Vinci

Étrange filiation que celle de Vinci. Petit fillot de Civilization, enfant adultérin des jeux de conquête américains et des jeux de placement à l'allemande, Vinci gambade en équilibre sur la frontière germano-onclesamiène, et proclame fièrement au monde sa belgitude assumée.

Car oui, Vinci est la madeleine proustienne des anciens amants de Civilization, qui retrouveront dans les combats sans hasard le parfum délicat de leur maîtresse chérie, mais dans un charme plus sobre, plus direct, plus épuré, et aussi dans une durée beaucoup plus raisonnable. Sauf qu'ici, on ne régit pas le destin d'une civilisation unique, mais de plusieurs successivement, et qu'on n'hésitera pas à désavouer son peuple agonisant pour un autre - le tout étant de bien choisir quand, et lequel.

Ainsi, Vinci se révèle beaucoup plus tactique que stratégique (puisqu'on ne vise pas vraiment sur le long terme mais plutôt sur le gain immédiat), la mécanique permettant des rééquilibrages, puisque même avec un peuple anéanti on aura toujours la possibilité de se refaire. L'ensemble est très fluide, agréable, bien que légèrement desservi par un matériel d'une sobriété quasi neurasthénique. Bref, voilà du bon jeu à l'ancienne intelligent comme moi j'aime bien.

Le seul vrai point noir c'est qu’après d’interminables négociations, alliances, coalitions et autres tractations, on aboutit presque toujours au même résultat: déglinguer gaiement le leader sur la fin du jeu, jusqu'à faire gagner le deuxième, voire le troisième si la révolte des souffreteux a été précoce. Ce n'est pas vraiment du king-making, plutôt du "catch the leader", comme ils disent là bas, mais qui fait que parfois on se demande bien pourquoi on s'est décarcassé pendant deux heures si la victoire se joue dans les deux derniers tours. Un bon remède palliatif peut être de jouer en cachant et en distribuant les points de victoire (un peu comme à Puerto Rico), pour un suspense garanti, car il serait tout de même dommage de se priver d'une si belle mécanique pour si peu.