Starfighter, journal de l'auteur - 2

Starfighter, journal de l'auteur - 2

Episode 1

L’apport des jeux de cartes à collectionner

Pour développer les différents mécanismes de Mekamorph, j’ai lorgné du côté de certains jeux de cartes à collectionner que j’avais pratiqués dans les années 90 notamment Netrunner (réédité depuis sous forme de jeu de cartes évolutif) et Vampire, the Eternal Struggle.

L’apport de Netrunner

Bon, quelles idées Netrunner a pu me donner pour le jeu ?

DefaultEt bien, au départ, quelques unes, comme par exemple les crédits.

Une autre bonne idée de Netrunner était le concept de projets. Je voulais en effet des cartes qui servent d’objectifs à capturer pour les mekamorphs, qui soient posées en jeu face cachée et qui voient leur puissance augmenter petit à petit jusqu’à ce que leur joueur choisisse de les révéler pour produire leurs effets.

Les mekamorphs avaient donc la possibilité soit d’attaquer les projets, soit d’attaquer la pioche de l’autre joueur, certains projets étant en réalité des pièges.

A cette époque, une partie se terminait lorsque la pioche d’un joueur était totalement vide par la victoire de l’autre, attaquer la pioche d’un joueur le forçant à en défausser des cartes comme feu le jeu de cartes à collectionner développé par Wizard of the Coast, C-23 (même remarque que pour Hecatomb, vous ne trouverez plus aucune référence à ce jeu sur le site de la société).

Avec ce principe, le jeu imposait nécessairement une pioche séparée pour chaque joueur avec un nombre de cartes identiques (caractéristiques que j’avais pourtant dénoncées précédemment dans Blue Moon et les Scarab et Minotaur Lords). Pas très cohérent tout ça !

Cette condition de victoire est restée longtemps telle quel jusqu’à ce que je sois obligé de l’abandonner pour ne pas perdre de vue que je souhaitais avant tout avoir deux modes de jeu différents (découverte et deckbuilding), bien distincts.

L’apport de Vampire

DefaultBien évidemment, les mekamorphs de l’autre joueur avaient la possibilité de s’interposer afin de défendre ses projets ou sa pioche. C’est là où un des concepts de Vampire, the Eternal Struggle est venu à la rescousse.

Il fallait permettre aux mekamorphs d’un joueur d’intercepter ceux de l’autre joueur mais je me devais cependant de prendre en compte un élément essentiel, à savoir ne pas opposer des mekamorphs aux puissances trop disproportionnées. Certains mekamorphs devaient donc être plus difficilement interceptables que d’autres. Mais sur quels critères ?

Le jeu Vampire gérait cela par les principes du Stealth et de l’Intercept. Le score de Stealth détermine la difficulté à bloquer une action, le score d’Intercept, les moyens mis en œuvre pour y parvenir. Un score d’Intercept au moins égal à un score de Stealth fait échouer l’action et entraîne les deux vampires dans un combat.

Dans mon jeu, je pouvais utiliser le concept de taille d’un mekamorph, c’est à dire du nombre de cartes composant un mekamorph pour évaluer sa puissance. L’idée était alors de décider qu’un mekamorph pouvait en bloquer un autre s’il avait une taille inférieure ou égale au mekamorph qu’il bloquait. Ainsi, plus un mekamorph avait une taille importante, plus il était facilement bloquable.

Malheureusement, ce concept avait tendance à ne pas inciter les joueurs à construire des mekamorphs comprenant de nombreuses cartes. Or, c’était quand même le but avoué de la première idée force.

J’étais donc dans une impasse d’autant plus qu’au départ, les mekas n’arrivaient pas en jeu forcément en un seul tour mais se développaient petit à petit, à l’instar des projets. Il était impossible à un joueur qui avait perdu tous ses mekas de remonter la pente, produisant ainsi un effet win to win désagréable.

J’avais également une autre difficulté tenant au fait que je voulais impérativement que le jeu puisse permettre le deckbuilding tout en offrant des sensations de jeu en parties d’initiation intéressantes. Pour l’instant, c’était raté. Les cartes ne se combinaient pas au mieux entre elles et le jeu était encore trop lourd : manque de choix, de tension, de rythme … Bon, j’étais à nouveau dans une impasse.

Avant d’aller plus loin, je voulais également tester la viabilité du concept, un jeu de cartes assez complexe pour deux joueurs dans un thème futuriste. A l’époque, au début de l’année 2007, ce genre de thème ne faisait pas du tout recette. Mais, quelques mois plus tard, un petit jeu de cartes au nom qui ne payait pas de mine allait changer la donne.

L’émergence des jeux de cartes complexes à extensions


Race for the Galaxy

DefaultEté 2007, est arrivé sur nos tables de jeu Race for the Galaxy, un jeu édité par Rio Grande Games et par Ystari Games en français.

Le succès du jeu, toujours d’actualité d’ailleurs, était plutôt une bonne nouvelle pour moi à ce moment sur deux points : le thème science-fiction plaisait et avait son public. Je me risquais moins alors avec mon histoire de robots polymorphes. Surtout, il était possible de faire un jeu de cartes avec des règles complexes qui s’apprivoisaient petit à petit. Les joueurs étaient donc prêts à investir du temps, si le jeu en valait la peine.

Et la chose amusante, c’est que, inconsciemment, en développant ce qui allait devenir Starfighter, il m’est arrivé à plusieurs reprises d’imaginer le développement de Race for the Galaxy, pour envisager des solutions aux challenges que me posaient mon propre jeu.

J’ai donc continué à travailler sur mon projet, en mettant désormais de côté la rédaction des règles pour privilégier la méthode itérative, en multipliant les tests.

Les mois qui ont suivi ont vu l’émergence d’autres jeux se rapprochant de Race for the Galaxy et surtout un peu plus tard Dominion en octobre 2008. Il ne me restait plus qu’à prendre la température sur le forum de Tric-Trac pour voir si la voie que j’avais choisie intéressait un public éventuel.

De l’avenir d’un jeu de cartes pas à collectionner ?

En mai 2008, une discussion s’est ouverte sur Tric-Trac à propos des jeux de cartes à collectionner (marronnier qui revient périodiquement depuis avec les variantes sur les jeux de cartes évolutifs, les jeux de cartes avec extension, les jeux de cartes à deux …).

L’engouement des intervenants où chacun a évoqué son jeu de cartes préféré de l’époque a clairement montré que la nostalgie de Magic the Gathering et de ses successeurs n’était pas loin pour un grand nombre de joueurs. A l’époque, les jeux de cartes évolutifs n’avaient pas encore vraiment fait leur apparition ou commencer tout juste à poindre le bout de leur nez.

En cours de discussion sur ce sujet, j’ai initié le 21 mai un sujet sur l’avenir d’un JCC pas à collectionner.

Je vous passe les posts de chacun mais un certain nombre d’intervenants ont clairement exprimé qu’ils pensaient viables un jeu de cartes pas à collectionner complexe à partir du moment où ce dernier permettait de retrouver les sensations d’un jeu de cartes à collectionner classique.

J’exposais alors mon idée de partir sur un set de base d’une centaine de cartes et de renouveler le jeu par extension.

Je me suis rendu compte avec plaisir que le manque que je ressentais de pouvoir jouer à un jeu de ce type était partagé par d’autres joueurs. J’étais donc sur la bonne voie et il y avait un réel public cible.

Les derniers instants de Mekamorph

Mekamorph s’est encore développé sur plusieurs mois de juin 2008 à janvier 2009.

Voici rapidement les caractéristiques du jeu, arrêtées en janvier 2009.

  • Paquet de départ de 50 cartes exactement pour chaque joueur constituant son QG (QG préconstruit pour les parties d’initiation)
  • But du jeu : détruire le QG adverse. Un QG est détruit lorsqu’il ne contient plus aucune carte et qu’un joueur doit en piocher ou en défausser une. La manière la plus courante d’endommager un QG consiste à l’attaquer avec des mekamorphs, chaque point de dégâts subi obligeant son joueur à défausser une carte de son QG.
  • Trois types de cartes : opération, projet et meka
  • Paiement du coût de jeu des opérations et des meka par des crédits
  • Projets posés en jeu face cachée et développés petit à petit

Le tour d’un joueur se composait de deux phases.

  • Phase d’expansion :
  • Étape de pioche et gain de ressource : le joueur réalise cinq fois l’action suivante : soit piocher une carte, soit gagner une ressource.
  • Étape de développement d’un projet (optionnel) : le joueur peut développer l’un de ses projets en posant dessus un jeton ressource de sa réserve.
  • Étape d’affaiblissement des projets actifs (obligatoire) : le joueur doit retirer un jeton ressource sur chacun de ses projets actifs.
  • Phase principale : durant cette phase, le joueur peut réaliser une ou plusieurs fois les actions suivantes :
  • Jouer une opération
  • Activer un méka, c’est à dire poser un meka soit seul, soit sur un empilement de meka
  • Activer un projet, c’est à dire poser un projet face caché dans sa zone de développement
  • Déclencher un projet à effet volontaire
  • Attaquer un territoire : c’est à dire attaquer un projet adverse ou le QG adverse avec un mekamorph

Les différents effets pouvaient se déclencher de plusieurs façons différentes :

  • Par l’activation d’un meka
  • Par la défausse d’un meka
  • Par le retrait d’un jeton ressources d’un projet à effet volontaire
  • Par l’accession à un projet piège

En l’état, le jeu se rapprochait beaucoup trop de ce qui se faisait à l’époque dans les jeux de cartes à collectionner en terme de mécanismes.

De plus, sans m’en rendre vraiment compte, j’en oubliais d’exploiter les possibilités de gameplay que m’offrait l’idée de poser un meka sur la partie supérieure du meka qui le précédait.

Enfin, la condition de victoire imposait que chaque joueur pioche dans son propre paquet, d’où la nécessité de paquet préconstruit pour les parties d’initiation.

Totalement à côté de la plaque, j’avais dans l’idée de le présenter en février 2009 au Concours international de création de jeux de société organisé par la Ludothèque de Boulogne-Billancourt. Il me fallait réaliser un prototype jouable. J’ai donc fait appel à un ami illustrateur, Benjamin.

Après avoir fait une partie de démonstration avec lui, il a immédiatement attiré mon attention sur le fait qu’en restant sur une thématique d’affrontement de robots, il allait nous être difficile de coller visuellement aux mécanismes du jeu.

J’étais déçu ! Je tenais beaucoup à ma thématique que je trouvais originale mais après y avoir réfléchi un peu, il était évident que pour que le jeu évolue, je devais définitivement tirer un trait sur Mekamorph.

Premier reboot en vue.

La suite … lundi 9 mars

7 « J'aime »

Starfighter testé à Cannes. Très bon ressenti avec la version de base, sans les petits pouvoirs qui ont l'air bien tordus.

Seul regret : les graphismes. Ils n'ont pas la place de s'exprimer mais il semble difficile de marier lisibilité et délire graphique à priori. La faute au système (très malin) du recto-verso et de l'iconographe ainsi que des chasseurs.

Pour le reste, excellent ressenti. Beaucoup de combos et de stratégie.

Bonjour,

Merci pour ce retour qui fait bien plaisir. Il ne faut pas hésiter à aller le poster dans le sujet consacré sur les retours de Cannes dans le forum.

Pour les graphismes, difficile de laisser totalement libre court à l'illustrateur comme dans d'autres jeux. Dans Starfighter, chaque élément graphique présent sur une carte a un intérêt dans le jeu (sauf les planètes en background). Pour rester lisible, il était donc impératif de rester assez sobre de ce côté.

Il ne fallait pas hésiter pour les joueurs que j'ai pu rencontrer sur le salon à me donner leur pseudo Tric-Trac.

Merci de partager le processus de création de votre jeu. Et d'assumer comme cela vos références et les difficultés rencontrées. Vivement la suite de l'aventure!

Très intéressant, dommage que je n'aie pas eu le temps de l'essayer...

Je l'ai testé à Cannes. Il m'a laissé un très bon goût de reviens y. Des règles assez simples, mais il faudra plusieurs parties pour maîtriser l'ensemble. Je le surveille de très près.