire du jeu, du "carton" qu'on entre en relation avec les autres joueurs. Selon les mécanismes prévus à cet effets.
Bien sur on a une marge de liberté, d'adaptation mais bon...on joue au même jeu et on en accepte les règles (ce qui fait de tout jeu une coopération à la base).

Pour ma part je suis d'accord avec toi pour dire que la mécanique influence la relation entre les joueurs. Je ne joue qu'à du coop parce que je suis justement à la recherche de la relation de confiance qu'induit la mécanique coopérative.
schne dit:Par contre je vois pas pourquoi une thématique "lutte des classes" ne serait pas adapté à un jeu de coop. Et si le thème ne te semble pas approprié, c'est qu'il influence donc notre façon de vivre le jeu.
Une situation "réelle" pourrait sans doute servir de base pour tout type de jeu : la relation salarié/patron pourrait s'incarner dans des mécanisme de coop' (tous les joueurs dans un seul camp), dans des mécanisme d'équipe asymétrique (un patron VS plusieurs salariés) ou d'affrontement (un contre un chacun jouant un coté).
C'est que la subjectivité par lequel le jeu saisie une réalité sociale qui change. Et celle-ci influence sans doute notre plaisir à jouer.

Je me suis mal exprimé. Je n'aurai aucun problème à jouer à un jeu coop ayant pour thème la lutte des classes, comme n'importe quel autre thème, parce que l'ennemi serait déshumanisé. Je n'aurai pas l'impression de lutter contre des êtres humains mais contre quelque chose d'abstrait.
Par contre, je ne pourrai pas être militant dans la vraie vie d'un système fondé sur la lutte des classes, quand bien même il y aurait coopération parmi les militants, car on resterait dans une relation de confrontation vis-à-vis d'un autre groupe de personnes.

Juste pour donner deux jeux (et il y en aurait d'autres) qui apportent des "sentiments" dans le jeu avec lesquels il va falloir "jouer" :
Alcatraz, the Scapegoat : il faut s'entraider pour fuir une prison en sachant qu'un (au minimum mais c'est souvent un) des joueurs, celui qui est le plus "dispensable" dans le plan d'évasion, sera "sacrifier" pour ralentir les gardiens... ambiance, ambiance autour de la notion de "bouc émissaire"
Intrige : il est nécessaire de jouer avec les autres pour placer ses personnages, mais il est tout aussi obligatoire de les trahir pour gagner... Est-ce parce que tous le font que ça me rend plus à l'aise ? est-ce le plus fourbe qui finalement l'emporte (en se fâchant généralement avec tous... attention, jeu méchant)

Voilà, pour agrandir le spectre des jeux que l'on peut jouer et analyser sur ces thématiques !
:)

C'est vrai que face aux jeux full coop' où la confiance est à la base, y a les jeux fouteur de merdes. Ceux qu'ils faut jouer entre amis qui acceptent de se foutre sur la gueule sans raison.
Je crois qu'une de mes 1ere expérience de clash entre joueurs était avec une partie de Service Compris où certains vivaient mal le coté gratuit des agressions. J'ai aussi pu constater l'inverse : pour préserver certains joueur plus "sensibles", ils étaient moins attaqués et souvent victorieux ou proche de la victoire.
Sinon je vois tout à fait la différence que tu pointes Giga, et le coté abstrait de l'adversité de tout jeu de coop'. La possibilité de le réduire à une pure mécanique, sans intelligence. A l'inverse le jeu de confrontation humanise l'adversaire thématisé, et du coup là aussi il devient secondaire : il n'est que mon adversaire intelligent agissant dans un cadre de règle données.
Et perso si j'aime bien les jeux de coop' j'aurai énormément de mal à m'engager dans un cause ne désignant aucun responsable ou ne prenant pas en compte les divergences d'intérêts ou les rapports de domination traversant nos sociétés. La plupart des engagement politique reprennent le cadre juridique : un tord, une victime, un responsable, un juge.
On touche à la limite de la comparaison entre monde social et monde ludique.

Deux remarques par rapport au post initial.
Sur l'opposition jeu de confrontation/coop.
Elle disparaît de plus en plus, dans les jeux de confrontations il y a de moins en moins de confrontation, l'agression directe est de plus en plus mal vue, on ne doit plus remplir un objectif mais accumuler des PV, qui sont de plus en plus cachés et on fait un décompte final où on découvre avec surprise celui qui a gagné. L'école des fans chez les bisounours.
Ton idée de coop sur Frontex m'a fait sourire. Je me suis demandé si comme les séries US sur les extraterrestres des années 50-60 étaient, parait-il, des allégories du danger communiste, les jeux sur les Zombies n'en étaient pas sur les migrants, étrangers, ect...? Ils sont partout! :mrgreen:

Je m'éloigne peut-être du sujet, mais je trouve qu'un jeu comme Res Publica Romana parvient à très bien partager les éléments de coopération (indispensables à la survie de Rome) et de compétition (il ne peut y avoir qu'un seul vainqueur). Il faut savoir jauger son degré d'implication pour la cause commune, tout en n'hésitant pas à saboter des actions entreprises pour le bien commun si elles avantagent trop un autre joueur. Trahisons, alliances de courte durée, coopération forcée... tout y est.