Veritas, la vérité enfin dévoilée (et ce n'est pas cher)

[Magic l’Assemblée][Veritas]

Il y a quelques années, suffisamment longtemps pour que je ne me souvienne plus du comment tout débuta, je découvrais une étrange et délicieuse petite maison d’édition de jeux américaine. Basée à Seattle, elle fut crée à la grande époque de la folie « Magic ». J’imaginais les grands locaux de Wotc flamboyants sous la pluie à côté d’un petit cabanon rempli d’enveloppes bon marché et de cartons qu’un type un peu maigre massicotait fiévreusement. Tout ceci n’étant bien sûr que purs fantasmes mais la vérité n’était pas si loin que ça. En plus je vais vous expliquer ce qu’est LA vérité. Ça vaut le coup de lire un peu.

Tout comme dans d’autres activités humaines et même les plus pédiéstalées d’entre elles, il faut un certain temps pour que l’histoire se développe vers la singularité de l’humanité. C’est à dire que la fonction définit l’objet et puis un jour, la conscience arrive que celui qui fait y pose une part de sa singularité qui est aussi le moteur de notre attrait. La patte de l’auteur n’est pas une chose qui va de soi. N’imaginez pas que tous les tableaux furent toujours signés de la main de leur artiste. Cette fleur de narcisse est en réalité assez moderne. Alors vous imaginez bien que parler de démarche artistique ou de jeu d’auteur… Pire encore ! Jeu d’éditeur…

C’est pourtant exactement ce qui se passe ici avec James Ernest and Co. On pourrait facilement ranger monsieur James dans le tiroir bien étiqueté du fanzinat ludique. Ce serait une grossière erreur voire même un peu insultant de le considérer comme tel car nous sommes devant de vrais choix et une démarche personnelle et engagée.

L’idée originelle est qu’il y a beaucoup de jeux. Et je vous parle d’une période encore assez peu comparable à la profusion actuelle. Et ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de jeux qu’on doit se restreindre à en faire moins. Seulement voilà, un jeu en général coûte assez cher. Là encore imaginez-vous bien qu’ils coutaient encore plus chers avant au regard du pourcentage de salaire moyen. Le souci est donc d’ordre financier. Imaginons maintenant que nous sommes pétés de thunes, il nous resterait le souci du volume. Nous n’aborderons pas le sujet de la chronophagie. Parce que les algorithmes de compression du temps ne sont pas encore bien efficaces.

Donc faire des jeux pas chers, pas encombrants. Pas cher, c’est prendre du matériel cheap parce que de toute façon nous allons l’user. Si le jeu nous plait, son prix bas fait qu’on pourra en racheter un neuf et sinon, on s’en fiche.

Pour l’encombrement, il suffit de se rendre compte que celles et ceux qui aiment les jeux possèdent souvent déjà des jeux. Et vous remarquerez qu’un dé ressemble beaucoup à un autre dé. Un billet de jeu à un autre. Un jeton à un autre jeton. Pourquoi donc faire un jeu avec plein de billets alors qu’il y a vraisemblablement 80% de chance que nous possédions déjà ce même matériel sous la poussière du haut de l’armoire ?

Les Cheapass Games se présenteront donc sous enveloppe, pour des raisons d’économie et de place, avec des illustrations en noir et blanc parce qu’on peut les imprimer à la maison, sur du carton souple massicoté à la main et avec une liste de matériel non fourni mais qui se trouve déjà dans des boîtes de jeux que nous avons acheté précédemment.

Il y a des esprits qui vont à l’erreur par toutes les vérités ; il en est de plus heureux qui vont aux grandes vérités par toutes les erreurs.

- Joseph Joubert

La démarche est tout autant politique qu’artistique. Pour preuve les thèmes parfois bien décalés de certains jeux et le ton ironique des règles. Imaginez le plaisir de se retrouver dans une boutique de jeu à grappiller des jeux comme si l’on chinait dans des bacs de vieux vinyles en cherchant quelques raretés nous comblant l’égo tout autant par leur rareté que leur qualité. Un vrai régal !

Si vous ne connaissiez pas, vous allez surement vous dire que l’on a là des petits jeux underground au mieux un peu érectogènes pour quelques bobos de mon genre. Vous auriez tort ! Et pour preuve, je vous présente un des petits derniers et vous verrez bien. Notez que ce bon vieux James vous permettra de le fabriquer vous même pour pas un rond mais que vous pouvez aussi le trouver dans certaines boutiques à l’étranger ou qui font de l’import et ceci pour un prix raisonnable. Ce que je vous encourage à faire si vous pouvez parce qu’il le mérite.

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Et si vous parliez un peu du jeu ?

Nous sommes dans l’époque des abbayes médiévales en France. Et nous sommes… la vérité. Oui rien que ça. Enfin la vérité… Une vérité parce que figurez-vous que les autres joueurs aussi. Et comment répand-on la vérité ? Avec des petits moines qui copient des livres parlant de nous.

Le plateau de jeu représente la France au 10ème siècle avec ses routes, des petites cases numérotées qui sont des abbayes et de plus grandes qui représentent les villes. Chaque joueur se munit de 40 jetons à sa couleur qui doivent pouvoir s’empiler et qui donc ne sont pas fournis avec le jeu si vous avez tout suivi.

Ces jetons représenteront des bouquins.

Suivant le nombre de joueurs, nous n’utiliserons pas toute la surface de la carte. On commence par choisir son abbaye de départ sur laquelle on posera deux Livres. Ce sont les petites idées qui font les grands principes. Enfin je ne suis pas certain mais avant de l’écrire ça sonnait bien dans ma tête.

On m’envoie souvent des livres dédicacés. J’arrache la page de dédicace et je jette le bouquin. J’ai une fabuleuse collection de dédicaces.

- Serge Gainsbourg

Comme toute vérité un peu narcissique que nous sommes, notre ambition désormais est de devenir la vérité la plus répandue. Nous sommes ici dans un pur jeu de majorité.

A notre tour, nous commençons par piocher une des tuiles du jeu au hasard. Si c’est une tuile « En Sécurité » rien ne se passe de spécial. Si c’est une tuile « Brûlé » … Parce que voyez-vous le fait que plusieurs idées maîtresses se baladent comme ça dans la nature n’est pas tellement fait pour rassurer les adeptes des dogmes qui n’aiment pas bien trop le flou. Donc, afin de rendre le Monde plus simple, ils foutent le feu aux abbayes un peu trop libertines.

Bien sûr c’est ennuyeux mais vous savez comment ça se passe. Il y a toujours un moine épris de sagesse et de liberté qui sauvera les livres précieux pour les dissimuler ailleurs au péril de sa vie. Quand même… En temps que vérité, on mérite bien quelques sacrifices.

Du coup si l’abbaye qui brûle contient des livres, ceux-ci s’enfuient… avec un déplacement de jeu gratuit. On revient là dessus tout de suite. Quelqu’un fait cuire un rôti ou quoi ?

Ensuite nous avons 2 points d’actions à dépenser.

Copier permet de copier un bouquin dans une abbaye qui en possède déjà un à nous. L’intérêt c’est que ça nous fait un bouquin de plus mais aussi, celui-ci vient se placer sur le haut de la pile. Cela signifie que dans cette abbaye ce sont nos idées qui prédominent et cela est bon. Par contre avec les petites enluminures toutes mimis cela prend des plombes et nous mange 1 point Action.

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Répandre la bonne parole : Cette action coûte 1 point également et permet de déplacer une pile de livres que nous contrôlons. (Un de nos jetons se trouve en haut). Les déplacements se font suivant les routes et à chaque étape on doit laisser le jeton du dessous sur place. Un égrainage comme l’Awele.

Attention on ne passe pas deux fois par la même route. Personne n’écoute les gens qui radotent !

Bien sûr, on ne dépose pas de livre dans un monastère brûlé…

Enfin nous pouvons nous développer. Cette action va nous manger nos 2 points Action et elle nécessite une condition stricte : Il faut contrôler toutes les villes (pas les abbayes) d’une même région.

Si cela est le cas, on peut alors ajouter un livre sur chaque abbaye de cette région. C’est pas mal ! Comme il y a des régions où il n’y a pas de villes, on peut s’y développer automatiquement.

Oui mais comment sait-on que nous sommes enfin LA vérité ?

Lorsque l’inquisition (oui je sais ce n’est pas historique mais c’est moi qui explique… Et puis on avait commencé bien avant les autres. C’est quand même Robert le Pieux qui fait le premier brûler 10 clercs à la cathédrale d’Orléans en 1022. Alors Pouet ! Camion !) … Donc lorsque l’inquisition brûle une abbaye qui contient au moins un livre, il se déclenche un comptage de points.

On compte par région. Pour obtenir les points d’une région il faut posséder au moins la moitié des abbayes qui n’ont pas brûlé. Plus ça brûle, plus c’est facile à contrôler… C’est moche. Je sais. Mais efficace.

Chaque région rapporte de 1 à 12 points à celle ou celui qui possède la majorité.

Les points se cumulent au fur et à mesure et celui qui atteint 100 points est le grand vainqueur de la partie. C’est sa vérité qui est véritable.

Ca vous plait ? Et n’oubliez pas que ce n’est pas parce que tous les autres pensent avoir raison que j’ai forcément tort. (Ou un truc comme ça…)

► Téléchargez les règles en français
► Téléchargez la feuille de pions
► Téléchargez le plateau de jeu

► Le site de Cheapass (english)


« Veritas »
Un jeu de James Ernest, Mike Selinker
Illustré par James Ernest
Publié par Cheapass Games
3 à 2 joueurs
A partir de 12 ans
Langue de la règle: Royaume-Unis
Durée: 60 minutes
Prix: 15$


3 « J'aime »

mais c'est la mort annoncée des vaches à lait ?

Merci pour l'article Docteur Mops, cela me paraît sympathique, mais je vois un petit problème d'ordre matériel.

Faire des piles de jetons jusqu'à 10 jetons, qui plus est les unes à coté des autres, cela risque de finir en 11 septembre.

Quelqu'un l'a t'il joué ? Avec quel style de jetons ? Le problème s'est-il posé ?

Un jeu de 3 à 2 joueurs ?
Pour ma part assez fan des Cheapass Game. On a toujours l'impression de tomber sur un nanar édité à la va vite, finalement on est toujours agréablement surpris.

Un petit commentaire reçu de la part de James Ernest ;) :


"Google translated the page pretty badly, but I think I get the general idea. :)
I'm amazed that you found a photo of our old offices. I'm not even sure I have that photo.
Best wishes,
James"