Asmodee Digital : sous le grattage, les diamants !

[Black Fleet][Splendor]

C’est en octobre 2015 que, sur Tric Trac, nous apprenions qu’AsmOdee et la Française des Jeux établissaient un partenariat, et c’est Monsieur Phal qui nous en parlait ici. L’objectif, pour l’entreprise où l’état français est majoritaire, est de reconquérir son public en réussissant la mutation de la loterie, des jeux de paris et de grattages vers le numérique. Pourtant, depuis 2008, les ventes de la FdJ n’ont fait qu’augmenter. Certes, les chiffres de tirages traditionnels baissent d’un peu moins de 3% mais le loto reste stable, et surtout les jeux à gratter continuent d’augmenter. Certains de ces jeux à gratter ont presque atteint la hausse à deux chiffres (9,6% de hausse). Ce qui amène un chiffre d’affaire semblant assez colossal pour l’année 2015 : plus de 13,7 milliards d’euros.

Sous la plage, le pavé !

La présentation, il y a quelques temps déjà de "L'or des caraïbes" qui reprend les illustrations de Blackfleet et dernièrement, par le Docteur Mops (cliquer ici), Splendor, dans les jeux à gratter numériquement, provoque quelques remous : "Comment ? une entreprise dont le but est de gagner de l'argent pervertiraient notre noble passion ludique en dévoyant nos si chères boites pour continuer d'en gagner ?... de l'argent, hein, pas des boites..."

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Entrons un peu dans quelques détails. Si presque 14 milliards d'euros reste un chiffre astronomique, quelques éléments entachent ce "rêve d'être riche sans rien faire" vendue à plusieurs millions de joueurs, plus ou moins régulier, virant ainsi pour certains au désagréable : Premier constat, la diminution constante depuis 1999 du nombre de joueurs, passant de 32,9 millions en 1999 à 26,3 millions en 2015, sans compter le vieillissement de cette population (45 ans actuellement).

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Pour l'instant, le contre poids se fait sur le montant de la mise qui ne cesse d'augmenter, atteignant les 10 € par joueur et par semaine en moyenne. Cependant, n'oublions pas que 66 % de ces mises sont reversées aux gagnants, ce qui représente environ 9 milliards d’euros pour l’année 2015.

Un autre point qui inquiète la FdJ est la diminution du nombre de points de vente. Là encore, depuis 1999, ces points de ventes ne font que chuter... inexorablement... passant de 42 950 points de vente à l'aube du 21ème siècle à 32 700 en 2015 et la courbe ne s'infléchit pas avec 800 points de vente en moins dans l'année 2015. Bien sûr, les déboires de la presse papier et des tabacs-presse n'y sont certainement pas pour rien. Plus que tout, le monde change et les gens avec. Comment continuer cet "impôt plus ou moins conscient" ? Comment intéresser les jeunes joueurs gavés d'images illusoires de réussites éclairs (youtubeurs, émissions "Ecole des fans pour adultes qui s'y croient", sportifs) ? Bon sang, mais c'est bien sûr... Sur internet ! Sur nos tablettes et smartphones, évidement ! Allons voir donc du côté du numériques !

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Asmodee Digital, le pavé... numérique !

Lorsque le partenariat est signé entre FdJ et Asmodee, qui avait racheté Days of Wonder peu avant avec leur expertise numérique (août 2014), c'est surtout pour Asmodee Digital que le travail commence. Asmodee Digital est constitué depuis un an et nous y retrouvons aussi une bonne partie de l'équipe de Days of Wonder. Comme l'entité-mère, Asmodee Digital a pour but de proposer des services éditoriaux, numérique bien sûr, mais également de distribution... numérique toujours, avec toutes les contraintes spécifiques que cela impose.

9b45447feb385cd7db16b0587961b662c589.jpeL'équipe de Pierre Ortolan, avec Ticket To Ride, Smallworld et Splendor digitals dans l'escarcelle, s'occupe ainsi du développement complet d'un jeu, mais aussi éventuellement du développement "marketing, communication et qualité" en tant que distributeur, en tant qu'interface, avec les grands du secteur (Apple, Google, Amazon & co) pour des jeux développés par d'autres éditeurs.

Philippe Dao, CMO, nous expliquait que dans le cadre du partenariat avec la Française des Jeux, les choses sont un peu différente : Avec un cahier des charges épais comme 42 fois l'intégrale d' "A la Recherche du temps perdu" et la contrainte de garder le hasard comme seul élément décisif du gain (il ne faut pas que ces jeux soient basés sur une compétence discriminatoire... reste donc l'aléatoire), la recherche se fait malgré tout afin de donner une impression de plus grande profondeur au "vieillissant ticket à gratter avec sa pièce sur le bord du comptoir du café du commerce"... Et pour ça, l'expérience dans le domaine des mécanismes ludiques de nos chers jeux de sociétés est une valeur réelle.

Viendront aussi des jeux co-créés avec des auteurs réputés de notre secteur, agrémentés des composantes sociales qui font les choux-gras de jeux que tous ici connaissent ou presque : "achievements", "collect'em all"...

Asmodee Digital continuera aussi de s'occuper des portages des jeux de sociétés... nous devrions d'ailleurs avoir une surprise tout bientôt.

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Alors, j'vais gratter numériquement un Carcassonne, 3 infections à Pandémie et... un tirage de Shakespeare... Merci !

Mais ?... Mais ?... le monde change ?

Bien sûr, toute évolution, tout changement interroge : Nous savons ce que nous laissons derrière nous sans être tout-à-fait sûr de ce vers quoi nous allons. Si les grattages de tickets numériques de L'or des Caraïbes ou de Splendor n'ont que peu de chances de faire découvrir, pratiquer et acheter les boites des jeux dont ils sont issus, qu'une entreprise qui pèse près de 14 milliards se penche sur le secteur des jeux de sociétés parce que ça bouge, parce que c'est un secteur dynamique, c'est un signe certain sur ce dit secteur. Et le travail d'Asmodee Digital en est un autre.

En quoi cela va déposséder quoi que ce soit à qui que ce soit ?... Nous pourrions continuer de jouer, même si la geek attitude devient de plus-en-plus "marchandise" et "marchandable", pour autant qu'une "geek attitude" soit définissable. En même temps, dans une société consumériste à outrance, qu'est-ce qui échappe à cette marchandisation à outrance aux nombreux effets de bord désastreux ? De nombreux jeux ne seraient jamais sortis, le secteur ludique n'aurait pu être ce qu'il est si ce même secteur, dans son dynamisme, la bonne humeur autour d'un jeu, avec le développement de Tric Trac, ne s'était auto-propulsé vers l'avant, développé... avec certes des boites vendues et de l'argent à la clé.

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Symptomatique... étonnant peut-être, mais symptomatique !

Source: Rapport d'activité FDJ

Par ailleurs, pour continuer d'avoir des portages de nos jeux favoris pas toujours rentables puisque nous ne sommes encore qu'une minorité à s'intéresser à tous ces titres, il faut peut-être par ailleurs avoir des activités qui le sont davantage, elles, rentables. Là encore, c'est en partie le travail d'Asmodee Digital qui, quoi qu'il en soit, ne fait rien sans l'accord de l'auteur, illustrateur et éditeur original des jeux concernés. Pour Asmodee Digital, ces ouvertures sont autant de nouveaux canaux, ne concernant pas les mêmes publics. Cela reste donc un potentiel levier, un complément ne pouvant pas être négatif pour ces jeux.

Alors, nous voyons tous midi à notre porte, et certains peuvent regretter l'amateurisme, le bon vieux temps et son "entre soi", parce que maintenant ceux que certains appellent les "marketeux et autres rapaces attirés par l'argent" semblent tourner autour de la proie, avec des teasers, de la publicité, des opérations de séductions, des conditions de ventes spéciales, des campagnes de com'... des tickets à gratter... Pourtant lorsque certains jeux (Time's Up, Dooble, Timeline...) furent distribués dans les menus des restaurants à la gloire de la malbouffe, il n'y eut pas tant de fortes réactions. Le secteur évolue de façon "classique et symptomatique" pour notre société.

Si critiques il y a, elles seront alors sociétales et économiques, au niveau mondial, avec les changements comportementaux qui, logiquement, devraient venir avec (achats raisonnés, c'est cumulable avec passion, ça ?)... même si ces mêmes mécanismes de développement sont dans nos jeux pour nous assurer la victoire par l'écrasement des adversaires... mais là, c'est pour jouer !

Cela reste, quoi qu'il en soit, des éléments constitutifs de l'évolution du secteur. À nous de faire avec... ou sans... suivant nos goûts... ce qui ne les empêchera pas d'être... et nous de jouer !

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Le fait de croquer une part d’un gâteau aussi énorme n’a rien de répréhensible en soit, et c’est une bonne chose de voir le savoir-faire des spécialistes reconnu par des sociétés comme la FdJ.

Ce qui me gêne c’est de voir qu’on redonne de l’élan à une activité douteuse : sans forcément aller jusqu’à l’addiction, la moyenne de 10€/personne/semaine suffit à cerner le problème (surtout qu’on sait pertinemment que ce ne sont pas ceux qui pourraient se le permettre qui jouent…)

Alors certes, ça ne change rien pour nous dans la pratique, mais voir l’image de notre loisir associée aux phrases "Comment continuer cet “impôt plus ou moins conscient” ? Comment intéresser les jeunes joueurs […] ? " n’a rien de rassurant.
L’Etat cherche à empêcher les jeunes de fumer (à raison) avec le paquet neutre, mais d’un autre côté on essaye de les amener aux jeux de hasard, pourtant reconnus comme addictifs : c’est franchement hypocrite !

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Chuuuuut, ça se fait pas de dire du mal du partenaire de l’annonceur principal de Tric trac. Tu va te faire traiter de vieux réac si tu continue !

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Cher Monsieur œil,

Erreur, ce qui est mal venu, ce sont les commentaires dans le genre des vôtres. Celui du monsieur est resté 5h sans intervention de notre part. Le votre moins d’une heure et en pleine nuit. :slight_smile: pourquoi ? Parce que le votre est stupide, provocateur et à côté de la plaque. :slight_smile:

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Une piste à creuser (ou pas) pour Asmodee Digital : avoir le choix entre récupérer un gain à 5 € et avoir un code pour télécharger le jeu (qui coute 7 €). C’est sans doute compliqué à mettre en place mais ca a plus de potentiel pour convertir les “gratteurs” en joueurs de Jds.

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Pourquoi ne pas faire gagner des jeux en boîte ou numériques plutôt ?
Et sinon, la surprise, c’est le fameux Seven wonders…? (désolée, je suis d’humeur taquine aujourd’hui)

Bonjour, après lecture de cet article j’ai un petit soucis … Je n’ai pas compris ce que font au final Asmodee et la FDJ avec ce partenariat . Ils cherchent de nouveaux moyens pour proposer aux “consommateurs” des jeux numériques ? En gros les prochains jeux de la FDJ sera dans un portage d’un jeu de plateau ?? (j’ai pas très bien saisis comme je l’ai dit :smiley: )

Merci d’éclairer ma lanterne :stuck_out_tongue:

Au final Asmodée créé les “jeux à gratter en ligne” pour le compte de la FDJ qui ne doit pas avoir de pôle compétence dans ce secteur. Dans l’exemple ci-dessus ils ont utilisé l’univers graphique d’un jeu plateau, mais a mon sens c’est plutôt anecdotique.
C’est avant tout un pole de compétence technique/artistique pour aider FDJ à passer le virage du numérique/dématérialise.

Ok, merci de tes précisions Zucco !