Le cul entre deux chaises : L'embryon d'un gros jeu ou l'excroissance d'un jeu abstrait

sur Barony
5,0

Barony est le dernier né de l'écurie Matagot, destiné à un public assez large (10+) . Les parties sont de l'ordre de 40 min à 60 minutes au grand max.

Autant le dire tout de suite, ce jeu présente de nombreuses qualités mais également les défauts récurrents que l'on retrouve dans la masse de jeux qui sortent depuis ces deux dernières années. Une seule partie à mon actif et je pense que malheureusement j'ai fait le tour de la chose comme mes 3 compères.

(Faisons-nous partie des ronchons boulimiques du jeu, rageux et nostalgiques ??)

Vu la qualité des vidéos de présentation (explications en 3D...), je ne vais pas résumer le gameplay du jeu. Au passage, je salue cette nouvelle façon de présenter les jeux de manière plus didactiques (elles facilitent notamment les explicateurs de règles, dont je fais partie et qui ont de moins en moins de temps pour assimiler le flot des fascicules si digestes qu'il deviennent).

Je vais me contenter des points forts/points faibles que j'ai pu retirer de cette expérience :

Points forts :

  • Le matériel : le point fort de Matagot, des tuiles épaisses, des beaux pions en bois ergonomiques, l'ergonomie des pions. As usual...
  • Les vidéos d'explications : claires, concises, précises sans grandiloquence américaine à la FFG
  • le rythme de jeu au tour par tour, les actions s'enchaînent rapidement, aidés par une iconographie irréprochable au niveau du plateau centrale (hexagone et aide de jeu..)
  • De vrais bonnes idées en terme d'occupation de zone, qui ne révolutionne pas énormément les choses mais qui ont le mérite de coller au thème surtout au niveau des tuiles hexagones avec par exemple : Montagne = blocage et peu de points, terres fertiles = beaucoup de points mais fragilité, présence de forteresses qui protègent et de cités qui ouvrent le jeu
  • Le petit côté chafouin de l'action "grimper sur l'échelle sociale" avec un petit côté stop ou encore appréciable (est-ce que je collecte des points ou est-ce que je passe mon tour pour capitaliser ces points et grimper sur l'échelle)

Points faible :

  • la communication grandiloquente autour du côté épique : Barony, la Génèse, le trailer, c'est juste méga-pompeux par rapport au positionnement familial du jeu. A côté de celà, avec un traitement similaire, le sus-nommé Andor, à des années-lumières au-dessus de Barony en termes de profondeur épique, mériterait une trilogie, filmé par Peter Jackson. En clair, il n'y a pas à trop s'émoustiller devant Barony qui fait pâle figure devant d'autres titres sur ce point précis.
  • Les illustrations. Je sais que tout est relatif mais j'ai vraiment détesté les illustrations des personnages en mode "chevalier digne d'un film de Twilight". N'étant pas graphiste moi-même, je vois quand même clairement que les personnages sont plaqués sur les décors et que les traits de la silhouette ressortent comme le nez au milieu de la figure. Pour le reste, les tuiles hexagonales sont basiques et identifiables, ce qui suffit amplement.
  • Un manque de tension : le territoire est bien trop grand et les escarmouches et les situations de blocage ne viennent que très tardivement dans la partie, du coup on joue trop tranquillement ces coups en début de partie et on ne s'attaque pour détruire les villages ennemis et chiper les tuiles adverses très tard dans la partie. Du coup, le jeu, étant très équilibré, on peut retomber dans un phénomène de king-making à la Cyclades à la fin de la partie, qui est pour moi le phénomène parasite de ce que devrait être un mécanisme de diplomatie (notamment pour le trône de Fer).

Le défaut majeur : le positionnement du jeu en terme de complexité. Barony est un jeu possédant beaucoup de matériels sympathiques mais qui ne sert finalement pas à grand chose d'où le titre de cet avis. Les éditeurs suivent ce qui semble être le nouveau canon en terme d'édition c'est à dire proposer des jeux ni trop simples, ni trop compliqué pour donner un sous-genre un peu bâtard :

Un jeu ni trop simpliste, ni trop exigeant et en la matière il y a foule :

  • Elysium, Splendor (aussi l'oeuvre de Marc André), Five Tribes, Samurai Spirit, Abyss, Un monde oublié ...

Des jeux prêts à l'emploi sans réelle courbe d'apprentissage qui auraient un véritable potentiel car les bases sont solides mais qui sont soit publiés trop vite, soit trop simplifiés... Du goût le mélange est insipide... le jeu est fluide mais plat...

Pour Barony, les éditeurs ont sans doute voulu, en plus, profiter de la Hype de l'auteur et c'est dommageable.

Pourquoi ne pas avoir proposer une règle avancée ??? ou même des variantes ?? L'univers est présent, les règles de bases et le système de jeu fonctionnent, pourquoi s'arrêter là ?? Le rejouabilité fait clairement défaut : il y a bien le renouvellement à chaque partie du plateau mais ce n'est pas un argument pour m'y faire revenir. Je suis persuadé qu'il y avait moyen les bases nécessaire pour faire un jeu d'un tout autre calibre.

Finalement, si on dépouille complètement le matériel du jeu et qu'on essaye de retirer la substantifique moelle, on a juste un jeu de prise de zones abstraits avec quelques bonnes idées. L'habillage fait le reste, ce qui plaira aux joueurs occasionnels. Pour beaucoup moins d'argent mais avec plus d'abstraction, de nombreux jeux de majorités donnent beaucoup plus de sensations (Bauhaus, Armadora, Gaia...)

Bilan :

5/10 ni plus ni moins, mention passable.

Je reconnais à l'auteur Marc André une capacité à délivrer des jeux hyper fluides (Barony est sur ce plan tout aussi réussi que Splendor) mais pour l'instant, je n'ai pas été séduit par son oeuvre du point de vue de la profondeur des mécanismes et de l'originalité.

Barony n'est clairement pas un mauvais jeu. Si vous êtes un néophyte, il peut vous combler, si vous avez de la bouteille, n'encombrez pas trop vos armoires, qui croulent déjà sous des jeux auxquels vous aimeriez tant trouver du temps pour jouer.

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