Starfighter, journal de l'auteur - 4

Starfighter, journal de l'auteur - 4

Après avoir travaillé plusieurs années sur les différentes versions de Mekamorph et Modules War, à la fin du premier trimestre 2009, je me suis enfin décidé à passer au stade suivant, un stade essentiel : faire jouer le jeu lors de rencontres ludiques et sur des salons et festivals.

Comme de nombreux auteurs, j’ai voulu le plus joli prototype possible, pour attirer le public, d’autant plus que le jeu étant ce qu’il a toujours été, le visuel y était et y est toujours très important.

Pourquoi ai-je parlé dans le précédent article de monumentale erreur ?

Tout simplement parce que j’ai dépensé une certaine somme (plus de 200 euros) pour imprimer les dix exemplaires du prototype (soit plus de mille cartes) alors même que le jeu, dans sa dernière version, n’en était qu’à ses premiers balbutiements.

Un prototype, surtout dans ses premières versions, se doit juste d’être visuellement fonctionnel, tout en restant le plus facilement modifiable possible.

Au cours de son existence, la confrontation du jeu avec le public a toujours été très enrichissante pour le faire évoluer dans la bonne direction, souvent par bonds prodigieux.

Premier baptême du feu : la Protonight

Bref historique sur les Protonights

Je vais profiter honteusement de ce journal pour mettre en avant un certain nombre de personnes qui, par leur concours et leur aide, plus ou moins importants, ont permis à Starfighter d’exister.

Nous avons déjà parlé de Benjamin, le premier illustrateur de Modules War, mais il y en d’autres, beaucoup d’autres.

Matthieu d’Epenoux est le gérant de la société Interlude, l’éditeur Cocktail Games. Bien que je ne sois absolument pas fan des jeux qu’il édite, je l’apprécie énormément.

Pourquoi ? Tout simplement parce que Matthieu a toujours à coeur de faire avancer la cause ludique dans bien des domaines, avec un certain désintéressement.

Depuis plusieurs années, il possédait un café-jeu sur Paris non loin du Panthéon appelé l’Interlude Café.

Default

Dans ce café, étaient régulièrement organisées des rencontres-jeux entre éditeurs et joueurs pour présenter les futurs sorties de l’éditeur concerné, Asmodée, Ystari et Cocktail Games notamment.

Un reportage sur une Ystari Night en 2007

Surfant sur cette idée, un utilisateur de Tric-Trac, TS Leodagan alias Cédric Lapouge a eu l’idée avec le concours de Matthieu d’Epenoux et d’autres personnes dont son épouse et une grande partie de la team du futur Forgenext, d’organiser des Protonights sur Paris à l’Interlude Café : des rencontres entre auteurs de jeu et testeurs volontaires pour faire tester leurs prototypes.

Voici le sujet sur l’organisation de la première protonight

A sa lecture, vous verrez qu’il y avait déjà l’époque du beau monde : Monsieur Guillaume (Ex-Filo et aujourd’hui aux bottes de notre barbu préféré), Arnaud Urbon et Ludovic Vialla, Florian Fay, Joël Boutteville, Christophe Hermier, Charles Chevallier, Jean-Marc Courtil pour n’évoquer qu’une partie des auteurs et éditeurs d’aujourd’hui.

Les Protonights se sont suivies régulièrement à l’Interlude Café et ont même fait des émules ailleurs en France. Le travail colossal de Cédric et des autres à cette époque a permis véritablement de faciliter, comme jamais auparavant, pour les auteurs les tests publics de leurs prototypes.

J’ai profité de l’une de ces Protonights pour confronter enfin Modules War au public.

Protonight du 17 avril 2009

Je me suis inscrit sur le sujet dédié sur le forum Tric-Trac pour participer à cette fameuse Protonight en prévision de la Gen-Con qui avait lieu le week-end suivant.

J’ai récupéré en fin de journée mes dix exemplaires du jeu fraîchement imprimés par Picture Perfect que j’ai rangé sagement dans une boîte à chaussure.

Puis, à l’heure dite, 19 heures, il me semble, je me suis présenté à l’Interlude Café et ai pris possession de ma table.

Les joueurs testeurs sont arrivés peu de temps après. Parmi eux, Thomas Cauet.

Une touche avec Ystari possible dès à présent ?

En fait, non !

Si vous vous rappelez bien, je voulais éviter de créer un jeu qui nécessitait pour les parties d’initiation des paquets préconstruits.

Or, avec une condition de victoire consistant à vider la pioche adverse, j’utilisais bien des paquets préconstruits pour les parties d’initiation.

Ayant récupéré les exemplaires du jeu chez l’imprimeur moins d’heure avant le début de la Protonight, voilà ce que j’ai fait pendant un bon moment à cette Protonight.

J’ai classé des cartes pendant une bonne heure pour créer les paquets. Entre temps, Thomas était passé par là mais voyant que je ne pouvais faire jouer personne, il était reparti sur un autre prototype.

Bon, après un certain temps, j’ai enfin pu faire jouer à Modules War.

Pour la petite anecdote, Matthieu d’Epenoux a voulu jouer au jeu avec un de ses amis alors même que je lui avais clairement indiqué que ce n’était pas son style de jeu et qu’il avait peu de chances d’apprécier.

Résultat : il n’a pas apprécié.

Au total, j’ai pu jouer ou faire jouer une petite dizaine de parties ce soir-là avec des retours intéressants.

Second baptême du feu : la Gen-Con (24-25 avril 2009)

Trois ans après la découverte de l’article sur Hecatomb dans le magazine Mana Rouge à la Gen-Con 2006, je présentais mon propre jeu à la Gen-Con 2009.

Mais je n’y allais pas seul. J’étais accompagné par Ludovic, un de mes amis qui suivait les développements du jeu depuis quelques temps. Son aide m’a été très précieuse, notamment durant un certain épisode. Alors qu’il était plutôt typé jeu de gestion à l’allemande, il en a fait des parties de Modules War et de Space Squadron …

Sur le salon, une partie de l’espace Tric-Trac était réservée aux démonstrations de prototypes avec toujours notamment Cédric à l’organisation, rendue complexe en raison du grand nombre de candidats.

J’ai eu la chance d’être programmé tôt le matin et de voir très rapidement débarquer à ma table Sébastien Dujardin himself et son épouse.

Souhaitant immortaliser ce moment, j’ai laissé Ludovic lui expliquer les règles. Subrepticement, au moment où je prenais la photo, s’est glissé par la gauche un intrus, reconnaissable à sa barbe et son gros télé-objectif.

A l’annonce des principes de déclenchement des effets, l’oeil de Sébastien a pétillé et j’ai vu littéralement son cerveau cogiter pendant plusieurs minutes sur cette idée, au point qu’il n’a même pas fini sa partie.

J’ai dû lui laisser ultérieurement la place et nous nous sommes donc exilés sur les tables de tournoi de Magic et avons fait des démonstrations jusqu’à 18 heures sans interruption le samedi et à nouveau le dimanche.

Au total plus d’une quinzaine de parties par jour et des avis généralement très positifs sur le jeu notamment sur ses mécanismes, la possibilité de deckbuilding et la rejouabilité que cela induit.

Il y a eu quelques avis plus mitigés causés notamment par une crainte de possibles déséquilibres sur les stratégies à adopter.

Au-delà de cela, il y avait un petit je-ne-sais-quoi qui me perturbait. J’avais du mal à trouver le jeu prenant et en terme de sensations de jeu, il ne procurait pas vraiment ce que je recherchais.

Il n’y avait, selon moi, pas uniquement des problèmes d’équilibrage.

Deux rencontres importantes lors de cette Gen-Con ont achevé de me persuader que le prototype n’était, en l’état, pas satisfaisant.

DefaultTout d’abord, Thomas (Dncan sur Tric-Trac) avec lequel j’ai eu de longs échanges enrichissants sur le jeu. Sa très grande culture ludique - c’est un pilier du Centre National du Jeu, ex Ludothèque de Boulogne-Billancourt- en fait un testeur aux critiques à écouter attentivement.

Généralement, dans les salons, un auteur a peu de retours négatifs constructifs et détaillés. Everybody lies, comme dirait ce bon docteur.

En l’absence de tels retours, l’auteur doit donc bien observer le comportement du joueur pendant la partie pour déterminer s’il prend plaisir à jouer ou non et ne pas forcément se fier à l’appréciation qu’il lui donne de sa partie à son terme.

Ensuite, la possibilité de faire essayer le prototype à Cyrille Daujean et Franck Lefebvre de Day Of Wonders.

En tant que directeur artistique, Cyrille a pointé immédiatement du doigt le fait que visuellement, des icônes auraient été un plus pour représenter les effets.

En cours de partie, j’ai dû réexpliquer le principe de déclenchement et de résolution des effets (utilisant pour rappel le mécanisme de la pile cher à Magic the Gathering).

Et là, blocage et révélation : en persistant à utiliser ce mécanisme, je m’aliènais une partie du public potentiellement intéressé par le jeu pour ne le réserver exclusivement qu’aux aficionados des jeux de cartes à collectionner.

D’autres problèmes m’ont sauté également aux yeux après près de 50 parties jouées ou observées depuis 10 jours.

Les avez-vous également décelés ? Vos idées en commentaire ?

Une note positive à l’issue de ces deux événements mais je ne le réaliserai qu’après : à part Day of Wonders et Pygmoo Game, je n’avais pas réussi à faire jouer mon prototype à d’autres éditeurs. Durant le salon, j’ai laissé à un certain nombre d’entre eux (dont Ystari Games d’ailleurs) une plaquette de présentation du jeu, qui avait dû, à l’époque, faire l’objet d’un classement vertical.

Que se serait-il passé pour Starfighter, si j’avais pu faire jouer Thomas lors de la Protonight ou Cyril lors de la Gen-Con. Je n’ose y penser.

Remise à plat totale en vue dans le prochain épisode … le 23 mars

Episode 1 - Episode 2 - Episode 3

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Toujours pour avril / mai (http://www.ystari.com/?p=3137)

Une date de fixée?

Quoi qu'il en soit pour l'avoir testé à Paris est ludique 2014, je l'attends avec impatience.

Merci pour cette série d'articles, très instructifs sur le processus de création d'un jeu. Pour les erreurs constatées après les 50 parties de tests en 10 jours, j'imagine que les decks préconstruits en font partie ?

Pour la date de sortie, ce sera plutôt vraisemblablement mai-juin.

Le jeu part en production dans peu de temps.

Pour les problèmes apparus avec cette version du jeu, le détail complet dans le prochain article mais effectivement les paquets préconstruits étaient l'un d'entre eux.

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Bonjour,

Série d'articles très intéressante.

Pour les défauts apparemment il y avait la notion de pile à magic apparemment, et comme le dis Shoum de deck préconstruit ? Enfin je pencherais plutôt pour la mise en place un peu longue.

Etant moi même entrain de créer un proto de jeu, je me demandais si tu expliquais le jeu aux joueurs ou leur laissait lire la règle du jeu ? Quand tu allais le présenter en festival ? Discutais-tu simplement avec eux ou faisais-tu remplir un questionnaire ? Anonyme peut-être pour que ce soit plus franc ?

Je ne sais plus si cela a déjà été cité, mais à quoi ressemblait ta règle de proto, était-elle très illustrée ou pas du tout. Et ses fameuses plaquettes, me voilà bien intrigué de savoir ce qu'il faut y mettre même si j'ai ma petite idée.

Merci d'avance si jamais tu trouves le temps de me répondre ;)

Il y avait en réalité beaucoup de problèmes.

Mais un peu de patience. Nous verrons cela dans le prochain article.

En salon et festival, tu ne peux pas te permettre de laisser les joueurs lire les règles, sauf jeu très court et encore.

Lorsque des joueurs semblent intéresser par le jeu, il faut rapidement leur expliquer le pitch et le public cible et leur donner en deux phrases les principes de jeu.

Pour Starfighter, il faut indiquer par exemple que c'est un jeu de cartes pour deux joueurs qui simule une bataille spatiale dans laquelle chaque joueur à la tête de son croiseur va lancer des escadrilles de chasseurs à l'assaut du croiseur adverse.

Il faut préciser qu'il s'agit d'un jeu de cartes à combo qui s'adresse plus particulièrement aux adeptes des jeux de cartes complexe (notamment les JCC et JCE, Race for the Galaxy ou les jeux de deckbuilding).

Il faut impérativement éviter les "erreurs de casting" qui font perdre du temps à tout le monde, surtout aux joueurs.

Pour les premiers tests, je faisais remplir un questionnaire mais le plus important reste d'observer les joueurs en train de jouer. L'attitude d'une personne sur son ressenti en cours de partie est révélateur. J'y reviens dans un article ultérieur.

La règle du proto est passée par de nombreuses versions différentes et était très illustrée, vu que la manipulation des cartes est une composante essentielle du jeu.

Pour la plaquette de présentation, c'est simple. Tu reprends une grosse partie du contenu de mon précédent article relatif au résumé des règles et cela correspond à 90 % à ce qu'il y avait sur la plaquette.