[AVIS COMPLET] Les Aventures de Robin des Bois : pourquoi est-ce si bien?

[Les Aventures de Robin des Bois]

Tout d’abord, j’écris cet avis dans le but de donner de la visibilité à ce jeu, surtout après le gros bide de mon précédent sujet sur ce dernier.
Un tel jeu devrait avoir une véritable communauté ici, ce qui n’est pas le cas. Alors, certes, sur Tric Trac, je sais bien qu’on trouve plutôt des joueurs Kubenboyiste mais tout de même… C’est Menzel, auteur de l’excellent Andor, auteur ici d’un jeu sans équivalent, simple, fluide, et viscéralement ludique. Bref, je vais tacher de lever les à-priori, ce jeu le mérite. Il est clair pour moi que ce jeu doit au moins être essayé.
Voici donc les raisons qui me poussent à conseiller le jeu, ou à tout le moins, grandement l’apprécier.

La première des choses à considérer est son format. A qui s’adresse-t-il?
Il convient très bien à un public familial, et peut tout aussi bien se pratiquer entre joueurs expérimentés. Un jeu qui conviendra donc à tous.
De ce qui précède, un seul bémol : comprendre ce qu’on l’on a entre les mains pour être certain de viser juste et c’est d’ailleurs le sens premier de ce cadrage.

Qu’est-ce donc que ce jeu et pourquoi incarne-t-il si bien le ludisme?
C’est assez simple en réalité. Dans " Les Aventures de Robin des Bois " , toutes interactions avec le jeu à un sens ludique. Rien n’est superflu, ni profondément mécanique (pas même les effets du disque rouge).
Je vais illustrer la chose par l’exemple.
Troyes, excellent jeu de gestion compétitif, impose toute une phase de début de tour où le jeu agit et où le joueur réagit : on tire des évènements, on résout puis on se met seulement ensuite à optimiser ses actions en conséquence et le tour d’après on sait déjà que la chose se passera de la même façon, strictement.
Pandémie, excellent jeu coopératif, alterne lui aussi phase mécanique puis réactions des joueurs. Et ainsi de suite…
L’écueil de bons nombres de jeu coopératif est cette alternance parfois monotone entre mécanique de jeu et action, planification en conséquence, de la part du joueur.
La plupart des mecaniques de jeux sont la causes des actions des joueurs.
Dans " Les Aventures de Robin des Bois " , le constat est très différent. Ce jeu fait lui, le pari inverse. Choisir, explorer, faire ses choix et découvrir : être la cause directe de ce que le jeu propose, soumet révèle en conséquence.
Pour être pls précis, l’adversité mécanique du jeu peut surgir à tout moment, et même si l’on sait que durant chaque tour les ennemis agiront au moins une fois, on ne peut prévoir quand ni ce qu’ils feront précisément.
Globalement, il est tout à fait possible de passer complètement à côté d’un pan d’une aventure sans que cela soit dommageable.

" J’avais prévu de détrousser un noble? Dommage il disparaît sous mes yeux. Pire, un garde vient rôder dans les parages. Pas grave, j’ai pleins d’autres choses à faire, comme interroger un passant égaré dans les sous-bois. Ou alors je tente le coup quand-même … “

La seule chose certaine en terme de mécanique, c’est le temps qui s’écoule au rythme d’une unité de temps par tour (potentiellement plus, quand ça se passe mal).
La liberté, toutes proportions gardées s’apparente à celle d’un jeu de rôle. Les fenêtres réversibles du plateau réservent de jolies surprises pour tenter de conserver l’esprit de découverte permanente.
Vous l’aurez compris, dans Robin des bois, vous êtes l’acteur et c’est bien le jeu qui réagit.

Pourquoi affirmer que le jeu est une définition du ludisme?
Oui, c’est bien beau, ce que je raconte, mais en quoi Robin des Bois et sa proposition de rendre le joueur acteur plutôt qu’urgentiste change quelque chose au ressenti ludique?
Parce que Robin des Bois s’applique à fluidifier, simplifier, et invisibiliser tant que faire ce peut les ressorts mécaniques. Et comment? Petite revue ci-dessous :

- les déplacements : l’idée subtilement génial de s’affranchir des cases. Ce n’est plus un bête saut de case. Aligner ses pions déplacements, frôler les décors, sans trop se prendre la tête avec des histoires de lignes de vue et des réglettes au millimètre, c’est trivialement satisfaisant. C’est ludique. De plus l’immersion et la liberté s’en trouvent renforcées, et la mécanique ainsi fluidifier permet de réaliser de petites choses amusantes (économiser ses forces, se mettre dans l’ombre de justesse, atteindre un objectif d’un cheveu de meeple, estimer une distance à l’œil et se tromper de deux bons centimètres,… ). Bref, ce n’est finalement pas plus qu’un saut d’un point A à un point B, d’une case à une autre en somme. Mais c’est lu-di-que ! Le plaisir de déplacer son pion, c’est déjà jouer, avant même d’apprécier la conséquence de la décision. Et quand les ennemis se mettent eux aussi à avoir la bougeotte, la tension augmente… Va-t’il m’atteindre le tour suivant?

- Le sac : il sert à de nombreuses choses. Son contenu est connu, ce qu’on en tire et quand, nettement moins ! Et qu’y a-t-il dans ce sac ? Tous ce qui ne se déplace pas. On y trouve pêle-mêle les jetons a tiré qui définissent qui devra jouer, des jetons cartonnés qui indiquent ce qu’il se passe sur le plateau, des cubes de diverses couleurs pour les combats, et autres menus collectibles. Et pourquoi c’est ludique ? Parce que mettre la main dans un sac pleins de trucs pour en tirer quelque chose, discerner au toucher que je dois attraper ça et pas ça, c’est déjà ludique. Puis on tire ce qu’on doit tirer et on croise les doigts pour que ce soit en notre faveur. Et ça aussi, c’est une nouvelle fois ludique.
” Déconne pas, tire pas le jeton rouge ! "
C’est malin. Des pions pour se déplacer, un sac dans lequel on met des trucs et duquel on tire des trucs. Et c’est tout.
Tout au plus, on demandera parfois au joueur de poser un cube sur un objet du plateau, un sablier sur tel endroit, mais la mécanique est discrète. On joue, point barre.

- les combats : alors là, c’est le pompon. On tire successivement des cubes du sac (3 maximum). Arf ! C’est raté ! Voyons voir le suivant ! C’est une mécanique de jeu, certes, mais à nouveau, on joue, on s’immerge, on espère. Le pion arc qui apparaît plus tard dans la campagne vient encore une fois renforcer ce ressenti. Le pire ? C’est que tout cela est totalement gérable et contrôlable (relativement, on ne joue pas aux échecs non plus).

- le plateau : la dernière mécanique de jeu. Et encore et toujours, c’est fun, surprenant. C’est un plaisir de dépuncher une fenêtre, pour le simple geste, comme enfant on se plaisait à ouvrir la fenetre du jour dans le calendrier de l’Avent. Le geste comptait autant que le chocolat à l’intérieur, sinon plus. Et le chocolat, il est comment ? Il est fort savoureux, en l’occurrence. Des idées, des surprises, une ambition de jeu qui se dessine peu à peu. Et vous savez quoi? Ca aussi c’est ludique, encore une fois.

Et le livre alors? L’histoire? L’accessibilité?
Une nouvelle fois, c’est du beau travail. Clair, texte concis, bien écris, on ne passe des heures penché sur les paragraphes d’ambiance, d’immersion. Juste ce qu’il faut. Et au détour d’une page, hop, on introduit une petite mécanique, l’air de rien, sans forcer. On en vient à les attendre.
La campagne est bien écrite, réserve de vraies surprises, mais ce n’est pas un roman trépidant de capes et d’épées non plus, ayons raison gardée.
Ce livre est donc, le pont, le relais entre les mécaniques ludiques citées plus haut, et l’aspect narratif du jeu. Et à ce titre, il remplit à merveille son office. Il est une fois de plus ludique et agréable de tourner les pages pour découvrir le nouveau paragraphe, faire certains choix, dont au moins 1 majeur.

Et voilà, tout est une invitation au jeu, toute action est divertissante en soi, les mécaniques servent l’immersion. Pour tout cela, il est une proposition unique, où le sentiment de liberté prévaut et où vos choix dictent le jeu et non l’inverse.

Reste à évoquer le cœur même d’un jeu : l’enjeu.
Il ne faudrait surtout pas croire que le sel du jeu repose uniquement sur le seul plaisir de manipuler, de choisir, d’explorer. Le jeu vous met à l’épreuve. Il n’est certes pas difficile, pour autant il vous demandera de penser et de réfléchir vos actions individuellement et collectivement. À ce titre, l’appropriation de son personnage est forte, la cohésion d’équipe également. On évite aussi le trop répandu leader qui optimise les 5 coups suivants pour toute la table.

Maintenant, tout n’est pas rose, le jeu a aussi ses limites.
J’ai déjà abordé le public visé et il est large. Large, oui, mais en connaissance de cause, toutefois. Ce jeu s’adresse à tous (vraiment à tous), si les joueurs en acceptent la proposition.
Comme dit précédemment, ce n’est pas un jeu difficile. Il est relativement simple à optimiser, les aventures, sauf grosse erreur ou véritable catastrophe liée au tirage, se réussissent du premier coup.
Pas d’optimisation aux nanomètres façon Andor, mais pleins de façons de réussir en contre-partie. Bourrin, furtif, négociateur… A vous de voir.
Il a également le défaut de proposer une structure légèrement répétitive dans ses aventures. Ca reste frais mais la façon d’aborder chaque aventures est plus ou moins identique. Leurs résolutions beaucoup moins.
Mon conseil est d’étaler l’expérience sur un petit mois plutôt que sur deux jours : pas de risques de saturations dans ce cas.
Enfin, le jeu est assez peu rejouable même si un effort a été fait en ce sens. Une aventure échouée vous obligera à jouer la version 2 de l’aventure : quelques ajustements renvoyant à des paragraphes différents du livre pour tromper la répétitivité… Un tout petit peu…
Il existe également un mode +. Il est possible de l’implémenter immédiatement sans dénaturer l’expérience. C’est le choix que j’ai fait (utilisation du parchemin des malus uniquement, sans retourner le jeton I/II ni lire les paragraphes plus).

Globalement, le jeu est peu rejouable, et on s’amusera davantage à le faire jouer pour prendre plaisir à observer comment se dépatouille les joueurs comme le ferait un MJ.
N’espérez pas rejouer les aventures rapidement pour y découvrir de nouvelles sensations de jeu.

Pour terminer, le matériel est superbe, mais le prix peut rebuter. Il les vaut. Mais la proposition vous paraît-elle séduisante? Vous êtes seul juge.

Quoi qu’il en soit, jamais je n’ai vu un jeu de plateau se vivre à ce point autant qu’il se joue.

Si retrouver presque intact le plaisir qu’on avait enfant à jouer aux petits soldats vous tente, l’histoire et l’enjeu en plus sans même avoir l’impression d’apprendre des règles ou d’être contraint par ces dernières, alors foncez.

P.S. : les extensions pourraient vraiment sublimer ce galop d’essai déjà fort convaincant. Un univers différent, un autre plateau, encore plus de choix, une histoire plus velue. Je crois dur comme fer qu’on tient ici un concept facilement déclinable à tous types de thèmes, et qu’il est possible d’approcher une forme de perfection entre jeu de plateau et jeu de rôle. Le potentiel est énorme.

Important : j’aime Troyes et Pandémie, ne me tomber pas dessus à ce sujet, je n’illustrais qu’une différence fondamentale, aucunement une forme de hiérarchie.
Cet avis n’est que le reflet du plaisir que je prend à jouer à " Les Aventures de Robin des Bois " .

Waow, ça donne méchamment envie de tester si ce n’est pas déjà fait. Bravo pour cet avis éclairé. 

Bobby qui se sent comme dans la forêt de Sherwood.

Merci pour ton commentaire sympathique. 
Tu as eu l’occasion de t’y essayer?

De rien, j’ai fait partie des bandits de Sherwood à 2 reprises et ça l’a bien fait pour moi. Univers, plateau à “cases”, c’est bien foutu.

Bobby le ventre qui crie déjà famine.

Personnellement j’attendais justement les retours sur Robin des Bois, donc je me réjouis d’en lire un aussi fouillé, merci du partage!

On a bien aimé nos deux parties de découverte, aventures 1 et 2, relatées en détails : lire ici.

Tric Trac
Et on a hâte d’y retourner pour prendre notre revanche sur l’aventure 2 !

Merci à toi, Iskander, pour ton message. N’hésite pas à poser d’éventuelles questions si tu veux que je précise certaines choses. 

Magnifique compte-rendu, Ludo le gars. 
Voilà qui vient compléter à merveilles ce sujet. Un grand merci à toi.

merci pour cet avis CR … je m’en vais me renseigner plus avant

Ludo le gars dit :On a bien aimé nos deux parties de découverte, aventures 1 et 2, relatées en détails : lire ici.

Tric Trac
Et on a hâte d'y retourner pour prendre notre revanche sur l'aventure 2 !

Pour préciser quelques points que j'ai pu observer à travers ton compte-rendu (très bon) :

Tu te poses la question des fenêtres qu'on laisse en place tel quel à la fin d'une aventure, alors qu'on les retourne au début de l'aventure suivante. Tu verras que ce n'est pas toujours vrai. En mode +, c'est d'ailleurs toujours faux.

Lors de la mise en place de l'aventure 2, vous avez probablement placé le premier sceau face révélée. Il doit rester face cachée jusqu'au paragraphe qui vous indique clairement de le révéler. C'est à ce moment là qu'on le retourne et qu'on applique les effets. Si vous aviez déjà retourné le sceau, le paragraphe a en effet dû vous questionner. Ne pas oublier que les autres sceaux sont à mettre dans le sac et qu'un nouveau sera tirer et révéler à chaque fois qu'un disque rouge sera tiré.

Attention dans l'aventure 2, il n'y a qu'un disque violet dans le sac, pas les deux (précision au cas où).

Plus globalement, il faut être très vigilant lors de la mise en place au début d'une aventure. Ensuite, tout roule. Pour information, une photo qui illustre une règle dans le livre fait foi : la photo montre toujours la façon de faire (il n'y a pas d'autres alternatives à interpréter).

Et enfin, quelques petits conseils pratiques pour vous aider à vous y retrouver plus facilement face à la liberté du jeu qui peut aussi déstabiliser.
- ne pas hésiter à être observateur. Le plateau est aussi conçu de façon logique visuellement. Une fois l'objectif bien connu, ne pas hésiter à faire des hypothèses sur qui ou quoi visiter (et faire quelques détours pour profiter des opportunités).
- à mon avis, il ne faut pas trop se prendre la tête pour quelques millimètres lors des déplacements. Ne pas tricher sciemment suffit pour ne pas dénaturer le jeu.

Précision : la première aventure est un tutoriel, c'est pour cela qu'il est très dirigiste.

Bonne suite de campagne.

Et on peut un peu plus se la jouer “JdR” en mode vraiment bac à sable ou bien, comme dans Andor, tu peux pas poutrer tous les méchants faute de temps ?

Je me demande même pas si c’est mieux ou moins bien, hein ! Mais comme c’est ce que beaucoup lui ont reproché car surpris…  (perso j’étais prévenu donc pas de souci… [on est avec lui]).

Amicalement,

E.

Ornifan dit :Et on peut un peu plus se la jouer "JdR" en mode vraiment bac à sable ou bien, comme dans Andor, tu peux pas poutrer tous les méchants faute de temps ?

Je me demande même pas si c'est mieux ou moins bien, hein ! Mais comme c'est ce que beaucoup lui ont reproché car surpris...  (perso j'étais prévenu donc pas de souci... [on est avec lui]).

Amicalement,

E.

C'est une différence évidente entre Andor et Les Aventures de Robin des Bois.
Il n'y a aucune pénalité à affronter les gardes dans Robin des Bois. Il est même plutôt conseillé de se battre, à vous de mesurer les risques que vous prenez.
Bref, de ce point de vue, Andor et Robin des Bois s'oppose, mais les combats sont loin d'être le cœur de Robin des Bois. Ils n'ont rien d'eminemment épiques, et les personnages n'ont pas de caractéristiques. La comparaison n'est pas aisée, ce n'est pas meilleure, c'est différent, et si le côté bac à sable est vraiment là, vraiment très présent (on peut même s'en sentir un peu dérouté), ce ne sont pas les combats qui en font l'intérêt premier. Quoi qu'il en soit, il n'y a aucune restriction mécanique à poutrer du garde pendant 2 heures, même si fatalement, le temps passant, il te faudra bien avancer dans tes objectifs pour être dans les temps.
En conclusion, il n'y a rien de punitif à combattre, ni dans la structure des aventures, ni en terme de pénalité.

Sauf à jouer avec le parchemin des malus que j'aime beaucoup, ce dernier ajoutant une petite pénalité après chaque affrontement gagnant : thématiquement, c'est logique et bien vu. Plus on se bat, plus les hommes de la garde seront à vos trousses. Le parchemin n'est pas indispensable et il n'est d'ailleurs implémenté qu'en mode + (page 78). Selon moi (oui, selon moi uniquement), il est intéressant de lire la page 78, qui explique le mode +, et d'ajouter UNIQUEMENT ce parchemin dès la découverte du jeu (petit ajustement : ne pas retourner la tuile I/II, quand Guy de Gisbourne s'active sur le parchemin). Mais bon, ça, c'est moi, c'est mon petit plaisir parce que je souhaitais ajouter un peu de piquant et d'adversité. Il n'est normalement pas prévu lors de la découverte du jeu, mais seulement pour refaire la campagne dans un mode plus difficile. A vous de voir, mais ça reste une option tout à fait sympathique pour relever le niveau de difficulté du jeu, sans l'altérer.

Tu n’as pas senti ce côté redondant ?

Car c’est souvent la critique des joueurs qui ont dépassé les 2 premiers scénarios !