Bernard Henry Levy, philosophiquement entarté (encore)

Le Zeptien dit:
grolapinos dit:
Je suis quand même toujours un peu gêné de voir que l'on n'attaque jamais à ce type sur autre chose que sa personnalité. Cette histoire de citation foireuse, c'est pitoyable, mais qu'est-ce qui compte ? Le fond de la pensée ou l'apparence ?


Mais justement ! Ce n'est pas une simple citation foireuse, c'est la démonstration de sa manière de travailler...quand au fond de sa pensée, mais Alighieri a bien résumé ! C'est la pensée de beaucoup de personnes mais dite avec des phrases plus compliquées ! Et c'est bien là que réside la supercherie. Oui, l'extrème droite c'est pas pas bien, mais l'extrème gauche aussi, l'antisémitisme c'est nul, exécuter une journaliste c'est pas beau, la guerre en Bosnie c'est horrible, etc, etc....


C'est en partie ce point de vue, que, personnellement, je ne comprends pas. En fait il est reproché à BHL d'enfoncer des portes ouvertes, et de ne pas proposer du neuf, de la différence. C'est preuve d'un manque de prise de risque? De réelle identité philosophique?

En tout cas, personnellement, ce que tu lui reproches dans ce post ne me gêne absolument pas. Formuler un sorte de conscience collective, de réflexion humaine (même consensuelle) avec du joli verbe n'est pas un crime. Bien sûr, beaucoup vont dire en l'écoutant "il a raison" puisqu'il énonce des évidences, mais c'est le propre de beaucoup de philosophes "célèbres" de l'histoire (je ne rentre pas là dans un débat qualitatif).

Des types qui ont fait leur notoriété à partir de pensées affligeantes de banalité en les enrobant dans du vocabulaire abscons, il y en a de bien pires que BHL, qui sont révérés pour cela. Non, ce qui gêne chez BHL, en général, ce n'est pas sa pensée, mais son personnage. Les réactions épidermiques des uns et des autres me font penser à ces types qui sont scotchés devant leur télé en s'affligeant de la qualité des programmes.

Je reconnais que les quelques mots d'alighieri sur BHL vont par ailleurs un peu plus loin que ça (mais ce ne sont pas les premiers), de même, à la rigueur, que si l'on essaie de tirer de cette gaffe des conclusions sur les méthodes de travail de l'individu.

J'en viens quand même parfois à me demander si ce qu'on lui reproche, ce n'est pas d'être au ras des pâquerettes, mais de ne pas le faire assez bien pour que l'on ne s'en aperçoive pas, comme tout bon philosophe postmoderne qui se respecte.



Je profite de l'occasion pour faire une ènième fois la pub de l'ouvrage ci-dessous.

grolapinos dit:Cette histoire de citation foireuse, c'est pitoyable, mais qu'est-ce qui compte ? Le fond de la pensée ou l'apparence ?


Ben pour moi, l'apparence c'est son fond de commerce. Ce qui lui permet de vendre du vide.

Mais bon si tu associes le travail sociologique de Bourdieu à de la supercherie, c'est un dialogue de sourds.

Mitsoukos dit:
grolapinos dit:Cette histoire de citation foireuse, c'est pitoyable, mais qu'est-ce qui compte ? Le fond de la pensée ou l'apparence ?

Ben pour moi, l'apparence c'est son fond de commerce. Ce qui lui permet de vendre du vide.
Mais bon si tu associes le travail sociologique de Bourdieu à de la supercherie, c'est un dialogue de sourds.


Je retire Bourdieu, c'est une grossière erreur de quote de ma part :china:

Eric dit:Et pour répondre à Kouyne, c'est aussi ce manque de rigueur que je reproche à Onfray (quoique pour Onfray, c'est, à mes yeux, carrément de la malhonnêteté intellectuelle (mais j'avoue que son traité d'athéologie et sa réaction aux réponses qu'il a suscité l'ont définitivement discrédité à mes yeux)) Donc l'effort de vulgarisation, bof...


sur l'accessibilité, c'est juste une remarque de quelqu'un d'autodidacte en la matière.
ça m'a ouvert quelques pistes, donné l'envie de les suivre et de les approfondir à ma manière et avec d'autres. ça n'a pas été une fin en soi mais une ouverture.
note, qu'on ne reçoit pas tous un même contenu de la même façon selon le point duquel on réfléchit.
cette vulgarisation, c'est déjà pas si mal, vue comme est traitée la matière par l'EN et ce qui est le bagage commun de ceux qui arrivent au bac : un fatras d'outils et de concepts présentés aux forceps, sans aucun moyen de mise en perspective, ni historique ni intellectuelle.

dardar dit:
En tout cas, personnellement, ce que tu lui reproches dans ce post ne me gêne absolument pas. Formuler un sorte de conscience collective, de réflexion humaine (même consensuelle) avec du joli verbe n'est pas un crime.


Ah mais nous sommes tout a fait d'accords sur ce point : ce n'est pas un crime (et la vulgarisation est même une noble tâche pas facile d'ailleurs), mais l'imposture consiste à faire croire par contre qu'il y a, dans ce qu'écrit BHL, à la fois une originalité avec prise de risque, à laquelle viendraient s'ajouter profondeur et rigueur de la reflexion.

C'est sa compétence en tant que philosophe qui est ici remise en cause, pas le comportement de l'individu dans la vie ou ses accointances médiatiques
Grolapinos semble dire que les critiques à l'égard de BHL se focalisent là-dessus..c'est faux, le sujet n'est pas là.

Le Zeptien dit:C'est sa compétence en tant que philosophe qui est ici remise en cause, pas le comportement de l'individu dans la vie ou ses accointances médiatiques
Grolapinos semble dire que les critiques à l'égard de BHL se focalisent là-dessus..c'est faux, le sujet n'est pas là.


Mouais... Tu dis que c'est faux parce que tu as une vision raisonnée des choses. Quand je vois la foule applaudir l'entarteur, je reste extrêmement sceptique. C'est le grand cirque des deux côtés :|

Le Zeptien dit:
dardar dit:
En tout cas, personnellement, ce que tu lui reproches dans ce post ne me gêne absolument pas. Formuler un sorte de conscience collective, de réflexion humaine (même consensuelle) avec du joli verbe n'est pas un crime.

Ah mais nous sommes tout a fait d'accords sur ce point : ce n'est pas un crime (et la vulgarisation est même une noble tâche pas facile d'ailleurs), mais l'imposture consiste à faire croire par contre qu'il y a, dans ce qu'écrit BHL, à la fois une originalité avec prise de risque, à laquelle viendraient s'ajouter profondeur et rigueur de la reflexion.
C'est sa compétence en tant que philosophe qui est ici remise en cause, pas le comportement de l'individu dans la vie ou ses accointances médiatiques
Grolapinos semble dire que les critiques à l'égard de BHL se focalisent là-dessus..c'est faux, le sujet n'est pas là.


Tout d'abord pour être honnête, je dois avouer que je ne connais BHL que par ses apparitions médiatiques, son film étrange qui m'indiffère, sa femme qui m'insuporte.
Tout ce que je sais (et je ne sais pas ce q'il revendique lui) c'est qu'il fait du journalisme sans être journaliste, de la philo sans être philosophe, du cinéma sans être cinéaste et que vu comme ça je trouve la position intrigante.
En tout cas, hormis la qualité de sa production que je ne peux donc juger, il est évident que cette position a toutes les qualités requises pour s'en prendre plein la gueule que se soit mérité ou non.
BHL est une cible consensuelle je dirais ^^
C'est peut-être mérité, il faudrait que j'y mette mon nez plus sérieusement pour savoir de qui je dois rire ^^

Le Monde Diplomatique a mis en ligne tout un dossier sur le personnage :

http://www.monde-diplomatique.fr/dossier/BHL

ça dépend ce que l'on veut dire par "l'attaquer sur sa personnalité"
le fait qu'il soit un homme de réseaux, un "mondain", l'ami de milliardaires et de politiques, est gênant parce que ce sont ces liens qui lui permettent de diffuser massivement ses écrits, qui sans ces soutiens-là passeraient inaperçus, à juste titre amha.
c'est comme le fait qu'il soit juif, ce n'est évidemment pas un problème en soi (quelle misère d'être obligé de préciser ça !), mais il pratique un 2 poids 2 mesures évident dans ses indignations droitdelhommistes : il gagnerait en crédibilité en prenant rien qu'une fois une position équilibré dans le conflit israélo-palestinien, au lieu de répéter "gentils démocrates/méchants térroristes"
même le fait qu'il soit un vulgarisateur est gênant : on a pas bien compris ce qu'il vulgarisait comme pensée, ça semble plus du domaine de l'opinion, ce qu'il dit
il a quand même créer le concept génial de "romanquête" : ça veut dire qu'on bénéficie des avantages de l'enquête (du factuel, du vérifié) et du roman (on se laisse le droit d'inventer). c'est génial : ça l'autorise à dire n'importe quoi sur n'importe quel sujet...

Jer dit:Le Monde Diplomatique a mis en ligne tout un dossier sur le personnage :
http://www.monde-diplomatique.fr/dossier/BHL


merci beaucoup pour l'info.
(mais ça va prendre un peu de temps de tout lire...)

alighieri dit:il a quand même créer le concept génial de "romanquête" : ça veut dire qu'on bénéficie des avantages de l'enquête (du factuel, du vérifié) et du roman (on se laisse le droit d'inventer). c'est génial : ça l'autorise à dire n'importe quoi sur n'importe quel sujet...


c'est pas le seul à utiliser le procédé, cela dit...
Haenel avec son triptyque sur jan Karski a fait pareil, récemment.
Laurent Seksik avec Les derniers jours de Stefan Zweig, aussi.

je crois que le procédé en lui-même mérite débat et chaque bouquin qui s'en réclame mérite un examen au cas par cas.
BHL n'en a pas l'exclusivité et tous ces bouquins ne sont pas construits de cette manière.
difficile de le définir lui, à travers ce procédé et d'axer une critique de BHL sur la seule utilisation de ce qui n'est qu'une façon particulière d'écrire parmi d'autres, même si cette façon-là pose problème.

Seskik je ne connais pas, mais Haenel est un littéraire, ça m'étonnerait qu'il prétende traiter de l'actualité en Géorgie...que BHL invente sur les derniers jours de Baudelaire, no problem, c'est très bien, mais qu'il invente des anecdotes bidons sur un conflit en cours pour faire valoir une position pro-géorgienne (pro-américaine, donc) et anti-russe, ça m'emmerde déjà plus...

alighieri dit:Seskik je ne connais pas, mais Haenel est un littéraire, ça m'étonnerait qu'il prétende traiter de l'actualité en Géorgie...que BHL invente sur les derniers jours de Baudelaire, no problem, c'est très bien, mais qu'il invente des anecdotes bidons sur un conflit en cours pour faire valoir une position pro-géorgienne (pro-américaine, donc) et anti-russe, ça m'emmerde déjà plus...


Et ça lui a même permis, au détour d'une "révélation" faite par un officier russe, de montrer que la Russie fournissait des armes au Hezbollah et donc que la Russie était contre Israël (oh les méchants Russes).

Parfois, il est drôle aussi : dans son "reportage" en Israël lors de la guerre contre le Hezbollah, en 2006, il faisait une jolie comparaison sur les roquettes lancées par le Hezbollah et la roquette, la petite salade qui doit tant lui rappeler Saint-Germain-des-Prés. Une remarque d'une pertinence magistrale.

Il y a une chose dont ce type n'a pas peur, c'est le ridicule.

alighieri dit:Seskik je ne connais pas, mais Haenel est un littéraire, ça m'étonnerait qu'il prétende traiter de l'actualité en Géorgie...


en l'occurence dans son livre, il s'appuie sur ces trois volets, dont le derniertotalement romancé sur Jan Karski, pour défendre une thèse historique sur la complicité du monde occidentale dans l'accomplissement de la shoah et la surestimation générale de l'antisémitisme polonais.
cela a fait l'objet d'une critique sèvère d' annette Wiewiorka dans le mensuel l'histoire et d'un article de 6 pages de Lanzman dans un numéro récent de Marianne.
ça ne touche pas l'actualité mais pas sur que d'un point de vue intellectuel, ça soit plus anodin.

sinon, effectivement, je suis d'accord avec Jer, la prose de BHL atteind parfois des sommets ahurissant dans le décalage avec la réalité qu'il est sensé dépeindre. :roll:
ridicule, ce n'est pas un adjectif exagéré; malheureusement, on a du mal à en rire quand à ça touche à des domaines trop lourds.

alighieri dit:ça dépend ce que l'on veut dire par "l'attaquer sur sa personnalité"
le fait qu'il soit un homme de réseaux, un "mondain", l'ami de milliardaires et de politiques, est gênant parce que ce sont ces liens qui lui permettent de diffuser massivement ses écrits, qui sans ces soutiens-là passeraient inaperçus, à juste titre amha.
c'est comme le fait qu'il soit juif, ce n'est évidemment pas un problème en soi (quelle misère d'être obligé de préciser ça !)


Oui, quelle misère, et c'est une dimension très importante du débat public avec quelqu'un comme BHL (au passage, merci à Jer pour les liens vers le monde diplo). On voit que nous avons là un discours qui consiste, à terme, à décribiliser toutes critiques à son égard ou à ce qu'il défend, en pensée comme en action (ou pseudo-action), en lachant tôt ou tard l'arme atomique de l'antisemitisme. Si tu n'es pas d'accord avec lui, le soupçon est immédiatement disséminé dans les esprits : tu es peut-être un infame antisémite. Tu critiques la politique internationale américaine ? ça signifie que tu es, sois de la gauche passéiste, soit d'extrème-droite....en tout cas tu souffres d'une pathologie mentale.
On voit comment se met en place une pensée totalitaire, aussi totalitaire que les régimes politiques qu'ils aiment dénoncer.

Merci à vous pour tous ces commentaires et développements :china:

On est bien loin de l'attaque ad hominem.

Cette phrase de J-F Revel (cité par Halimi dans "Les philo-américains saisis par la rage") me laisse pantois :

"Il (J-F Revel) nous informait que la critique des Etats-Unis et de la mondialisation capitaliste débouchait presque nécessairement sur « une version post-marxiste de l’autarcie économique et culturelle voulue par Adolf Hitler »"...rien que ça !

Quand je pense que quelqu'un, pensant bien faire, m'avait offert "La grande parade" par erreur... :lol:

Maintenant, une bonne question je crois à se poser, c'est pourquoi BHL a tant de crédit auprès de personnalités aussi diverses que variées ? Comment-est-il parvenu a occuper une telle place dans le champ intellectuel ?

J'ai parcouru la présentation des articles recensés par le monde diplo. (merci Jer) . Bon ça me laisse quand même sacrément songeur. Bien sûr ce "recueil" est très orienté. On peut faire le même recensement d'articles acharnés sur toutes les personnalités importantes, médiatisées, dans les domaines où beaucoup aiment donner leur opinion (Sarkozy en politique, Domenech en sport, Bernard Henry et Marc Levy en litterature, etc).

J'ai tendance à trouver ce(s) consensus critique(s) suspect(s) et souvent éxagéré(s) (même s'il est (sont) peut-être justifié(s)) . En tout cas j'en aurais appris un peu plus sur le monsieur grâce à ce topic, même s'il me faudrait plus de temps et de recul pour avoir une quelconque opinion sur la personne. :roll:

Le Zeptien dit:Maintenant, une bonne question je crois à se poser, c'est pourquoi BHL a tant de crédit auprès de personnalités aussi diverses que variées ? Comment-est-il parvenu a occuper une telle place dans le champ intellectuel ?


un premier élément est dsans doute à chercher aux origines :
1976/1977/1978 avec la barbarie à visage humain, le testament de Dieu...
on est en pleine période Giscard.
une ère politique de vraie-fausse ouverture : un président jeune, des femmes au gouvernement, un secrétariat d'etat à la condition féminine, la majorité à 18 ans, le divorce par consentement mutuel, la légalisation de l'avortement, la construction du centre Geoges Pompidou etc...etc....
apparait le mouvement des nouveaux philosophes et BHL.
il a une trentaine d'année.
on voit et on entend aussi dans ces années-là, Glucksmann, Giroud, Finkelkraut, jean-edern hallier....
ce sont les années où sont publiés les tomes de l'archipel du goulag qui secouent les compagnons de route du PC, alors que G.Marchais vérouille.
une génération nouvelle assez charismatique qui vibrionne, qui claque et qui change des étouffoirs ambiants.
en parallèle, se dessine probablement également un nouveau profil d'organisation des médias, une nouvelle façon plus superficielle d'aborder les réflexions sous couvert d'urgence et de modernisation.
bref, amha, il a surfé sur une accélération et une modification générale, des façons de penser les idéologies, à l'emporte-pièce, donnant l'impression de secouer et dépoussierrer des dogmes en simplifiant et en généralisant.